DES MAGISTRATS EN COLÈRE
L'ombre des dossiers politico-judiciaires de l'ancien régime a plané sur l'AG de l'UMS ce week-end. En cause : les récentes affectations de juges perçues par beaucoup comme des sanctions ciblées. Si la hiérarchie minimise la situation, la grogne monte
L’Assemblée générale de l’Ums qui se tenait traditionnellement à Saly a eu lieu samedi au King Fahd Palace, dans une ambiance pour le moins délétère, compte tenu surtout de l’hostilité tout le temps manifestée par le président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko depuis l’époque de l’opposition, à l’endroit des juges. Mais elle a surtout été marquée par le contexte d’affectations de tous les juges trempés dans les dossiers politico-judiciaires ayant jalonné le défunt régime. Conséquences : des voix ont résonné haut pour dénoncer cette injustice contre les magistrats.
Ce n’est pas seulement Tambacounda qui râle à cause de la stigmatisation dont elle fait l’objet. Les magistrats aussi, en majorité, dissimulent difficilement leur colère à cause des affectations aux relents de sanctions prononcées contre les magistrats Omar Maham Diallo, Mamadou Seck, Issa Ndiaye, Abdou Karim Diop, Ibrahim Bakhoum, Amady Diouf, Mamadou Cissé Fall etc. En majorité de jeunes juges, droits dans leurs bottes, ont exprimé leur ras-le-bol devant leurs collègues hébétés. Le ministre était certes parti, mais les échos lui parviendront sans doute par ses amis et affidés qu’il a placés à la tête de certains parquets. Pour ces orateurs, cette propension à procéder à des affectations-sanctions est un précédent dangereux. «Si un juge a fauté, ce qui est indiqué est que la hiérarchie actionne l’Inspection générale de la justice (Igaj). Le cas échéant, sanctionner les fautifs conformément à la loi par la chambre de discipline du conseil supérieur», ont-ils martelé.
En somme, pour eux, ces affectations aux relents de règlement de comptes risquent de faire tache d’huile. Comme pour temporiser, le président de l’Ums Chimère Diouf a déclaré que Tambacounda est loin d’être une affectation-sanction. Il faut dire que Omar Maham Diallo et compagnie n’ont pas été rétrogradés et gardent par conséquent les avantages y afférents. Aussi, seront-ils beaucoup moins chargés à la cour d’appel de Tamba où ils ne seront pas tenus de loger. Mais pour Amady Diouf et Bakhoum affectés au ministère, il va sans dire qu’ils seront au frigo où ils boiront le calice de l’humiliation de la part du garde des Sceaux avec qui ils ont eu des rapports heurtés par le passé.
Les magistrats sanctionnés boycottent l’AG
Même s’ils ont été défendus par leurs pairs, les magistrats sanctionnés n’ont pas été aperçus samedi. Ont-ils boycotté la réunion ? Motus et bouche cousue. Les magistrats Mamadou Cissé Fall, Omar Maham Diallo, Mamadou Seck, Issa Ndiaye, Abdou Karim Diop étaient tous absents. En revanche, les juges du Conseil constitutionnel, à l’image de Badio Camara et Cheikh Tidiane Coulibaly, ont eu droit à des fleurs. Honorés par le rôle qu’ils ont joué pour avoir sauvé le pays, ils ont reçu un tableau en signe de reconnaissance, une réponse subtile au Premier ministre qui les voue aux gémonies. Par ailleurs, L’As a appris qu’Ibrahima Bakhoum, membre de droit du CSM en sa qualité de procureur général de cour d’appel, n’a pas pris part à la réunion. Sans doute éprouverait-il une certaine gêne à se retrouver face à ses contempteurs qui le clouent au pilori.
En tout état de cause, si pour les juges qui ont pris le bus en direction de Tamba, ils gardent leurs grades, il n’en est pas de même pour ceux qui ont été affectés au ministère où ils perdent l’avantage d’aller à la retraite à l’âge de 68 ans.