LE PDS, EN EAUX TROUBLES, JOUE SA SURVIE...
La décision de remplacer la présidente des femmes du parti fait réagir. Soutiens, menaces de démission, doutes sur la réalité des signatures... Les remous risquent de fragiliser le parti libéral
Tirs groupés sur Karim Wade après le remplacement de Woré Sarr à la tête du mouvement des femmes, menace de démission de l’intéressée par ailleurs députés, vague de soutiens à son égard, souhait de Doudou Wade de voir Me Abdoulaye Wade remplacé au poste de secrétaire général national du parti...Nul doute, le PDS (Parti démocratique sénégalais) est en eaux troubles.
Dans un contexte où seul le parti au pouvoir donne l’impression de régner en maître sur la scène politique nationale depuis sa brillante victoire à la présidentielle du 24 mars dernier, beaucoup de formations tentent tant bien que mal de survivre. C’est le cas du PDS, ancien parti au pouvoir et un des plus prestigieux de notre histoire vu son parcours élogieux et le rôle déterminant qu’il a joué pour l’avènement et le renforcement de la démocratie dans notre pays. Hélas depuis quelques jours, ce parti historique traverse une zone de turbulences suite au changement opéré à la présidence de sa Fédération nationale des femmes. Un changement vécu comme un limogeage par la présidente remplacée et qui a soulevé une vague de contestations dans les rangs de ce parti qui compte une vingtaine de députés à l’Assemblée nationale parmi lesquels, justement, Mme Woré Sarr, la présidente défénestrée. Pour lui manifester leur solidarité, beaucoup de responsables et de militants menacent de démissionner. D’autres, sans aller jusque-là, estiment qu’il est temps que le secrétaire général national du parti, surnommé aussi « Pape du Sopi », soit remplacé à ce poste du fait de sa sénilité. Des sorties qui risquent à coup sûr de déstabiliser voire faire voler en éclats cette vieille formation surtout qu’elles interviennent à un moment où le père fondateur subit le poids de l’âge et n’est plus vraiment en état de diriger. Quant à son fils, Karim, présenté comme le dauphin potentiel et qui est dans les faits le véritable patron actuel du Pds, il est en exil prolongé au Qatar et ne semble pas vraiment désireux de rejoindre le Sénégal. Il administre donc le parti de son père par Whatsapp ou par téléphone.
Le PDS survit aux assauts de Macky Sall
Malgré sa perte du pouvoir et la tentative de démantèlement entreprise par le président Macky Sall à son accession à la magistrature suprême à travers l’emprisonnement ou le débauchage de ses cadres, le Pds a plié et n’a jamais rompu. Ce même si le régime de l’APR-Benno l’a beaucoup affaibli. L’APR-Benno ou, plutôt, le président Sall qui voulait le réduire à sa plus simple expression. Le coup de grâce devait être constitué par l’emprisonnement de Karim Wade. Sous l’accusation d’enrichissement illicite, le tout-puissant ministre « du Ciel et de la terre » sous le règne de son père a été condamné à six mois de prison ferme et au paiement d’une amende de 138 milliards de francs. Après trois ans et demi de détention, il a été exilé au Qatar d’où il n’est pas revenu à ce jour. Depuis lors, c’est de Doha qu’il tire les ficelles du Pds avec la bénédiction de son père.
Pour éviter la mort politique de ce parti créé par son père en 1974, Karim Wade a eu le génie de s’allier avec la grande coalition Yewwi Askan Wi aux dernières législatives au terme desquelles la formation libérale a obtenu vingt et un députés à l’Assemblée nationale. Ce qui lui permettait d’avoir un groupe parlementaire. A la dernière présidentielle, contre toute attente, le PDS a tourné le dos au candidat de la mouvance présidentielle pour soutenir celui de l’opposition en l’occurrence Bassirou Diomaye Faye du Pastef. Toutefois, cette alliance de dernière minute, plus motivée par le souci d’éviter de sombrer avec le pouvoir d’alors dont la défaite était quasi certaine, a été violemment contestée par des députés et des présidents de fédérations. C’est d’ailleurs de peu que la scission avait été évitée. Ayant pris une part non négligeable dans la victoire de Bassirou Diomaye Faye, tout le monde s’attendait à ce que le Pds fût récompensé par des portefeuilles ministériels. Il n’en a rien été. Malgré tout, de manière tacite, il soutient le pouvoir actuel. Contre toute évidence, pourtant, Doudou Wade, l’ancien président de son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale estime que le PDS doit… retourner dans l’opposition ! C’est cette étrange position qu’a défendue le propre neveu de Me Abdoulaye Wade au cours d’une émission de radio.
Le PDS ou les prémices d’une implosion
Sitôt Woré Sarr démise de ses fonctions de présidente de la Fédération nationale des femmes du PDS, les réactions n’ont pas tardé. C’est le cas de la députée Mame Diarra Fam qui assimile ce limogeage à une trahison et une humiliation de toutes les femmes du parti avant de prédire d’autres démissions devant intervenir dans la foulée de celle de Mme Woré Sarr. Elle n’a pas été la seule à exprimer sa colère et son soutien vis-à vis de l’ancienne mairesse de Médina Gounass puisque de nombreux responsables et militants libéraux ont exprimé leur soutien à la députée et fustigé son remplacement. Se prononçant sur cette affaire, justement, M. Doudou Wade, tout en estimant que Me Wade doit être déchargé de ses fonctions de secrétaire général national, s’est interrogé sur l’authenticité des signatures des documents actant le remplacement à la tête de la Fédération nationale des femmes. Une façon sans le dire d’indexer Karim Wade accusé par ses détracteurs de prendre des décisions qui n’engagent pas son père. Autrement dit, pour nombre de « sopistes », la décision de « sanctionner » Woré Sarr n’aurait été prise que par Wade-fils. Lequel est accusé de vouloir écarter les militants de la première heure pour se faire entourer par ses propres hommes et femmes afin de faire une Opa sur le parti de son père.
En tout cas, cette vague de contestations risque de porter le coup de grâce à un Parti démocratique sénégalais qui ne dispose plus de sa force d’antan. En tout cas, selon Doudou Wade, avec la prochaine déclaration de politique générale du Premier ministre et la très probable tenue des élections législatives, le PDS, qui se réclame de l’opposition, selon Doudou Wade, ferait mieux d’éviter de provoquer la colère dans ses rangs et devrait au contraire travailler pour son unité et sa massification. Poursuivant, l’ancien patron des députés du Pds estime que ces deux rendez-vous importants (DPG et législatives) peuvent constituer des tests grandeur nature eu égard aux positions que le parti va adopter face au nouveau pouvoir.
Karim Wade, élément incontournable ou facteur bloquant...
Selon toute vraisemblance, Karim Wade est devenu l’homme fort du PDS. Depuis le Qatar, c’est lui qui prend toutes les décisions qui engagent ce pari qui accédé au pouvoir en 2000 après 26 ans d’opposition résolue au régime socialiste. C’est pourquoi d’aucuns le soupçonnent d’être le véritable auteur de la chute de Woré Sarr. De toutes les manières, depuis qu’il a été choisi comme candidat pour faire revenir le PDS aux affaires en 2019 puis en 2024, deux compétitions où il a été déclaré inéligible, l’ancien tout-puissant ministre « du Ciel et de la Terre » s’est positionné comme le seul décideur à qui tout le monde doit obéir au sein du Pds. Ce privilège, il le doit à son père qui l’a mis très tôt en selle pour assurer la relève. Il le doit aussi à sa très grande richesse qui fait qu’il est perçu comme ayant la possibilité de pouvoir financer le parti. Disposant de nombreux et influents soutiens à Touba, d’aucuns avaient estimé qu’il était le mieux placé pour faire revenir le Pds au pouvoir. En dépit de tous ces atouts, pourtant, et sans doute aussi du fait de sa longue absence du territoire national qui l’a éloigné des populations, Karim Wade n’a jamais réussi à se mettre en orbite. En outre, la nouvelle reconfiguration de la scène politique nationale, qui a propulsé le Pastef au pouvoir des dirigeants beaucoup plus jeunes et en phase avec les aspirations du peuple, et tenant surtout un discours anti-système, n’est pas de nature à lui faciliter les choses. Mais tout compte fait, le PDS, disposant d’une longue expérience politique et habitué à surmonter les moments de troubles depuis sa naissance, n’a sans doute pas encore dit son dernier mot. Il doit donc se remettre en ordre de bataille au plus vite vu l’imminence des prochaines échéances politiques. Pour cela, il lui faudra resserrer les rangs et, surtout, bénéficier de la présence de Karim Meïssa Wade sur le terrain !