LES CHANTIERS BOUEUX DE DIOMAYE-SONKO
La proposition de criminalisation de l'homosexualité et la demande de révision du Code de la famille constituent un véritable test de cohérence pour le Pastef, qui militait ardemment pour ces réformes lorsqu'il siégeait dans l'opposition
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Une proposition de loi portant criminalisation de l'homosexualité au Sénégal a été déposée, hier, sur la table du président de l'Assemblée nationale. Pendant ce temps, une question écrite a été adressée au garde des Sceaux en vue d'une révision du code de la famille. La suite donnée à ces requêtes sera très attendue.
Une nouvelle offensive contre les LGBTQ a été lancée. À l'initiative, l'activiste Abdou Karim Guèye de l'organisation de la société civile, Niitu Dëgg valeurs. En effet, il a adressé une proposition de loi à l'Assemblée nationale en vue de criminaliser l'homosexualité. La proposition, selon l'activiste, est depuis, hier, sur la table du président de l'institution parlementaire.
Dans l'intitulé du texte dont nous détenons copie, il est indiqué «Criminalisation des Actes, Pratiques et Promotions liés à l’Idéologie LGBTQ+ au Sénégal». En tout, le texte tient en 10 articles traitant de la définition des termes de “Lgbtq” et “promotion”, du durcissement de la sanction et des mesures préventives. Dans l’exposé des motifs, il est sommairement expliqué que « cette loi vise à protéger les valeurs culturelles, religieuses et sociales du Sénégal face à des idéologies étrangères qui menacent de les éroder.
Elle garantit un cadre juridique solide pour prévenir la promotion, la diffusion et la pratique de comportements contraires à notre identité nationale». A l’article 2 qui concerne la Reconnaissance des genres, le texte prévoit une reconnaissance exclusive par l'État du Sénégal de deux genres biologiques : homme et femme. En outre, le texte introduit par l'activiste à l’Assemblée nationale en son article 5 propose un durcissement des sanctions. «Pour les personnes physiques : une peine de prison de 5 à 10 ans et une amende de 5 000 000 à 10 000 000 FCFA. Pour les personnes morales (médias, entreprises, ONG, etc.) : suspension immédiate de leurs activités, confiscation de leurs biens, et une amende de 20 000 000 à 50 000 000 FCFA», a-t-on indiqué dans le texte.
Lors du dépôt du texte, le président de l’Assemblée nationale se trouvait au Maroc pour participer à la réunion des présidents des Parlements des États africains atlantiques. À son retour, il aura du pain sur la planche. Et son attitude face à cette proposition de loi sera très attendue. Car, il faut le dire, c'est la première saisine portant criminalisation de l'homosexualité depuis l'installation de la quinzième législature détenue à 130 sièges sur 165 par le parti au pouvoir. Dans le sillage de la transformation systémique, le régime en place va-t-elle acter la rupture en votant la criminalisation de l'homosexualité ? C'est une question qui, pour le moment, reste en suspens.
Toujours est-il que dans l'opposition, le Pastef actuellement au pouvoir était favorable à criminaliser l'homosexualité au Sénégal. Dans le cadre de la coalition Yewwi Askan Wi en vue des Législatives de 2022, le Pastef avec ses alliés d'alors notamment du Pur et de Taxaawu Sénégal avaient introduit une proposition de loi allant dans ce sens de concert avec l'association And Samm Jikko Yii. Toutefois, la proposition avait été rejetée par le bureau de l’Assemblée nationale contrôlé par Benno Bokk Yaakaar. Auparavant, en janvier 2022, la treizième législature avait rejeté, pour la première fois, une proposition de loi portant criminalisation introduite par des députés de l'opposition avec Mamadou Lamine Diallo de Tekki comme chef de file. Compte tenu de tout cela, il reste à savoir si cette nouvelle proposition de loi pour criminaliser l'homosexualité introduite par un membre de la société civile va atterrir en plénière de l’Assemblée nationale.
Révision du Code de la famille
Auparavant, une autre question éminemment de société a été relancée. Il s'agit de la révision du Code de la famille. Dans une question écrite adressée au ministre de la Justice, Ousmane Diagne, la députée Marième Mbacké s'est intéressée à l'autorité parentale. Dans sa question, la parlementaire membre de la majorité a indiqué que la législation sénégalaise, l’autorité parentale exclusivement réservée au père, pose de véritables problèmes aux mères divorcées avec des enfants. «La mère divorcée est souvent responsable de la garde des enfants.
A cet égard, elle devrait pouvoir signer les documents de voyage de ses enfants mineurs. Cependant, certains hommes utilisent cette autorité comme une arme de guerre contre leur exépouse au point de nuire à leurs propres enfants en leur refusant sans raison la signature de l’autorisation parentale. Ce qui entraîne des conséquences graves particulièrement pour les enfants vivant avec leur mère à l’étranger», a écrit Mariéme Mbacké qui affirme avoir été interpellée à ce sujet par les femmes de la diaspora sénégalaise.
C'est pourquoi, sans adopter une perspective féministe, se défend la parlementaire qui, toutefois, a invité le garde des Sceaux à reconsidérer cette mesure. Car, fait-elle noter, le père, en tant qu'autorité morale au sein de la famille, ne pose pas de problème, mais il est important que les deux parents puissent donner leur consentement aux voyages de leurs enfants. «Monsieur le ministre, pour remédier à cette situation, ne serait-il pas opportun de réviser le code de la famille ? Quelles seraient les mesures que vous comptez prendre pour trouver des solutions à ce problème ?», s'est-elle interrogée.
La députée pourrait ne pas dévoiler la réponse du garde des Sceaux à son interpellation. En tout cas, en campagne électorale pour les Législatives du 17 novembre dernier, des candidats du Pastef avaient pris des engagements en vue de la révision du Code de la famille. La députée Maïmouna Bousso avait interpellé, à cet effet, le Premier ministre lors de son passage devant l’Assemblée nationale, le 27 décembre dernier, pour tenir sa déclaration de politique générale.
Au Sénégal, les modifications du Code de la famille se sont souvent heurtées à une forte opposition des religieux faisant craindre une confrontation entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. D'ailleurs, le code actuel qui date de 1972 avait soulevé une grande controverse entre l'État et les religieux. D'ailleurs en 1996, une modification du code de la famille pour limiter la polygamie à deux épouses avait échoué. Et depuis, aucune initiative n'a été prise afin de mettre à jour le Code de la Famille.