S’AJUSTER PAR L’EXEMPLE
La meilleure manière de mobiliser les troupes, c’est de se mettre en première ligne. On jette tout le clinquant et le m’as-tu vu qui coûtent cher au trésor public et n’apportent aucune plus-value.
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«Ce qui s’est passé est inadmissible, incompréhensible et porte préjudice au Sénégal », a indiqué Ahmadou Al Aminou Lô, Ministre, Secrétaire général du Gouvernement, en commentant hier dimanche, le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques pour la période 2019- 2024. Et de préciser qu’« il va falloir serrer la ceinture, en commençant par l’Etat », avec une suppression d’agences, une rationalisation des subventions, des dépenses de transfert, des exonérations.
Selon le ministre, « L’heure est extrêmement grave parce que des gens investis de la confiance du peuple ont eu à avoir des comportements qui ont consisté à fausser les comptes ». Aussi a-t-il indiqué : "Si on écoute tout le monde dans ses revendications, c'est un naufrage collectif qui nous attend".
On veut bien le croire, mais à lui et au gouvernement auquel il appartient, de convaincre en donnant l’exemple. La meilleure manière de mobiliser les troupes, c’est de se mettre en première ligne. On jette les costumes, on baisse les salaires des ministres, on rationalise les agences, on en finit avec ces longs cortèges de voiture rutilantes, les voyages en première classe aux frais de la princesse. En un mot avec tout le clinquant et le m’as-tu vu qui coûtent cher au trésor public et n’apportent aucune plus-value.
On l’aura compris, il appartiendra au gouvernement d’être soucieux au premier chef de la bonne gestion de l’argent public, de montrer de la sobriété, de l’engagement. Il se doit de délivrer un message fort à savoir qu’on n’accède pas au pouvoir pour bénéficier de privilèges qui grugent le trésor public mais pour se mettre au service des populations. C’est la manière la plus probante d’opérer un changement de paradigme susceptible de ruisseler sur des pans entiers de la population et d’entrainer l’adhésion de la plupart des Sénégalais et de les amener à consentir à faire des sacrifices, même s’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts.
A l’endroit de l’ancien régime, le ministre dit avoir personnellement alerté, en tant qu'ancien directeur national de la BCEAO, sur les dangers de sa gestion hasardeuse. Ce que viendrait conforter les révélations accablantes contenues dans le rapport de la Cour des comptes, relativement à l'endettement du Sénégal qui atteint désormais 99,65% du PIB, pulvérisant le plafond de 70% fixé par les normes communautaires.
Mais cela ne saurait être un argument suffisant pour la simple raison que tout pouvoir « hérite du passif comme de l’actif » du régime qui l’a précédé.
Habitués en effet aux beaux discours non suivis d’effets, les Sénégalais veulent à coup sûr sortir de l’ère de la communication tous azimuts pour entrer de plain-pied dans le monde de la concrétude. Ils veulent que s’édifie une gouvernance respectueuse des lois et règlements, avec des autorités exemplaires qui ne profitent pas de leurs positions pour se la couler douce mais se positionnent plutôt comme des modèles en arrivant les premiers au bureau et en ressortant les derniers.
Il est essentiel d'assumer pleinement les responsabilités du pouvoir en mettant en œuvre des politiques inclusives et efficaces. La stabilité d'un pays repose en effet sur la cohésion sociale et l'équité dans la gestion des affaires publiques. Seules la transparence, la justice et la rigueur permettront de surmonter les défis et de bâtir un État fort et respecté.
A l’évidence tout le monde a conscience que durs sont les temps d’aujourd’hui, comme l’attestent toute cette vague de jeunes gens et de jeunes filles prêts à tout pour s’exiler, sous la couverture de la migration circulaire ou à leurs risques et périls, à la recherche de champs d’avenir à cultiver. Les centrales et fédérations syndicales qui se sont réunies vendredi dernier à la Bourse du travail de la Cnts (Keur Madia) et affirmé leur intention de déclencher une grève générale pour la défense des intérêts de leurs mandants seront certainement plus enclines à entendre un gouvernement qui met sur la table les sacrifices auxquels il va consentir en premier.
C’est dire que ce vent de fronde qui semble vouloir souffler appelle à instaurer au plus vite des relations de confiance avec les partenaires sociaux et les citoyens. Aussi, la publication du rapport définitif de la Cour des Comptes mercredi dernier, invite-t-elle au contraire à nous garder de toute conjecture pour nous inscrire dans un véritable et fécond débat de fond. Celui qui convoque l’esprit critique avec l’objectif d’identifier, étape par étape, les goulots d’étranglements qui compriment le Sénégal depuis près de 65 ans, l’empêchant d’afficher la ferme volonté d’avancer vers une gestion vertueuse des deniers publics, piétinant comme interdit de mouvement, sous peine de se voir aspirer par les sables mouvants de la mal gouvernance. Au-delà de toute mise en scène, il revient au président de la République Bassirou Diomaye Faye, au Premier ministre Ousmane Sonko, aux ministres et à l’ensemble du gouvernement de prendre la pleine mesure de leurs responsabilités. Aux partenaires sociaux, à la société civile, aux médias, de rester vigilants et sans concession dans la consolidation d’un Etat de droit soucieux de la bonne gestion des deniers publics. Plus que jamais, le leadership doit s'incarner dans une action efficace, guidée par la responsabilité et la justice. Il en va de notre vitalité démocratique.