NOUHA CISSÉ INVITE À ‘’SURFER SUR LE COSMOPOLITISME’’
CONFLIT CASAMANÇAIS

Ziguinchor, 16 juil (APS) – L’historien Nouha Cissé a souligné l’importance de s’appuyer sur certains leviers comme le ‘’cosmopolitisme’’ en vue de trouver une solution au conflit casamançais.
‘’ Je le crois très sincèrement : le cosmopolitisme, c’est une des très grandes chances de la Casamance. Mais pas seulement pour la Casamance, mais également pour tout le Sénégal. S’il y a un chapeau à tirer aux Sénégalais, c’est cette volonté de vie en communauté’’, a-t-il dit.
M. Cissé s’exprimait samedi à Ziguinchor (sud) lors d’un atelier de partage d’expériences sur les relations entre les problèmes d’environnement et la question des migrations.
Introduisant une communication sur le thème ‘’Conflits et migrations : le cas de la de la Casamance’’, il a souligné que la migration a fait de cette région méridionale ‘’la plus sénégalaise du Sénégal’’.
‘’C’est dans cette région invariablement que vous trouvez toutes les ethnies du Sénégal du Nord au Sud’’, a-t-il dit. L’historien a indiqué que ce cosmopolitisme se décline en Casamance par le fait que ‘’le Casamançais est polyglotte, [parlant] au moins deux à trois langues’’.
Nouha Cissé a souligné qu’il a eu souvent à attirer l’attention de combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, rébellion) ou de Casamançais sur la nécessité de "pas trop tirer sur la corde’’.
‘’Imaginez-vous que de Thilogne (Matam) à Goudiry (Tambacounda) des familles attendent l’arrivée par cercueil d’un jeune soldat tué en Casamance. (…) Avez-vous une seule fois entendu l’expression d’état d’âme à l’occasion de ces funérailles-là ?’’, s’est interrogé M. Cissé, qui est un observateur du conflit casamançais.
Il s’est félicité de ce qu’une telle chose ne s’est encore jamais produite, estimant qu’il faut par conséquent "lever le chapeau aux Sénégalais, parce qu’ailleurs cela a provoqué des désastres et des représailles’’.
Il a à ce propos dénoncé ‘’les logiques identitaires catastrophiques qui créent des hécatombes’’, comme le génocide au Rwanda, en Afrique de l’Est.
‘’Au Sénégal, Dieu merci : aucun mouvement de foule, aucune expression d’état d’âme dans ce sens. On a accepté, mais c’est avec beaucoup de stoïcisme tout ça. Mais si non a réussi, c’est parce qu’on est solidaire entre nous (…)’’, a encore analysé l’historien.
‘’Au contraire, on est prêt à manifester de l’empathie, de la reconnaissance à l’autre en difficulté. C’est ça le Sénégal, c’est ça la Casamance’’, a-t-il magnifié.
‘’Ce problème posé, il est bon qu’on surfe sur ça, qu’on l’actionne et qu’on le contrôle’’, a-t-il exhorté, citant une anecdote entre un sérère et un diola, des cousins à plaisanterie. Le premier disait au second qui était en retard : ‘’C’est normal, la seule notion de temps qu’ils (les diolas) ont, c’est de distinguer la nuit du jour.’’
Nouha Cissé a ainsi expliqué ‘’la profondeur’’ de cette blague qui a eu l’avantage de décrisper la situation, se félicitant de cette fraternité entre les différentes ethnies du Sénégal et de la Casamance.
Il a souligné que des mécanismes traditionnels de règlement de conflit existent dans la société casamançaise. Cependant, a estimé le spécialiste de la Casamance, ‘’il faudra offrir la possibilité de l’exercice plein et entier des règles de jeu de ces mécanismes’’.
D’après l’historien, ‘’si on les suspecte, ça pose malheureusement des problèmes’’. Il a rappelé avoir vécu cette situation, quand il était président du Casa sport, le club fanion de Ziguinchor.
‘’J’ai vu le démantèlement de comités de supporters accusés d’être des structures de cotisation pour le MFDC, alors qu’il n’en est rien’’, a-t-il rappelé.
Il a cité à ce propos le cousinage à plaisanterie, qui selon lui, est ‘’un mode extrêmement important de facilitation qui permet de refréner les ardeurs’’.
‘’Les ardeurs impulsives sont contenues par toutes les possibilités qu’offrent le cousinage plaisant qui va de la moquerie calculée à l’invective directe sans management’’, a-t-il avancé.
La Casamance, constituée des régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, est en proie à un conflit armé depuis 1982, année depuis laquelle le MFDC, divisé en plusieurs factions, réclame l’indépendance de cette région méridionale. Des accrochages sporadiques avec les forces gouvernementales ont fait des centaines, voire des milliers de morts, tant militaires que civiles.