PREPARER LE TOURISME MEDICAL.
L’opération de transplantation rénale réussie à Dakar par une équipe médicale sénégalaise a donné de brillantes perspectives au pays
L’opération de transplantation rénale réussie à Dakar par une équipe médicale sénégalaise a donné de brillantes perspectives au pays. Les nombreuses personnes souffrant d’insuffisance rénale, voient là s’ouvrir une perspective de rémission de leur maladie, dans l’hypothèse où ils trouvent un donneur avec lequel ils sont compatibles. Ce serait la fin d’interminables séances de dialyse pour ceux qui ont les moyens de se payer les soins, toujours coûteuses malgré une gratuité qui ne touche que très peu de malades
Macky Sall n’a pas manqué une occasion pour se féliciter de cette réussite médicale réalisée par des médecins sénégalais, sans grande assistance, sinon matérielle, de l’étranger. Le président de la République, pris d’enthousiasme, n’a pas écarté que l’on puisse assister, dans un avenir proche, à des transplantations oculaires par exemple. Et l’on sait que, s’ils ont les moyens techniques nécessaires, les médecins sénégalais sont en mesure de réaliser ces prouesses. C’est tout le paysage social et économique du Sénégal qui serait alors bouleversé à moyen terme. Car le pays va s’offrir ainsi une nouvelle ressource à exploiter, et qui est quasiment intarissable, à savoir le tourisme médical.
Il y a deux ou trois ans, les pouvoirs publics avaient dû dépenser beaucoup d’argent pour évacuer au Maroc beaucoup de malades du cancer, suite à la panne de l’unique machine de radiothérapie qui existait dans le pays à l’époque. Les plus chanceux parmi les malades avaient pu bénéficier d’une prise en charge de l’Etat pour être évacués au Maroc, de même que ceux qui avaient les moyens de pouvoir se prendre en charge par eux-mêmes. Nombreux autres patients et leurs familles avaient dû se contenter du soutien de leur chapelet. La lourde facture occasionnée par ces prises en charge médicales a sans doute contraint l’Etat à réparer rapidement la machine, mais également à doter d’autres hôpitaux des mêmes moyens.
Le Maroc n’est pas la seule destination médicale de certains de nos patients. La France a longtemps été la première. Beaucoup de personnes semblent connaître certains hôpitaux parisiens mieux que Le Dantec, Principal, Dalal Jamm ou autres Fann. Il y a d’ailleurs quelque temps, un éminent magistrat sénégalais avait fait bruire la Toile sénégalaise en parlant à visage découvert à une télévision française, sur une visite médicale qu’il avait effectuée en France, et de ce que cela lui avait coûté. Bien qu’il ait pris en charge ses frais de sa poche, beaucoup des censeurs du Net ne s’étaient pas gênés de critiquer le fait qu’il «snobait» nos structures hospitalières, pour se payer des soins auxquels le Sénégalais moyen ne pouvait aspirer. Et ses explications sur une impossibilité pour lui de bénéficier de la même qualité de soins au Sénégal n’avaient pas fait taire les critiques. Tout cela pour dire que, si le plateau technique de nos hôpitaux est amélioré de manière à permettre de réaliser sur place des soins de la nature de la transplantation rénale que nous venons de connaître, ou de traiter des malades du cancer aussi bien qu’en Europe, comme cela se fait maintenant dans certaines structures publiques et privées qui voient le jour dans la capitale, on peut dire que le Sénégal a tous les moyens pour devenir un hub médical.
L’expertise sénégalaise a été reconnue et louée quand il a fallu combattre Ebola lors de son éruption dans des pays voisins. Le Covid-19 a été endigué avec efficacité, malgré les dérapages financiers auxquels cette maladie a donné lieu. L’expertise sénégalaise existe et elle est de qualité. Nous avons donc les moyens d’épargner au Trésor, des milliards de francs Cfa en prise en charge médicale dans des pays comme la France, le Maroc ou la Tunisie. Il faut d’ailleurs dire que si les Maghrébins ont développé leurs plateaux techniques et leurs structures d’accueil des malades étrangers, c’est parce que les pays européens ont cru malin de durcir leurs conditions d’octroi de leurs visas.
Maintenant, de plus en plus de malades trouvent plus facile de se rendre, sinon au Maghreb, parfois en Turquie, aux Emirats arabes unis ou même en Inde. Tous ces pays ont compris l’avantage financier qu’il y avait à ouvrir leurs réceptifs aux malades venant des pays d’Afrique.
Le Sénégal a déjà l’habitude d’accueillir des riches malades venant de Mauritanie, du Mali ou de la Guinée. Ces gens viennent à Dakar bénéficier des soins qui ne sont pas facilement accessibles dans leurs pays. C’est quand ils atteignent un certain seuil qu’ils cherchent à aller ailleurs. Aujourd’hui, le pays a l’occasion de démontrer qu’il peut offrir un large éventail de soins, à des tarifs plus concurrentiels que d’autres pays du Nord ou d’Orient, et ainsi attirer chez nous une clientèle aisée avide de soins de qualité. Le bénéfice en serait grand pour tous.
Une forte demande de soins permettrait de mettre à niveau, non pas seulement des hôpitaux de Dakar, mais de certaines villes de l’intérieur également. Imaginez le profit qu’en tireront les diplômés de médecine de nos universités, qui ne craindront plus le spectre du chômage. De surcroît, à côté des hôpitaux à équiper, il faudra également améliorer l’offre hôtelière. Les malades ne viennent pas nécessairement pour être internés, et ils pourraient être accompagnés de certains proches. Ces derniers auront besoin d’être logés et nourris dans de bonnes conditions.
Quand ces conditions d’accueil et le plateau technique médical sont de qualité, on peut être sûr que les personnes qui ainsi viennent, ont tendance à vouloir mieux découvrir le pays. En jouant sagement sa carte, le Sénégal n’aura plus besoin de se mettre à la quête de touristes européens, parce qu’il pourrait se suffire de ceux d’Afrique. Cela pourrait représenter une manne parfois bien plus importante que ce que nous récoltons des visiteurs d’Occident. Mais cela demande aussi une bonne préparation.