27.000 FCFA POUR AVORTER INCOGNITO
C’est à travers leur page Facebook dénommée «Avortement bien fait au Sénégal » que l’annonce est faite.
C’est à travers leur page Facebook dénommée «Avortement bien fait au Sénégal » que l’annonce est faite. Un avatar de femme enceinte portant un masque et une photo d’un rayon de pharmacie fait office de page de couverture, avec à l’appui un numéro de téléphone portable joignable 24 h/24. Il s’agit bien d’offres de services à domicile pour toute personne désirant faire un avortement clandestin.
Le mal semble plus profond et la tâche encore lourde dans la lutte contre l’avortement clandestin au Sénégal. D’après les chiffres du ministère de la Santé, publiés par «Africa check», notre pays a enregistré 34 079 cas d’avortements en 2020 contre 38 878 en 2019, 31 515 en 2018, 30 152 l’année d’avant, 28 339 en 2016 et 25 827 en 2015. Ces chiffres alarmants constituent les cas d’avortements signalés dans les structures sanitaires.
Toutefois, d’autres cas probablement moins élevés se passent dans la plus grande opacité. De plus en plus de personnes, certains se faisant passer pour des professionnels de la santé, d’autres de simples connaisseurs ou, pire encore, des amateurs, offrent leurs services aux personnes désireuses de se faire avorter. C’est l’exemple d’un groupuscule qui se présente comme des professionnels et « opère » à travers Facebook.
Leur page dénommée «avortement bien fait au Sénégal» sert d’espace publicitaire où l’on trouve facilement un contact visible dès les premières lignes. Des slogans attrayants comme «Ça fait des jours, des semaines et mois que tu cherches une meilleure solution à ton problème de grossesse non désirée, mais rien ne marche. Viens te débarrasser de cela, c'est une question de temps. Même si tu as un col dur. Sans effets secondaires ni conséquences». Ou « satisfaction obligatoire pour tous ceux qui me contactent», «Disponible pour tous vos besoins de médicaments d’avortement». Il y a d’autres affiches plus explicites avec une photo du comprimé Misoprosol en main : «Tu es enceinte et tu veux te faire avorter sans risque aucun sur la santé, sache qu'il te faut les comprimés (Misoprosol : ndlr). Contacte-moi ».
Avec une équipe qui a implanté ses services dans tout le pays, ils ont réussi à mailler tout le territoire. Ils sont installés à Dakar et sa banlieue, Thiès, Saint-Louis, Rufisque, Ziguinchor, Mbour et Kaolack…Il suffit juste de tomber d’accord avec votre interlocuteur pour que l’équipe de votre localité vous livre le produit en question. «L’As» a essayé d’entrer en contact via leur numéro sur Facebook avec un «gynécologue» : «Bonjour, j’ai eu votre contact à travers Facebook et j’aurais besoin de vos soins pour une cousine victime de grossesse indésirée», lance-t-on sur WhatsApp.
La réponse à l’autre bout du fil n’a pas tardé à tomber : «Oui c’est possible ! Votre sœur est à combien de semaines de grossesse ?». «Elle en est à 16 semaines», rétorque-t-on. Mais cela ne semble pas ébranler notre «médecin» qui apparemment est un connaisseur en la matière pour ne pas dire un habitué des faits. Cette fois-ci, il décide d'entamer les pourparlers : «C’est à 27 500 Fcfa». -Réponse de votre serviteur : «Je suis prête à payer le prix qu’ilfaut, pourvu que cela soit bien fait». -Assurances de notre interlocuteur : «Il n’y a aucun risque, ce sera très bien fait, je suis gynécologue». -«Mais j'ai un souci. Ma cousine est drépanocytaire», lui dit «L’As». Sans même demander si la «patiente» en question souffre de la forme sévère ou non de drépanocytose, il répond soudainement : «Ce n’est pas un souci, nous allons ajouter d’autres médicaments qui agiront en cas d’hémorragie». -«Deuxième souci, j’ai fait des recherches sur internet et j’ai découvert que l’avortement n’est pas autorisé au Sénégal». «Vous avez raison, c’est l’avortement thérapeutique qui est autorisé et dans ce cas, il faut l’avis de trois médecins différents et reconnus par l’ordre des médecins». Voyant «notre détermination» à aller loin dans cette affaire, le gynécologue fait monter les enchères : «Je vous fais le tout à 37 500 Fcfa. Maintenant, dites-moi : quand voulez-vous le faire ?» Une dernière question, comment allez-vous me faire parvenir les médicaments ?» -«Par livraison, les produits sont bien emballés (photos à l’appui) et le reste, c’est-à-dire la notice, vous est donné par téléphone. -«Je vous reviens en fin de semaine». Convaincu qu’il a décroché une patiente de plus, «le gynécologue» n'hésite pas à nous balancer des commentaires de clientes satisfaites. «Merci beaucoup Dr Diop, vraiment je suis très satisfaite de vos produits. J’ai réussi à me débarrasser de ma grossesse sans éveiller de soupçon», lit-on dans un message vocal. D’autres, par des messages écrits, abondent dans le même sens : «Salut Dr Diouf. Oui bonjour, as-tu as reçu tes médicaments ? Oui j’ai reçu. Merci beaucoup, j’avais peur quand j’envoyais mon argent, mais tu as respecté ta parole». «Bonsoir, Dr je saigne depuis 1 heure de temps, maintenant un gros caillot de sang est sorti». Comme pour se réjouir d’un travail bien accompli, le médecin rassure : «C’est fini madame ! La grossesse est tombée comme ça». La jeune dame qui remercie le médecin « d’avoir sauvé son honneur va devoir utiliser pendant quelques jours les pilules post avortives qui se trouvent dans le package.
LES SAIGNEMENTS DEBUTENT 30 MINUTES A 48 HEURES APRES LA PRISE DU MISOPROSTOL
Médicament indiqué dans le traitement de l’ulcère gastrique ou duodénal en évolution, des maladies de l’estomac et du duodénum dues à la prise de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens, lorsque la poursuite de ces derniers est indispensable et dans la prévention de maladies de l’estomac et du duodénum dues à la prise de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens, chez certains sujets, le Misoprostol peut être utilisé pour l'interruption volontaire de grossesse (IVG) aussi bien par voie vaginale que sublinguale. Mais dans le second cas, il doit être administré à des intervalles courts, au prix d'effets indésirables plus fréquents, d’après une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publiée dans le Lancet.
La mifépristone associée à une prostaglandine, généralement le Misoprostol est le seul régime approuvé pour l'IVG médicamenteuse, mais de nombreux pays n'ont pas accès à la Mifépristone et utilisent donc le Misoprostol seul, selon des régimes variés ; mais ni la voie d'administration ni l'intervalle entre deux doses les plus efficaces n'ont été déterminés. Helena von Hertzen du département santé et recherche reproductives à l'OMS et ses collègues ont randomisé 2 066 femmes enceintes de 63 jours au maximum, entre quatre groupes de traitement, recevant trois doses de Misoprostol de 0,8 mg soit en sublingual, soit en intravaginal, et soit toutes les trois heures, soit toutes les 12 heures.
Le taux d'avortement complet après deux semaines de suivi a été de 84% avec le Misoprostol sublingual toutes les trois heures, de 85% avec la voie vaginale toutes les trois heures, de 78% avec la voie sublinguale toutes les 12 heures et de 83% avec la voie vaginale toutes les 12 h. Les saignements débuteront de 30 minutes à 48 heures après la prise du Misoprostol, habituellement dans les premières 12 heures. Il est normal d'avoir des caillots et des saignements abondants. Cela diminue lorsque l'expulsion de la grossesse sera complète. Les résultats obtenus montrent que le Misoprostol peut être utilisé par voie vaginale ou sublinguale pour l'IVG précoce. Lorsque l'administration vaginale est utilisée, les intervalles entre les doses peuvent s'étaler de trois à 12 heures sans affecter significativement l'efficacité. Cependant, si le Misoprostol est administré par voie sublinguale, des intervalles de trois heures entre doses sont plus efficaces que des intervalles de 12 heures, mais au prix de taux plus élevés d'effets indésirables.
CE MEDICAMENT EST CONTRE-INDIQUE TOUT AU LONG DE LA GROSSESSE
Il est clairement interdit dans la notice d’administrer Misoprostol encore appelé Cytotec 200 microgrammes du nom du fabricant, à une femme enceinte. Pour cause, sa prise peut induire des avortements, des malformations, des morts fœtales et des naissances prématurées. « Le traitement par Misoprostol ne doit être initié chez la femme en âge de procréer que si la grossesse est exclue. Il est important de prendre des mesures de contraception efficaces durant la période de traitement. Si une grossesse survient pendant le traitement, celui-ci doit être arrêté. Des cas de rupture utérine et d'hémorragies ont été rapportés lors d'utilisation de Cytotec 200 microgrammes par voie vaginale. Le Misoprostol doit être utilisé avec précaution en présence de maladie où l'hypotension peut entraîner des complications sévères. Des accidents cardiovasculaires graves potentiellement mortels (infarctus du myocarde et/ou spasmes coronaires et/ou accidents vasculaires cérébraux) ont été rapportés avec des prostaglandines, y compris le Misoprostol, en particulier lors de l'utilisation d'une posologie élevée. Les facteurs de risque cardiovasculaires (et notamment le tabagisme chronique et /ou récent, ...) seront pris en considération. Ce médicament contient de l’huile de ricin et peut provoquer des troubles digestifs (effet laxatif léger, diarrhée)», renseigne toujours la notice. Toutefois, du fait des contractions très fortes que la prise de Misoprosel peut provoquer, elle peut réussir à expulser une grossesse.
En outre, cette pratique illégale de l’avortement remet sur le tapis la lancinante question de de la dépénalisation de l’avortement au Sénégal, prônée par les militantes de la cause des femmes, dont la loi bien que figurant dans le protocole de Maputo que notre pays a ratifié en 2004 se heurte au refus des religieux (église comme musulmans avec des divergences au niveau des différentes écoles) qui considèrent que nul n’a le droit d’ôter la vie à quelqu’un.