LETTRE OUVERTE À LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Le refus d'Embaló de fixer la date de l'élection présidentielle conformément aux dispositions de la Constitution fait partie d'un plan de fuite en avant visant à rester au pouvoir et à consolider la dictature en place

Le mandat du président de la République de Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embaló expire le 27 février 2025, conformément à la Constitution de la République en vigueur dans le pays.
Malgré ce fait, et en violation flagrante de la Constitution et des normes internationales, le président Umaro Sissoco Embaló a refusé de créer les conditions nécessaires à la tenue du scrutin présidentiel en vue de l'élection d'un nouveau chef d'État avant la fin de son mandat.
Les plans anticonstitutionnels de Sissoco Embaló pour conserver le pouvoir représentent non seulement un danger pour la Guinée-Bissau, qui est historiquement secouée par une instabilité politique militaire chronique, mais aussi une menace réelle de contagion imprévisible pour toute l'Afrique de l'Ouest.
Le refus d'Embaló de fixer la date de l'élection présidentielle conformément aux dispositions de la Constitution fait partie d'un plan de fuite en avant visant à rester au pouvoir et à consolider la dictature en place dans un pays présentant d'énormes faiblesses et vulnérable au crime organisé.
Il est clair que l'hostilité de Sissoco Embaló aux principes démocratiques et aux préceptes constitutionnels est un moyen d'échapper au contrôle du peuple guinéen, profondément affecté par l'extrême pauvreté résultant des cycles d'instabilité politico-militaire, de blocage institutionnel et de mauvaise gouvernance qui se sont aggravés au cours des cinq dernières années.
En effet, dans sa stratégie de maintien au pouvoir en marge de la loi, Umaro Sissoco Embaló a annoncé à plusieurs reprises que les élections présidentielles se tiendraient en novembre 2025, soit neuf mois après la fin de son mandat.
Depuis son arrivée au pouvoir le 27 février 2020, le président Umaro Sissoco Embaló dirige la Guinée-Bissau d'une main de fer, utilisant les forces de défense et de sécurité pour perpétrer de graves violations des droits de l'homme, notamment des arrestations arbitraires, des enlèvements et des passages à tabac de journalistes, de voix dissidentes, d'activistes civiques et d'opposants politiques.
Pour éclaircir les atrocités commises par le régime dictatorial d'Umaro Sissoco Embaló à l'encontre du peuple Bissau-guinéen, permettez-nous de porter à votre attention les faits suivants :
a) Attaque barbare et destruction de Radio Capital FM le 7 février 2022, avec sept journalistes blessés, perpétrée par des militaires de la garde présidentielle d'Umaro Sissoco Embaló.
b) Création d'une brigade d'enlèvement et de bastonnade, qui fonctionne comme une sorte de milice pour le régime d'Umaro Sissoco Embaló, qui a déjà enlevé et brutalement battu plus de 10 personnes.
c) Le coup d'État constitutionnel a été réalisé par la dissolution inconstitutionnelle du parlement le 4 décembre 2023, quatre mois après l'entrée en fonction des députés. Plus d'un an après la dissolution du parlement, M. Embaló refuse d'organiser des élections législatives.
d) Coup d'État institutionnel consommé avec l'utilisation de milices armées qui ont pris d'assaut les locaux de la Cour suprême de justice le 3 novembre 2023, forçant la démission coercitive du président élu de cette plus haute instance judiciaire. À partir de cette date, Umaro Sissoco Embaló a installé sa marionnette à la tête du système judiciaire Bissau-guinéen avec un programme clair de destruction des principaux partis politiques et de révocation obligatoire des juges qui vont à l'encontre de ses objectifs autocratiques.
e) Le coup d'État institutionnel contre le président élu du Parlement, réalisé le 22 septembre 2024, au moyen d'un assaut armé dans les locaux du Parlement. À partir de cette date, Umaro Sissoco Embaló a illégalement installé le deuxième vice-président du Parlement en tant que nouveau président de cet organe souverain.
f) L'interdiction totale, illégale et inconstitutionnelle de la liberté de manifestation et de réunion en Guinée-Bissau, depuis le 15 janvier 2024, sur ordre d'Umaro Sissoco Embaló.
g) L'arrestation arbitraire de 93 membres du Front populaire le 18 mai 2024, suite à la manifestation pacifique organisée par ce mouvement civique. Tous les détenus ont été soumis à des séances de torture brutale au ministère de l'Intérieur. À ce jour, les auteurs moraux et matériels de ces actes criminels n'ont pas eu à répondre de leurs actes.
h) La transformation de la Guinée-Bissau en une oasis du crime organisé, notamment du trafic de drogue, avec de graves répercussions sur la sous-région.
Malgré ces actes subversifs récurrents, les violations graves de la Constitution bissau-guinéenne, les coups d'État institutionnels qui ont renversé les institutions vitales de la démocratie bissau-guinéenne et les violations systématiques des droits de l'homme, la communauté internationale, en particulier la CEDEAO, n'a jamais pris les mesures adéquates pour contraindre le Président Umaro Sissoco Embaló à remplir ses obligations internationales.
En effet, la 66e session ordinaire de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement, qui s'est réunie à Abuja le 15 décembre 2024, a instruit le président de la Commission d'envoyer une mission de haut niveau en Guinée-Bissau pour soutenir les efforts des acteurs politiques et des parties prenantes en vue de parvenir à un consensus politique sur le calendrier électoral. Malheureusement, à ce jour, la CEDEAO n'a pas été en mesure de mettre en œuvre cette résolution et d'autres en Guinée-Bissau.
En conséquence, le peuple guinéen est pris en otage par un régime violent, dictatorial, imprévisible et potentiellement dangereux pour la stabilité de la sous-région.
Dans ce contexte de destruction de la démocratie et de l'État de droit, il est impératif que la communauté internationale intervienne avec plus de force, sous peine de contribuer indirectement à l'instabilité permanente et à la consolidation conséquente de la dictature d'Umaro Sissoco Embalo, avec des conséquences sous-régionales.
En défense des valeurs axiologiques de la démocratie et de la stabilité sous-régionale, nous, organisations de la société civile des pays de l'Afrique de l'Ouest, profondément préoccupées par l'évolution de la situation politique et des droits de l'homme en Guinée-Bissau, avons décidé de signer cette Lettre Ouverte à la Communauté Internationale, l'exhortant à adopter les mesures urgentes suivantes contre le régime dictatorial d'Umaro Sissoco Embaló :
1. Interroger le président Umaro Sissoco Embaló sur la fin irréversible de son mandat le 27 février 2025, et sur l'abandon immédiat du pouvoir qui en découle au cas où des élections présidentielles ne seraient pas organisées avant cette date.
2. Exiger le rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel en Guinée-Bissau, ce qui implique la tenue d'élections à la Cour suprême de justice, le retour du président élu du Parlement à ses fonctions, l'élection des membres du secrétariat de la Commission électorale nationale et la tenue d'élections législatives et présidentielles inclusives et transparentes.
3. Demander aux autorités nationales de mettre fin immédiatement à la vague d'arrestations arbitraires, d'intimidations et de menaces à l'encontre des citoyens, des journalistes, des opposants politiques et des défenseurs des droits de l'homme.
4. Exiger des autorités Bissau-guinéennes l'ouverture d'enquêtes judiciaires transparentes afin d'identifier et de tenir pour pénalement responsables les auteurs moraux et matériels d'enlèvements, de tortures et de passages à tabac de citoyens.
5. Exiger des autorités Bissau-guinéennes qu'elles respectent scrupuleusement leurs obligations internationales en matière de droits de l'homme, en particulier la liberté de presse, de réunion, de manifestation et d'expression.
6. Envoyer une mission conjointe de facilitation du dialogue, incluant la CEDEAO, l'UA, l'UE, la CPLP et l'ONU, en vue d'établir un calendrier électoral consensuel selon les termes de la Constitution Bissau-guinéenne.
Les organisations signataires :
1. Guiné-Bissau
- Espaço de Concertação das organizações da Sociedade Civil
- Frente Popular
- Liga Guineense dos Direitos Humanos
- Rede Nacional dos Defensores dos Direitos Humanos
- Associação Juvenil para a Proteção dos Direitos Humanos
- Rede das Mulheres Mediadoras
- Conselho das Mulheres
- MIGUILAN
- ALTERNAG
- Rede Paz e Segurança para as Mulheres no Espaço CEDEAO
2. Sénégal
- Africajom Center
- Mouvement Citoyen
- Syndicat des professionnels de l'information et de la Communication du Sénégal
3. Gambie
- The Gambia Centre for Rights and Justice
- The Gambia Public-Private Integrity
- The Association of NGOs in the Gambia
- Gambia Participates
- Beakanyang (Equality for All)
- Accountability Project Gambia
- Solo Sandeng Foundation
- Gambia Foods and Nutrition Association, GAFNA
- African Network against Extrajudicial Killings and Enforced Disappearances (ANEKED)
4. Ghana
- West Africa Civil Society Institute (WACSI)
5. Cap-Vert
- Plataforma das ONG de Cabo Verde
- Donu Nha Distinu
- Associação Chã de Matias
- Associação Caboverdiana de luta contra a Violência Baseada no Género
- City Habitat
6. Togo
- Front Citoyen Togo Debout
- Tournons La Page Togo
7. Guinée-Conakry
- Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC)
- Forum des forces sociales de Guinée (FFSG)
- Plateforme des Citoyens Unis pour le Développement (PCUD)
8. Côte d'Ivoire
- Repenser la sécurité en Afrique
- Ong Vulnerable People EMPOWERMENT