PAUSE DEMOCRATIQUE MALIENNE
Au Mali, la junte vient de suspendre tout simplement la démocratie résiduelle qui survivait après les putschs du Colonel Assimi Goïta.
Au Mali, la junte vient de suspendre tout simplement la démocratie résiduelle qui survivait après les putschs du Colonel Assimi Goïta. Par un décret du 10 avril 2024, le président de la Transition malienne suspend jusqu’à nouvel ordre les activités des partis politiques et celles à caractère politique des associations du pays. Les autorités maliennes justifient cette mesure inédite par une volonté de «recoudre le tissu social» et de «renforcer la cohésion nationale». Poursuivant dans la même logique, la Haute autorité de la communication du pays a ordonné aux médias de suspendre toute diffusion d’actualités relevant de la politique.
C’est une nouvelle dérive de la junte malienne qui ne cesse de plonger le pays dans l’inacceptable avec des abus quasi quotidiens. Après les putschs, les arrestations arbitraires et les menaces et intimidations désormais récurrentes dans le pays, il s’agit d’un nouveau coup porté à la liberté dans le pays. Le régime de la Transition devait prendre fin le 26 mars dernier après quatre ans de… transition. Mais sans surprise, la junte refuse de rendre le pouvoir aux civils. Le Président et son gouvernement retardent un retour à l’ordre constitutionnel, qui devrait s’effectuer à travers l’organisation d’une élection libre, transparente et démocratique. Au contraire, nous assistons à une volonté de la junte malienne de prolonger son bail, violant ainsi ses engagements précédents et poursuivant la logique de la prise illégitime du pouvoir en 2020 puis en 2021.
Cette attitude est peu surprenante au regard du passif des militaires au pouvoir. Elle rend davantage stupides les communiqués et prises de parole au Mali et dans toute Afrique de l’Ouest saluant la chute du défunt Ibrahim Boubacar Keïta par des moyens antidémocratiques. Le régime militaire n’est jamais une solution car souvent en cours de route les illusions disparaissent et le pouvoir tient grâce à l’intimidation, à la violence et à l’étouffement de toutes les voix discordantes.
Le Colonel Goïta et ses adjoints ont pris le pouvoir dans une période particulière, où le phénomène dit «sentiment anti-français» prenait de l’ampleur poussant les opinions publiques, notamment la jeunesse, à exiger de rompre les ultimes liens avec l’ancienne puissance coloniale sur fond d’accusations parfois fantaisistes et de promesses farfelues. Il y a beaucoup à dire sur les ressorts du dudit «sentiment anti-français» ; entre revendications légitimes, réponses limitées, mensonges distillés grâce notamment aux réseaux sociaux et manipulations de masse sur fond de guerre idéologique et de positionnements géopolitiques entre grandes puissances.
Mais l’un dans l’autre, ce sont les Maliens, les Burkinabè, les Nigériens qui trinquent au motif d’un anti-impérialisme de pacotille et de slogans d’estrade, qui peuvent fouetter l’ego de certains mais ne changent fondamentalement la vie des citoyens.
Les soldats français sont partis. Les «instructeurs» de la nouvelle puissance amie sont présents. La rengaine nationaliste est quotidienne dans les médias publics et sur internet. Mais la réalité concrète est éloquente et visible de tout le monde. Malgré les bravades incessantes, les conditions de vie des Maliens ne se sont pas améliorées, si elles n’ont pas empiré. Leurs libertés sont confisquées par des autorités politiques qui sont aussi des hommes armés régnant par la terreur. L’ennemi du populisme est le réel. C’est dans l’exercice du pouvoir que les galéjades et les promesses intenables sont mis à nu. Les envolées martiales et guerrières contre l’anti-impérialisme ne dureront pas éternellement. Elles masquent un temps l’incurie des régimes populistes et leur incapacité à apporter des solutions aux préoccupations des gens. Mais dans le temps, leur résultat positif est maigre…
Il est heureux de voir les démocrates maliens s’organiser. Ils font preuve d’un courage remarquable et d’une grande maturité politique. Des partis politiques et associations de la Société civile ont signé la Déclaration du 31 mars pour fustiger les atteintes graves aux libertés dans le pays et promettent de faire face. Ils ne peuvent qu’avoir notre soutien, car face à ces décisions scandaleuses, il n’y a pas d’autre issue que la lutte sans relâche. Le Mali peut recouvrer sa place de nation démocratique arrachée de haute lutte, après des décennies d’effort et d’engagement.