"LES GRIEFS DE SONKO ENVERS MAMOUR DIALLO RELÈVENT DE L'ACHARNEMENT POLITIQUE"
La commission d'enquête parlementaire livre ses conclusions dans l'affaire des 94 milliards révélée par le leader de Pastef
CONCLUSIONS DES INVESTIGATIONS
Après près de trois mois de travaux constitués essentiellement de revue documentaire et d’auditions, la Commission d’enquête parlementaire est aujourd’hui en mesure d’apporter les réponses à toutes les questions posées plus haut.
Conclusion n°1 : Absence de détournement de deniers publics et inexistence d’un quelconque comportement répréhensible de Monsieur Mamadou Mamour DIALLO
Conformément aux dispositions de l’article 152 du Code Pénal,
Dans l’Affaire dite des 94 Milliards, la seule personne habilitée à procéder aux paiements est le chef du Bureau des domaines de Ngor-Almadies qui émet des chèques du Trésor dont il est l’unique signataire.
Monsieur Mamadou Mamour DIALLO, Directeur des Domaines à l’époque d’une partie des faits, ne peut, de par sa position, tant dans la procédure administrative que dans le processus de paiement des indemnisations, être accusé de détournement de deniers publics puisque :
En fait, le Directeur des Domaines a un rôle somme toute limité dans la procédure, à la co-signature des actes d’acquiescement, encore que pour ladite signature, il n’a pas un pouvoir discrétionnaire mais une compétence liée, c’est-à-dire que dès lors qu’il reçoit le Procès-Verbal d’accord de la commission de conciliation, il est légalement obligé d’en tirer les conséquences d’un point de vue administratif.
Aucune des personnes auditionnées n’a affirmé ou simplement reconnu que Monsieur Mamour Diallo ait pu commettre un détournement de deniers publics dans ce dossier. Par conséquent, les griefs qui sont reprochés à Monsieur Mamadou Mamour Diallo par le Député Ousmane Sonko sont dénués, de l’avis de la Commission d’enquête parlementaire, de tout fondement objectif et sérieux et semblent plutôt relever de l’acharnement politique et médiatique.
Conclusion n°2 : Contentieux sur le rachat de créances des héritiers par les sociétés SOFICO et CFU
Monsieur Seydou dit Tahirou SARR, gérant des deux établissements, a déjà dépensé plus de trois (3) milliards de FCFA dans ce dossier et les paiements qu’il a reçus jusqu’ici ne couvrent même pas les sommes qu’il a avancées (on est très loin des 46 milliards régulièrement annoncés par Monsieur le Député Ousmane Sonko).
Les seuls montants qui sont sortis de la caisse du Trésor, à savoir les 2 845 875 000 FCFA, ont été payés à partir d’un compte de dépôt du Trésor dont le Receveur de Ngor Almadies Meïssa NDIAYE est le gérant exclusif.
Les familles héritières ont déjà tourné la page SOFICO/CFU et ont entamé de nouvelles négociations avec l’Entreprise immobilière du Rip (EIDR) pour la défense de leurs intérêts.
Selon les propos des sieurs Amadou CISSE et Sandene TOURE, géomètre en son état, une procédure de recouvrement de l’indemnisation des héritiers est enclenchée et les plus hautes autorités du pays sont déjà saisies.
Cependant, pour la commission d’enquête parlementaire les détenteurs légaux de la créance sur l’Etat demeure SOFICO et CFU conformément aux deux actes d’acquiescement.
Conclusion n°3 : Existence de quelques dysfonctionnements dans l’organisation des services de l’Etat en matière d’expropriation.
La Commission d’Enquête a constaté, pour le déplorer, que les délais de traitement des dossiers et d’attente des familles avant d’être indemnisées, sont trop longs.
En effet, entre le premier décret d’expropriation pour cause d’utilité publique intervenu en 1997 et le 10 juin 2016, date à laquelle les familles héritières ont décidé de céder leurs droits et créances sur l’Etat à Monsieur Seydou SARR, il s’est écoulé 19 années d’attente et de péripéties.
Par ailleurs, dans la gestion de cette affaire, il ressort des auditions que le Chef du bureau des Domaines de Grand-Dakar et Ngor-Almadies se trouve être à la fois juge et partie.
Ainsi, il convient de relever que le Receveur des Domaines susvisé est le seul gérant du compte dédié aux expropriations et l’unique signataire des chèques.
En outre, un autre point de non-transparence concerne le chèque de 605.853.500 FCFA émis par la SNHLM et destiné à compléter le paiement de l’indemnisation dû à l’époque à SAIM INDEPENDANCE qui jusqu’à ce jour n’est pas rentré dans ses fonds.
Par conséquent, Monsieur le Receveur des Domaines de Grand-Dakar et NgorAlmadies, en l’occurrence Monsieur Meïssa NDIAYE, aurait dû, en bonne règle et en relation avec les services du Trésor, émettre un chèque d’égal montant pour le compte de la SNHLM ; ce qui n’a pas été fait.
Conclusion n°4 : violation de la loi par le Député Ousmane SONKO qui a joué un rôle d’intermédiaire pour le compte de certains des héritiers, en utilisant des prête-noms
Conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi de 1976 rappelé plus haut, il ressort de nombreux témoignages de personnes auditionnées, mais aussi de documents écrits et audio en la possession de la Commission d’Enquête parlementaire, que le Député Ousmane SONKO avait clairement agi comme intermédiaire dans ce dossier. Les représentants des héritiers ont notamment fourni à la Commission des feuilles de présence de réunions tenues avec Monsieur SONKO et signées de la main de ce dernier.
Ousmane SONKO a personnellement et physiquement rencontré certaines des parties et négocié avec une rémunération au pourcentage (12% du montant de l’indemnité, soit plus de 11 milliards de FCFA) contre son rôle de « facilitateur ».
Mais quand il s’est agi de signer des conventions de représentation dûment établies avec ses « clients », Ousmane SONKO a préféré mettre en avant le sieur Ismaela BA qui est très clairement un prête-nom, gérant les cabinets de conseil ATLAS et MERCALEX qui, de fait, appartiennent et sont contrôlés par Ousmane SONKO.
V- RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION
La Commission d’Enquête parlementaire propose un certain nombre de recommandations.
L’une concerne particulièrement le dossier des 94 milliards, mais toutes les autres ont une portée plus générale car l’important est que, au-delà de cette affaire, soient tirées les leçons pertinentes sur l’organisation et le fonctionnement des services administratifs et que la gestion des contentieux d’expropriations puisse être améliorée.
En effet, l’Etat du Sénégal continuera toujours de procéder à des expropriations pour cause d’utilité publique : celles-ci sont un mal nécessaire, le corollaire indispensable à la réalisation d’infrastructures profitables à tous les citoyens.
Dans ce cas, le système mérite d’être repensé, corrigé et encadré car même si l’accusation de détournement de deniers publics s’est révélée fausse et uniquement nourrie des arrière-pensées politiciennes, les travaux de la Commission d’enquête parlementaire auront tout de même permis de mettre en exergue certaines anomalies dans la procédure d’indemnisation des expropriations pour cause d’utilité publique, qu’il convient d’éradiquer.
A/ Recommandation spécifique à l’Affaire dite de détournement de 94 milliards sur le TF n°1451/R: Le statu quo actuel entre Monsieur Seydou SARR et les héritiers ne peut pas perdurer et il persiste un risque sur les finances publiques de l’Etat suite aux intérêts qui se greffent au principal.
Par voie de conséquence, la Commission d’enquête parlementaire propose :
de faire le point sur la situation juridique actuelle, en évaluant les droits de chaque partie ;
d’organiser des discussions, d’apaiser les cœurs, de rapprocher les positions et de dégager une solution consensuelle pour SOFICO/CFU et pour l’ensemble des héritiers et leurs familles et de mettre un terme à toutes les poursuites en cours ou envisagées;
de négocier un montant supportable pour les finances publiques et dont la distribution entre toutes les parties dont les droits auront été confirmés, permettra de mettre un terme à cette Affaire ;
de transmettre le dossier à l’instance judiciaire habilitée.
B/ Recommandations à caractère général :
Révision du cadre législatif et règlementaire
La commission invite à la révision de la loi n°76-67 du 02 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et de son décret d’application n° 77-563 du 03 juillet 1977, en vue de leur actualisation.
Rationalisation du dispositif en place en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique
La commission invite à :
– la création d’un service chargé exclusivement des expropriations avec un guichet unique comprenant toutes les parties prenantes au projet ;
– la révision de la composition et des attributions de la commission de conciliation ainsi que du régime de responsabilités en découlant ;
– l’échelonnement des niveaux de compétences pour l’approbation des actes d’acquiescement jusqu’ au niveau du ministre ;
– repenser certains aspects de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique et, plus largement, la gestion des indemnisations.
Traitement diligent des dossiers d’indemnisation des expropriations pour cause d’utilité publique
– L’Etat doit consentir un effort budgétaire exceptionnel pour apurer de manière définitive tout le passif lié aux expropriations en priorisant les affaires les plus anciennes. En effet, la rareté des crédits budgétaires et l’accumulation des dossiers en instance favorisent l’immixtion d’investisseurs de toutes sortes dans le processus et qui, profitant des situations de gêne financière des expropriés, rachètent les créances de ces derniers avant de se retourner contre l’Etat.
Il s’y ajoute aussi le nombre important de contentieux sur le foncier.
– Renégocier l’encours des créances sur les expropriations et éventuellement intégrer les commissions et pénalités de retard ;
– Prioriser autant que faire se peut les échanges de terrain dans les expropriations pour cause d’utilité publique en lieu et place des indemnisations pécuniaires.
Bancarisation du paiement des indemnisations liées aux expropriations pour cause d’utilité publique
Dans un souci de transparence, il faut faire recours à un appel d’offres pour la désignation des établissements bancaires retenus pour le paiement des indemnisations des expropriations pour cause d’utilité publique pour chaque dossier ou pour la globalité.
Introduction de moyens de coercition et de sanctions pénales pour refus de comparution des personnes convoquées par la commission d’enquête parlementaire
– Revoir les dispositions du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale en vue de contraindre toute personne convoquée par une commission d’enquête parlementaire à comparaître devant elle, et prévoir des sanctions d’autant plus que les personnes concernées pour le cas d’espèce sont à l’origine de la création de cette commission d’enquête parlementaire.
– Insérer dans le Code pénal le délit de refus de comparution ou de coopération loyale et sincère avec une commission d’enquête parlementaire légalement constituée, de même que le délit de parjure, d’omission ou de dissimulation devant une commission d’enquête parlementaire, avec les sanctions appropriées.