SONKO, LA LUNE ET LE DOIGT
En tant que Sénégalaise de la diaspora, la DPG discours m’a rappelée à ma terre, ravivant en moi un sentiment de fierté nationale mêlé de nostalgie. À nous maintenant de lever les yeux pour notre patrie et pour nous-mêmes
« Lorsque l’on te montre la lune, tu regardes le doigt », a lancé le Premier ministre au député Abdou Mbow, las et exaspéré par celui à qui il ne semble pas vouer d’animosité particulière, allant jusqu’à se demander comment le sauver si tant est que cela soit encore possible. Une pique acérée, adressée à un adversaire, mais qui dépasse la simple joute parlementaire. Car cette lune, il ne l’a pas montrée qu’à un député. Il l’a tendue à nous tous, Sénégalais, comme une invitation à lever les yeux au-delà des querelles stériles et des horizons limités.
Un pays se transforme d’abord au mental. Cette phrase, prononcée avec une clarté presque cinglante, a résonné dans une salle pétrifiée, où le silence seul semblait répondre. Les vérités crues du Premier ministre, dévoilant les failles de notre nation et les comportements à réformer, ne laissent aucune échappatoire. C’est au forceps, cet outil qui sauve des vies dans la douleur, qu’il entend extraire notre souveraineté de l’inertie et du fatalisme. Et qu’on l’aime ou non, il est difficile de ne pas reconnaître l’engagement d’un homme qui se donne tout entier à une cause : celle de son peuple.
Durant cette Déclaration de Politique Générale, bien des choses ont été dites, mais deux éléments m’ont profondément marquée. D’abord, cette idée que la reconquête de notre souveraineté est une tâche collective, impliquant chaque Sénégalais. Cela paraît évident, mais combien d’entre nous s’y sentent réellement concernés ? Ensuite, cette phrase d’un député, reconnaissant que le Premier ministre est « précieux ». Un mot simple, mais puissant, dans un contexte où la politique tend trop souvent à déshumaniser ses acteurs. Au-delà de ces impressions, la première partie de son discours, consacrée à un état des lieux et à des mesures concrètes, n’a fait que confirmer ce que j’avais déjà lu dans le référentiel 2050. Mais c’est dans la seconde partie, où il a méthodiquement répondu aux députés, que j’ai été touchée.
Face aux questions saugrenues et à l’agitation, il a gardé son calme, m’évoquant par moments des scènes dignes des affrontements verbaux historiques. Je me suis souvenue de ce débat entre Chirac et Fabius, en 1985, où Chirac, excédé, lâchait : « Soyez gentil de me laisser parler et cessez d’intervenir comme un roquet incessamment. » Ici encore, le spectacle politicien prenait parfois le pas sur le fond, mais les arguments du Premier ministre, clairs et précis, ont fini par s’imposer. Et comme il l’a lui-même souligné, personne n’a véritablement contesté le contenu de sa déclaration. Les critiques relevaient bien plus de postures politiciennes que d’un débat de fond. Une réalité frustrante, mais hélas compréhensible dans notre paysage politique actuel.
Ce qui m’attriste cependant, c’est l’allusion répétée du Premier ministre à ce qu’il appelle leurs « médias ». Il touche ici une plaie béante : la politisation insidieuse d’une partie de notre presse. Certains patrons de presse ont eu l’honnêteté de reconnaître leur engagement politique et de l’assumer pleinement. Mais d’autres, tout aussi engagés, continuent de se cacher sous le masque de l’objectivité journalistique. Comment peut-on prétendre faire du journalisme le matin et animer des meetings politiques l’après-midi ?
Avoir des convictions politiques est une chose, mais les dissimuler pour manipuler l’opinion en est une autre. C’est une forme d’escroquerie intellectuelle, une trahison du pacte de confiance entre la presse et le peuple.
En un mot, ce que j’ai entendu lors de cette Déclaration de Politique Générale, ce n’est pas une simple liste de mesures ou une rhétorique habile. J’ai vu un homme debout, fort et serein, malgré les épreuves qu’il a traversées. Un homme capable de résister aux vociférations sans haine, portant en lui une vision claire et humaniste. En tant que Sénégalaise de la diaspora, ce discours m’a rappelé à ma terre, ravivant en moi un sentiment de fierté nationale mêlé de nostalgie. Oui, il nous a montré la lune et demandé de faire bloc. À nous maintenant de lever les yeux pour notre patrie et pour nous-mêmes.
Oumou Wane est présidente de Citizen Media Group – africa7.