LA SOLUTION DU CAS PAR CAS POUR L'AMNISTIE
Alors qu'un rapport conjoint Stanford-Afrikajom Center pointe les dérives de la loi d'amnistie, Alioune Tine suggère un compromis : une abrogation partielle qui épargnerait les manifestants mais permettrait de poursuivre les auteurs de crimes
(SenePlus) - Une solution médiane pourrait émerger dans le débat sur la controversée loi d'amnistie de mars 2024. Dans un entretien accordé à RFI ce 15 janvier 2025, Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center, propose une "abrogation partielle" de cette législation qui couvre actuellement tous les actes liés aux manifestations politiques entre février 2021 et février 2024.
Cette approche nuancée permettrait de maintenir l'amnistie pour les manifestants tout en autorisant les poursuites contre les auteurs de violations graves des droits humains. "Les gens qui ont été arrêtés pour avoir manifesté [resteraient amnistiés], mais toutes les personnes qui ont été auteurs de tortures, auteurs d'exécutions extra-judiciaires, ces gens doivent être jugés parce que les victimes en ont besoin", explique l'expert des droits humains.
Cette proposition intervient dans un contexte particulier. Un rapport conjoint de l'Université de Stanford et d'Afrikajom Center, publié lce même jour, qualifie la loi actuelle de violation du droit international. Selon Alioune Tine, si cette loi a initialement servi de "remède" pour sortir d'une impasse politique, elle constitue aujourd'hui un "poison" en garantissant l'impunité pour des crimes imprescriptibles.
Les enjeux sont considérables pour les familles des victimes. Les proches "des Didier Badji, des Fulbert Sambou, des Mankabou, décédés en détention" réclament la vérité sur ces drames. "Ils ont ce droit, le droit à la vérité, ils ont le droit à la justice", insiste le fondateur d'Afrikajom Center.
La configuration politique actuelle pourrait favoriser cette évolution législative. La majorité parlementaire détenue par les forces de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko permettrait techniquement une modification de la loi. Pour Alioune Tine, cette abrogation partielle constituerait une étape nécessaire vers une véritable réconciliation nationale. "La réconciliation nationale ne peut arriver qu'après effectivement que les gens soient jugés, reconnaissent leur tort et s'amendent auprès de la société", souligne-t-il.
Cette proposition d'abrogation partielle pourrait ainsi offrir un équilibre entre la nécessité de maintenir la paix sociale et l'impératif de justice pour les victimes de violations graves des droits humains.