UN BUSINESSMAN À LA MAISON-BLANCHE
"L’Amérique d’abord ! Les affaires d’abord. Aux commandes : un businessman à la Maison-Blanche. Tel pourrait être l’intitulé d’un livre sur Donald Trump, au vu de ses premières décisions aux relents capitalistiques."

L’Amérique d’abord ! Les affaires d’abord. Aux commandes : un businessman à la Maison-Blanche. Tel pourrait être l’intitulé d’un livre sur Donald Trump, au vu de ses premières décisions aux relents capitalistiques. Avant même de s’asseoir dans son fauteuil de Président, il avait déjà imprimé sa marque sur les grands dossiers du monde : la guerre en Ukraine ; le financement de l’Otan ; la reprise de la guerre commerciale sur fond de droits de douane ; le conflit israélo-palestinien ; les déclarations (sérieuses ?) pour une annexion du Groenland pour ses ressources naturelles ou du Canada… Rarement, les moindres mots, faits et gestes d’un Président qui n’avait même pas encore pris fonction n’auront été scrutés et analysés de la sorte, semant espoir par-ci (Israël) et inquiétudes par-là.
Dès sa prise de fonction, une batterie de mesures s’ensuit, à savoir coupes budgétaires fatales à l’aide au développement, cure d’amaigrissement des services publics, droits de douane contre des voisins alliés et la Chine). Selon un décompte de l’Afp, il en est à 79 décrets en l’espace de 40 jours, soit autant que Joe Biden pendant toute sa première année à la Maison-Blanche. Objectif de ce bousculement de l’ordre national et international : renflouer les caisses de l’Amérique. Donald Trump et le monde, c’est comme un manager d’entreprise prompt à se délester de ses charges dans un univers de profit.
Il rebat les cartes de la géopolitique mondiale plus en fonction de ses intérêts économiques que stratégique. Le tout sur fond de rapport de force. Il faut convoquer l’état d’esprit de l’homme pour comprendre sa logique. Le successeur de Biden n’a ni ami ni allié ; il n’a que des intérêts. C’est un businessman ! Il dirige son pays comme un chef d’entreprise. « You’re fired ! » (vous êtes viré ! en anglais), aimait-il lancer, durant son premier mandat, à ses collaborateurs en disgrâce, pour s’en débarrasser comme on le fait avec un employé fautif.
La couleur, il l’a annoncée et serinée : « Mon administration effectue une rupture nette avec les valeurs de politique étrangère de l’administration précédente et, franchement, du passé ». Le fardeau du parapluie militaire de l’Otan coûtant cher, il somme les Européens de casser leur tirelire pour augmenter leur budget défense.
Avec l’Union européenne, ce concurrent qui ne dit pas son nom et dédaignerait certains produits américains, selon ses dires, « pour emmerder les États-Unis », Trump brandit la menace de 25 % de droits de douane à son encontre. Taïwan, qui a, jusqu’ici, confié son sort Washington, n’a pas une idée claire de la position américaine sur les prétentions de la Chine sur l’île. L’Ukraine, humiliée, a reçu un message clair : céder ses terres rares à Washington ou être laissée à la merci de la Russie.
De toute façon, Volodymyr Zelensky n’a pas les cartes en main ! D’ailleurs, devant Trump, qui a les cartes en main ? Avec lui, « on est tous présumés ennemis de l’Amérique, présumés coupables. On doit faire la preuve de notre innocence en négociant avec Trump », disait Richard Werly du journal suisse Blick. Les analystes politiques sont complètement désarçonnés par ce mode opératoire inédit. Beaucoup estiment qu’il s’agit plutôt d’un retrait officiel des États-Unis en tant que leader du nouvel ordre mondial.
À la place du droit, Trump apporte la loi du plus fort. Exit les valeurs morales. Il faut s’enrichir, encore s’enrichir, et c’est ce qu’il a promis à ses concitoyens pour arriver au pouvoir. « Cette aberration d’ordre moral qui se déroule devant nos yeux n’est-elle pas le symptôme inévitable d’une société qui, depuis plusieurs générations, ne parle plus que d’accumulation de bébelles ? Le rêve américain, cette toute dernière consécration de la « bonne vie », le voici », constate, dans le journal « Le Devoir », Marina Pronovost, conseillère en relations internationales. L’économiste Arnaud Orain, lui, appelle cela le début d’un « capitalisme de la finitude » (in Le Monde confisqué : essai sur le capitalisme de la finitude, 16e – 21e siècle, Flammarion, 2025). Il définit ce monde comme « une vaste entreprise navale et territoriale de monopolisation d’actifs —terres, mines, zones maritimes, personnes esclavagisées, entrepôts, câbles sous-marins, satellites, données numériques— menée par des États-nations et des compagnies privées afin de générer un revenu rentier hors du principe concurrentiel ».
Et cela se fait en déstructurant les règles du marché.