DE NOUVEAUX BLOCS POLITIQUES EN PERSPECTIVE
Alors que la création du mouvement politique d'Amadou Ba risque d'accentuer le schisme au sein de Benno, la récente déclaration d'Aliou Sall ouvre la voie à une reconfiguration majeure du champ politique en vue des législatives
Le départ d’Aliou Sall des rangs de l’APR participe à un jeu de chaises musicales au sein de notre politique, visant à reconfigurer la classe politique autour de grands pôles pour résister à la montée en puissance de Pastef. Des pourparlers sont en cours pour la réunification de la grande famille socialiste, autour du PS et de Taxawu Sénégal, dans le but de revitaliser le grand pôle socialiste indépendamment de Benno.
Aliou Sall, ancien maire de Guédiawaye, qui vient d’annoncer son départ de l’APR, a indiqué sur les ondes de la RFM être en négociation avec Amadou Ba, sans préciser le contenu de leurs entretiens. Aliou Sall a également admis discuter avec divers acteurs politiques, dont le Parti socialiste. « J’ai eu des discussions approfondies avec le Parti socialiste, tout comme avec notre ancien candidat à la Présidentielle, Amadou Ba. Mais pour l’instant, je préfère observer, car après les événements de 2021 et 2023, il est crucial de faire une pause et de réfléchir à notre façon de faire de la politique », a déclaré l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Ce départ du frère de l’ancien président de l’APR semble être le prélude à un jeu de chaises musicales au sein de l’opposition en pleine recomposition. En effet, la récente déclaration de l’ancien Premier ministre Amadou Ba, annonçant sa volonté de créer son propre mouvement, semble être le déclencheur d’un vaste mouvement au sein de Benno. Notamment, les partis alliés et les technocrates membres de l’APR pourraient être tentés de rejoindre le mouvement d’Amadou Ba, qui aspire à devenir le leader de l’opposition. De nombreux fidèles, comme Cheikh Oumar Hann, Demba Diop (Diopsy), Cheikh Oumar Sy et Samba Sy, semblent depuis longtemps se retirer des activités de l’APR, une partie n’ayant jamais soutenu la candidature d’Amadou Ba.
Ce jeu de chaises musicales risque de s’intensifier à l’approche des élections législatives avec la formation de blocs. Des tentatives de rapprochement entre le PS et Taxawu Sénégal, et peut-être l’AFP, pourraient marquer la création d’un bloc socialiste, tandis qu’un grand pôle libéral, initié par Babacar Gaye, ancien responsable libéral de Kaffrine, pourrait rassembler toute la grande famille libérale à l’exception du PDS.
Cette reconfiguration du champ politique en vue des législatives anticipées pourrait entraîner d’importantes secousses au sein de Benno. Déjà, des partis alliés comme l’AFP ont dénoncé l’hégémonie prédatrice de l’APR dans les investitures et la répartition des postes ministériels et politico-administratifs. Ainsi, le mouvement politique d’Amadou Ba, toujours en gestation, risque d’accentuer ce schisme au sein de Benno, et particulièrement de l’APR. Pour mener à bien cette opération, Amadou Ba souligne l’importance de créer une nouvelle dynamique politique axée sur le développement et le bien-être de tous les citoyens.
Dans cette reconfiguration, la formation d’un grand pôle de gauche est également devenue une nécessité pour plusieurs partis politiques. Ainsi, des pourparlers entre le Parti socialiste et Taxawu de Khalifa Sall ont été signalés. Le 9 mai dernier, lors de leur résolution finale, les sages ont salué « l’heureuse rencontre à l’initiative de M. Khalifa Ababacar Sall, accompagné de MM. Barthélemy Dias et Jean-Baptiste Diouf avec Mme Aminata Mbengue Ndiaye, secrétaire générale du Parti socialiste ». Dans la même optique, les sages du parti souhaitent rassembler la grande famille politique de Léopold Sédar Senghor. Bien que les contours de cette réunification restent flous, de nombreux spécialistes appellent à cette réunion pour perpétuer l’héritage socialiste au sein de la classe politique sénégalaise.
‘’La grande famille sociale-démocrate manque de grands leaders’’
Malgré son revers lors de la dernière présidentielle avec 1,56 % des voix, Khalifa Sall et son parti Taxawu restent bien implantés dans le département de Dakar et à Saint Louis. Ainsi, l’ancien maire de la capitale peut toujours compter sur son réseau de maires de la capitale (Grand Yoff, Yoff, Mermoz Sacré Cœur, Point E) et sur Barthélémy Dias, maire de Dakar, pour tenter de rebondir politiquement. Le Parti socialiste, qui souffre de son statut de partenaire mineur de l’APR et est relégué au rang de supplétif de la machine APR lors des élections, ne semble pas contre une nouvelle alliance pour retrouver une nouvelle dynamique.
Concernant une éventuelle inclusion de l’AFP dans ce grand pôle de gauche de Benno, Dr Malick Diop, ancien maire de Point E, se montre prudent : « À chaque question son heure, mais en ce qui concerne les alliances, tout est possible. Le parti est en train de se renouveler et il est difficile de parler de coalition tant que les discussions internes sont en cours », a-t-il soutenu.
Pour l’analyste Mamadou Sy Albert, cette inclusion sera difficile à réaliser, car Moustapha Niasse a échoué dans sa mission de réunir toute la grande famille sociale-démocrate pour constituer une alternative au libéralisme. ‘’Bien que le parti compte de nombreux cadres, il manque de grands leaders capables de porter ce projet de réunification des mouvements progressistes’’, a-t-il déclaré.
La bataille des pôles politiques doit également tenir compte de la question du principal opposant au duo Sonko-Diomaye. Les différentes formations politiques cherchent à gagner un second souffle politique en vue de l’élection présidentielle de 2029. Les principales formations politiques s’efforcent de s’agréger autour de grandes coalitions pour contrer la montée en puissance de Pastef, qui rassemble les forces souverainistes.