L’OR FANTASME D’UN « FAR EAST » SI PROCHE
Au bout d’une longue randonnée à travers la forêt, Mako surgit comme pour annoncer le bout d’un monde et le début d’un autre. Premier établissement humain à la sortie du Parc national de Niokolo Koba sur l’axe Dialacoto-Kédougou
Au bout d’une longue randonnée à travers la forêt, Mako surgit comme pour annoncer le bout d’un monde et le début d’un autre. Premier établissement humain à la sortie du Parc national de Niokolo Koba sur l’axe Dialacoto-Kédougou, Mako c’est d’abord la promesse incertaine de ce « Far-East », (l’Orient lointain) du pays rêvé de l’or.
La ronde sempiternelle des « jakarta », ces engins motorisés à deux roues flambant neufs que chevauchent, souvent à deux ou à trois, des hommes et femmes pratiquement en guenilles et aux visages enduits de boue. C’est un signe que l’observateur averti sait décrypter. Le signe de la proximité des premiers signes d’orpaillage traditionnels. C’est-à-dire de l’exploitation artisanale de l’or avec les techniques de l’époque de l’Empereur Kankang Muusa qui est pratiquée depuis la nuit des temps. Mais qui, depuis quelques années, a connu une inédite ampleur à la faveur de l’effervescence née de la clameur entretenue sur les découvertes par les grandes compagnies mondiales venues prospecter sur le site.
Lequel abriterait des gisements importants d’or en dormance dans les falaises et les entrailles des collines qui ramifient les contreforts du Fouta Djallon. Avant Mako, plusieurs centaines de kilomètres avaient été auparavant avalés dans l’absolu silence et la luxuriance des bosquets et forêts de la réserve de faune et de flore classée patrimoine mondial de l’Unesco : « Le PNNK en tant qu’aménagement renfermerait 80% des galeries forestières du pays, au moins 1500 espèces de plantes à fleurs, soit plus de 62% des espèces de plantes à fleurs du Sénégal, et plus de 120 familles ; la richesse de la zone repose également sur la faune, une importante faune soudanienne avec différentes espèces emblématiques (lion, élan de derby, koba…) essentiellement concentrées dans la Zone d’intérêt cynégétique de la Falémé et le Parc national du Niokolo Koba (813.000ha) », selon des sources officielles exploitées par les chercheurs du Laboratoire d’analyse des transformations économiques et sociales-Lartes de l’Ifan).
La question de la gouvernance minière dans cette partie du pays devra nécessairement tenir compte de cette dimension, mais aussi des potentialités biologiques qui, selon la recherche conduite par Lartes, « sont cependant fragilisées par plusieurs facteurs : dégradation des terres, feux de brousse, braconnage, défrichement excessif, faiblesse du dispositif de surveillance de ressources forestières, faiblesse de la capacité des collectivités locales et les opérations minières ». L’or qui attire sur la terre de leurs ancêtres est source d’inquiétude pour beaucoup de ces habitants des villages de ce terroir aux noms si chargés de leur symbolisme d’abondance et de quiétude que polarise Kédougou et dont principalement Sobadala dans la Commune rurale de Khossanto. Cette région qui couvre une superficie de 16.800 Km² a vu sa population évoluer, entre 1988 et 2000 de 5711 à 7821 habitants avant de quadrupler quasiment (245.288 habitants selon le dernier recensement Ansd/Rgp H5-2023).
Leur problème vient de l’implantation dans ces zones de ces nombreuses compagnies qui prospectent ou qui exploitent l’or. Mais aussi et principalement de l’insécurité née de la ruée vers ces sites d’orpailleurs traditionnels allochtones et d’autres individus, pas toujours très délicats, attirés là par l’appât du gain facile. Aux impacts négatifs visibles et vécus dans leur chair par les populations locales, occasionnés par les pollutions et nuisances de toutes sortes, il faut ajouter d’autres. Moins tangibles et plus pernicieux ceux-là. Car s’agissant de dommages insidieux qui sapent les valeurs socles des cultures du terroir. Et entament dangereusement le tissu social qui doit désormais compter avec tous les travers, qu’au plan des mœurs, induisent, de façon brutale, les bouleversements démographiques et culturels consécutifs aux implantations industrielles et minières auxquels il faut ajouter la question cruciale de la perte du patrimoine foncier et des conséquences écologiques multiples qu’entraînent les exploitations et prospections minières.