REPONSE A MONSIEUR AMADOU BAKHAW DIAW, L’HOMME QUI VEUT REINVENTER L’HISTOIRE DU SENEGAL
Nul n’ignore que M. Amadou Bakhaw DIAW cherche encore à narguer les Diolas, les Malinkés, les Fulɓe, les Sérères, les Soninkés et toutes autres ethnies sénégalaises qui sont discriminées de la plus scandaleuse des manières au profit de l'Ethnie Wolof
Au cours d’une émission en wolof de la chaîne de télévision SEN/TV, Monsieur Amadou Bakhaw DIAW a déclaré, entre autres, que :
1)- « L’Association « MBOTAY LEPPY WOLOF » a été créée après qu’il a été constaté que l’Ethnie Wolof est l’objet de discrimination dans l’espace public…Elle a été créée dans le but de mieux faire comprendre aux Sénégalais, que l’Ethnie Wolof est bien une réalité vivante, même si les autorités sénégalaises compétentes veulent nier son existence…Dans le chapitre premier de L’Histoire du Sénégal, il est écrit que ce sont les Ethnies Sérères, Sarakollés et Toucouleurs qui font la Nation sénégalaise, qui constituent le Sénégal. L’Ethnie Wolof a donc été zappée dans ce cadre. Il y est écrit que les Wolofs ne constituent même pas une ethnie ; que le wolof n’est, tout au plus, qu’une langue et non une Ethnie ; que les Wolofs n’ont pas de patronymes. Nous ne comprenons pas pourquoi on déteste à ce point les Wolofs qui représentent pourtant 43% de la population sénégalaise avec 53% de locuteurs qui en ont fait leur première langue… »
Réponse :
Nul n’ignore que M. Amadou Bakhaw DIAW cherche encore à narguer les Diolas, les Malinkés, les Fulɓe, les Sérères, les Soninkés et toutes autres ethnies sénégalaises qui sont discriminées de la plus scandaleuse des manières au profit de la seule Ethnie Wolof. Même dans L’HISTOIRE GENERALE DU SENEGAL : DES ORIGINES A NOS JOURS », dont la Commission nationale de rédaction était présidée par le Pr Iba Der THIAM, il n’y en avait que pour les Wolofs. Nous l’avions dénoncé à de nombreuses reprises.
C’est une manœuvre de diversion visant à faire croire que les Wolofs sont lésés. L’objectif recherché ici est de faire oublier ou taire les revendications légitimes des autres Ethnies, Fulɓe en tête, pour un traitement égal dans les médias, l’espace public et l’enseignement, entre les langues nationales sénégalaises codifiées, conformément aux dispositions réglementaires et constitutionnelles ce, au prorata du nombre de locuteurs natifs de chacune d’elles !
Même les sourds et aveugles de naissance, savent que tout a été mis en œuvre pour placer le wolof au-dessus de toutes les autres langues du Sénégal, pour lui conférer la préséance sur les autres, aux fins de « wolofiser » la population sénégalaise tout entière ! Nous pouvons illustrer notre propos à ce sujet par maints exemples : vingt-deux (22) émissions dans tous les domaines sur la RTS 1 sont consacrées à la langue wolof (contre une seule émission pour donner quelques informations à chacune des autres langues nationales, du lundi au vendredi); le wolof est choisi avec le français (langue officielle selon la Constitution) pour les discours officiels ; le wolof, le français et l’anglais sont choisis au niveau de l’aéroport international Blaise-DIAGNE, du TER, et à bord de la Compagnie nationale Air Sénégal ; le wolof et le français sont choisis au niveau du BRT appelé encore« SUÑU BRT », etc..
Dans tous les programmes gouvernementaux et dans tout l’espace public, la part belle est accordée au wolof (dans des projets comme Lecture Pour Tous, dans les Centres de santé, les Commissariats de Police, les Brigades de Gendarmerie, les Sociétés comme Orange Afrique/Moyen-Orient, SENELEC, au Théâtre national Daniel Sorano, etc.). Idem dans le choix de noms du genre « Cité Keur Gorgui », ou « Keur Xaleyii », ou « le Programme Xeyu Ndaw Yi », ou « Ndeyu Daara yii », ou « Bajjenu Gox », ou « Woyofal », ou « Suñu BRT », ou « Xèex fèebar, Dàan tilim » sur les véhicules de l’hygiène publique et de la salubrité, ou « Programme Gunngey Daara yii », etc..
La même situation prévaut sur certains documents électoraux sur lesquels mis à part le français, seule la langue wolof est encore écrite (non seulement en caractères latins mais aussi en caractères wolofal !) Même chose encore sur l’autoroute à péage où tout est écrit en wolof, après le français.
Le wolof est également la seule langue dans laquelle les émissions islamiques sont faites sur la RTS 1, avec notamment huit (08) émissions, à savoir : « Xayma-Xam Xam », « Tontu Batàaxal », « Al Bayàan », « Al Miizàan », « Warefu », « Jeggel ak Yermannde », « Tandarma » (durant les 29 à 30 jours de chaque mois de Ramadan, et la dernière-née, Duɗal, un mot pulaar, peut-être pour provoquer plus les Fulɓe) !
Pareillement, excepté la 2STV et « La Radiotélévision Fulɓe», les autres chaînes de télévision sénégalaise font plus de 99% de leurs émissions dans la seule langue wolof ; violant ainsi les dispositions des articles 1er, 5, 7 et 8 de la Constitution sénégalaise auxquels réfèrent les cahiers des charges des radios privées et commerciales encourageant à la diversité ethnolinguistique !
Il en est ainsi également dans « L’HISTOIRE GENERALE DU SENEGAL : DES ORIGINES A NOS JOURS », ainsi que notre Association KISAL DEEYIRDE PULAAGU avait déjà eu à le dire en 2020 à Monsieur le Président Macky SALL, ancien Chef de l’Etat sénégalais et à feu le Coordonnateur de la Commission nationale pour la rédaction de ladite HISTOIRE. Tout récemment aussi, dans une lettre ouverte adressée le 14 mai 2024 à Son Excellence Monsieur le Président Bassirou Diomaye Diakhar FAYE, nos Associations « KISAL DEEYIRDE PULAAGU » et « POTAL ƊEMƊE NGENNDIIJE » présidées respectivement par MM. Sammba Jinndaa BAH et Aliw Gelaajo BAH, avaient attiré l’attention sur le fait que, dans les Tomes II et III de « L’HISTOIRE GENERALE DU SENEGAL : DES ORIGINES A NOS JOURS »:
-a)-Les Fulɓe ne se retrouvaient presque pas dans cette Histoire qui les a banalisés en les présentant, à tort, comme de nouveaux venus au Sénégal, des étrangers sans territoires fixes !
-b)-de la période allant de 1817 à 1914, seuls quelques passages ont été consacrés à Cheikh Oumar Al Foutiyou TALL et, partant aux Fulɓe (Page 174), et de bien pâle manière, disons même : juste pour amuser la galerie !
-c)-dans ce Tome qui est, comme qui dirait, entièrement consacré aux familles religieuses du Sénégal, toutes obédiences confondues, on n’a même pas daigné parler des Almamy qui y auraient mérité au moins un chapitre ; ne serait-ce que pour avoir été les précurseurs de la généralisation de l’enseignement islamique au Sénégal et marqué d’une pierre blanche l’histoire de l’Islam dans ce pays !
-d)-Les Fulɓe ne comprennent pas comment les membres de la Commission nationale de rédaction de L’HISTOIRE GENRALE DU SENEGAL en sont-ils arrivés à « oublier » la dynastie Deeniyaŋke de Koli Teŋella BAH et le Califat almamal, deux périodes charnières dans l’Histoire du Fuuta, partant, du Sénégal voire de l’Afrique. Un Deeniyaŋke qui a sillonné tout le Sénégal de son époque, royalement ignoré ; cependant que d’autres hommes qui, pour la plupart, ne bougeaient que pour leurs propres intérêts sont présentés comme des Héros nationaux !
-e)-Les Fulɓe ne comprennent pas comment des Almamy qui ont mené victorieusement un soulèvement inédit non seulement au Sénégal mais aussi dans toute l’Afrique, ont-ils pu être ignorés dans de ce que l’on présente comme L’HISTOIRE GENERALE DU SENEGAL ! Des ALMAMY et un MOUVEMENT pourtant plusieurs fois contés dans les ARCHIVES NATIONALES DU SENEGAL !
-f)-En somme, les Fulɓe ne s’expliquent pas la non évocation, dans cette soi-disant HISTOIRE GENERALE DU SENEGAL, du Fuuta - Tooro que des Historiens ont même présenté comme étant le berceau des populations de la Sénégambie, avant la migration de ses habitants.
Si en dépit de tout cela, on vient encore nous dire que les Wolofs sont lésés dans leurs droits au Sénégal, que les Wolofs y sont des laissés pour compte, ne sont pas considérés au Sénégal, y sont victimes de discrimination, etc., on se doit légitimement de rétorquer : Arrêtez d’injurier l’intelligence des Sénégalais et des hôtes étrangers qui vivent parmi eux ! Et surtout : ne poussez pas les nombreuses Ethnies véritablement discriminées à recourir à d’autres voies pour arracher leurs droits ! Sachez en tout cas que le Pulaar, notre langue, ne mourra jamais ! Nous serons debout pour la défendre! Nous sommes résolument déterminés à ne pas nous laisser enterrer avant l’heure !
Par ailleurs, M. Amadou Bakhaw DIAW a peut-être dû oublier qu’il avait fourni un autre justificatif à la création de l’Association « MBOTAY LEPPY WOLOF » dont il préside aux destinées et qui a été portée sur les fonts baptismaux le mardi 16 juillet 2024, à Dagana. En effet, dans sa déclaration rapportée par l’Agence de Presse sénégalaise (APS) le mercredi 17 juillet 2024, il disait que « MBOTAY LEPPY WOLOF visait « à montrer que le wolof est une ethnie à part entière, comme toutes les autres ethnies du Sénégal et que le vivre-ensemble a toujours été un principe fondamental pour le peuple wolof… » Il ajoutait que « MBOTAY LEPPY WOLOF s’inspire d’associations telles que NDEFLEŊ, qui promeut la langue sérère et TABITAL PULAAGU qui défend la langue pulaar. Comme ces Associations, elle vise à valoriser et diffuser la culture, les traditions et l’histoire du peuple wolof ».
Qui donc de ces deux (2) Amadou Bakhaw DIAW a-t-il raison ?
2)-« Les Egyptologues et les Ethnolinguistes sont unanimes à reconnaître que la langue wolof est unique, qu’elle n’a aucune syntaxe commune avec aucune autre langue sénégambienne ; d’où la fierté des Wolofs de clamer haut et fort que leur langue est unique, est originaire de l’Egypte pharaonique, de Missirah. Cheikh Anta aussi l’a écrit… Nous avons les mêmes verbes et la même grammaire que la langue de l’Egypte pharaonique. Nous pouvons même dire que nous sommes les plus indiqués pour clamer que notre langue est la plus ancienne d’entre toutes… »
Réponse :
Ceci est faux, totalement farfelu ! Aucun Egyptologue ni Ethnolinguiste connu n’a relaté ces choses ! N’attribuez pas la paternité de ces propos à Cheikh Anta DIOP. Respectez au moins la mémoire de l’homme qui repose à Thieytou depuis février 1986 et qui a plutôt écrit dans son livre « NATIONS NEGRES ET CULTURE », quatrième édition juin 2023, Présence africaine, entre autres, concernant la langue wolof, que :
-« La langue sérère a donné naissance à la langue wolof » (page 631) ;
-« …Ainsi le valaf (NDLR : C’est ainsi que le Pr Cheikh Anta DIOP écrit le mot « wolof ») résulterait d’une transformation d’un fond sérère, par un apport congolais essentiellement sara dont le sarakollé ne serait qu’une variante. Mais s’il en est ainsi, le lébu (NDLR : Lire lébou), qui est une variante du valaf, vient aussi du sérère. Tous les mots que nous considérons habituellement comme typiquement lébus, se retrouvent en sérère… » (page 774) ;
-« …Le lébu ne se distingue du valaf que par ce vocabulaire spécial, par un certain accent dit lébu et par l’usage de quelques éléments grammaticaux sérères qui ne sont plus usités en valaf… » (page 775) ;
-« Le wolof serait né de la déformation du sérère par tous ces éléments étrangers : Saras, Sarakollés, Congolais, Toucouleurs, Peuls, Laobés, etc… » (page 786).
Ajoutons que selon d’autres chercheurs, les 70% du vocabulaire wolof seraient empruntés au pulaar et les 20% au sérère.
3)-« La thèse de l’origine égyptienne des Wolofs n’est pas de Cheikh Anta DIOP, mais de la tradition orale des Wolofs, des griots…Nous savons que nous venons de Missirah d’où nous sommes partis pour le Sud-Soudan… »
Réponse :
Feu le Pr Cheikh Anta DIOP est formel en ce qui concerne l’origine du Peuple Valaf :
-« Un examen ethnologique nous permet de dire que le valaf viendrait du sérère. En effet, pour autant que l’on puisse parler d’une race, les Sérères en prennent davantage les caractères» (page 778) ;
-« …En plus de ces noms (NDLR : Les noms sérères et toucouleurs), il en est d’autres que portent les Valafs et qui sont d’origine sara et congolaise » (page 779) ;
-« Chez les Valafs, aucune des sept dynasties régnantes n’est originaire du pays. Les Sogon sont des Socés qui auraient été encore nombreux du temps de Ndiadiane Ndiaye avant d’être refoulés en Casamance. Les Gélvar sont des Sérères du Sine-Saloum. La mère de Déthié Fou Ndiougou, le prince qui a fondé la première dynastie de Damel, était originaire de Vagadou (ancien emplacement de Ghana). La dynastie des Guedj est d’origine populaire : elle naquit après le coup d’Etat que le Cayor ait connu, celui de Damelrat Soukabé, dont la mère était une femme du peuple et venait, disait-on, du côté de la mer, Guedj en Valaf. La dynastie des Bey est une famille ‘’porte-bonheur’’ (d’après l’opinion populaire), dans laquelle les princes aspirant au trône avaient l’habitude de choisir, momentanément, leurs femmes. Les Dorobé, à notre avis, proviennent de la caste, ou de l’ordre célèbre des Torobé qui étaient des Peuls » (page 791) ;
-« …Cette étude démontre que le sang qui coule dans nos veines est un mélange de sang sérère, toucouleur, peul, laobé, congolais, sarakollé et sara (peuple des négresses à plateaux). Dès lors, que reste-t-il du mythe d’une race pure, douée d’une supériorité qui l’incite à traiter les autres de LAKAKAT ? » (page 793).
En clair, les déclarations de M. Amadou Bakhaw DIAW ont été entièrement battues en brèche par les thèses de feu le Pr Cheikh Anta DIOP à qui il aime pourtant se référer ! La tradition qu’il s’empresse d’invoquer aussi, prend le contrepied de ses dires; car d’après certains chercheurs, le mot « walaf » est l’ancêtre du mot « wolof ». Djolof MBENGUE, le fondateur du premier village wolof, se serait établi, avec plusieurs groupes wolofs, « dans ce qu’on appelait alors le pays ‘’LAF’’. En wolof le mot ‘’wa’’ signifie ‘’ceux venant de’’, donc ‘’wa-laf’’ désignait ceux venant du pays ‘’Laf’’. Ce pays ‘’Laf’’ est, avec le royaume du Waalo, l’un des lieux de naissance de l’ethnie wolof. Plus tard le mot walaf devint wolof. »
Donc, aucune des affirmations rappelées supra de M. Amadou Bakhaw DIAW, n’est conforme ni à l’histoire, ni même à la tradition ! En revanche, feu le Pr Cheikh Anta DIOP a bien parlé de l’origine nilotique des Peuls, dans son ouvrage susmentionné:
-« Les Peuls, comme les autres populations de l’Afrique Occidentale, seraient venus d’Egypte » (page 612) ;
-« Comme les autres populations qui composent le peuple nègre, les Toucouleurs sont venus du Bassin du Nil, de la région dite ’’ Soudan anglo-sahélien’’ (page 616) ;
-« Parties du Bassin du Nil en essaims successifs, les populations ont irradié dans toutes les direction. Certains peuples tels que les Sérères et les Toucouleurs seraient allés directement jusqu’à l’Océan Atlantique, alors que d’autres se fixaient dans le Bassin du Congo et dans la région du Tchad ; tandis que les Zoulous allaient jusqu’au Cap et les Traoré jusqu’à Madagascar » (page 786).
Mieux, pour le Pr Cheikh Anta DIOP, des Fulɓe seraient du nombre des Pharaons d’Egypte : « …On pourrait supposer que les Peuls font partie de ces nombreuses tribus d’où sont sortis des pharaons, au cours de l’histoire, comme c’est le cas aussi pour les tribus sérères des SAR, des SEN, etc. »).
4)-« Nous avons les mêmes patronymes (GAI, NYANG, DENG, DUOP) etc. et les mêmes prénoms (Latdior, etc.) que les Sud-Soudanais. »
Réponse :
Nous trouvons effectivement, au Soudan du Sud, ces patronymes qui s’apparentent aux GAYE, NIANG, DIENG et DIOP de chez nous. Mais ces noms de famille ne sont pas exclusivement d’origine wolof. Tous ces quatre (4) patronymes se retrouvent également chez les Fulɓe (Toucouleurs). Quant au prénom Latdior, nous ne l’avons pas retrouvé chez les Peuples du Soudans ! En revanche, on trouve bien des Hamadi au Soudan du Sud et des Sally au Soudan ; qui sont des prénoms 100% peuls, exclusivement fulɓe.
Encore que cela ne suffit pas à prouver qu’il y ait des Wolofs au Soudan du Sud. Car on ne trouve pas un seul Soudanais du Sud qui parle la langue wolof ; cependant que les Fulɓe parlant le pulaar, ayant les mêmes costumes traditionnels et les mêmes traditions que les Fulɓe du Sénégal et des autres pays de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Est sont légions au Soudan !
Un autre exemple : On trouve dans les deux Corée une dizaine de patronymes qui sont identiques (aux plans de l’orthographe et de la prononciation) à ceux des Fulɓe du Sénégal en particulier, à savoir : WAN (WANE), WON (WONE), LEE (LY), JONG (DIONG), BAH (BA), SO (SOW), JAH (DIA), HAN (HANNE), etc.. Mais nous n’en déduirons pas pour autant que leurs titulaires soient des Fulɓe.
5)-« De l’Egypte, les Wolofs sont allés au Sud-Soudan, puis au Ghana, au Waalo. Après, le Waalo s’est disloqué. »
Réponse :
S’il en est ainsi, pourquoi ne trouve pas alors des traces de leur passage dans les pays traversés ? Pourquoi le wolof n’est-il parlé nulle part ailleurs qu’au Sénégal, en Gambie et au Sud de la Mauritanie, contrairement au pulaar qui est parlé dans une vingtaine de pays en Afrique, y compris en Ethiopie, en Egypte et au Soudan ? Pourquoi n’a-t-on- pas retracé l’itinéraire des Wolofs depuis le Nil jusqu’aux confins du Sénégal, alors que celui des Fulɓe est clair aux yeux des Historiens.
En effet, l’historien et sociologue malien Youba BATHILY a narré les péripéties du voyage jusqu’à l’arrivée des Fulanis (les Fulɓe) en Afrique de l’Ouest, en se fondant sur les traditions orales des Assouanikes et Harratines collectées en 2005 à Djidda (sud de Guiré dans le cercle de Nara) de Diffa et près de Maradi (Niger). Il renseigne ainsi sur le fait qu'à la recherche de pâturage, les Fulanis, qui parlaient une langue appelée Warama, auraient quitté la région de Woromiya éthiopien sous la conduite du patriarche Kaw BAH (Kaaw BAH certainement ou oncle BAH, en pulaar). La traversée du territoire éthiopien des Fulanis appelés autrement Pouls, s'est déroulée dans la difficulté et accompagnée de perte de vies et de bétail.
Il indique que les Fulɓe sont venus de l'Ethiopie, par le Soudan, le Tchad, le Nigeria, le Niger et entrés au Mali par la région de Ménaka. Les Fulɓe auraient quitté l'Ethiopie 1122 ans avant l'Hégire (donc, vers 500 avant Jésus) pour atteindre la région de Ménaka vers l'an 21 après Jésus. Ils sont rentrés dans le pays de Ménaka 521 ans après avoir quitté l'Ethiopie. Ils ont traversé la région de Tombouctou huit ans après leur départ de Ménaka (Tombouctou vers l'an 29 et la région de Mopti est atteinte vers l'an 5 ; donc 25 ans après Tombouctou).
Venant de l'ouest (Anderamboukane, Ménaka), les Fulɓe traversèrent le fleuve Niger, dans la commune de N'Tillit, puis le pays de Gossi, Inadiatafane, Bambara-Maoude, Diaptodji, Dangol Bore. Ils passèrent par Ouroube-Doude, Konna et Dialoube pour encore traverser le fleuve Niger au Sud du lac Debo par la commune de Bimbere-Tama. Certains s'installèrent entre San (Est de Ségou) et Goundaka (Est de Mopti), ces derniers pâturaient au bord des collines dogons du Gondo où vivaient le Bobo ou Bwa, c'est dans cette cohabitation qu'ils sont devenus des cousins à plaisanterie des Bobo.
Les Fulɓe prirent la direction Ouest pour passer par le Nampalari, Sokolo et Niono (Nord de Ségou). Ils vont encore traverser le fleuve Niger sur des berges situées entre Ségou et Markala (actuelle commune de Pelengana, Ségou) pour se diriger vers l'Ouest de l'actuel cercle de Dioila (sur de Kulikoro) au cours de neuf ans soit 63 après leur départ de la région de Mopti. Ils vont atteindre le Djitoumou en l'an 97 soit trente-quatre années après avoir quitté la région de Dioïla ; puis le Wassoulou (Ouest de Sikasso) huit ans plus tard soit en l'an 105 et le Mandé (Ouest de Bamako) vingt-neuf ans après la région du Wassoulou (en 134 après Jésus).
Les Fulɓe arrivèrent au Khasso en 148, soit quatorze ans après avoir quitté la région du Mandé et ils ont atteint le sud du Fleuve Sénégal qu'ils vont appeler Futa-Toro quarante-trois ans après avoir quitté la région du Khasso (Kayes au Mali). Ils baptisent en 177 une autre région montagneuse plus au Sud en Futa-Diallo (Guinée) vingt ans après avoir quitté la région du Futa-Toro, soit en l'an 197. Les Fulɓe vont s'installer sur les berges septentrionales du Fleuve Sénégal dix-sept ans plus tard (en 214). Ils arrivent sur le territoire de Nioro et de Koumbi (capitale de l'empire du Ghana) en 343, soit 965 ans après leur départ d’Ethiopie. Ils apportèrent une nouvelle langue en Afrique de l'Ouest.
Ainsi, à chaque halte, les Fulɓe qui, pour une raison ou une autre, ne pouvaient pas poursuivre le long périple, s’y établissaient. C’est sûrement ce qui explique leur présence dans une vingtaine de pays en Afrique.
Quid de l’immigration wolof à partir du Nil ? Amadou Bakhaw DIAW peut-il nous en retracer les étapes avec précision, comme c’est le cas ici avec les Fulɓe ?
6)-« Lorsqu’ils ont quitté le Ghana, les Wolofs sont allés au Tékrour, qui est l’ancien nom du Fouta. Ce qu’on appelle Fouta maintenant, c’est-à-dire la région de Matam et le Département de Podor, c’est cela le Tékrour. »
Réponse :
Que nenni, Monsieur DIAW ! Le Tekrour (actuel Fouta-Toro) ne se limite pas à ce que l’on appelle de nos jours la région de Matam et le département de Podor ! Dans l’ouvrage « HISTOIRE DE LA MAURITANIE : DES ORIGINES AU MILIEU DU XVIIe SIECLE », écrit par G.M. DESIRE-VUILLEMIN, agrégé de l'Université, Docteur ès-Lettres, avec la participation de MOHAMMED EL CHENNAFI, MOKHTAR OULD HAMIDOUN et ELIMANE KANE, on lit que :
-« Le Tekrour est le nom donné par les géographes arabes à la moyenne vallée du Sénégal et à sa ville principale » (page 53) ;
-« Les premiers peuples touchés par les nomades islamisés furent les habitants du Tekrour. Aux VIIIe-IXe siècles, le Tekrour s'étendait sur les deux rives du Sénégal : il correspondait à peu près au Sud de la Mauritanie et au Nord du Sénégal d'aujourd'hui » (page 51).
Le Tekrour est donc infiniment plus vaste que la région de Matam et le département de Podor réunis.
Dans les versions orales et écrites, le Fouta présente deux espaces : le (Djeri Fouta et le Fouta Toro). L’ancien espace du Djeri Fouta se trouve au nord de la Mauritanie, vers les frontières d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, précisément dans la zone actuelle du Polisario (dénommé de nos jours République Arabe Sahraouie Démocratique-RASD), selon les écrits d’El Bakri et Ar’Rakik situant le Bilad Tekrour à la proximité des villages berbères, que Ugbata ben Nafi avait atteints à son époque. En effet, le second Fouta ancien qui est décrit par les écrits arabes, se situe dans la région d’Adrar (dans l’actuelle Mauritanie).
Le livre « Bilad Singitti Al Manaratou War-Ribat », qui a pour auteur Khalil An-Nahwi (1987), décrit ses frontières avec précision (page 19, Chapitre, Bilad Tekrour) :
« Le Bilad Singitti était connu sur le nom du Bilad Tekrour, dans l’ancienne époque, (…). Cette appellation se retrouve dans ses œuvres portant sur les notables de cette région, (« Fath Soukour fi Ma’arifati A’ayani Ouléma At-Tekrour »). Il y dit :
« Le Tekrour est une région vaste, s’étendant de l’est jusqu’à Adga’i, de l’ouest jusqu’au Bahr (mer) Bani Zanadikhatou, du Sud jusqu’au Beed et du Nord jusqu’à Adrar ».
Quant au Fouta Toro actuel, c’est-à-dire celui de l’époque des Almamy, il se présente ainsi qu’il suit : du Nord, il s’étend de Hayre Ngal (Colline d’Asaba) jusqu’au Njorol (Djorol). De l’ouest à l’Est de Dagana jusqu’à Bakel. Du Sud à Sud ’Est, depuis le Fleuve jusqu’aux frontières qui séparent le Fouta du Djolof, le Ferlo et le Boundou.
Nous l’avions également dit dans notre précédente réponse à Monsieur Amadou Bakhar DIAW : Selon certaines versions orales, le Fouta Toro actuel s’étendait, avant l’occupation coloniale, de Ndar (Saint-Louis du Sénégal) à Bakel, du Nord Hayré Ngal au Ferlo et les limites du Djolof.
Ainsi, à la veille des indépendances, toute la zone située jusqu’à 150 km au Nord du Fleuve, était considérée comme une partie intégrante du Sénégal. Rappelons que les Fulɓe ont habité en premier lieu le Fouta Nord du Fleuve, avant le Fouta Sud qui est le Sénégal d’aujourd’hui : « Rewo roŋkaa nde Worgo hoɗaa », a-t-on coutume de dire, en pulaar. Le Fouta-Toro, pays des Fulɓe (Toucouleurs), a toujours été majoritairement habité par ces derniers, même s’il incluait quelques villages Soninké et Wolof, dans sa grande agglomération de la rive droite à la rive gauche. Le Pr cheikh Anta DIOP ne dit pas le contraire :
« Au Fouta-Toro, on trouve des noyaux résiduels de Sérères et de Valafs avec les noms de Saar, Diop, N’Diaye…qui sont tous de la caste des Thioubalo, c’est-à-dire des pêcheurs » (page 619).
L’adhésion à l’Islam des Fulɓe (Toucouleurs) du Tekrour avant toute autre ethnie, tout comme leur domination, même si d’autres ethnies habitaient également au Tekrour, est évidente. C’est d’ailleurs la même situation qui prévaut jusqu’à ce jour pour toutes les ethnies de la Nation: domination des Fulɓe (Toucouleurs) au Fouta, des Soninkés au Gadiaga, des Wolofs au Saloum, des Sérères au Sine, etc..
7)- « Mais Asma (NDLR : la journaliste) : Savez-vous que nous les Wolofs, nous sommes les premiers habitants du Tékrour ? »
-Asma : Ah oui ?
-Nous sommes les premiers à y habiter, vers le VIème siècle. Ce que je vous dis là, c’est même le professeur Oumar KANE, ancien doyen de la Faculté de lettres, professeur d’Histoire, spécialiste du Fouta qui l’a dit. Ce que je vous ai dit là, émane du professeur Yaya WANE. »
Réponse :
Si, ainsi que le dit M. Amadou Bakhaw DIAW, les Wolofs sont les premiers à habiter au Tékrour, pourquoi n’en trouve-t-on pas alors les traces ? Pourquoi rien du Tékrour, du Fouta-Toro ne rappelle qu’ils sont effectivement les premiers à s’être établis dans cette localité ? Pourquoi n’ont-ils pas dénommé ce territoire du nom de l’un de leurs ancêtres, ou de leurs anciens lieux d’habitation en Ethiopie ou au Soudan, ou encore en Egypte ? Pourquoi n’y en a-t-il à ce sujet que pour les Fulɓe ? En effet, toujours dans son livre « NATIONS NEGRES ET CULTURE », le Pr Cheikh Anta DIOP rapporte que :
-« Comme les autres populations qui composent le peuple nègre, les Toucouleurs sont venus du Bassin du Nil, de la région dite ’’ Soudan anglo-sahélien’. Ceci est prouvé par le fait qu’on trouve actuellement, dans cette région, chez les Nouers, sans altération, les noms totémiques typiques des Toucouleurs qui vivent aujourd’hui sur les rives du Sénégal, à des milliers de kilomètres de distance. On trouve, dans cette même région, à l’endroit appelé Nuba Hills ou Collines de Nubie, la tribu des Nyoro et celle des Toro.» (page 616-617) ;
-« Il existe, à l’heure actuelle, en Abyssinie, une tribu appelée Tekrouri, ce qui donne à penser, au cas où les Toucouleurs du Sénégal seraient une fraction de cette tribu, que la région du Tekrour, loin d’avoir donné son nom aux Toucouleurs, aurait reçu le sien de ceux-ci lorsqu’ils s’y installèrent » (page 617) ;
-« Il existe également un Nyoro (Massina) au Soudan Français, où les Toucouleurs ont aussi séjourné avant d’arriver dans la région qui portera le nom de Tekrour au Sénégal, d’où ils descendront lentement vers ce fleuve, dont les rives ont porté aussitôt le nom de Fouta-Toro » (page 617-618).
Et le Pr Cheikh Anta DIOP de poursuivre, comme pour tenter de convaincre les incrédules: « Cependant, un lecteur sceptique pourrait, malgré tout, voir en ces rencontres des faits insuffisamment probants. En voici un autre: On sait d’une façon certaine que, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Toucouleurs, déjà islamisés, avaient quitté les rives du Sénégal pour pénétrer jusqu’au cœur du pays et s’installer au Sine Saloum pour convertir les populations sérères de cette région. Le grand marabout toucouleur qui tenta de réaliser cette entreprise et qui fut contemporain de Latdior, s’appelait Ma Ba Diakhou. La région nouvellement conquise à l’islamisme par les Toucouleurs fut baptisée Nyoro du Soudan par les ancêtres de Maba : Nyoro du Rip » (page 618).
Pour ce qui concerne les Professeurs Oumar KANE et Yaya WANE, que M. Amadou Bakhaw DIAW invoque comme étant ses principales sources, nous tenons à préciser que nous ne sommes pas nous-mêmes forcément d’accord avec certaines déclarations de ces vénérables sommités. Nous considérons toutefois que ce sont certainement leurs sources, pour la plupart arabes et européennes, qui sont à la base de certaines de leurs déclarations, assurément discutables. Au demeurant, le Pr Oumar KANE a lui-même remis en cause la fiabilité de certaines de ses sources:
« Arcin, Delafosse et Tauxier ont eu accès aux meilleures sources de la tradition orale. Delafosse a tout simplement repris les données des Tarikh soudaniens. Tauxier, en revanche, reprend et interprète de façon erronée les indications fournies par Joao de Barros… Ni Delafosse, ni Tauxier ne nous permettent d’appréhender la migration et les conquêtes de Koli. Sans citer ses sources, Tauxier parle de l’arrivée de Koli avec ses troupes en 1534 au Fuladu, venant du Fuuta Tooro, ce qui serait à l’origine des Fulakunda. Il semble que Tauxier a inversé l’ordre des évènements…Delafosse, comme Tauxier, sont en contradiction avec la tradition généralement admise, qui fait partir la conquête de Koli du Bajar » (Cf. La première hégémonie peule- de Koli Teŋella à Almaami Abdul, Page 137-138).
En préfaçant « La première hégémonie peule : Le Fuuta Tooro de Koli Teŋella à Almaami Abdul » du Pr Oumar KANE, le Pr Amadou Mahtar MBOW (Qu’Allah leur fasse miséricorde et leur accorde le Firdaw’s ainsi qu’à tous nos disparus), ancien Directeur général de l’UNESCO » dira, fort à propos que: « …Les Fulɓe constituent le seul groupement ethnique de l’Afrique de l’Ouest à avoir essaimé, de manière presque continue, de l’Atlantique à l’actuelle République du Soudan à l’Est, tout en gardant leur langue et les éléments essentiels à leur culture…» (Page 9).
Ne nous refusons pas à l’évidence en nous entêtant à nier ce qui est hors de doute, ce qui « n’a manifestement pas besoin d’être démontré parce que manifestement vrai ». Se refuser à l’évidence relèverait incontestablement de l’irresponsabilité.
Le Président de Kawtal Pelle Fulɓe
El Hadj Boubou SENGHOTE