VIGILANCE FACE À LA MONTEE DES DISCOURS ETHNICISTES
EXCLUSIF SENEPLUS - Ces propos, qu’ils soient le fruit d’émotions mal maîtrisées ou de manipulations cyniques, sèment des graines de division qui, si elles ne sont pas extirpées rapidement, pourraient compromettre notre avenir commun
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"Saytaane waxul dëgg waaye yàq nam xel" – Proverbe wolof
(« Satan ne dit pas la vérité mais provoque le doute »)
Ne négocions jamais notre vivre ensemble !
Le Sénégal, pays d’équilibre et de résilience, a toujours su surmonter les épreuves pour préserver son unité et sa stabilité. Cependant, cette harmonie, fruit d’un héritage commun bâti au fil des décennies, est aujourd’hui mise à l’épreuve par la montée préoccupante des discours ethnicistes. Ces discours, comme le rappelle le proverbe wolof, ne disent pas forcément la vérité, mais sèment le doute et divisent. Ce doute, pernicieux et insidieux, menace de fragiliser notre cohésion sociale et d’alimenter des fractures qu’aucun citoyen responsable ne peut ignorer.
L’histoire politique et sociale du Sénégal témoigne d'une remarquable capacité à surmonter des crises profondes. La crise politique de 1988, marquée par des contestations post-électorales et des tensions prolongées, fut l’un des premiers épisodes de turbulences majeures qui ont secoué notre démocratie naissante. Quelques années plus tard, en 1993, l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel a plongé le pays dans une autre crise de grande ampleur, mettant à l’épreuve notre système politique et notre stabilité institutionnelle. Cependant, loin de sombrer dans la division, ces épreuves ont incité le Sénégal à prendre un tournant décisif. En renouant avec le dialogue national, en engageant des réformes profondes et en renforçant la transparence du processus électoral, le pays a non seulement surmonté ces crises, mais a aussi renforcé ses bases démocratiques. Ainsi, malgré la gravité de ces événements, le peuple sénégalais a fait preuve de retenue, de résilience et d’une profonde volonté de justice, permettant à notre pays de préserver sa stabilité.
Entre 2021 et 2023, le Sénégal a traversé une autre période de turbulence, marquée par des manifestations virulentes nourries par l’insatisfaction économique et des tensions politiques exacerbées. Des milliers de jeunes, frustrés par des défis sociaux et économiques, sont descendus dans les rues pour exprimer leur mécontentement. Ce contexte aurait pu dégénérer, mais fidèle à son héritage de dialogue, le Sénégal a su éviter le pire et amorcer un retour à la stabilité. Ces épisodes, bien que difficiles, illustrent notre capacité collective à protéger l’unité nationale et à surmonter les défis dans un esprit de paix. Ce sont ces valeurs que nous devons continuer à promouvoir et préserver sans compromis.
Cependant, la montée des discours ethnicistes représente une menace nouvelle et insidieuse. Ces discours, souvent portés par des acteurs en quête d’intérêts politiciens ou par des opportunistes malintentionnés, jouent sur les peurs et les préjugés, opposant des communautés qui, depuis toujours, vivent ensemble. Ces propos, qu’ils soient le fruit d’émotions mal maîtrisées ou de manipulations cyniques, ne reflètent aucune vérité, mais sèment des graines de division qui, si elles ne sont pas extirpées rapidement, pourraient compromettre notre avenir commun. Nous devons les combattre avec fermeté et refuser qu’ils érodent les bases de notre vivre ensemble.
La Constitution sénégalaise, dans son préambule, affirme avec force que « le Sénégal est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Elle consacre l’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Ces principes fondamentaux constituent le socle de notre vivre ensemble. Mais aussi solides soient-ils, ces textes ne suffiront pas à garantir notre unité si nous, citoyens, ne prenons pas pleinement conscience de notre responsabilité. La vigilance collective est impérative. Chacun doit s’interroger : à qui profitent ces discours de haine ? Pourquoi laisser prospérer des idées qui mettent en péril cet héritage précieux que nos anciens ont bâti avec courage et détermination ?
Nous n'avons pas le droit de ternir le legs précieux de nos illustres aînés, hommes et femmes d'exception, porteurs de sagesse, de courage et de dignité, qui ont façonné le Sénégal tel que nous le connaissons aujourd'hui. Des figures politiques emblématiques, telles que Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Lamine Gueye, Waldiodio Ndiaye, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Majhemout Diop, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savané et bien d’autres – qu'ils aient exercé le pouvoir ou incarné l’opposition – ont joué un rôle fondamental dans la construction de l'État et la consolidation de la démocratie. Dans le domaine religieux, des leaders comme Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy, Seydina Limamou Laye, Cheikh Al Islam Ibrahim Niasse (Baye Niasse), Monseigneur Hyacinthe Thiandoum, Monseigneur Théodore Adrien Sarr, et bien d’autres ont incarné l'unité nationale et œuvré sans relâche pour la paix sociale et le dialogue interreligieux. Des intellectuels et écrivains tels que Cheikh Anta Diop, Ousmane Sembène, Aminata Sow Fall, Mariama Bâ, entre autres, ont enrichi notre culture et affirmé notre identité. Ces figures, issues de divers horizons, ont bâti et nous ont légué une nation forte et solidaire. Leur héritage est un bien précieux que nous avons le devoir de préserver et de transmettre.
Le Sénégal ne peut se permettre de céder à ces dérives. Notre diversité culturelle, ethnique et religieuse a toujours été une richesse, jamais un obstacle. C’est cette diversité qui a permis à notre pays de rester un modèle en Afrique et dans le monde. En mars 2024, lorsque pour la première fois un opposant est arrivé au pouvoir dès le premier tour sans contestation, nous avons montré au monde ce que nous sommes capables d’accomplir lorsque nous restons unis. Cette avancée majeure dans notre processus de construction nationale et de consolidation démocratique, largement saluée par la communauté africaine et internationale, témoigne de la solidité de nos institutions et de la maturité de notre démocratie.
Ne laissons pas des discours irresponsables détruire ce que des générations ont bâti avec courage et détermination. Le Sénégal est notre bien commun, un héritage précieux que nous avons le devoir de transmettre intact, sinon renforcé, aux générations futures.
Unissons-nous pour défendre notre unité nationale.
Unissons-nous pour dire non aux discours de division et de haine.
Unissons-nous pour protéger notre vivre ensemble, car de lui dépendent notre stabilité et notre avenir.
Ne négocions jamais notre vivre ensemble !