ÉLECTION AU SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT, UNE OPPORTUNITÉ POUR LES FEMMES ?
La loi sur la parité a permis d’avoir plus de femmes dans les instances électives et semi-électives. Le nouveau Code électoral qui permet désormais l’élection des maires au suffrage universel direct peut-il accentuer davantage le leadership féminin ?
La loi sur la parité, adoptée en mai 2010, a permis d’avoir plus de femmes dans les instances électives et semi-électives. Le nouveau Code électoral qui permet désormais l’élection des maires au suffrage universel direct peut-il accentuer davantage le leadership féminin ? De belles perspectives se dessinent, selon les femmes leaders interrogées, même si le combat est loin d’être gagné.
Le nouveau Code électoral, adopté le 12 juillet 2021, peut-il aider à avoir plus de femmes comme Maires ? Beaucoup de femmes leaders le pensent. Elles estiment que cette nouvelle disposition sonnera le glas des manœuvres politiciennes qui accompagnaient souvent le choix d’une personnalité après la proclamation des résultats, avec notamment le pouvoir donné aux Conseillers de choisir le Maire. Aïda Sopi Niang, Coordonnatrice du Mouvement du 23 juin (M23), par ailleurs Conseillère municipale à la Ville de Dakar, estime que de meilleures perspectives se dessinent pour la gent féminine. Toutefois, elle est d’avis que les femmes doivent se donner les moyens de bien se positionner sur le terrain politique.
Mme Niang pense également que la caution peut ne pas être, pour ces joutes électorales, à l’avantage des femmes souvent confrontées à un manque de moyens financiers. « Le nouveau mode de désignation des Maires peut aider les femmes à progresser, mais la caution peut constituer un blocage pour la plupart d’entre elles si elle atteint un certain montant. Si c’est le cas, l’objectif est de promouvoir les femmes bourgeoises, c’est-à-dire celles qui ont des capacités financières, alors que la majorité participe activement à la vie communautaire », affirme-t-elle.
Estimant que la majorité des femmes auront du mal à verser la caution exigée, Aïda Sopi Niang met l’accent sur la nécessité de trouver une alternative.
Aminata Faye Dièye, Conseillère municipale à la Mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, salue l’adoption du nouveau Code électoral qui est, selon elle, « une avancée majeure » pour la démocratie sénégalaise. Mais, elle souligne n’avoir pas attendu cette disposition juridique pour se lancer dans la compétition électorale. « J’avais décidé de poser ma candidature et d’être tête de liste majoritaire. L’avantage du nouveau mode d’élection des Maires est qu’il permet aux populations de connaître et de choisir leur Maire. Auparavant, les Conseillers municipaux les élisaient à leur place », souligne Mme Faye.
Toujours est-il que pour notre interlocutrice, les femmes ne doivent pas dormir sur leurs lauriers. « La loi est impersonnelle. Tout dépend de la bataille qu’elles vont mener pour figurer en bonne position. Il faut qu’elles cherchent à se faire une place dans les mouvements citoyens et les partis politiques. Cela ne sera pas facile, car les hommes ne laisseront jamais les femmes jouer les premiers rôles », ajoute-t-elle.
L’ancienne ministre et ancienne présidente du Conseil des femmes sénégalaises (Cosef), Hawa Dia Thiam, qui s’est toujours battue pour une meilleure représentativité des femmes partage cet avis. Elle les encourage à faire bouger les lignes malgré des acquis importants enregistrés ces dernières années grâce à la loi sur la parité. Mme Thiam les invite à redoubler d’efforts pour conquérir les villes, même si elle reconnaît que leur parcours ne sera pas lisse avec les coalitions électorales en 2022. Selon elle, cette donne peut déjouer les pronostics. « Avant l’adoption du suffrage universel direct, il arrivait que l’élection d’un Maire soit négociée ; un toilettage a été opéré avec le nouveau Code électoral. Mais, les femmes doivent poursuivre leur combat pour bien se positionner en dépit de l’émergence des coalitions électorales. Nous comptons également sur la volonté politique et la collaboration des hommes pour une meilleure représentativité des femmes en respectant la loi sur la parité », souligne Hawa Dia Thiam. C’est toute l’importance, dit-elle, des formations initiées dans l’optique de renforcer les capacités des femmes et de promouvoir une représentation qualitative dans les instances de décision. La formation est le meilleur levier sur lequel les femmes doivent s’appuyer pour opérer de grands changements en dépit de la nouvelle loi électorale.
Cependant, les femmes souhaitent que celles qui aspirent à diriger les collectivités territoriales soient compétentes et engagées. « C’est important d’impulser des changements, notamment à la base. La loi sur la parité constitue un acquis important. La liste paritaire est une condition de recevabilité des listes électorales, mais nous n’avons pas encore la moitié des femmes au niveau des instances électives. La nouvelle disposition peut donc aider », ajoute l’ancienne Ministre, par ailleurs Présidente de la plateforme « Les Femmes Debout ».
Mme Thiam pense que les femmes qui sont à des postes de responsabilité peuvent aider leurs sœurs à gravir les obstacles. « Beaucoup d’efforts ont été faits dans ce sens », reconnait-elle, invitant alors les femmes à se lancer à la conquête des villes et à faire du lobbying pour atteindre leurs objectifs.