LE VIDE SE CREUSE AUTOUR DE MACKY
Le président misait tout sur ce dialogue. Mais 16 candidats lui tournent le dos d'entrée. Leur boycott isole le chef de l'État et le prive de sa dernière planche de salut. Le spectre d'une crise constitutionnelle majeure se profile à l'horizon
Les concertations nationales convoquées en urgence par Macky Sall pour sortir de l'impasse électorale touchent déjà un mur. Refusant d'avaliser les "manœuvres dilatoires" du chef de l'Etat, les principaux candidats à la présidentielle ont fait faux bond à l'invitation au dialogue. Un désaveu cinglant qui hypothèque d'ores et déjà les chances de succès de cette initiative, et fait planer le spectre d'une crise sans précédent après le 2 avril prochain.
Pourtant, Macky Sall, qui s'était engagé à ne pas se représenter pour un troisième mandat, avait misé gros sur ces 48h de débats pour trouver une issue consensuelle. Conscients de la pression croissante de la rue et de la question qui entoure désormais la légitimité de son pouvoir, le président espérait apaiser les tensions en ouvrant le dialogue avec ses opposants. Mais c'était sans compter sur leur détermination à obtenir le respect des délais constitutionnels pour le scrutin.
Un à un, les principaux candidats, dont Ousmane Sonko, leader charismatique de l'opposition aujourd'hui écroué, ont fait savoir qu'ils ne se rendraient pas aux discussions. Une défiance exacerbée par l'incarcération de plusieurs figures de l'opposition, mais aussi par le souvenir encore vif des émeutes meurtrières nées des accusations de fraude en 2021. Selon un constitutionnaliste sénégalais interrogé par l'AFP, "cette configuration radicalise les positions de part et d'autre, alors que le temps presse déjà pour éviter le pourrissement de la crise".
Car après la fin de son mandat, le 2 avril, le Sénégal pourrait se trouver plongé dans un vide juridique inédit. Normalement, la Constitution prévoit que le président de l'Assemblée assume l'intérim. Mais aucun scénario n'a été écrit pour un cas comme celui-ci. Le seul arbitre possible serait alors le Conseil constitutionnel, qui devrait ordonner l'organisation immédiate d'un nouveau scrutin. Sauf que la défiance à l'égard des institutions risque de compliquer sa tâche.
Sur le terrain, la pression monte aussi. Nombreux sont ceux qui redoutent que cette crise électorale interminable ne dégénère à nouveau en violences, après celles de ces dernières semaines déjà là l'origine de trois morts. Dos au mur, Macky Sall n'a désormais plus que quelques semaines pour trouver un accord et éviter le chaos. Mais après l'échec de sa main tendue, les scénarios de sortie de crise s'amenuisent dangereusement.