AU SENEGAL, LA TRANSPLANTATION RENALE …SE PLANTE
L'absence de subventions publiques freine le développement de cette pratique vitale. L'hôpital militaire de Ouakam, seul établissement accrédité pour ces opérations, a réussi cinq greffes mais ne peut continuer sans soutien financier
La maladie du rein touche au moins 5% de la population, soit 700.000 Sénégalais
Le Sénégal est entré dans l’histoire avec la réalisation de ses toutes premières expériences de transplantation rénale entre novembre 2023 et juillet 2024. Malgré cette avancée extraordinaire dans la pratique médicale, l’activité peine à prendre son envol chirurgical par manque de moyens. D’où le plaidoyer pour une subvention de l’Etat afin de permettre à tous les malades d’avoir accès à la greffe de rein et à moindre coût. La preuve par les chiffres de la maladie du rein qui font peur. Ils touchent 5% de la population, soit 700.000 personnes.
Après la première greffe réalisée sur un couple donneur-receveur, l’hôpital militaire de Ouakam (Hmo) a réussi à faire quatre (04) autres transplantations rénales entre novembre 2023 et juillet 2024 par une équipe sénégalaise composée des membres du consortium de l’hôpital de Ouakam et Le Dantec. Faisant ainsi de la greffe de rein une réalité au Sénégal depuis un an sur quatre (04) patients. Des opérations réalisées et réussies avec succès sous la conduite du médecin-colonel, Dr Youhanidou Wade Dia supervisant une équipe dirigée par le Pr Babacar Diao, urologue, à côté du professeur Alain Khassim Ndoye. Un an après, l’activité n’a pas pu connaitre son envol chirurgical. «Depuis les premières greffes, malheureusement l’activité n’a pas connu l’essor voulu ou escompté pour la bonne et simple raison que pour le moment la transplantation rénale n’est pas prise en charge par l’Etat. Il n’y a pas encore une subvention dédiée pour la transplantation rénale. Toutes les transplantations ont été prises en charge par la direction de l’hôpital militaire de Ouakam (Hmo). Ce qui n’est pas viable. Ce n’est pas possible parce que c’est une activité coûteuse», a dit le Pr Elhadj Fary Kâ, président du Conseil national du don et de la transplantation (Cndt). Qui plaide pour une subvention durable et soutenue de l’activité vitale. «Je pense que les autorités sont d’accord qu’il faut absolument subventionner, et prendre en charge cette transplantation rénale. D’autant plus qu’elle fait éviter la dialyse. En plus elle coûte moins chère que la dialyse. C’est 50% moins cher la première année. Elle redonne une meilleure qualité de vie aux patients et une meilleure espérance de vie. En plus elle permet d’améliorer la qualité de nos soins, les soins dans nos structures sanitaires. Parce que les hôpitaux sont obligés de se mettre à niveau», a-t-il indiqué. Pour toutes ces raisons, il exhorte les autorités, et «fortement», à prévoir un budget pour cette activité au moins pour l’année 2025. «Je pense que c’était déjà convenu. Nous allons actualiser le coût et nous espérons que cela va venir. Je suis convaincu que cela va venir», at-il laissé entendre. Il rappelle aussi qu’il y a 15 ans, la dialyse n’était pas gratuite. Qu’elle l’est devenue progressivement, et que donc la transplantation rénale peut connaitre la même chose.
La gratuité de la dialyse initiée depuis 2012
La gratuité de la dialyse a été initiée depuis 2012. En 2021, déjà plus de 700 patients y avaient bénéficié contre 1500 toujours sur la liste d’attente. Pour ce qui est de la situation des bénéficiaires, le Pr Kâ explique que, pour le moment, ils ont des rendez-vous de trois à quatre mois. Seulement, dit-il, «leurs médicaments sont pris en charge par la direction de l’hôpital militaire de Ouakam. Ils ne les achètent pas ! « a-t-il précisé. Cette gratuité constitue une lourde charge pour la structure sanitaire qui compte de brillants médecins aux expertises avérées qui méritent d’être soutenus et renforcés dans tous les domaines. Pour lui, et pour que la transplantation rénale soit une activité équitablement et socialement accessible à tous, il faudra «forcément une subvention de l’Etat pour que ceux qui ne peuvent pas payer, et Dieu sait qu’ils sont nombreux, puissent en bénéficier», dit-il connaissant le coût et les exigences de suivi des malades. C’est aussi le souhait des Sénégalais qui demandent que le coût soit plus accessible à plus de nombreux malades pour l’espoir de ceux atteints de cette maladie du rein. Ce, vu les contraintes que pose l’hémodialyse qui oblige les patients à se déplacer à l’hôpital pour leurs séances hebdomadaires, sans compter le coût pour un acte qui ne fait que 10% de la fonction rénale, selon les urologues.
Hmo, une compétence chirurgicale certifiée !
Des statistiques montrent que la maladie touche environ 5% de la population sénégalaise, soit plus de 700.000 patients, et constitue une charge financière pour les familles des patients.
L’anesthésiste, Dr Mamadou Mansour Diouf avait dès les premiers jours de l’exploit, demandé d’analyser la situation «sans fioriture et sans émotion», en essayant d’identifier les éventuels écueils qui pourraient freiner cet élan et compromettre le succès de cette belle aventure qui «commence si bien».
Il est bon de rappeler que seul l’Hôpital militaire de Ouakam (Hmo) est encore la seule et unique structure apte à réaliser la greffe rénale au Sénégal. D’où sa compétence médicale et chirurgicale certifiée. Les autres hôpitaux qui le désirent doivent suivre la longue procédure aux multiples critères. Comme l’a toujours expliqué le Pr Alain Khassim Ndoye parlant de la législation qui entoure le don et la greffe de rein. «Le Sénégal a des textes qui réglementent la transplantation rénale pour éviter le trafic d’organes et pour protéger les malades. Des textes qui rendent obligatoire une accréditation pour les hôpitaux qui désirent transplanter. Des hôpitaux qui font actes de candidature qui sont aussi inspectés au plan des infrastructures et du matériel avant l’accréditation», avait-il expliqué. C’est donc une procédure au préalable avant d’autoriser un hôpital à être auto transplanteur. Tout hôpital qui le désire doit donc soumettre un dossier de candidature au ministère de la Santé qui va le transmettre au Cndt qui, à son tour, va envoyer des évaluateurs pour un rapport appréciant si la structure est éligible ou pas avant d’octroyer un agrément. L’hôpital de Ouakam est passé par là! Il s’est donné les moyens, et surtout, le courage, la détermination et la volonté dans une infrastructure fonctionnelle, des médecins compétents et des équipements suffisants pour pouvoir réaliser la transplantation rénale au Sénégal. Au Sénégal où l’opération se fait à partir d’un donneur apparenté, un membre de la famille muni d’un papier du tribunal de Dakar autorisant le don de rein. Un papier qui sera attribué après vérification du caractère volontaire et gratuit du don de rein.