L'HEURE DES GRANDES RÉFORMES DE LA JUSTICE
Diagnostiquée en péril par les Assises, le système judiciaire va subir de lourdes transformations. Ses textes fondateurs comme son organisation seront repensés afin de rendre aux justiciables une institution qui leur rendra justice
(SenePlus) - Après les troubles politiques ayant secoué le Sénégal, le nouveau Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a fait de la réforme de la justice l'une de ses priorités dès son investiture en avril 2024. Comme il l'a souligné, l'objectif est de voir "la Justice Sénégalaise réconciliée avec le peuple au nom duquel elle est rendue".
Pour atteindre cet objectif ambitieux, les Assises de la Justice ont été lancées le 28 mai 2024, sous le thème "Réformes et Modernisation de la Justice". Cet exercice inclusif a rassemblé diverses voix, des magistrats aux justiciables, en passant par les professeurs de droit et les représentants de la société civile.
Comme l'a expliqué Ahmadou Bamba Kasse, rapporteur de la Commission Réformes, "Le constat est unanime que la Justice sénégalaise est inadaptée à bien des égards, inopérante dans d'autres, trop répressive et inefficace aussi bien dans ses finalités que dans certaines de ses procédures."
Parmi les principales recommandations issues des travaux, figurent la limitation des pouvoirs du procureur, l'instauration d'un juge des libertés et de la détention, ainsi qu'une refonte du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) pour le rendre plus autonome.
La nécessité d'une "refondation de la justice" et d'une "césure avec ses symboliques issues de la colonisation" a fait l'objet d'un large consensus, comme l'a souligné le rapport. L'objectif est de faire en sorte que la justice "soit le reflet de nos valeurs propres pour qu'elle soit plus souveraine".
Sur le plan de l'accès à la justice, les recommandations incluent la digitalisation des procédures, la réforme de la carte judiciaire, une meilleure communication dans les langues nationales et l'adoption de la loi sur l'assistance juridictionnelle.
La célérité de la justice est également une priorité, avec des propositions telles que le recrutement massif de magistrats et de greffiers, la suppression de la double phase de conciliation dans le contentieux social et l'élargissement des compétences des Maisons de justice.
En ce qui concerne les codes et textes juridiques, une révision en profondeur est préconisée, notamment du Code pénal, du Code de procédure pénale et du Code de la famille, afin de les adapter aux réalités sociétales actuelles.
Le rapport souligne également la nécessité d'améliorer les conditions carcérales et le régime pénitentiaire, en construisant de nouvelles prisons, en élargissant l'usage du bracelet électronique et en adaptant le régime aux besoins spécifiques des détenus vulnérables.
Concernant les acteurs de la justice, des réformes sont proposées pour la magistrature, le greffe, les huissiers, les éducateurs spécialisés et les avocats. Pour la magistrature, l'accent est mis sur l'autonomisation du CSM et la clarification de la gestion des carrières des magistrats.
Comme l'a déclaré Mor Ndiaye, rapporteur de la sous-commission "Organisation et fonctionnement de la justice" : "Ces constats généraux, fruits de plusieurs heures de discussions, détaillés par des situations d'analyse et ou des expériences malheureuses vécues et rapportées, ont engagé de la part des participants de ce dialogue, des séries de recommandations destinées à un arbitrage du Chef de l'Etat et de son administration."