RÉUSSIR LA TERRITORIALISATION DU PROGRAMME DE DIOMAYE PRESIDENT
Pour une déclinaison réussie de son ambition au niveau local, la nouvelle équipe doit s'attacher à adapter les objectifs et leur mise en œuvre aux réalités de chaque territoire
La territorialisation du Programme de la « Coalition Diomaye Président », un enjeu majeur pour sa pleine réussite. La coalition « Diomaye Président », victorieuse de l’élection présidentielle du 24 mars 2024, compte mettre en œuvre un programme dont la vision est « Un Sénégal souverain, juste, et prospère dans une Afrique en progrès ». Ce programme se veut un programme de rupture et de refondation pour un Sénégal souverain, juste et durablement prospère.
Comme pour tout programme de développement destiné à un pays, la question de l’adaptation du programme aux réalités locales du Sénégal se dresse toujours comme un défi de taille pour la réussite de sa mise en œuvre. Ce défi tient au fait que le Sénégal, à l’image de tout pays, est une variété de caractéristiques sociales, culturelles, économiques et écologiques. Ces caractéristiques diverses et variées impliquent des opportunités et des menaces, des forces et des faiblesses pour le développement du pays. Tenir compte de ces spécificités culturelles, sociales, économiques et écologiques locales est une condition fondamentale pour gagner la mise en œuvre du programme de ladite coalition. Ce qui démontre le caractère stratégique de l’enjeu de la territorialisation du programme de la coalition gagnante.
La territorialisation du programme de rupture et de refondation sociale, culturelle, économique, politique, et environnementale pour un Sénégal souverain, juste et prospère désigne le processus d'adaptation des priorités, objectifs et de la mise en œuvre dudit programme aux particularités des contextes des territoires. Qu’est-ce qu’un territoire ?
Le territoire, qu’est-ce que ça veut dire ? Ce concept est polysémique puisque revêtant plusieurs sens selon les disciplines telles que la géographie, la science politique, le droit, la sociologie, l’écologie, l’économie, l’aménagement du territoire, la philosophie etc. Si en sciences juridiques, en sciences politiques le concept est étroitement associé à la notion d’Etat, en géographie, en sociologie, en écologie, en économie, en aménagement du territoire et en philosophie, la dimension étatique n’est pas essentielle ; elle ne figure même pas dans les critères définissant un territoire. Ces disciplines mettent davantage en avant, dans la définition du territoire, la vie de relations. L’intensité des relations sociales d’une part et des relations entre les humains et l’espace physique d’autre part est déterminante. C‘est ainsi que pour l’économiste, le territoire est défini par la puissance des relations ou activités économiques, l’abondance des ressources, et l’existence d’infrastructures. Le territoire de l’économiste peut renvoyer aux zones de marché, de réseaux de production, et de flux économiques. En écologie, le concept de territoire désigne l’espace peuplé par des espèces végétales ou des groupes spécifiques d’espèces végétales pour assurer leur reproduction et leur développement. Le territoire du sociologue est généralement défini par la perception et le sens qu’accordent les humains à l’espace physique. Le territoire est éminemment social ; il n’a de sens que par rapport à l’humain. Le territoire est un produit des relations sociales et culturelles. Cette conception est assez proche de celle du philosophe qui met l’accent, dans la définition du territoire, sur les dimensions psychologiques et symboliques ; le territoire est un espace vécu, un espace d’émotions, un lieu de mémoire, un lieu d’identité. En aménagement du territoire, l’accent est mis sur l'organisation et de la gestion de l'espace afin d’assurer un certain équilibre dans la répartition spatiale des activités, une cohérence des activités et flux, et le progrès social et économique durable sur l’ensemble du territoire. En géographie, le territoire est défini en s’appuyant à la fois sur les éléments naturels de l’espace terrestre mais aussi sur les relations de la sphère sociale y compris politique. La définition du territoire du géographe intègre des dimensions naturelles, politiques et sociales. Elle synthétise toutes les autres définitions.
Donc, au regard des définitions des différentes disciplines, il ressort que le territoire est un espace terrestre, réceptacle d’interactions des éléments composant les systèmes écologiques et des éléments constituant les systèmes humains mais aussi les interactions entre systèmes humains et systèmes écologiques. Les interactions du milieu écologique, du milieu social, et les relations entre les deux milieux socio-écologiques y sont si fortes, si intenses que le territoire finit par s’individualiser, se démarquer comme une entité, un ensemble cohérent. A coté de cette dimension fonctionnelle, relationnelle du territoire, il faut compter naturellement la dimension structurelle, à savoir le territoire en tant que cadre physique ou contenant de la vie de relations. Ce sont ces deux éléments structurels et relationnels qui définissent un territoire. Pour qu’un territoire soit viable, il doit respecter ces deux éléments.
Cinq principes pour réussir la territorialisation du Programme de la « Coalition Diomaye Président ». La concrétisation de la territorialisation du programme « Rupture et refondation pour un Sénégal souverain, juste et prospère » de la « Coalition Diomaye Président », exige les conditions suivantes :
- Définir les limites des territoires. Un préalable obligatoire à la réussite de la territorialisation du programme est la définition consensuelle des limites des territoires qui doivent permettre un développement viable. Le processus d’adaptation du projet, celui permettant aux territoires d’adapter le contenu des objectifs et leur mise en œuvre aux spécificités, aspirations, besoins et priorités locales requiert de connaître les espaces géographiques mais aussi économiques, culturels et politiques de mise en œuvre du projet. Cette délimitation doit se faire sur la base de critères consensuels mais objectifs tels que l’homogénéité ou la cohérence écologique, la cohérence historique voire culturelle, la cohérence économique (il faut que chaque territoire se distingue par l’entretien de rapports économiques forts entre villes et villages qui le composent), portée géographique qui permette sa viabilité etc.
- Sensibilisation des parties prenantes. Il faut, dans un premier temps, identifier de façon exhaustive les catégories de parties prenantes nécessaires/indispensables à la conception et à la mise en œuvre du projet dans les territoires. Il faut définir leurs rôles et enfin les informer des objectifs de la territorialisation du projet.
- Faire en sorte que les objectifs, les solutions et la mise en œuvre du Programme épouse les spécificités, besoins, priorités et aspirations des territoires. Cela permet garantit que les programmes sont pertinents et efficaces dans des contextes spécifiques. Cela permet d’enraciner le Programme « Diomaye Président » dans la réalité locale de répondre plus précisément aux besoins et aux défis spécifiques des communautés et des territoires concernés.
- Assurer la participation des parties prenantes tels que les gouvernements locaux, les organisations communautaires, les entreprises, et les citoyens, pour que le Programme ait une déclinaison territoriale et soit mis en œuvre de manière inclusive.
- Autonomiser les parties prenantes locales en matière de conception, d’élaboration et de conduite de et autonomisation. Ce processus offre aux communautés les moyens de piloter leur propre développement et de participer activement à la transformation de leur territoire.
Dr Aliou Gori Diouf est Géographe, spécialiste en recherche, planification, financement et gestion de projets climatiques.