POUR UNE DÉMOCRATIE DIRECTE AU SÉNÉGAL
Le meilleur modèle de démocratie ne se situe ni dans le présidentialisme, ni dans le parlementarisme, pour le pays
Le Sénégal est un pays qui représente, depuis longtemps, un phare de la démocratie en Afrique puisque votant dès 1833, Saint-Louis et Gorée pourvoyant leur premier siège de député au Parlement français en 1848. Après une participation continue de ses ressortissants à la politique française, notamment avec l’élection de Blaise Diagne comme premier député noir à l’Assemblée française en 1914, la concurrence de 7 partis entre 1918 et 1945, la loi-cadre Gaston Deferre votée en 1956 par l’Assemblée nationale française acte le processus d’autonomisation des colonies ouest-africaines menant à l’indépendance complète de celles-ci.
Le 20 août 1960, le Sénégal vote son indépendance de la tutelle française, puis élit son premier gouvernement à travers l’UPS issu du Bloc démocratique sénégalais, qui gouverne jusqu’en 1962, date du renversement du président du Conseil, Mamadou Dia, par une motion de censure consécutive à un différend avec le Président Senghor.
D’un régime parlementaire, le pays bascule dans un présidentialisme exacerbé par une limitation des partis politiques en 1978 jusqu’au multipartisme intégral en 1981 sous l’impulsion du Président Diouf.
L’alternance politique acquise en 2000 avec l’élection d’Abdoulaye Wade à la succession de Diouf ne s’obtient qu’au prix de luttes et sacrifices humains très lourds ayant occasionné de nombreuses morts et disparitions d’hommes et femmes politiques ainsi que de purs militants et combattants de la démocratie.
Le président Wade exerce, à son tour, un leadership autoritaire jusqu’en 2012, date où il perd l’élection l’opposant à Macky Sall le 26 février, qui, à son tour, est accusé d’autoritarisme par l’opinion sénégalaise.
En effet, les emprisonnements d’opposants et journalistes de premier plan comme Karim Wade (PDS), Khalifa Sall (PS), Ousmane Sonko (Pastef) et Pape Alé Niang (chroniqueur de la presse) se multiplient durant les deux mandats de ce dernier (2012 – 2019 et 2019 – 2024) alors que plusieurs de ses partisans sont accusés d’actes de détournement, de malversations, fraudes ou encore blanchiment, et qu’un grand nombre de mobilisations citoyennes sont interdites ou réprimées. Cette situation mène à penser que les libertés ont été réduites par les gouvernements successifs de Macky Sall, dont la gouvernance autoritaire est dénoncée par beaucoup d’observateurs de la vie politique sénégalaise, alors qu’il avait été élu sur le thème de la rupture avec un système précédent similaire.
Cette analyse nous fait croire que le meilleur modèle de démocratie ne se situe ni dans le présidentialisme, ni dans le parlementarisme, pour le Sénégal, les deux modèles ayant été expérimentés sans succès réel.
Si nous regardons autour du pays, les mêmes situations d’impasse caractérisent la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, qui ont hérité de systèmes politiques européens après les indépendances.
C’est pourquoi nous pensons que ceux-ci doivent puiser dans le génie civilisationnel qui est le leur, leur ayant permis de vivre ensemble pendant des siècles, avant l’arrivée de colonisateurs arabes et européens.
Pour nous, la bouée de sauvetage de ces pays se trouve dans le retour aux anciens systèmes politiques qui ont prévalu avant les différentes périodes de colonisation : ceux-ci se comportaient démocratiquement, sous l’arbre à palabre, où toutes les décisions importantes étaient prises. Lorsqu’un membre de la société avait dévié de celle-ci, des membres de sa communauté choisis pour leur sagesse et leur bonne moralité se réunissaient pour donner leur avis sur la conduite à tenir le concernant et réussissaient à le redresser. Rien ne doit empêcher que ce même modèle reproduise les avantages qui nous permettaient de vivre ensemble.
Nous prônons, donc, un système de démocratie directe, dans lequel tous les citoyens âgés d’au moins 30 ans révolus et s’acquittant d’un impôt équivalant 1 million CFA seront autorisés à choisir entre plusieurs options dans chaque sujet d’envergure nationale, communale ou territoriale (département ou quartier).
Concrètement, cela signifie que les institutions chargées de représenter le peuple seraient supprimées : gouvernement, parlement, conseils communaux, départementaux, exécutifs territoriaux et nationaux, dont président de la république, qui sera remplacé par un coordonnateur général des affaires de l’Etat, chargé de faire fonctionner les institutions républicaines restantes dont l’administration publique, l’armée, les universités, écoles, hôpitaux, centres de santé, dont les budgets seront débattus, votés dans les assemblées rassemblant les citoyens de chacune de ces instances démocratiques, et contrôlés concomitamment par ceux-ci, semestriellement.
Cette façon de fonctionner aurait l’avantage de remettre chaque citoyen à sa place : celle d’un actionnaire à part entière de son pays, exprimant sa voix dans chaque sujet concernant sa collectivité. L’armée, la justice, la police, l’économie et la santé seront, ainsi, des questions débattues et décidées ensemble, leurs personnels étant choisis parmi une liste de professionnels admis pour leurs qualifications, supervisés – simplement, et non commandés – par un coordonnateur général dont l’action sera contrôlée 2 fois par an, collectivement par l’assemblée des citoyens admis pour leur maturité (30 ans), leur capacité de s’acquitter d’un impôt censitaire d’1 million annuel (au niveau national) et de 100 000 francs 2 fois par an aux autres échelons (département, commune, quartier), où des agents recrutés exclusivement pour exécuter les choix des citoyens composant chaque assemblée pour leurs qualifications rendront compte auxdites assemblées.
Le rôle du coordonnateur général des affaires de l’Etat se limitera à la supervision du travail des agents que la collectivité nationale placera sous sa responsabilité, dans un contrat annuel non renouvelable. Ceci empêchera la course à l’enrichissement à travers la politique d’un personnel ancien, prébendier, avare, qui accapare les ressources du pays depuis l’entrée dans celui-ci de colons arabes, puis européens, sans cesse ; une reproduction discontinue qui a achevé de montrer le caractère professionnel de ce personnel politique.
Ce phénomène prébendier et de professionnalisation de la politique, commun à tous les pays d’Afrique, explique les situations d’impasse dans ces pays, où la compétition pour la gestion de l’Etat justifie tous les comportements déraisonnables : détournements, corruption, assassinats, répression des opposants, restrictions des libertés, censures, mauvaise gouvernance, chômage de masse, présidences interminables.
C’est pourquoi une interdiction de rempiler pour le coordonnateur général des affaires de l’Etat, après une année de gestion pendant laquelle il est contrôlé au milieu et à la fin de sa gestion, permettra de limiter les effets pervers de l’irresponsabilité absolue du président de la république que nos différentes constitutions, copies plates de la Ve République française, ont occasionnés, avec leur lot de divisions profondes dans nos sociétés, d’instabilités politiques, de faillites des institutions et de l’économie nationale, d’injustices...
Nous pensons qu’un système de démocratie directe, dans lequel toutes les questions d’envergure nationale sont débattues et votées par l’ensemble des citoyens ayant 30 ans au moins et acquitté 1 million d’impôt, et celles d’intérêt territorial (commune, département ou quartier) le sont à ces échelons, comme elles le furent avant les différentes colonisations que nous avons subies, est le modèle idéal pour nos sociétés. Si nous arrivons à retourner à celui-ci, nous trouverons suffisamment de temps pour vaquer à des activités lucratives qui, seules, nous garantiront des revenus conséquents pour gagner nos vies, participer, ensemble, à la vie de la nation, nous consacrant majoritairement à la réalisation de projets économiques, évitant la répétition de recettes qui n’ont amené aucune preuve d’efficacité, ni d’efficience, pour nos vies d’homo economicus.
Nous optons pour un système direct parce qu’il sera plus adapté que le système représentatif à notre pays et, plus généralement, aux pays africains, qui n’ont que trop fait l’expérience du système représentatif.