LES JAKARTA SERVENT D'AMBULANCES DANS LES ZONES LE PLUS RECULÉES
Khady Diaw, coordonnatrice du Réseau des femmes pour le développement de Kolda

Actrice du développement, Khady Diaw est la coordonnatrice du Réseau des femmes pour le développement de Kolda et responsable politique à l'Apr dans cette partie du pays. Dans cet entretien qu'elle a accordé au Quotidien, elle revient sur l'inscription des jeunes à l'état civil, l'affrontement entre les Jakartamen et les Forces de l'ordre. Aussi, elle évoque les financements qu'elle a initiés avec son groupe pour l'autonomisation des femmes de Kolda, entre autres questions. Elle est convaincue qu'il faudra compter sur les jeunes et les femmes pour mettre la région sur les rampes du développement.
Papiers d'état civil
"A vrai dire cela a toujours été une préoccupation de la Coordination des comités de base (Ccb). Pour permettre à tout un chacun de disposer d'une pièce d'état civil et s'inscrire sur les listes électorales et disposer de la nouvelle carte nationale d'identité. Au delà, c'est un acte citoyen qu'on doit entreprendre. Aussi c'est un devoir pour tout citoyen de se procurer un document administratif tel que le papier d'état civil. L'obtention de ce document se pose avec acuité dans la localité pour ne pas dire que le problème est national.
Alors, en tant que responsable de femmes et actrice du développement, je me devais de descendre sur le terrain avec mon équipe pour aider mes frères et sœurs, bref les populations à disposer de ce document. Et leur donner l'opportunité d'exprimer librement leur choix en ayant droit au chapitre. Ce n'est pas la première tentative. Pour nous, acteurs du développement, il est important d'être à proximité des populations et à chaque fois que de besoin d'apporter notre assistance pour améliorer les conditions d'existence de nos concitoyens.
Notre satisfaction réside dans le fait que les populations sont sorties massivement pour répondre à notre appel. En attestent les inscriptions massives qu'on n'a enregistrées sur les listes électorales. Au total 1 500 jeunes ont été inscrits. C'est dire que les populations ont bien compris l'importance de disposer d'un papier d'état civil et l'inscription sur les listes électorales. En plus de l'obtention de la carte d'identité Cedeao. Toutefois, il est évident de signaler que les autorités doivent prendre la question de l'état civil à bras-le-corps pour garantir à tous les enfants les mêmes droits.
Emeutes de Kolda
Ces malheureux évènements m'ont trouvée à Dakar. C'est avec un pincement au cœur qu'on a vécu l'affrontement qui a opposé les Jakartamen aux Forces de l'ordre et de sécurité. Et qui a conduit à leur arrestation. Cependant, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Aussitôt informées, mon équipe et moi avons effectué une descente d'urgence à Kolda pour s'enquérir de la situation et marquer notre solidarité aux familles des jeunes mis aux arrêts. Il faut dire que la déperdition scolaire précoce des jeunes élèves et le chômage chronique des jeunes ont contribué à l'essor du phénomène dans cette région. A cet effet, il y a trois catégories de jeunes qui conduisent les Jakarta à Kolda. Il s'agit des diplômés koldois sans emploi, ceux qui n'ont pas pu poursuivre leurs études faute de moyens et enfin ceux qui n'ont jamais été à l'école.
Par conséquent, on note pour la majeure partie de ces jeunes, ils conduisent pour des raisons économiques. Les motos servent d'ambulances dans les zones le plus reculées. Elles permettent aux femmes d'aller au marché, de transporter les écoliers à l'école, de faciliter le transport interurbain entre autres. Quand bien même malgré cet important rôle que joue les Jakartamen, force est de constater le désordre dans lequel ces derniers exercent. C'est pourquoi, en tant que responsable de femmes et actrice du développement, j'estime que l'Etat doit prendre les dispositions pour encadrer ces jeunes et les accompagner dans la formalisation. Pour les permettre d'exercer librement et contribuer au développement de leur localité.
Par ailleurs, les Forces de sécurité et défense ont en charge la sécurisation des personnes et des biens. C'est pourquoi, les populations, notamment les jeunes, doivent cultiver le bon voisinage avec ces derniers et les aider dans l'accomplissement de leur travail. Il faut installer un dialogue fécond et permanent entre les populations et les Forces de l'ordre. Pour ma part, nous y travaillons et nous comptons jouer pleinement notre rôle pour pacifier les relations entre ces derniers et la jeunesse pour na pas dire des populations. Comme on dit, quand le vin est déjà tiré, il faut le boire. Il y a eu des casses, mais au nom de toutes les populations, on exprime notre profond regret et demande la clémence des autorités judicaires. Déjà, on salue le dénouement heureux à la suite du procès des jeunes jakartamen. Des leçons ont été tirées. Cela servira dans l'avenir pour faire rayonner Kolda et la positionner sur les rails du développement pour le bonheur de tous les Koldois.
Financement des femmes
La question du financement des femmes se pose à Kolda comme partout ailleurs. Seulement, je ne suis pas restée les bras croisés du fait de l'ampleur de la question. Pour cause, avec le directeur général de l'Office national de formation professionnelle (Onfp), Sanoussi Diakité, on a financé 1 800 femmes de Kolda. Les financements varient entre 100 mille et 500 mille par groupement de femmes. Soit plus de 2 millions 500 mille francs Cfa. Au total, 800 femmes ont bénéficié de formation pour entreprendre et créer des projets novateurs pour leur autonomisation. Il faut dire que cela n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan par rapport à nos projets majeurs pour mettre les femmes dans de bonnes dispositions d'entreprendre et de réussir dans leur business.
On est convaincu que le développement de Kolda passera forcément par la valorisation des ressources humaines locales, notamment les jeunes et les femmes, ou ne se fera point. C'est pourquoi, dans le cadre de mes activités de développement, ces derniers occupent une place de choix. Cela cadre parfaitement avec la politique d'émergence tracée par le président de la République, Macky Sall, et incarnée par le plan Sénégal émergent. Nous nous inscrivons dans cette optique. D'ailleurs, pour créer l'émulation et encourager les femmes à entreprendre et à bien gérer les financements qu'on leur donne, on n'a lancé le prix "Calama" qui veut dire calebasse en mandingue. Ce prix a été institué pour motiver la femme ou les groupements de femmes qui se distinguent le plus dans leur domaine d'activité. C'est une manière de les motiver et de leur dire que seul le travail paie. Mais surtout que la réussite est au bout de l'effort. Car il n'est pas facile d'entreprendre. Avec l'ambition et la détermination tout est possible. J'ai travaillé dans le développement pendant plusieurs années. J'ai fait les coins et recoins de la région pour accompagner et organiser les dames. Elles sont très engagées et motivées à changer leur vécu quotidien. Elles y croient. Et nous nous évertuons à les accompagner.
Combat politique
Bon, comme tous les grands partis, on a aussi nos propres réalités à l'Apr. Contrairement à ce que les gens pensent, j'estime que le parti est en train de grandir. Par conséquent, il est normal que les gens s'agitent. Pour montrer qu'ils sont présents ou qu'ils ont une certaine représentativité. Pour notre part, nous travaillons avec Sanoussi Diakité dans la massification du parti et son unification. Nous sommes d'avis que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. Ainsi, on ne se laisse pas distraire. Nous sommes en contact avec les populations et on fait de notre mieux pour satisfaire leurs préoccupations. C'est le plus important pour nous. Le reste, les instances du parti vont s'en charger. Mais, on travaille. On est dans l'action et la matérialisation, de manière concrète, de la vision du chef de l'Etat au niveau de la base."