MACKY SALL, CHRONIQUE D'UNE MORT REPORTÉE
À partir du 2 Avril (date de la fin officielle de son mandat), il risque de se rendre compte qu'il fallait mieux partir un peu plus tôt
Alors que l'élection présidentielle devait se tenir le 25 février 2024, le président Macky Sall, a décidé de reporter la date du scrutin. Surpris, beaucoup l'ont été, quoique, avec Macky Sall, en 12 ans de règne, rien n'est de trop, que, pour chaque acte qu'il pose, il envisage cette réponse-ci : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ? Si la réponse est oui, il fonce ; qu'importe s'il laisse des vies humaines sur le bitume, qu'importe s'il ravale la soupe qu'il a vomie la veille, qu'importe s'il faille pactiser avec l'ennemi, qu'importe, qu'importe...
Si la réponse est non, alors faudra travestir l'impossible, tordre le destin, revenir sur le temps, forcer, forcer et forcer pour encore se demander : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ?
Imaginer Macky Sall président quoiqu'il puisse arriver, c'est l'imaginer dans une dictature écrite avec les arguments de la démocratie, c'est l'imaginer dans la peau d'un démocrate qui a le fantasme d'un tyran, c'est l'imaginer en pèlerin, avec une carotte et un bâton, qui cherche pénitence dans la violence et la colère; c'est en langage plus simple comprendre un système qui s'accroche à "ce quelque chose" qu'il essaie de contrôler depuis des années : le temps, du temps pour mieux s'armer, du temps pour donner l'impression de partir, un pas vers la porte, un autre pour revenir, revenir pour mieux cogner, cogner et se vautrer plus confortablement dans son fauteuil.
Á chaque sortie, il révèle encore plus un des traits d'une personnalité complexe : qu'attendre de celui qui a forcé le bureau et voté sans présenter une pièce d'identité, de celui qui a promis de faire un premier mandat de cinq ans (pour finalement en faire 7), de celui qui s'est toujours arrangé pour se présenter aux élections face à plus faible, de celui qui a fait du pouvoir de nomination une arme redoutable pour toujours châtier l'impertinent qui oserait défier la machine, de celui qui a réussi à scinder la nation en deux : bénis ceux qui savent flatter l'égo du chef, gare à ceux qui oseraient dire au chef que son nez est un peu trop gauche, zut !...
Soit, ce report, comme certains veulent nous faire croire, n'est pas un coup sorti ex-nihilo de la besace du chef. Tout était prévu, et encore une fois, excusez si je me répète, il a posé sur la table, la seule question qui prévaut ses actes : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ?
Et cette fois-ci, comme n'étant pas sûr d'avoir un argument infaillible à faire avancer, alors, il pose le joker : reset, le jeu reprend à zéro ! Macky fait du Macky en se disant, j'en ai fait, fait et refait, je suis toujours président, je reste encore un peu, du temps, j'en ai, j'en aurais probablement, je retourne le jeu, échec et mat ! Mais il est difficile de l'imaginer encore revenir dans le jeu. Une barrière l'empêche d'avancer : ni lui-même, ni la communauté internationale, ni le peuple. Il attend le salut d'un homme, un homme qu'il "accuse" d'avoir sabordé son projet de 3e mandat, de l'avoir mis en mal avec le monde, d'avoir (probablement) anéanti ses chances pour un poste à l'international après le pouvoir : Ousmane Sonko. De lui, il en espère désormais une petite main tendue, un clin d'œil, une causerie... advienne que pourra même s'il lui faudra jouer sa survie à la roulette russe-que ça passe ou ça fracasse—, même si le susnommé est en prison, que de lourds chefs d'accusation pèsent ses épaules, l'essentiel est ailleurs pour le Macky : « viens, on oublie tout. », parce qu'il n'a pas vu venir Diomaye émerger de l'ombre, grandir, grandir si vite qu'on aurait pensé qu'il est Sonko lui-même.
« Diomaye Mooy Sonko » (littéralement : Diomaye c'est Sonko) pour un politique comme Macky qui n'a foi qu'aux sondages, est un horizon à ne pas ne jamais voir naître, une perspective à ne jamais entrevoir ; le scenario aurait été terrible pour lui : Diomaye en prison, son leader emprisonné, le parti qui le porte dissout, une bonne partie du directoire et des militants de 1ère heure en prison, voir ce même Diomaye, échappé du filtre du conseil constitutionnel avec une côte de popularité qui monte de jour en jour nonobstant les arguties tirées par les cheveux des sbires du régimes, journalistes pouilleux et éditorialistes en quête lambris au nom de la « mansuétude légendaire et de la magnitude » du chef et qui, sans nous voiler la face, probablement allait sortir au 1er tour, cette carte-là sur la table, pour le régime, elle était à déchirer ! Et tout le reste n'aura été que poudre de perlimpinpin : « des Yérimiades » pour soutenir l'insoutenable, la vieille rengaine absurde de « la raison d'Etat », une pseudo crise des institutions, une soudaine compassion pour un "petit vieux" exilé au Qatar, une commission d'enquête d'on ne sait quel motif (report, ou corruption de magistrat) jusqu'au jour où lors d'une récente interview, Macky parachève l'œuvre : c'est soit moi, soit l'armée, moi je suis une moindre, venez donc on dialogue.
Mais il oublie Macky que ce dialogue, c'est avec le peuple, un peuple qu'il a méprisé, un peuple auquel son régime a fait tant mal : une centaine de personnes tuées, des milliers de détenus politiques, des familles disloquées, des exilées...
Et comment pourra-t-il convaincre ce peuple, que l'ultime poignard (la confiscation de leur droit de vote), c'était pour son bien ?!
Car à vouloir toujours gagner un jour de plus pour organiser sa mort, on finit par se faire surprendre par la mort : tout ceci donne l'impression que ce report, dans l'imaginaire collectif, sonne comme une mort inéluctable, qu'il essaie de contrôler tant bien que mal. Et à partir du 2 Avril (date de la fin officielle de son mandat), il risque de se rendre compte qu'il fallait mieux partir un peu plus tôt, hélas un peu tard pour s'acheter un linceul et un cercueil...