PASTEF RENIE SON ENGAGEMENT AVEC LES ASSISES NATIONALES ET LE SURSAUT CITOYEN
Le vote actant la dissolution du CESE et du HCCT révèle une contradiction manifeste avec les engagements antérieurs du parti. Cette décision, en rupture avec les conclusions des Assises, interroge sur la vision démocratique du nouveau pouvoir
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Dans un papier du 5 novembre 2024, je posais la question de savoir quel serait le prochain reniement du parti Pastef quand il aurait la majorité au Parlement, du fait de son double engagement sur la question des institutions consultatives que sont le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et le Haut-conseil des collectivités territoriales (Hcct).
Je disais alors « la question se pose de savoir si le parti Pastef va aller dans le sens de respecter son engagement populiste et satisfaire ses électeurs en dissolvant le Cese et le Hcct, comme il l’a tenté en août 2024, faisant ainsi honte au peuple des Assises et à ses amis du « Sursaut citoyen », Ndoye et Loum ?
Ou alors va-t-il renier son engagement premier pris devant ses électeurs et respecter sa signature apposée sur la Charte des Assises et le Pacte du « Sursaut citoyen » ? Voilà le dilemme auquel est désormais confronté le parti Pastef ? Dans quel sens va-t-il trancher quand il aura la majorité au parlement ?» C’est désormais chose faite, depuis le 14 décembre 2024. Le projet de loi portant dissolution de ces institutions et réforme de la Constitution est passé comme lettre à la poste avec la nouvelle Assemblée nationale où le parti Pastef règne en maître avec 130 députés sur 165.
Ainsi, le parti Pastef a choisi de renier son engagement pris avec les Assises nationales dont les conclusions portaient bien la recommandation d’instituer le Hcct, parallèlement au Cese et au Cnse (Conseil national des Sénégalais de l’extérieur), et la signature de son candidat à la présidentielle de mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, du Pacte national de bonne gouvernance démocratique élaboré par le «Sursaut citoyen». Ce pacte s’inspire des conclusions des Assises nationales et de la Cnri (Commission nationale de réforme des institutions) dont le projet de Constitution est clair quant à la nécessité d’insérer ces institutions consultatives dans l’architecture institutionnelle de notre pays. Diomaye et Sonko ont donc choisi de faire honte au peuple des Assises et à leurs amis du « Sursaut citoyen », Mamadou L. Loum, Mamadou Ndoye, etc. Grand bien leur fasse !
Ce choix, outre le fait qu’il traduit un énième reniement de Pastef face à ses engagements, exprime de manière plus explicite l’option de recul démocratique de ce parti par rapport à la démocratie participative à laquelle ses leaders font référence dans leur document appelé « Sénégal 2050 » comme dans la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre, Ousmane Sonko.
En effet, dans ce dernier document, le Premier ministre proclame que «la participation accrue des citoyens dans la gestion publique, par la matérialisation d’une véritable démocratie participative, au niveau central comme au niveau local, renforcera également l’adhésion des citoyens aux institutions de la République » (Dpg, P.96), après avoir annoncé : «… Nous mettrons en place une Haute autorité de la diaspora, un organe consultatif rattaché à la Primature, pour conseiller le gouvernement sur les questions touchant les Sénégalais de l’étranger. Les associations de la diaspora les plus représentatives y seront représentées.» (Dpg, p.92).
Deux observations s’imposent à ce propos.
1-La proclamation du PM quant à l’adhésion de son régime à la démocratie participative est en totale contradiction avec la dissolution du Cese et du Hcct ; institutions que la Cnri avait inscrites dans son projet de Constitution aux articles 138 et 139, en cohérence avec l’esprit bien compris de la démocratie participative. Le prétexte d’économie budgétaire avancé pour justifier cette suppression ne tient pas, au regard du maintien des agences et services, et des fonds spéciaux qualifiés de fonds politiques « haram », qu’on avait promis de supprimer, et du recrutement tous azimuts de chargés de mission à la présidence comme à la Primature. Prétexte d’autant plus fallacieux que les budgets de ces institutions sont maintenus à leur niveau antérieur et même augmentés pour l’Assemblée nationale.
2-L’organe consultatif de la diaspora dont le PM annonce la mise en place, est totalement différent de ce que préconise la Cnri à l’article 140 de son projet de Constitution : « Le Conseil consultatif des Sénégalais de l’extérieur est saisi par le gouvernement ou l’Assemblée nationale sur toutes les lois ou dispositions réglementaires touchant la condition de vie des Sénégalais de l’extérieur. Le Conseil consultatif examine périodiquement la condition des Sénégalais de l’extérieur dans les pays où ils résident, ainsi que l’efficacité des services qui leur sont rendus par les représentations nationales à l’extérieur, leur participation au développement national, de même que les conditions de leur réinsertion à leur retour…»
A la place, le PM et son régime veulent un organe sans la dignité d’organe constitutionnel pouvant être saisi par le président de la République, l’Assemblée nationale, en plus du gouvernement. Cela réduit l’envergure de la vocation de l’organe qui reste un organe administratif. Ce qui risque d’en faire un organe captif tout à la dévotion du PM.
Ce faisant, le parti Pastef tourne ainsi le dos à ce qui fait l’essence même de la démocratie participative : la participation et le contrôle des citoyens dans l’élaboration, l’exécution et le contrôle des politiques publiques les concernant.
C’est ce nouveau paradigme que la Cnri, à la suite des Assises nationales, indiquait dans ses recommandations, estimant que pour un véritable approfondissement de la démocratie, « le citoyen ne doit plus être considéré comme un usager passif du service public ou un simple faire-valoir. Il doit disposer du droit d’initiative en matière législative et référendaire, mais aussi du droit d’initier des pétitions ».
C’est à cette vision de la démocratie que le Rta-S et les véritables forces de Gauche, ainsi que le peuple des Assises, adhèrent et restent attachés. C’est la démocratie du « Péncoo », la démocratie participative qui érige «en principe constitutionnel de la concertation avec les secteurs directement concernés de la Nation pour tout projet d’acte juridique ou de décision portant orientation ou réorientation des options fondamentales des politiques publiques». (Conclusions Cnri, P.27).
Le parti Pastef, malgré tous ses bavardages, proclamations et annonces, ignore de tels principes et n’utilise la concertation que de manière opportuniste, quand cela l’arrange ou malgré lui-même, contraint et forcé par la réalité concrète et/ou sous la poussée des forces sociales d’un secteur donné. Sinon, il n’aurait pas supprimé des institutions comme le Cese et le Hcct où siégeaient des représentants des organisations professionnelles (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans, etc.), de syndicats de travailleurs, du patronat, de foyers coutumiers, religieux, maires, présidents, conseillers territoriaux.
Ces actes excluent des représentants légitimes des forces vives de la Nation de la participation effective, à côté d’institutions exclusivement constituées de politiques, à la construction nationale, depuis l’élaboration, la mise en œuvre et le contrôle des politiques publiques les concernant.
Mais c’est bien connu, du reste, le dialogue et la concertation ne font pas partie de son Adn. Durant les dix ans de son existence, le parti Pastef n’a jamais prôné le dialogue, ni participé à un dialogue appelé par le pouvoir en place autour d’une question d’intérêt national majeur (démocratie, pétrole, santé, éducation, etc.).
Cela ne saurait étonner quiconque comprend bien la nature du populisme qui se nourrit de démagogie et de manipulation pour tromper son monde et l’embarquer dans des projets aussi nébuleux qu’aventureux. Et bien entendu, cela va naturellement avec l’autoritarisme, l’exclusion et l’esprit partisan sectariste en totale cohérence avec toute la politique publiquement assumée du parfait remplacement de tous les directeurs des agences et services, voire des personnels opérationnels, par des militants de Pastef.
La dissolution de la «Coalition Diomaye Président» en était déjà une indication. Pratique politique reposant sur une philosophie manichéiste justifiant les pratiques agressives contre leurs anciens amis de «Taxawu Senegaal» et les opposants de tout acabit (politiques, activistes, chroniqueurs, groupes de presse, hommes d’affaires, etc.).
A quels autres reniements nous rendra le nouveau pouvoir de Pastef ?