LAMINE DIALLO EMPORTÉ PAR SON FRANC-PARLER
Le désormais ex-directeur de l'Ena, n'a cessé d'alerter sur la piètre condition des élèves administrateurs. Ses critiques sur la dégradation de l'école et ses demandes restées sans réponse ont finalement scellé son sort
Il n’a jamais hésité à dire ses vérités, même à ses supérieurs hiérarchiques. Cette «qualité» ne semble pas avoir porté bonheur à cet Inspecteur général d’Etat.
Les derniers limogeages, suivis de nominations à certains postes et directions, ne se sont pas tous passés comme un long fleuve tranquille. Il y a des cas où des incidents ont frôlé quasiment le crime de lèse-majesté. On peut dans cette catégorie, classer le limogeage de M. Mouhamadou Lamine Diallo de la Direction générale de l’Ecole nationale d’Administration (Ena), et son remplacement par Mor Fall. Une chose assez surprenante, en ce sens que M. Diallo a une très longue carrière d’administrateur derrière lui, en plus de son grade d’Inspecteur général d’Etat (Ige).
A entendre les personnes avec lesquelles il a partagé, on comprend que M. Diallo ne voulait plus être un témoin passif de la «décrépitude» de l’Ena. Une décrépitude qui s’illustre, entre autres, par le fait que pour 266 élèves, l’école ne compte que 110 lits. Et les autorités, bien informées de la situation, n’ont encore rien fait pour corriger les choses.
M. Diallo a informé sa hiérarchie dès sa nomination, depuis le mois d’octobre de l’année dernière. Il affirme que Amadou Ba, «sans doute plus préoccupé par sa campagne», n’a pas jugé utile de répondre à son courrier.
Une fois Ousmane Sonko installé comme Premier ministre, il lui a produit un courrier, pour lui faire l’état des lieux et lui demander, comme il l’avait fait avec Amadou Ba, de prendre des mesures d’urgence. Cela n’a pas fait bouger les choses, et malgré tout, le Directeur général a renvoyé un courrier de relance. Qui, comme les précédents, est resté lettre morte.
En dépit de tout ce silence de la part des autorités, M. Diallo a envoyé par courrier au Premier ministre, une demande d’ordres de mission pour une délégation de l’Ena qui devait se rendre à Tunis, dans le cadre d’échanges de programmes avec l’Ena de Tunisie.
A la suite de ce courrier parti le 28 mai, le Secrétaire général du gouvernement (Sgg), M. Mouhamadou Aminou Lô, l’a fait appeler au téléphone par son adjoint, pour lui dire de se conformer dorénavant aux nouvelles règles en matière d’ordres de mission. Le directeur aura répondu que pour cela, il lui faudrait des directives très claires du Premier ministre ou un décret du président de la République.
Il faut souligner qu’à ce jour, les ordres de mission en question n’ont jamais été signés, et la délégation qui devait quitter Dakar le 7 juin dernier n’a pas vu le tarmac de Diass. Les supérieurs hiérarchiques de Diallo ont été informés des conséquences désastreuses de cette décision. Ce qui lui fait le plus mal, c’est comme il l’a dit en privé, que ce soient «des Enarques qui foulent ainsi aux pieds les règles de l’Administration». L’une de ces règles étant le respect des textes. Or, selon celui qui a passé des années à inculquer lesdites règles aux élèves administrateurs, «on ne peut nommer au poste de Secrétaire général du gouvernement quelqu’un qui ne soit pas Administrateur civil, aux termes de l’art. 4 de du décret régissant la Primature»
Des indiscrétions affirment que le directeur sortant n’aurait pas hésité à dire au Premier ministre et au Sgg : «Vous n’êtes qu’une bande d’incompétents.» Mais Le Quotidien n’a pu avoir confirmation de ces propos. Ce qui n’a pas empêché le limogeage de M. Diallo, et son remplacement par M. Mor Fall, un autre inspecteur des Finances.