LES RELATIONS ENTRE LES EDULCORANTS ET LES RISQUES SUR LA SANTE SONT AMBIGUËS
Dans le doute, Dr Abdoul Aziz Ly, Endocrinologue Diabétologue Nutritionniste, Spécialiste des Maladies Métaboliques, Médecine Interne Hôpital de Tivaouane, estime qu’il y a lieu de limiter la consommation des produits et boissons industriels

Proposés comme alternatives saines au sucre, les édulcorants contenus dans des milliers de produits alimentaires représentent un marché de 7,2 milliards de dollars. Ils n’en sont pas moins au cœur d’une polémique incessante régulièrement entretenue par des lanceurs d’alerte. Bien que l'utilisation de ces édulcorants intenses soit considérée comme globalement sûre aux doses définies par les agences de sécurité des aliments, les soupçons de nocivité pour la santé ne cessent de s'accumuler. Utilisés dans le but louable de réduire la consommation de sucre notamment chez les sujets obèses et/ou diabétiques, les édulcorants pourraient avoir des effets paradoxaux. Dans le doute, Dr Abdoul Aziz Ly, Endocrinologue Diabétologue Nutritionniste, Spécialiste des Maladies Métaboliques, Médecine Interne Hôpital de Tivaouane, estime qu’il y a lieu de limiter la consommation des produits et boissons industriels qui en contiennent ; en privilégiant les aliments et boissons naturels tels que les fruits et l'eau, surtout dans la population générale. Il soutient aussi : « il est vrai que les études décrivant des associations entre leur consommation et divers problèmes de santé ne manquent pas, même si les liens de causalité sont difficiles à établir ».
QU’EST-CE QU’UN EDULCORANT ?
Les édulcorants ou substituts de sucre (faux sucres) sont des additifs alimentaires utilisés pour conférer un goût sucré à des aliments et boissons tels que les boissons non alcoolisées, les desserts, les produits laitiers, les bonbons, les chewing-gums ou encore les produits hypocaloriques et les produits de contrôle du poids. Les édulcorants peuvent être produits de différentes manières, notamment par extraction de plantes (par exemple, les glycosides de stéviol ou la thaumatine) ou d'autres matières d'origine végétale (par exemple, la néohespéridine, dérivée des agrumes). Ils peuvent également être synthétisés (par exemple, la saccharine) ou obtenus en utilisant des micro-organismes dans le processus de production (par exemple, l'érythritol). Les édulcorants ont très souvent un pouvoir sucrant bien supérieur à celui du sucre. La présence d'un édulcorant doit être indiquée sur l'étiquette d'un aliment ou d'une boisson soit par son nom, soit par son numéro E.
ORIGINES DES EDULCORANTS ?
Les édulcorants ont souvent été découverts par hasard. En effet, la saveur sucrée de la saccharine fut découverte accidentellement en 1879 par un chimiste, Ira Remsen, qui s’en alla dîner sans s'être correctement lavé les mains après avoir travaillé sur des dérivés de la houille. À partir des années 60, les professionnels de la santé commencent à entrevoir l’intérêt des édulcorants qu’ils prescrivent alors à leurs patients diabétiques ou souhaitant perdre du poids. Un véritable engouement de la part des scientifiques voit alors le jour. Les chercheurs tentent depuis de développer de nouvelles molécules au goût sucré, sans arrière-goût, stables à la chaleur.
En France, c’est à la fin des années 80 que les édulcorants sont mis à portée de tous lorsque leur vente est autorisée en grande surface, et non plus uniquement dans les pharmacies. Enfin, en 1988, les industriels ont l’autorisation de les utiliser dans leurs produits afin de diminuer les teneurs en sucre sans pour autant impacter le goût sucré. Au niveau international, la responsabilité de l’évaluation de la sécurité de l’ensemble des additifs, dont les édulcorants, est confiée au Comité scientifique mixte d’experts des additifs alimentaires (Joint Expert Scientific Committee on Food Additives, JECFA).
QUELS SONT LES DIFFERENTS TYPES D’EDULCORANTS ?
Ils sont essentiellement classés en 2 groupes dont les édulcorants de masse et les édulcorants de synthèse. Les édulcorants de masse peuvent également être nommés édulcorants de charge, édulcorants nutritifs ou polyols. Dans ce groupe, nous trouvons entre autres l’isomalt, le sorbitol, le mannitol et le xylitol. Ce sont des sucres-alcools. Ils sont obtenus industriellement, mais ils sont aussi naturellement présents en petites quantités dans de nombreux fruits et légumes, comme les fruits rouges, l’épi de maïs ou la noix de coco. Ils sont généralement moins sucrés que le sucre : leur pouvoir sucrant va de 0,4 à 1 fois celui du sucre ou saccharose. Ils sont caloriques excepté l’érythritol. Ils ont l’avantage de ne pas avoir d’effet cariogène, raison pour laquelle ils sont essentiellement utilisés en confiserie dans les bonbons et les chewing-gums sans sucre.
Quant aux édulcorants de synthèse, Ils peuvent être appelés édulcorants intenses, artificiels ou non nutritifs. Dans cette catégorie, on trouve, entre autres, la saccharine, le cyclamate, l’aspartame et l’acesulfame K. Ils ont un pouvoir sucrant très élevé, qui est de 30 à 500 fois supérieur à celui du saccharose.
QUELS SONT LES RISQUES POUR LA SANTE ?
Les relations entre les édulcorants et les risques sur la santé sont ambiguës, disparates et souvent le résultat d’études contradictoires. Les études disponibles tant chez l’adulte que chez l’enfant sont très hétérogènes, souvent de durée brève et portent sur un faible nombre de sujets. Une analyse récente menée à partir de 50 études s’est donné pour ambition de rechercher les effets des sur la santé globale dans la population générale.
LES EDULCORANTS FONT-ILS GROSSIR ?
La substitution des sucres ajoutés par les édulcorants apparaît théoriquement intéressante dans l’obésité. La plupart des études ont montré un effet bénéfique de l’aspartame sur la perte de poids et son maintien lorsqu’il est utilisé dans le cadre d’une prise en charge standardisée de l’obésité. Il existe également un avantage pondéral chez les sujets obèses consommateurs de boissons édulcorées par rapport aux boissons sucrées de référence. Si la logique comptable de la restriction calorique semble validée au cours de l’obésité par la plupart des études, il n’en est pas de même dans la population générale. Les grandes études décrivent une association positive entre la consommation régulière d’édulcorants intenses et le risque d’obésité. Enfin, chez les enfants et les adolescents, la consommation d’EIS est considérée généralement comme un promoteur de l’obésité.
LES EDULCORANTS DONNENT-ILS LE CANCER ?
Depuis son apparition dans les aliments, il existe une controverse sur l’aspartame, accusé d’être lié à une augmentation du risque de cancer, à la suite d’une étude italienne de 2010 menée chez des souris. En 2013, l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu, après une réévaluation approfondie des données scientifiques chez l’animal et chez l’homme, que l’aspartame et ses produits de dégradation étaient sûrs pour la consommation humaine aux niveaux habituels d’exposition : la dose journalière acceptable est limitée à 40 mg par kilo de poids corporel, y compris pour les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes.
LES EDULCORANTS DONNENT-ILS LE DIABETE ?
Les édulcorants de synthèse semblent être un facteur favorisant l’apparition d’un diabète de type 2 dans la population générale. Les données issues de grandes études épidémiologiques sont en faveur d’une relation positive entre la consommation d’édulcorants de synthèse et l’incidence de diabète de type 2 notamment chez les femmes obèses.
COMMENT UTILISER LES EDULCORANTS ?
Pour les édulcorants de masse (polyols), il n’existe pas de recommandation de consommation mais une limite à ne pas dépasser pour éviter des signes d’inconfort digestif liés à leur fermentation (flatulences, diarrhées) ; ces valeurs se situent entre 20 et 50 g par jour. Pour les édulcorants de synthèse, la dose journalière admissible (DJA) est une garantie de sécurité qui représente la quantité moyenne d’un édulcorant pouvant être consommée sans risque, chaque jour et pendant toute la durée de vie d’une personne. Par exemple pour un adulte de 70 Kg il faut au moins 70 cachets d’aspartames par jour pour atteindre la dose journalière admissible pour dire que cette quantité est quasi inatteignable.
QUI DOIT CONSOMMER LES EDULCORANTS INTENSES ?
Selon l’organisation mondiale (OMS) l’utilisation des édulcorants intenses ne s’applique qu’aux personnes vivant avec un diabète. Au vu des études, les personnes ayant une obésité peuvent utiliser les édulcorants dans les limites des doses permises. La population générale devrait s’abstenir de consommer les édulcorants de synthèse au vu des risques potentiels. Les gens doivent envisager d’autres moyens de réduire leur consommation de sucres libres, par exemple en consommant des aliments contenant des sucres naturels, comme les fruits, ou des aliments et des boissons non sucrés.