MAGADASCAR ET LA TISANE ANTI-COVID, L’ESPOIR BRISÉ
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - Le Covid Organics était devenu beaucoup moins une affaire de médecins-spécialistes que de politiciens. L’euphorie a été éphémère. Les autres peuples du monde peuvent-ils prendre les Africains au sérieux ?
#SilenceDuTemps - Lorsqu’en 2020, la planète tout entière était dans la tourmente, éprouvée par la Covid-19, frappée de plein fouet par cette pandémie inédite, Madagascar nous avait donné à espérer. La Grande Île a bluffé un tant soit peu le monde avant que l’affaire ne se révèle être un fiasco. La plante médicinale, artemisia annua, connu pour ses vertus thérapeutiques, notamment dans le traitement du paludisme, était la plante star à Madagascar. Elle aurait dû faire entrer cet État est-africain dans l’histoire, du point de vue sanitaire. Andry Rajolina, le président malgache, à grand renfort médiatique, nous a vendu le « Covid Oragnics » comme remède contre le Coronavirus. Il en a fait la démonstration devant les caméras du monde entier et reçu des honneurs de ses homologies du continent. Beaucoup d’Africains, le panafricanisme en bandoulière, espéraient vivement que la réponse à la pandémie vînt de la terre mère, l’Afrique. Mais l’euphorie a été éphémère et plus personne n’en parle. L’espoir a été brisé.
Les autres peuples du monde peuvent-ils prendre les Africains au sérieux ? En avril 2020, tambour battant, le président malgache Andry Rajoelina alias TGV a fait dans la précipitation en communiquant autour d’un produit dont l’efficacité n’est pas prouvée. Il espérait peut-être en récolter quelques bénéfices politiques.
La richesse de l’Afrique en matière de plantes médicinales est une évidence. Tant le potentiel est énorme. Madagascar a voulu valoriser ce patrimoine naturel alors que le monde s’agitait dans tous les sens pour trouver un remède contre le Coronavirus. C’est alors que le président nous a sorti pompeusement une tisane qui a fait la Une des journaux et qui est censée guérir le mal. Pour une maladie nouvelle, c’était trop tôt, mais les autorités d’Antananarivo semblaient un peu trop pressées d’annoncer « leur bonne nouvelle ».
Enthousiastes, des Africains n’ont pas hésité à défendre avec hargne et vigueur le Covid Organics à telle enseigne que quand des réserves étaient émises sur la recette, les pro-Covid-Organics y voyaient soit de la méchanceté, soit de la jalousie. Lorsque les critiques émanent des Africains, ce sont des ennemis du continent. Quand elles proviennent des Occidentaux, les pro-Covid Organics y voyaient de vilains impérialistes mus par leur complexe supériorité, voire par leur mégalomanie. Pourtant, la mise au point du Covid Organics n’aurait pas respecté les différentes étapes requises sur le plan scientifique.
À Madagascar, dès avril 2020, le produit avait été distribué sur l’ensemble du terroir national, et ce, contre l’avis de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de certains médecins. En vérité, les réticences de l’OMS sont motivées par l'absence d'un essai clinique certifiant l'efficacité de l’artemisia annua (l’armoise annuelle) contre le Covid-19, aussi bien à titre préventif que curatif. Toutefois, pour ce qui est du traitement du paludisme, l’artémisia a déjà fait ses preuves.
- Jérôme Munyangui revendique la paternité de la tisane -
Dans la foulée, la paternité du Covid Organics en question fait débat et crée une polémique. En effet, le jeune chercheur congolais Jérôme Munyangui, « un insoumis de la recherche » révèle être celui qui a trouvé le protocole de traitement de la Covid-19 à base d’artemisia que vante Andry Roajolina. « Je suis à la base de la rédaction du protocole Covid-artémisia à Madagascar et partout sur le continent africain. C'est mon projet », explique-t-il dans un entretien.
Le Dr Munyangui explique qu’après avoir écrit le protocole, il l’a soumis à quelques pays africains, seul le malgache a été réactif. « Lorsque nous avions fini d’écrire les protocoles, nous sollicitions 4 millions d'euros en France. Après, nous nous sommes dit il faut qu'on le propose aux ministres de la Santé. Le premier qui a été contacté, c'est celui du Congo que je connais bien. Mais aucune réponse. Nous n’avions envoyé au Conseil scientifique, là, non plus, aucune réponse. Nous avons écrit au prix Nobel de la paix, Dr Mukwege. Il coordonne la riposte au sud Kivu. Il a approuvé le protocole, mais nous a demandé de nous rapprocher de la commission scientifique, sans résultat », a expliqué le Congolais.
De son côté, le président malgache soutient mordicus que la recette est tout droit sortie des laboratoires malgaches. Par conséquent, c’est une recette exclusivement malgache. Les médecins de la Grande Île se positionnent aussi sur le même registre que leur président. Mais dans le tiraillement entre Munyangui et les autorités d’Antananarivo, le jeune médecin a manifestement décidé de ne pas aller trop loin.
- Munyangui rentre au pays en héros -
Toujours est-il que Munyangui exilé en France depuis des années, est un spécialiste connu du traitement de paludisme sur le plan international. C’est au plus fort de cette polémique que Munynagui est rappelé en République Démocratique du Congo, son pays, par le nouveau président Étienne Tshisékédi, afin qu’il aide ses compatriotes dans la lutte contre la Covid-19.
Jérôme Munyangui a découvert le traitement du paludisme grâce à l’artemisia annua, cette plante originaire de Chine, mais de plus en plus répandue en Afrique. C’est l’efficacité de ce traitement du paludisme avec la tisane à base d’armoise annuelle qui lui a valu sa célébrité, mais surtout ses ennuis avec les autorités kinoises d’alors jusqu’à son exil en France. Manifestement, Big Pharmacie associé et l’OMS n’auraient pas apprécié la découverte de cette tisane qui porte un coup à l’industrie pharmaceutique si l’on se fie à une enquête de France 24 diffusée le 11 janvier 2019 intitulée « Malaria business : les laboratoires contre la médecine naturelle ?». Malgré les revendications de Munyangui, le TGV fonce.
- Un grand coup de comme pour rien –
Le Covid Organics était devenu beaucoup moins une affaire de médecins-spécialistes que de politiciens. Le TGV a clairement voulu soigner son image avec la tisane. De ce fait, Rajolina « imposa » un traitement inefficace à son peuple.
Tout compte fait, le temps passant, l’on s’est rendu compte que le Covid-Oragnics était un nuage de fumée parce qu’il ne guérissait pas vraiment la Covid-19. Des Malgaches succombant au Covid comme des mouches n’en pouvaient plus de cette tisane qui provoquait chez eux d’autres problèmes de santé. Alors même que Andry Rajoelina s’était déjà empressé de distribuer son produit dans certains pays africains. Il a été honoré par ses pairs avec qui il a eu des échanges sur une possible exportation du Covid Oragnics. Face à cet échec dont les Africains ne devraient pas se réjouir outre mesure, Andry Rajolina n’a pas voulu jouer franc jeu. Le gouvernement malgache a continué à cacher la vérité et à faire croire que sa recette guérissait, mais hélas !
Au vu de l’hécatombe engendrée par la pandémie, un ministre a dû alerter en catimini la communauté internationale sur le sort de Madagascar. Ce qui n’a pas plus à Andry Rajoelina, le président malgache.
Cette précipitation à rendre public un remède, qui s’est révélé être inefficace, n’est pas de nature à conférer une certaine respectabilité à la recherche en Afrique. La Grande île et son président auraient dû attendre de s’entourer de toutes les garanties avant de l’annoncer à la ville et au monde. Pour autant, les Africains ne doivent pas renoncer à la recherche sur la Covid-19. Le potentiel en termes de plantes médicinales est immense. Il revient donc à nos chercheurs de rattraper ce rendez-vous manqué de la Grande Île qui a brisé l’espoir placé en elle par les Africains, alors que les Occidentaux s’en moquaient quasiment. Quant à savoir si le Covid Organics est de Jérôme Munyangui ou des labos malgache, la question reste sans réponse. C’est parole contre parole.
Frédéric Atayodi est un journaliste diplômé du CESTI. Il a travaillé au cours des dix dernières années pour nombre d'organes de presse dont SenePlus dont il a été le rédacteur en chef pendant plusieurs années. Il a été également chargé de projet au cabinet de communication Nexus Groupe.