LA FRANCE ACCUSÉE D'INGÉRENCE DANS LA PRÉSIDENTIELLE
Les zones d'ombre entourant la renonciation effective de Karim Wade à la nationalité française et sa validation par le Conseil constitutionel sénégalais alimentent les soupçons sur les réelles motivations du gouvernement de Macron
La publication soudaine d'un décret du gouvernement français déchoyant officiellement Karim Wade de sa nationalité française jette le trouble sur l'élection présidentielle du 25 février prochain. Alors que sa double nationalité hypothéquait sa candidature, cet acte express du cabinet d'Emmanuel Macron alimente les accusations d'ingérence de la France.
Signé à peine un mois après sa prise de fonctions par le Premier ministre Gabriel Attal et son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, le document du 16 janvier 2024 stipulant que le candidat du PDS "est libéré de son allégeance à l'égard de la France" a de quoi interroger. C'est en tout cas l'analyse de Juan Branco, avocat français du candidat Ousmane Sonko actuellement en prison.
"A peine nommé à Matignon, quelle est l’une des premières décisions du jeune premier ministre, Gabriel Attal ? S’ingérer dans l’élection présidentielle d’un pays africain, en l’occurrence le Sénégal, en tentant de sauver la candidature de Karim Wade. La Françafrique a les dents longues", s'insurge Me Branco sur X (ex-Twitter).
Au Sénégal également, les soupçons sont nombreux. Le parti d'opposition La République des valeurs, qui avait saisi le Conseil constitutionnel d'un recours contre la candidature de Karim Wade, campe sur ses positions. « Même si c’est la tâche du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur de signer les décrets, le timing laisse penser que le gouvernement français s’est précipité pour sauver un candidat à la présidentielle sénégalaise", déclare M. Faye, son représentant interrogé par Le Monde.
Plusieurs zones d'ombre demeurent en effet. À commencer par la date de la renonciation effective de l’ancien ministre exilé au Qatar, qu'il faisait remonter à 2018 mais que le décret fait prendre effet au 16 janvier seulement. Il y a flou aussi sur les raisons ayant poussé le Conseil constitutionnel à valider sa candidature avant même que sa nationalité ne soit officiellement réglée.
En s'immisçant de la sorte dans le jeu politique sénégalais, la France s'expose à de lourdes accusations dont elle a du mal à se défaire sur le continent. L'affaire risque en tout cas de jeter le trouble sur la crédibilité du scrutin à venir.