POURQUOI PAS UN MONDIAL 2030 MAROC-SÉNÉGAL ?
Naturellement, le Maroc a plus d’atouts pour diriger l’opération, mais l’apport du Sénégal pourrait être important. Le dossier du Sénégal ne sera point ridicule
Les Lions de l’Atlas se sont qualifiés pour les demi-finales de la Coupe du monde 2022. Cette belle prouesse sportive fait du Maroc le premier pays africain à arriver à ce stade de la compétition. L’Equipe marocaine a jusqu’ici réalisé un parcours sans faute, avec un groupe soudé, solidaire et vaillant, mais surtout avec un jeune coach, Walid Regragui, ancien footballeur, jeune supplétif des coaches Wahid Halilodzic et Hervé Renard, sans grade ni grande expérience hors de son pays, et sur qui on ne misait pas un dirham quand il prenait en charge le groupe, il y a seulement quatre mois pour, dit-il avec malice, «jouer le pompier de service». Ce groupe Maroc est encore capable d’un nouvel exploit contre la France ce mercredi 14 décembre 2022 et pourquoi pas, soulever le trophée mondial au soir du 18 décembre 2022 !
La grosse performance du Maroc permettra indubitablement de rebattre les cartes sur l’échiquier du football. Le Maroc qui a couru, depuis des décennies, après le rêve d’organiser une Coupe du monde de football, vient de remplir un critère sportif, de cocher une cage sans doute pas toujours déterminante. Mais, à la vérité, un pays qui a l’atout de faire désormais partie des quatre meilleures nations de football, devrait avoir son pesant dans les futures décisions de la Fédération internationale de football association (Fifa), notamment dans le choix d’un pays hôte de la plus célèbre des compétitions sportives. De surcroit, le Maroc a éliminé des grandes écuries comme l’Espagne, le Portugal et la Belgique.
Le Maroc a essuyé à cinq reprises un revers. Régulièrement, sa candidature à l’organisation de la Coupe du monde de football a été infructueuse. L’espoir était immense lors du dernier vote pour le choix du pays hôte de la Coupe du monde 2026, mais l’intransigeance de la diplomatie américaine, avec un Président Donald Trump qui menaçait publiquement de couper les aides aux pays qui voteraient contre les Etats-Unis, avait eu raison du dossier du Maroc. Sur 203 votants, le royaume chérifien avait recueilli 65 voix. Après le vote en 2010 de l’attribution de l’organisation du Mondial 2022 au Qatar, en vue d’une plus grande transparence dans les choix, le système de vote à la Fifa avait été changé et la règle «un pays un vote» est désormais plus que jamais de rigueur. Les Usa vont donc, avec le Mexique et le Canada, accueillir la prochaine Coupe du monde de 2026. Le Maroc ne s’est pas découragé pour autant et a annoncé à nouveau une candidature pour l’édition de 2030.
Le Maroc cherche un pays co-organisateur
Le Maroc présente un dossier éloquent pour pouvoir organiser seul la Coupe du monde de football. Seulement, la Fifa semble s’inscrire désormais dans une logique de promouvoir la co-organisation de la Coupe du monde par plusieurs pays, d’autant qu’elle envisage d’élargir le nombre de participants pour faire passer les équipes qualifiées de 32 à 48. L’idée serait sous-tendue par une volonté d’instaurer plus d’équité sportive, mais aussi de rendre la compétition plus inclusive. C’est ainsi que l’Angleterre a annoncé sa candidature avec des pays voisins comme l’Ecosse, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles. Le Portugal et l’Espagne voudraient aussi se mettre ensemble pour demander la co-organisation du Mondial 2030. Gianni Infantino, président de la Fifa, n’a pas voulu être insensible à l’ambition du Maroc d’accueillir la compétition et lors du troisième sommet exécutif du football de la Fifa à Marrakech, du 15 au 17 janvier 2019, il avait laissé entendre qu’il était favorable à une candidature conjointe entre Rabat (Maroc), Madrid (Espagne) et Porto (Portugal), pour organiser la Coupe du monde 2030. La déclaration avait fâché le président de l’Uefa, Aleksander Ceferin, qui ne voudrait pas entendre parler d’une Coupe du monde organisée par des pays de deux continents, c’est-à-dire deux confédérations différentes. Cette position avait d’ailleurs été celle que défendait Infantino, avant de faire un revirement spectaculaire. Pour leur part, les autorités espagnoles avaient voulu saisir la passe pour proposer, par la voix du Premier ministre, Pedro Sanchez, en visite au Maroc, une candidature conjointe Espagne-Maroc-Portugal. L’idée semble ainsi définitivement acquise que la Coupe du monde 2030 sera attribuée sous le format d’une co-organisation, comme cela avait été le cas en 2002 pour le Japon et la Corée et en 2026, pour le trio Usa-Mexique-Canada.
L’Afrique devrait revendiquer le droit d’organiser une nouvelle fois la Coupe du monde sur son sol. C’était en 2010 que la Fifa avait organisé pour la première fois la Coupe du monde de Football sur le continent noir. L’Afrique du Sud dont la candidature avait été portée par la «Mandelamania», avait ravi la vedette au Maroc.
La diplomatie sénégalaise ne serait-elle pas assez audacieuse pour proposer une co-organisation avec le Maroc ? Naturellement, le Maroc a plus d’atouts pour diriger l’opération, mais l’apport du Sénégal pourrait être important.
Le dossier du Sénégal ne sera point ridicule
Encore une fois, le Sénégal ne pourrait pas avoir la prétention de jouer le leader du duo avec le Maroc, mais il pourra accueillir plusieurs matchs sur son sol. D’ailleurs, en vue d’une certaine continuité géographique avec le Maroc, des matchs pourraient être offerts à la Mauritanie. L’Angleterre par exemple, prévoirait le même schéma d’offrir des matchs à L’Eire. Si la Mauritanie est impliquée et intéressée dans le projet, elle pourrait rénover et agrandir son stade de Nouakchott de 40 000 places pour mieux répondre aux exigences d’un match de Coupe du monde de football. Soyons même plus osé en intégrant la Côte d’Ivoire à l’opération. Elle organise la Can 2023 et aura également des infrastructures aux normes. L’Euro 2020 s’est joué sur plusieurs pays et le Mondial nord-américain de 2026 épousera le même modèle d’organisation.
Pour son dossier de candidature pour le Mondial 2026, le Maroc avait dévoilé 14 stades dont 12 sélectionnés par la Fifa et le Maroc prévoyait d’investir 3 milliards de dollars pour terminer les travaux en chantiers. Il est à rappeler que le Qatar, pour l’édition 2022, n’a présenté que huit stades. La différence quant au nombre de stades s’explique par le souci ou la nécessité de satisfaire la volonté de la Fifa d’augmenter le nombre de pays qualifiés dès l’édition 2026.
Le Sénégal pourra ajouter dans le dossier de candidature au moins trois stades dignes d’accueillir des matchs de Coupe du monde. Ce seront le Stade Abdoulaye Wade de Diamniado, le Stade Léopold Sédar Senghor de Dakar (en rénovation), et l’un des stades démontables de la Coupe du monde du Qatar qui serait déjà offert au Sénégal par les autorités qataries.
A l’horizon 2030, le Sénégal aura fini de régler les questions de mobilité, avec ses projets en cours de réalisation, d’autoroutes, de lignes de trains et des aéroports régionaux. Les compagnies aériennes Royal air Maroc et Air Sénégal permettront de fluidifier les déplacements. Déjà qu’il ne faudrait pas plus de 2h 30 pour rallier le Sénégal au Maroc, alors qu’en Russie, pour la Coupe du monde de 2018, il fallait la durée d’un vol long courrier pour relier certaines villes choisies pour abriter des matchs. Ce sera la même situation en 2026 entre les Usa, le Canada et le Mexique. En outre, la jonction par voie routière de Dakar à Tanger devra pouvoir être une réalité. La capacité hôtelière du Sénégal est en forte courbe ascendante et de nouveaux investissements pourraient être encouragés. Le Sénégal sera bien prêt avant l’échéance car il aura à abriter les Jeux Olympiques de la Jeunesse (Joj) en 2026 et peut s’autoriser aussi à accueillir une Coupe d’Afrique des nations de football. Ce sera une certaine cohérence événementielle et sportive.
Du reste, ce qui va le plus plaider pour une synergie entre le Sénégal et le Maroc, ce sera la proximité de leurs populations tant pour des raisons socio-culturelles, historiques, que pour des raisons de proximité diplomatique entre les deux pays. Les autorités sénégalaises et marocaines affichent des positions identiques sur les questions internationales. Le Discours de la fête du trône, l’événement le plus important dans l’agenda de l’Etat marocain, avait été prononcé le 6 novembre 2016 à partir de Dakar où le Roi Mohammed VI était en séjour. C’était une première qu’un tel événement fût célébré dans un pays étranger par le Souverain, et les Marocains se plaisaient à dire que «si c’est au Sénégal, c’est encore chez nous». C’est dire !
Par ailleurs, dans un vote, le Sénégal pourra décrocher certaines voix qui devraient fatalement manquer au Maroc. Il s’y ajoute que le partenariat du Sénégal avec le Maroc donnera un ancrage plus évident de l’Afrique au Sud du Sahara dans l’organisation de la manifestation. Le Maroc, qui tape avec insistance aux portes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) pour devenir membre de cette organisation sous-régionale, serait logique et cohérent en tendant la main à des pays de cet espace pour, ensemble, réaliser un projet de cette envergure.
Il y a lieu de souligner que l’organisation d’une Coupe du monde est une formidable opportunité pour un pays. Les nations qui se bousculent pour inviter la planète foot ne le font pas seulement pour le prestige ou pour l’aspect ludique ou festif. Une Coupe du monde rapporte gros, génère de grosses retombées économiques et sociales et constitue une vitrine sans pareille pour vendre un pays, une destination touristique ou d’investissements. Tout sera question d’audace, de volonté politique ou d’ambition. Ils seront sans doute nombreux à rester réducteurs pour ne pas oser le challenge et inhiber toute ambition, mais l’opportunité de chercher à s’engager aux côtés du Maroc est à saisir par notre pays. En 2013, quand on dessinait dans ces colonnes, les perspectives du pétrole et du gaz ou les autoroutes ou les lignes du Ter ou encore la ville future de Diamniadio, d’aucuns s’esclaffaient en parlant de délire. Ces réalités sont pourtant devenues notre quotidien maintenant. Les perspectives économiques du Sénégal autorisent des investissements certes importants, mais dont la rentabilité n’est pas discutable.