LA RUPTURE EST INÉVITABLE ENTRE SONKO ET DIOMAYE, SELON YORO DIA
L’ancien porte-parole de Macky Sall dresse un constat sans complaisance des cent premiers jours du pouvoir. Selon lui, le Premier ministre exerce une mainmise excessive sur le président, une dynamique vouée à l'échec face aux dérives du leader de Pastef
S’il y a quelqu’un qui s’oppose vraiment au nouveau régime avec un discours bien construit, c’est vraiment le journaliste Yoro Dia. L’ancien ministre porte-parole du président Macky Sall a dépeint en noir le mode de fonctionnement du pouvoir actuel; non sans prédire une rupture inévitable entre les deux têtes qui l’incarnent en l’occurrence Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko.
Après 100 jours d’exercice du pouvoir, le constat général est qu’il y a une certaine hégémonie du chef du gouvernement sur le président de la République. Invité de l’émission Grand Jury hier sur RFM, le journaliste et analyste politique Yoro Dia, dernièrement très hostile au régime actuel, a conforté cette thèse. Il estime cependant que cela ne va pas durer éternellement. “On dit que Sonko mooy Diomaye. Mais si Diomaye devient Senghor, on va tout droit vers le clash qui s’était produit entre Senghor et Dia en 1962. A l’époque, tous les pouvoirs étaient entre les mains du président du Conseil Mamadou Dia et rien entre les mains de Léopold Sédar Senghor. Aujourd’hui, dans les textes, tous les pouvoirs sont entre les mains de Diomaye et rien entre les mains du Premier ministre Ousmane Sonko”, rappelle monsieur Dia. Toujours, selon l'analyste, il y a ainsi trois schémas qui peuvent éventuellement se produire. Actuellement, dit-il, “nous avons le schéma anglais avec un Président qui est comme le roi d’Angleterre. Diomaye règne; mais il ne gouverne pas”.
Et le deuxième schéma, ajoute-til, est comparable à celui iranien où le guide suprême est au-dessus du président de la République. “Sonko se comporte de cette manière”, renchérit-il. Or, précise l'analyste politique, dans le système sénégalais, rien ni personne n’est au-dessus du chef de l’Etat.
Enfin, Yoro Dia soutient que le troisième schéma est celui gambien à travers lequel les institutions vont naturellement affranchir le président de la République face à un chef de gouvernement encombrant. “Cela a été le cas entre Adama Barrow et Ousseynou Darboe”, fait-il savoir. A l’en croire toujours, c’est ce dernier schéma qui est beaucoup plus plausible au Sénégal. “Le schéma anglais que nous avons actuellement ne va pas durer parce que les excès de Sonko comme dans le schéma iranien vont pousser naturellement vers le schéma gambien. La rupture est inévitable entre Sonko et Diomaye”, déclare-t-il. Non sans donner l’exemple selon lequel Sonko n’a pas respecté le protocole présidentiel lors d’une cérémonie à l’Institut de défense du Sénégal en se présentant après le chef de l’Etat pour une séance de photo. “ Ce sont les excès de Sonko qui vont amener les ruptures. Et dans nos textes, le Premier ministre n’est qu’un simple collaborateur du président de la République”, répète-t-il.
L’ancien ministre porte-parole du Président Macky Sall soutient pourtant que dans la division du travail, Diomaye respecte une partie du contrat. “Il est élégant. A la limite, son élégance va l’étouffer. Mais c’est Sonko le problème. Il est excessif. Et tout ce qui est excessif est insignifiant”, soutient-il.
« La presse va sauver le pays »
Ce qui indispose Yoro Dia et qui le pousse apparemment à tirer sur tout ce qui bouge du côté du leader de Pastef, c’est entre autres le fait que le PM soit parti sur le parvis du Grand théâtre pour parler de l’affaire Fulbert Sambou et Didier Badji, deux gendarmes disparus lors de la période des troubles au Sénégal. Il n’a pas supporté que le leader de Pastef ait affirmé sans aucune forme de relativisation que ces gens sont tués et jetés dans la mer. Pour l’analyste politique, cela veut dire, en tant que PM, que Sonko doit disposer d’informations sur ce dossier. “Maintenant, s’il connaît celui qui l’a fait et qu’il ne l'arrête pas immédiatement, qu’est-ce qu’on peut en penser ? S’il n’en sait pas grandchose, il viole le secret de l’instruction”, argue-t-il.
Autre chose, monsieur Dia dit ne pas comprendre que le PM dise publiquement que le président du Conseil constitutionnel est corrompu et il le cite nommément. De même, ajoute-t-il, le PM ne peut pas également dire publiquement que le ministre de la Justice l’a appelé sur un dossier pour lui demander ce qu’il faut faire. Il estime également que Sonko ne peut pas ramer à contre-courant d’une circulaire du ministère de l'Intérieur sur le désencombrement et le déguerpissement dans certaines zones du pays.
Tout ceci étant, l’ancien porte-parole de la présidence de la République estime que le Sénégal souffre d’une double peine. “Nous avons un PM à la fois incompétent et encombrant”, peste-t-il.
Trop virulent contre l’actuel régime, l’analyste politique compare le projet Pastef au projet nazi à travers les méthodes utilisées. “Tout comme le nazisme, il y a eu au Sénégal avec Pastef: populisme, insurrection ratée en 2021, prison pour les porteurs du projet, démocratie et puis la victoire”, fait-il savoir. Selon lui, ils n’ont pas les mêmes objectifs mais ils partagent avec Hitler les mêmes méthodes. “Comme Hitler, ils disent qu’il faut supprimer la démocratie avec un gouvernement sans presse. Après, ils vont s’attaquer aux magistrats pour imposer un régime totalitaire”, prévient-il.
Mais, selon Yoro Dia, c’est un combat perdu d’avance. Parce que tout simplement, assure-t-il, la presse a été le tremplin pour Pastef d’arriver au pouvoir et que cette même presse va sauver le pays.“ Elle est le premier rempart pour empêcher Pastef d’instaurer un régime totalitaire dans le pays”, souligne-t-il.
Monsieur Dia pense en définitive que dans une société aussi ouverte que le Sénégal, Pastef ne peut pas réussir son projet qui consiste à faire peur à la presse classique pour s’adresser directement aux Sénégalais via les réseaux sociaux.