MILLE ET UNE QUESTIONS SUR LA FORTUNE DE DIOMAYE
La publication de la déclaration de patrimoine du président a suscité de nombreuses interrogations quant aux privilèges accordés à certains fonctionnaires. Les experts appellent à plus de transparence et d'équité dans le traitement des agents publics
La déclaration de patrimoine du président de la République Bassirou Diomaye Faye a été rendue publique. Et si plusieurs observateurs saluent l'acte qui obéit à un besoin de transparence, cette déclaration soulève beaucoup de questions sur les privilèges comme les fonds communs accordés à certains agents de la fonction publique.
Salaire, immeubles bâtis, immeubles non bâtis. ..La déclaration de patrimoine du nouveau président de la République Bassirou Diomaye Faye, faite le 2 juillet passé devant le Conseil constitutionnel, a été rendue publique. Le chef de l'Etat donne ainsi l'exemple et cette publication a été accueillie favorablement par plusieurs membres de la société civile qui saluent l'effort de transparence.
Toutefois, cette déclaration qui met en exergue l'attestation de revenus annuels extra salariaux comme les fonds communs et les primes d'incitation au rendement fait couler beaucoup d'encre et remet au goût du jour la sempiternelle question du traitement à géométrie variable dans l'administration, décrié par certains agents.
De ce fait, à la lumière de la déclaration de patrimoine du président Bassirou Diomaye Faye, force est de constater que sa maison à Mermoz, bâtie sur une parcelle de 200 m2, est attribuée par le syndicat des Impôts. Ainsi au-delà de la déclaration qui est salutaire au demeurant, la réflexion ne consistera-t-elle pas à revoir la justice distributive au sein de l'administration comme le suggère le directeur de Legs Africa.
Réagissant à la publication de cette déclaration de patrimoine du cinquième président de la République, Elimane Kane est en effet sans ambages sur la question. ''Traiter la question des revenus, c'est aussi attaquer le défi des inégalités, en plus de l'obligation de transparence des finances publiques'', soutient-il. Il faut en profiter, d'après lui, pour poser la question de la transparence, de la Justice et de l'équité dans la détermination des revenus des agents publics. ''C'est la question de la Justice distributive des ressources publiques'', fulmine-t-il.
Élimane Kane, Legs Africa : ''les inspecteurs des impôts sont injustement privilégiés''
Signalant dans la foulée que la publication de la déclaration de patrimoine du Président par le Conseil constitutionnel est devenue un acte élémentaire de gouvernance, '' elle est prévue par la loi depuis 2013'', renchérit-il. Poursuivant son analyse suscitée visiblement par cette déclaration, il pense que les inspecteurs des Impôts et autres corps liés aux régies financières sont non seulement injustement privilégiés, mais, note-t-il, il y a même un conflit d'intérêts dans la définition des fonds communs et des primes de performance par arrêté, ''quand on sait que le plus souvent, le ministre des Finances est lui-même inspecteur des Impôts'', se désole Élimane Kane répondant aux questions de l'AS.
Cheikh Guèye : '' On ne peut pas reprocher au président de la République d'être dans une bourgeoisie, ce que reflète sa déclaration de patrimoine ''
De son côté, le chercheur Cheikh Guèye estime que le président de la République l'avait promis, il l'a fait. '' Mais il ne faut pas que cette déclaration de patrimoine soit interprétée comme quelque chose d'exceptionnel'', relativise le cadre à IPAR. Donnant son avis en outre sur le contenu de la déclaration de patrimoine, il indique qu'il ne peut pas reprocher au chef de l'Etat d'être dans une bourgeoisie. ''Ou dans la classe moyenne supérieure, ce que reflète effectivement sa déclaration de patrimoine'', renseigne-t-il non sans affirmer néanmoins qu'au regard de cette déclaration, le président de la République n'est pas aussi dans le cas d'une personne qui n'a pas plus que ce qu'il devrait avoir. ''C'est l'objet aussi de la déclaration ; c'est de voir si à travers les choses qu'il a déclarées, il y a des biens illicites ou immoraux'', précise le prospectiviste. Il salue toutefois cette décision du Président Bassirou Diomaye Faye. ''Je considère qu'il donne l'exemple. Le plus important, ce n'est pas la déclaration de patrimoine mais qu'il soit une locomotive pour que non seulement ses ministres mais aussi ses directeurs puissent faire leur déclaration'', se réjouit-il avant d'ajouter : ''Cela nous permet de voir aussi qu'on n’a pas confié le pays à des voleurs et dans quelques années, on pourra voir qu'ils se sont ou pas enrichis''.
Élargir le champ des personnes assujetties à la déclaration de patrimoine. Par ailleurs, il faut signaler qu'aux termes des dispositions de l’article 2 alinéa 1 de la loi n°2014-17, la déclaration de situation patrimoniale doit être faite par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le Premier Questeur de l’Assemblée nationale ; Le Premier ministre et les ministres ; le président du Conseil économique, social et environnemental. Et beaucoup d’analystes pensent que les personnes qui doivent être assujetties en vertu du critère institutionnel sont insuffisantes. Des autorités comme le président du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) doivent y figurer. En outre, sur la liste des autorités assujetties, en vertu du critère institutionnel, à la déclaration de patrimoine, on doit y inscrire les présidents des autres institutions de la République. Il s’agit du président du Conseil constitutionnel, du président de la Cour suprême, du président de la Cour des Comptes et ceux de l’ensemble des Cours et Tribunaux. .