«JE N’AI JAMAIS DONNE CARTE BLANCHE AU PRESIDENT MACKY POUR SOUTENIR UN CANDIDAT !»
Pape Samba Mboup, ex-membre de la conférence des leaders de Benno Bokk Yakaar, a repris sa liberté, se prononce avec la franchise qu’on lui connaît sur quelques sujets brûlants de l’actualité.
Acteur central du « Sopi » des années de braise, dernier des Mohicans de cette période, chef de cabinet du président Abdoulaye Wade, caution morale de Benno Bokk yaakar dont il faisait partie de la Conférence des leaders, Pape Samba Mboup, qui a repris sa liberté, se prononce avec la franchise qu’on lui connaît sur quelques sujets brûlants de l’actualité.
Le TEMOIN - Pape Samba Mboup, l’Alliance Pour la République (APR) a investi en grande pompe jeudi dernier son candidat à la présidentielle de février prochain, Amadou Ba. Depuis qu’il a été choisi par le président Macky Sall, presque tous les responsables de la majorité présidentielle lui ont fait allégeance. Mais vous, on ne vous a entendu nulle part. Pourquoi ce silence qui ne vous ressemble pas ?
Pape Samba MBOUP - Parce que, moi, lors de l’assemblée générale qui avait donné carte blanche au président Macky Sall pour choisir un candidat de la majorité présidentielle, je ne faisais pas partie de ceux qui lui avaient donné ce blanc-seing. J’avais demandé la parole à cette occasion et lorsque, après plus de 30 à 40 orateurs qui m’avaient précédé, on me l’a donnée enfin, j’ai dit que je passais mon tour et que je renonçais à parler. Je pense que le Président avait compris que je n’étais pas d’accord sur cette manière de faire. Et puis, de toutes façons, tous les orateurs qui m’avaient précédé ayant tous soutenu qu’il fallait donner carte blanche au Président, il ne servait à rien de ramer à contre-courant, d’être en quelque sorte un cheveu dansla soupe. Moi, j’ai toujours soutenu le président Macky Sall tant qu’il était au pouvoir et tant qu’il était candidat. Je l’ai fait sans être membre de l’APR parce qu’il m’avait demandé de le soutenir et avait envoyé auprès de moi à cette fin Samuel Sarr. A ce moment-là, j’étais « dans la rue » puisqu’on venait de m’exclure du Pds. Encore une fois, n’ayant pas donné carte blanche au Président pour choisir un candidat, je ne vois pas pourquoi je m’alignerais derrière celui qu’il a désigné.
Oui mais, cela n’explique toujours pas votre silence…
Pour ce qui est de mon silence, j’attendais d’avoir tous les éléments d’appréciation avant de parler. J’attends toujours d’ailleurs pour me prononcer par rapport au candidat que je soutiendrai. Le Sénégal est dans une nuit profonde qui heureusement précède l’aurore qui va tout éclaircir. A ce moment-là, et en temps opportun, je me prononcerai. Vous me permettrez de profiter de l’occasion pour remercier chaleureusement le président Macky Sall pour le soutien qu’il n’a cessé de m’apporter au moment où j’en avais le plus besoin et aussi pour avoir toujours répondu à mes sollicitations. Je lui souhaite de sortir par la grande porte et forme des vœux de santé, de bonheur et de longévité à son endroit et à celui de sa famille.
Mais pourquoi donc ne soutenez-vous pas Amadou Ba ?
Parce que je le connais très bien. J’aurai l’occasion de dire pourquoi. J’expliquerai aussi comment et dans quelles conditions je l’ai connu. Le moment venu, je développerai ce point. Il n’a aucune chance de remporter l’élection présidentielle. Benno aurait pu gagner et continuer à garder le pouvoir si, à la place d’Amadou Ba, des responsables comme Mahammad Boun Abdallah Dionne, Aly Ngouille Ndiaye, Abdoulaye Daouda Diallo voire Mimi Touré avaient été choisis pour porter ses couleurs à la présidentielle du 25 février. Malheureusement, le président a choisi un tocard. D’ailleurs, ce candidat avait-il fait sa déclaration de patrimoine au lendemain de sa nomination comme Premier ministre ? J’aimerais bien le avoir !
Parmi les noms que vous avez cités, il y a celui de Mi Touré qui n’est quand même plus membre de la majorité présidentielle depuis longtemps ! Pourquoi donc elle ?
J’ai mentionné son nom dans le cas où elle serait restée à l’APR. Et puis, rien n’empêchait d’aller la chercher pour qu’elle revienne dans sa famille. Ma proximité avec Mimi, je l’assume car elle, c’est une sœur que je connais depuis longtemps. Ça remonte à l’époque où le Pds étaient encore dans l’opposition avant d’accéder au pouvoir, du temps de la Conacpo (conférence des chefs de partis de l’opposition). Elle y était la plénipotentiaire de Landing Savané, alors secrétaire général d’AJ/PADS, Ousmane Badiane représentait la Ligue démocratique, Abdoulaye Faye et moi y étions pour le compte du Pds, il y avait aussi Bamba Ndiaye du MSU, Babacar Sané, feu Me Sourang du PLP etc. C’est là, au cours des années de braise, que j’ai connu Mimi Touré. Bien que plus jeune à l’époque, elle s’était fait apprécier pour son courage, sa pertinence et sa compétence. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts mais cette grande dame n’a pas changé dans son engagement.
C’est ce soir à minuit (Ndlr, l’entretien a été réalisé hier) le deadline pour le dépôt des dossiers de candidatures pour la présidentielle. Ousmane Sonko, le leader de Pastef, a fait déposer le sien. Pensez-vous que sa candidature pourrait ou devrait être retenue ?
Il n’est ni possible, ni concevable d’écarter sa candidature. Quelqu’un qui représente une frange aussi importante de la population et qui draine des foules immenses à chacune de ses apparitions, un leader politique aussi populaire doit pouvoir participer à l’élection présidentielle. Il est victime d’une injustice et d’un harcèlement sans noms. Depuis l’indépendance du Sénégal, jamais un homme politique n’a subi autant de brimades et de persécutions qu’Ousmane Sonko. Comment un parti au pouvoir chargé de faire appliquer les lois du pays peut-il refuser de faire respecter les décisions de justice concernant cet homme ? Mais venant du président de la République, cela ne saurait guère étonner puisqu’en 2007, déjà, alors qu’il était Premier ministre ou ministre, il avait fait le forcing pour voter sans présenter sa carte nationale d’identité alors pourtant que le code électoral l’exige. Il aurait pu envoyer ses gardes du corps aller lui chercher cette pièce mais ne l’avait pas fait, préférant violer la loi.
A propos de décisions de justice, les magistrats de ce pays sont très critiqués dans la gestion de cette affaire Sonko même s’il y a eu récemment quelques éclaircies dans la grisaille. Quelle appréciation portez-vous sur notre justice ?
J’ai lu récemment une citation que je vais partager avec vos lecteurs. Elle dit ceci : « la loi enferme l’homme qui a volé une oie et libère l’homme qui a volé la terre de l’oie ». Je ne dirais jamais du mal de la justice parce que je la respecte beaucoup mais surtout parce que mon propre père était un magistrat. Il a été juge au tribunal du travail de Dakar avant d’être affecté au tribunal départemental de Kébémer puis à celui de Kolda. Il a terminé sa carrière au tribunal départemental de Mbour. C’était aussi un imam qui dirigeait des prières après le travail, y compris à Kolda qui est une ville d’érudits. Un jour, en fouillant dans ses archives après son décès, je suis tombé sur une lettre adressée à quelqu’un dont je ne citerai pas le nom. Il disait au destinataire ceci : « je vous renvoie cette enveloppe bourrée d’argent que vous m’avez envoyée pour l’affaire X (Ndlr, Pape Samba Mboup ne veut pas l’évoquer). N’eut été la relation que j’ai avec votre père, je vous aurais traduit devant les tribunaux. Sachez seulement que cette affaire, je la jugerai selon la loi et selon ma conscience ». J’espère seulement que, comme mon défunt père, nos magistrats actuels jugent toutes les affaires soumises à leur appréciation selon la loi et selon leur conscience !
Pour terminer, Pape Samba Mboup, quel candidat allez-vous soutenir lors de la prochaine présidentielle ?
J’attends d’abord que le Conseil constitutionnel divulgue la liste des candidats retenus pour prendre part à ce scrutin avant de me déterminer. A ce moment-là, je soutiendrai la personne dont je pense qu’elle pourra tirer notre pays de sa grave situation actuelle.