ENJEUX D’UN COUPLAGE
Le scénario d'un coup double impliquant les législatives et les territoriales est à double tranchant : il pourrait rebattre les cartes au profit du pouvoir, mais l'opposition risque de s'y opposer pour conserver ses bastions locaux
L’idée du couplage des élections territoriales et législatives serait une des propositions phares d’une partie de la société civile qui se penche sur l’édition d’un livre blanc sur le système électoral. Ce qui suggère la double dissolution de l’Assemblée et des collectivités territoriales. Diomaye et Sonko, qui ne sont pas majoritaire, ne cracheraient pas sur une telle perche. Mais l’opposition laisserait-elle les parcelles de pouvoir qui lui restent lui filer entre les mains ? En attendant, il y a le garde-fou de l’impossibilité d’une dissolution générale des collectivités.
La dissolution de l’Assemblée nationale est de plus en plus agitée. Et la saisine du Conseil constitutionnel par le chef de l’Etat irait dans ce sens. Mais une autre idée fait son chemin. Des voix rejoignent ainsi le Collectif des organisations de la société civile (Cosce) et prône un couplage des élections législatives avec les élections territoriales. Cette formule est entretenue par la frange qui estime que le régime doit avoir «une majorité aussi bien législative que territoriale», considérant qu’en l’état actuel, il y a une «cohabitation» avec le contrôle de plus de 500 communes et départements par Benno bokk yaakaar. D’autres, du côté de Pastef, soutiennent que le Président a, là, l’occasion de «rationaliser le calendrier électoral».
Macky Sall en 2023 : «11 élections en 11 ans, Ça n’a pas de sens et ça nous coûte cher»
En juin 2023, recevant le rapport issu des travaux du dialogue national qu’il avait lancé le 31 mai de la même année, le Président Macky Sall avait plaidé cette cause. «En 11 ans, j’ai organisé 11 élections au Sénégal. Ça n’a pas de sens et ça nous coûte cher. Il nous faut rationaliser tout cela», avait-il insisté. Et c’était aussi la position de certains responsables de la société civile. «Il faut arriver à organiser les élections à la même année pour avoir quatre années pleines pour travailler, les élections législatives et territoriales peuvent être couplées et organisées cette année», avait plaidé le directeur exécutif de l’Ong 3D, en mai dernier. Mais il faudra, au préalable, procéder à la dissolution des collectivités territoriales. Pas si évident !
Impossible dissolution générale
D’abord, même si l’organisation des deux élections participerait de la rationalisation, il est quasiment impossible de le faire. Parce que «la dissolution ne peut plus être faite par une mesure générale». Pour l’organisation de telles élections, il faudra installer trois urnes dont chacune sera réservée à un type d’élection : une pour le département, une pour les communes et une pour les Législatives. Ce qui allongerait, considérablement le temps de vote. Sans compter la confection des bulletins de vote ? A cela s’ajoute la question du parrainage qui constitue également une difficulté et non des moindres au regard des dispositions actuelles de la loi électorale. A ne pas perdre de vue que les acteurs lors du dialogue politique avaient décidé d’introduire une nouveauté pour le vote des maires à l’élection uninominale, c’est-à-dire l’élection du maire au suffrage universel direct. Ce qui voudrait dire que ces élections vont être complexes, si toutefois, le couplage est acté. Interrogé en 2021 par le quotidien EnQuête, Moundiaye Cissé, directeur exécutif de l’Ong 3D déclarait : «On ne saura pas qui veut être député, qui veut être maire surtout avec cette nouvelle donne d’élection uninominale des maires. La nature des deux élections n’étant pas la même, les objectifs et les enjeux non plus, il sera difficile à une pluralité de partis, pour des raisons de cohérence, de conclure une alliance au niveau national sur les listes de députés et de se combattre au niveau local ou les stratégies d’alliance ne sont pas les mêmes, compte tenu des réalités et vice versa».
Une perche pour Diomaye-Sonko
En proposant le couplage des Législatives et des Territoriales, la société civile, dont la grande majorité était contre en 2021, n’est-elle pas en train de tendre une bonne perche au pouvoir qui peut surfer sur sa popularité. Ainsi, a priori, le régime Pastef pourrait rebattre les cartes au niveau local. Ce qui suggère la double dissolution de l’Assemblée, contrôlée par Benno, et des collectivités territoriales dont plus de 500 sont entre les mains du régime sortant. Même si l’opposition, Yewwi askan wi notamment, règne sur certaines grandes villes. Abdoulaye Wade en 2001, après avoir installé des délégations spéciales, avait raflé presque toutes les collectivités aux Locales de 2002.