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23 avril 2025
Culture
AMADOU MAHTAR MBOW, UNE VIE, DES COMBATS
Dans cette biographie, pour la collection Figures, Hamidou Anne, jeune auteur de talent, dresse le portrait d’un « patriarche » engagé pour la construction de la nation sénégalaise et pour l’achèvement du projet panafricaniste
« La vie d'Amadou Mahtar Mbow est un roman, un essai politique, une poésie de l'humain et un traité de vie. ». Cette vie, qui se confond avec la trajectoire de notre pays, fascine, tant l’homme a assumé divers rôles et positions à travers lesquels il n’a cessé de prôner l’humanisme et l’émancipation sociale.
Enseignant, soldat, militant politique, diplomate et icône nationale, Amadou Mahtar Mbow est une personnalité majeure de l’histoire contemporaine du Sénégal, et plus largement de l’Afrique, continent auquel il a dévoué sa vie et ses combats.
Dans cette biographie, pour la collection Figures, Hamidou Anne, jeune auteur de talent, dresse le portrait d’un « patriarche » engagé pour la construction de la nation sénégalaise et pour l’achèvement du projet panafricaniste, à travers l'éducation, la souveraineté, la justice et l’amitié entre les peuples.
Hamidou Anne est né en 1983 au Sénégal. Ancien élève de l’ENA, il vit et travaille à Dakar. Co-auteur de l’ouvrage collectif Politisez-vous ! (United Press, 2017), il a aussi publié Panser l’Afrique qui vient ! (Présence Africaine, 2018).
« Vives Voix a choisi d’interroger le patrimoine immatériel de nos territoires africains par la mise en exergue de ces personnalités marquantes qui ont mêlé de façon inextricable leur histoire à celle du continent. Ces noms, que la collection « Figures » honore, évoquent tous quelque chose aux enfants d’une certaine génération. Ils résonnent en nous avec fierté, souvent sans connaître les raisons véritables, les positions prises et assumées qui ont dessiné les contours du monde dans lequel nous vivons. Cette collection interroge ces vies qui traversent des époques et des lieux, met une lumière différente sur ces personnes-marqueurs qui ont ancré leurs actions dans un monde afin de toujours le rendre meilleur. Que ces Figures nous inspirent !
Prix : 10 000 FCFA, en vente à Dakar
Les Editions Vives Voix : Basée à Dakar, Vives Voix a précédemment publié les Beaux-Livres Dakar Emoi , Dakar l’Ineffable raconté par Oumar Ndao, Musique Sénégalaise, Simb , entre autres
Dans la collection « Figures », vient de paraître la biographie Germaine Acogny, Danser l’humanité de Laure Malécot.
LES LUTTEURS REPARTENT AU COMBAT APRÈS UN AN DE DISETTE
Le plus attendu des cinq combats à l'affiche opposera deux stars: "Eumeu Sène" et "Lac 2". Il s'agit d'un choc comme "il n'y en n'a pas eu depuis des années" et qui "va redonner du courage aux Sénégalais", selon Gaston Mbengue
"Maman, prie pour nous": sur un terrain de sable de la banlieue de Dakar, dix costauds entonnent en trottinant le chant en wolof qui marque le début de l'entraînement… Après un an d'interruption à cause du coronavirus, les lutteurs sénégalais se préparent à retourner au combat.
La lutte sénégalaise, dont les origines remontent aux cérémonies célébrant la fin des récoltes dans les ethnies sérères et diolas, est extrêmement populaire dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.
La vie s'arrête pratiquement lors des grandes confrontations, annoncées des semaines à l'avance par des affiches et des spots publicitaires.
Et lorsqu'un combattant, le pagne ceint autour de la taille, renverse son adversaire, les cris des supporters rivés à leur poste de télévision s'élèvent des maisons, comme lors des matches de l'équipe nationale de football, seule peut-être à rivaliser avec les rois de l'arène dans le coeur des Sénégalais.
L'arrivée du Covid-19 il y a un an a stoppé net la pratique professionnelle: plus de combats ni d'entraînements collectifs.
Mais tout cela est du passé: sous l'effet d'une grave crise politique, les principales restrictions ont été levées mi-mars et les compétitions sont en train de reprendre.
- Un choc devant 10.000 personnes -
Ce dimanche, certains des colosses les plus adulés feront leur retour dans l'Arène nationale de Pikine, le temple de la discipline, à une dizaine de kilomètres du centre de Dakar.D'une capacité de 20.000 spectateurs, l'enceinte ne devrait en accueillir que la moitié.
Le plus attendu des cinq combats à l'affiche opposera deux stars: "Eumeu Sène" et "Lac 2".
Il s'agit d'un choc comme "il n'y en n'a pas eu depuis des années" et qui "va redonner du courage aux Sénégalais", assène le promoteur vedette, Gaston Mbengue.
A quelques jours de l'échéance, à Petit-Mbao, dans la grande banlieue de la capitale, Emeu Sène (Mamadou Ngom de son vrai nom) s'entraîne au bord de l'océan avec des lutteurs qui, comme lui, sont connus par leurs surnoms évocateurs: "John Cena", "Tyson 2" ou "Building".
Torse et mains nues, ils s'empoignent, se poussent et tentent de se faire tomber dans le sable, jusqu'à ce que l'appel à la prière interrompe subitement la séance.
A 42 ans et fort de ses 120 kg, Eumeu Sène rêve de retrouver le prestigieux titre de "Roi des arènes" qu'il avait conquis en 2018 et perdu l'année suivante.Une victoire dimanche contre Lac 2 lui donnerait ses chances de récupérer son trône dans un an ou deux.
"Ce combat est d'une importance capitale pour moi.Ma carrière en dépend, je ne dois pas le perdre", dit-il à l'AFP.
- Pratiques mystiques -
Pour vaincre son adversaire, la "préparation mystique" revêt une importance capitale, soulignent amateurs et spécialistes.
Pour éviter le "maraboutage" (mauvais sort), pratiquement plus personne ne peut approcher Eumeu Sène dans les jours qui précèdent le combat.
"On est très prudent par rapport aux étrangers", explique Khalifa Ababacar Niang, le patron de l'écurie Tayshinger qui compte Eumeu Sène dans ses rangs.
"On aurait beau s'entraîner, on peut te faire des choses qui te rendent paresseux, qui brisent ton envie ou te donnent le tournis", ajoute M. Niang.
Dans le stade, avant de s'empoigner, les combattants, portés par les chants des griots, suivent un long et minutieux rituel, au cours duquel ils s'enduisent entièrement le corps de "liquide magique". Ils ont noué d'indispensables grigris à leur taille, autour des poignets et des biceps ou des chevilles.
Le secteur de la lutte espère que la reprise des combats permettra de tourner définitivement la page de la "saison blanche" 2020, au cours de laquelle les 8.000 affiliés de l'Association nationale de lutte ont dû trouver d'autres sources de revenus.
Jeune espoir de 22 ans aux cheveux teints en blond, Ngarafe Ndiaye, que l'on surnomme le "Fils de Sadio" ou "le gosse", s'est mis à vendre des téléphones depuis le début de la pandémie.Il espère qu'un jour, il vivra de la lutte."Mais actuellement, il me faut un autre boulot pour m'en sortir".
par Hamidou Anne
LE SÉNÉGAL EST LE PAYS DE DIEU
Quel pays au monde peut se vanter d’avoir eu une opposition entre deux figures intellectuelles et politiques, Senghor et Cheikh Anta, qui ont chacune atteint l’universel ? Le spectacle d’effondrement moral que nous offrons ne nous honore pas
Une amie d’amis, ouest-africaine, a dit récemment du Sénégal à propos des dernières émeutes : « Si ce pays en est là, c’est qu’il n’y a plus rien à attendre de l’Afrique. » Le Sénégal est un grand pays. Nous avons toujours illuminé le chemin du continent par la culture et les humanités. Ce statut est gage de fierté, mais appelle aussi à une exigence dans la préservation de la paix et la poursuite du chemin vers l’universel.
Notre histoire et notre géographie font de nous un pays d’exception. Les Sénégalais, par conséquent, doivent se ressaisir, car le spectacle d’effondrement moral que nous offrons ne nous honore pas. Le Sénégal contemporain est le legs de plusieurs générations de monuments, qui ont bâti ce pays dans le sang, la sueur et le culte du dépassement de soi, au profit de quelque chose qui nous dépasse. Quel pays au monde peut se vanter d’avoir eu une opposition entre deux figures intellectuelles et politiques, Senghor et Cheikh Anta, qui ont chacune atteint l’universel ? A l’indépendance nous avons eu le plus grand président d’Afrique. Il était issu, ainsi que le rappelle souvent mon ami le poète Hamidou Sall, d’une minorité ethnique et religieuse, mais a dirigé notre pays pendant vingt-ans avec le soutien des plus grandes confréries musulmanes. Amadou Lamine Sall, poète de la possession, disait : « Notre pays a été créé par un poète. Ça laisse des traces. » Relisons Malraux, qui dit en 1966, à Dakar, lors du premier Festival mondial des Arts nègres : « Nous voici donc dans l’Histoire. Pour la première fois, un chef d’État prend dans ses mains périssables le destin spirituel d’un continent. Jamais il n’était arrivé, ni en Europe, ni en Asie, ni en Amérique, qu’un chef d’État dise de l’avenir de l’esprit : nous allons, ensemble, tenter de le fixer.»
Pays de lettrés, de personnes raffinées, de gens civilisés, d’hommes et de femmes d’ouverture et de tolérance, le Sénégal est connu pour son art de vivre qu’il a enveloppé dans ce mot délicat qu’est Teranga. Ils sont nombreux, les hommes d’État, officiers et penseurs d’autres pays à avoir fait leurs humanités entre le Prytanée militaire et l’université de Dakar. Quand un politique, un intellectuel ou un artiste engagé fuyait la persécution dans son pays, il venait se réfugier dans la chaleur de Dakar. Ce pays, qui offre eau et nourriture au visiteur avant de lui demander son patronyme, ne peut avoir comme propos pour les étrangers « Dégage ». Nous sommes la Nation qui a donné gîte, couvert et scolarité à une génération d’Haïtiens quand leur pays a failli être rayé de la carte du monde par le séisme de 2010.
Nous sommes le pays du Festival mondial des arts nègres, tenu six ans après l’indépendance, et qui demeure la plus grande manifestation culturelle jamais organisée en Afrique.
Nous sommes, par le dialogue islamo-chrétien érigé au rang d’art de vivre, le pays qui détient la réponse aux crises religieuses qui sévissent dans le monde. Nous sommes l’allié le plus constant du peuple palestinien alors qu’Israël a une ambassade à Dakar. Joal-Fadhiouth, Poponguine, Cabrousse ; Gaston Berger, le couple Lemoine, Abbé Jacques Seck ; notre cousinage à plaisanterie, notre laïcité ouverte sont autant de solutions symboliques et matérielles aux convulsions identitaires du monde. Il faut aller au Nigeria et voir la place qu’y occupe la figure de Baye Niass pour davantage se convaincre de l’importance de notre pays en matière d’Islam des lumières, tolérant et empreint de la mystique du savoir.
Aujourd’hui la République, la Nation et l’État sont victimes de diverses menaces. L’hiver est là, porteur de nuages de doutes pour le Sénégal. Les discours violents et arides d’idées foisonnent menaçant de saper la concorde nationale. Il faut faire face aux entrepreneurs de l’identité étriquée par un sursaut républicain afin de préserver la Nation ; cette Nation qui sacralise les savants et élève la culture au rang de priorité. C’est par la culture que bat le cœur de notre Nation. Avec l’éducation, elle est la deuxième mamelle de notre grande histoire. Le seul fait d’être contemporain de cette période d’abaissement national nous rend coupable, tellement notre pays est devenu banal. Mais je ne veux pas totalement désespérer de ce grand pays. Je souhaite qu’émergent à nouveau les bâtisseurs d’une humanité réinventée et ouverte aux murmures féconds et fertiles du monde. Il nous faut achever ce cycle et rendre au Sénégal sa grandeur, sa flamme qui illumine l’Afrique.
Par les ancêtres qui habitent la cour du roi d’Oussouye ; par Notre-Dame de la Délivrance, que notre pays se ressaisisse et renoue avec son glorieux passé ! Car « nous sommes le pays de Dieu », comme me le soufflait élégamment mon ami Abdoul Aziz Diop, pour conclure notre dernière conversation.
JE NE VOIS MÊME PLUS LA QUEUE DU DIABLE POUR LA TIRER
Victime d’une attaque cardiovasculaire, Habib Diop dit Baye Ely, artiste comédien, dans un entretien accordé à l’Obs, est revenu sur sa maladie.
Victime d’une attaque cardiovasculaire, Habib Diop dit Baye Ely, artiste comédien, dans un entretien accordé à l’Obs, est revenu sur sa maladie. Il a indiqué qu’il respecte ses rendez-vous médicaux et les séances de massage et il se porte mieux. Cependant, il reconnait que rester cloué au lit n’est pas chose facile pour quelqu’un qui était hyperactif. Mais, il s’en remet à Dieu : « la vie est faite de hauts et de bas ».
Toujours dans son entretien avec l’Obs, il a fait savoir que ses activités professionnelles lui faisaient gagner de quoi subvenir aux besoins de sa famille mais, précise-t-il : « Depuis un an, je ne vois même pas la queue du diable pour la tirer. Pis, je n’ai aucun soutien pour la prise en charge médicale ». Poursuivant, il ajoute : « J’avoue que les sénégalais ne m’ont pas rétribué à hauteur de tout ce que j’ai donné. La présence de ma famille est réconfortante ».
A l’en croire, mis à part la première Dame, Marième Faye Sall, Ngoné Ndour, Seune Sène, les ministres de la Culture et de la Santé ainsi qu’une organisation caritative basée en Allemagne, personne ne l’a aidé.
LE GRAND THEATRE INAUGURE SON STUDIO
Le nouveau studio d’enregistrement qui vient d’être inauguré au Grand Théâtre est partie intégrante de la Fabrique artistique, culturelle et citoyenne (Facc).
Le nouveau studio d’enregistrement qui vient d’être inauguré au Grand Théâtre est partie intégrante de la Fabrique artistique, culturelle et citoyenne (Facc). Ce projet, développé en collaboration avec la France, vise à pousser les jeunes évoluant dans les industries culturelles créatives à se créer une activité économique.
Le Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose dispose désormais d’un studio d’enregistrement. Celui-ci a été inauguré vendredi dernier au cours d’une cérémonie en présence du directeur du Grand Théâtre, Ansoumane Sané, et des partenaires que sont l’Institut français et l’ambassade de France. Ce studio vient appuyer les rappeurs et les slammeurs qui ne disposent pas de moyens pour valoriser leur talent. «C’est dire que c’est une opportunité qu’il offre à toute la jeunesse, particulièrement à cette jeunesse un peu désœuvrée qui est dans les coins les plus reculés et qui ne bénéficie pas de l’attention de l’autorité», se félicite le directeur du Grand Théâtre qui souligne que c’est un projet qui vient à son heure à un moment où on parle d’emploi pour la jeunesse. Pascal Moulin, directeur de l’Institut français de Dakar, apprécie ce projet qui, selon lui, est «en maturité et en construction régulière».
Soulignant que le Grand Théâtre lui sert de cadre, M. Moulin y voit «un geste très fort, très symbolique à destination de la jeunesse à qui il offre des débouchées dans les Industries culturelles et créatives» . Ce studio est partie intégrante de la Fabrique artistique, culturelle et citoyenne (Facc) dont le coordonnateur, El Hadji Kane, dispose de deux volets, un volet professionnel et un volet social. «Nous ne faisons pas dans la commercialisation. Pour vous dire, de 2019 à 2020, nous avons produit une vingtaine d’artistes sénégalais. Nous l’avons fait avec le soutien de nos partenaires. C’est la promotion de la jeunesse, de la jeunesse créative», dit El Hadji Kane qui renseigne que de jeunes danseurs de hip-hop, des cultures urbaines ont été produits dans le cadre du projet. «Les cultures urbaines et le hip-hop sont aujourd’hui des musiques et des danses actuellement écoutées partout», dit Yan Gild, promoteur du projet qui explique que la Facc «est née dans des quartiers populaires en France, des endroits de relégation, de discrimination et des endroits de gros dynamisme».
Logé au Grand Théâtre, la Facc vise à pousser les jeunes à créer leur métier, leur activité économique. «La pratique artistique est structurante», dit M. Gild qui informe que des rappeurs vont être signés par le label Factory qui est une vraie expérience concrète de production professionnelle à dimension économique. «Nous travaillons avec des jeunes qui ont été incarcérés. Si à travers la Facc, Strasbourg, Marseille, Dakar, nous arrivons à montrer un modèle de coopération à égalité civilisationnelle, à égalités sociale, économique et culturelle, nous allons mettre une belle pierre à notre jardin commun», dit-il.
DECES DE MAKENA DIOP
Auteur, interprète, metteur en scène et conteur, Oumar Diop Makena est mort hier à Dakar. Artiste au talent reconnu, il compte à son palmarès plusieurs prix d’interprétation, obtenus pour les rôles qu’il a incarnés au cinéma.
Auteur, interprète, metteur en scène et conteur, Oumar Diop Makena est mort hier à Dakar. Artiste au talent reconnu, il compte à son palmarès plusieurs prix d’interprétation, obtenus pour les rôles qu’il a incarnés au cinéma.
L’artiste interprète, metteur en scène et auteur Oumar Diop Makena est mort hier à Dakar. Sorti du Conservatoire national de théâtre, danse et art dramatique de Dakar en 1976, son visage n’est pas inconnu des cinéphiles. Makena Diop a en effet tenu de grands rôles au cinéma. Certains lui auront même valu des récompenses. Son interprétation du rôle principal dans O Heroi de Zeze Gamboa lui a valu le Prix d’interprétation au Festival de Bruxelles en 2003, le rôle de Kéba dans La grève des battu de Cheikh Omar Cissoko lui vaut le Prix d’interprétation du meilleur acteur masculin au Fespaco 2001. Dans Toubab bi de Moussa Touré, il incarne le rôle principal et reçoit le Bayard d’or (1er prix d’interprétation masculine) au Festival de la Francophonie de Namur en Belgique. Et on se rappellera également de son interprétation de Rambo, le chauffeur casse-cou du film de Moussa Touré Tgv en 1997. Makena a également laissé son empreinte sur d’autres productions. Une femme pour Souleymane, un court métrage de Diana Gaye, Lumumba de Raoul Peck, Voyage au Portugal de Serge Tréfaut etc. Au théâtre, Makena Diop a été à l’affiche de plusieurs classiques, Antigone, Caligula et des créations comme Mantes des aurores de Amadou Lamine Sall ou Images de sècheresse de Chenet.
Conteur hors pair
Makena Diop, c’est aussi ce conteur hors pair. Dans un entretien avec Olivier Barlet sur Africultures en 2018, il racontait la naissance de cette passion. «Quand j’étais petit, de l’ordre de sept ans, je m’échappais pour suivre mon oncle, Niokhobaay, qui était conteur populaire. Il créait des cercles pour raconter des histoires et utilisait même ses enfants, allant jusqu’à faire de son bébé un personnage. Je le regardais et quand je rentrais le soir chez moi, fatigué et sale, ma mère s’exclamait : ‘’où était donc cet enfant avec ses longues jambes ?’’.» En 1999, il crée à Cannes, pendant le Festival international du film, en partenariat avec la Ccas et l’Association Racines, une série de spectacles vivants intitulés «De l’image au verbe, une manière de dire le monde noir», des mises en scène mettant en relation musiciens, conteurs, poètes de rue, peintres, venus de Trinidad, des Etats-Unis, du Sénégal, du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso, du Cameroun et d’Angleterre. Talentueux et engagé, Makena fait partie de ceux qui ont participé à l’animation des séances d’art thérapie, introduite à l’hôpital psychiatrique de Fann par le Professeur Henri Colomb.
DEUX JOURS POUR LE THEATRE
Contrairement à l’année dernière où la célébration de la Journée mondiale du théâtre s’était faite en ligne, Kaddu Yaraax renoue avec le public cette année.
Contrairement à l’année dernière où la célébration de la Journée mondiale du théâtre s’était faite en ligne, Kaddu Yaraax renoue avec le public cette année. La compagnie, dirigée par Mamadou Diol, va dérouler son programme sur deux jours.
La Journée mondiale du théâtre a été créée à Vienne en 1961, lors du congrès de l’Institut international du théâtre. Depuis 1962, chaque 27 mars, la Journée mondiale du théâtre est fêtée. A l’instar de la communauté internationale, le Sénégal va également célébrer cette journée ce samedi.
Mais la compagnie théâtrale Kaddu Yaraax compte anticiper sur sa célébration en l’étalant sur deux jours. C’est ce vendredi que cette compagnie théâtrale va débuter les festivités qui se poursuivront jusqu’au samedi. Mamadou Diol, directeur artistique de Kaddu Yaraax, en donne la raison : «On commence à célébrer la Journée mondiale le vendredi dans l’après-midi pour la poursuivre toute la journée du samedi. Nous avons étalé le programme qu’on ne pourrait faire en un jour. Et ce programme sera agrémenté par des théâtres forum et des causeries.» Même si c’est la fin de l’état d’urgence et du couvre-feu, Kaddu Yarax ne baisse pas la garde pour lutter contre le Covid-19 en célébrant de la Journée mondiale du théâtre.
A l’inverse de l’édition de l’année dernière où la compagnie théâtrale s’était adaptée à la crise sanitaire en déroulant ses activités en ligne, la Journée mondiale du théâtre de cette année se tiendra en présence du public au niveau du pôle théâtral de l’espace culturel de Kaddu Yaraax. «Avec la levée de l’état d’urgence sanitaire et du couvre-feu, les salles sont ouvertes. Nous allons dérouler nos activités en présence de 50 personnes seulement. On déroulera nos activités dans le respect des gestes barrières. Des gels et des masques seront distribués au public», souligne le directeur artistique de la compagnie théâtrale de Yarakh qui compte dérouler une série de programmes pour agrémenter cette Journée mondiale du théâtre. M. Diol de renseigner qu’une communication sur le nouveau projet culturel aura lieu. Ce projet réfléchit sur les nouvelles manières de faire de la production artistique en recourant aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, si l’on s’en tient à l’argument de Mamadou Diol.
Ce dernier souligne que Oumar Sall, qui est une éminente personnalité de la culture et du théâtre, entretiendra une discussion sur le phénomène de la réussite. Amadou Fall Ba de la Maison des cultures urbaines (Mcu) et l’artiste Fou Malade vont, pour leur part, animer une causerie sur le projet Talent campus, selon Mamadou Diol.
lu bees avec Paap seen et anta fall
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POUR UN DÉBAT PUBLIC PLUS FERTILE
EXCLUSIF SENEPLUS - La pauvreté du débat public qui passe sous silence les priorités, et la négligence de la culture sont-elles les véritables freins à l'émancipation de la jeunesse sénégalaise ?
Dans ce numéro de Lu bees, Anta Fall évoque le débat public au Sénégal, qui selon elle, est très pauvre. Elle revient sur des sujets qui devraient être prioritaires mais sont malheureusement passés sous silence.
Paap Seen revient sur la politique de la jeunesse au Sénégal. Il évoque la négligence de la culture, qui pourtant reste à l'en croire, le socle de l'émancipation véritable d'une nation et de sa jeunesse.
Lu Bees est un talk hebdomadaire de SenePlus, réalisé et monté par Boubacar Badji.
FATOUMATA SISSI NGOM, PARCOURS D’UN APÔTRE DE LA RESTITUTION DES ŒUVRES D’ART
Passionnée d’art et des musées, L'auteure du roman “Le silence du totem’’, revient sur la passionnante et délicate problématique de la restitution des œuvres d’art aux pays africains
La tête bien faite. Le corps bien frêle. Le teint caramel. Fatoumata Sissi Ngom est loin des projecteurs. Pourtant, elle est l’une des plus brillantes écrivaines de sa génération. Née en 1986, la jeune dame a été auditionnée à l’Assemblée nationale et au Sénat français, dans le cadre du projet de loi pour la restitution du sabre d’El Hadj Omar Tall, grâce au magnifique livre qu’elle a écrit sur la thématique de la restitution des œuvres d’art. Un livre dont la rédaction a démarré bien avant le discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou. Lequel discours a placé cette thématique au cœur de l’actualité franco-africaine.
De sa voix fluette, elle déclare : “On me dit très souvent que j’ai eu une prémonition. Je crois que c’est vrai (rires) ; j’ai commencé à écrire ’Le silence du totem’ des années avant ce discours. Je suis ravie que mon roman ait contribué et continue de contribuer au débat sur la restitution des œuvres d’art africain. C’est un sujet qui me tient à cœur.’’
Dès sa sortie (en avril 2018), alors que le débat commençait vraiment en France et en Afrique, “Le silence du totem’’ a eu un accueil ouvert et bienveillant de la part d’intellectuels et d’experts culturels, se réjouit l’auteure, en citant l’administrateur du musée des Civilisations noires, Hamady Bocoum, et aussi beaucoup d’intellectuels de la diaspora et du monde entier. Pragmatique, rigoureuse et tournée vers l’avenir, elle déclare : “Je veux surtout éviter de me dédire dans le futur et selon la direction du vent. Ce serait intellectuellement dramatique. Par exemple, malgré la sensibilité du débat et l’orthogonalité de nos positions, le musée du Quai Branly a mis en vente mon roman dans sa librairie et ce dès sa sortie.”
Passionnée d’art, visitant musée après musée, la jeune dame n’a eu de cesse de se poser certaines questions substantielles sur les œuvres détenues dans les musées occidentaux, particulièrement français. Quelle est la signification véritable des œuvres d’art exposées dans les musées ? Qu’est-ce qu’elles ont représenté pour ces peuples qui les ont façonnées ? Comment ces œuvres ont-elles été acquises ? Est-ce par le sang, par le vol, le pillage, la manipulation ? Tant de questions sans réponse. “Même si le comment de leur captation est généralement indiqué quand il s’agit, par exemple, d’un don. Au surplus, sur les cartels d’exposition, figurent des informations relatives notamment aux origines géographiques, à l’année d’entrée en France... Mais pas grand-chose sur l’être ontologique des œuvres, leur signification véritable...’’.
Surgit ainsi dans le cœur de Fatoumata Sissi Ngom une sorte de frustration, un sentiment de manque et de mise au silence. “En sortant du musée du Quai Branly cet après-midi-là, émue aux larmes, j’avais en tête l’intrigue de mon futur roman. Il ne me restait plus qu’à l’écrire. Révélation ? Oui ça en fut une’’, a-t-elle confié.
Née à Dakar d’un père sérère originaire de Khalambass – une autre ressemblance avec Sitoé - et d’une mère halpulaar, Fatoumata Sissi a, à l’instar de son héroïne, fait des prépas pas du tout faciles, mais en série mathématiques et physique dans les lycées français, et non à Hypokhâgnes comme Sitoé. Très forte, brillante étudiante, elle a très vite gravi tous les échelons. Elle est aujourd’hui analyste de politiques climatiques et économiques et a déjà fait deux ans à l’OCDE. Auteur d’études sur le changement climatique, le bien-être et la croissance économique, elle est également une brillante ingénieure en mathématiques financières et en informatique, et a travaillé dans le domaine de la modélisation mathématique et la gestion de risques de marché et biométriques de produits d’assurance-vie complexes.
Bien que purement scientifique, elle est fascinée par la littérature et l’art. Elle explique : “J’ai une grande sensibilité artistique et je pense que mon premier roman n’aurait pu être écrit dans un domaine autre que l’art.’’
Revenant sur le débat de la restitution, l’auteure met l’accent sur les perspectives diamétralement opposées entre Occidentaux et Africains. Pendant que les premiers ont une vision assez mercantiliste et esthétique des œuvres, les seconds peuvent, parfois, avoir une vision plutôt spirituelle, existentialiste avec ces œuvres. “Pour les peuples qui les ont fabriquées, ces œuvres n’ont pas une valeur monétaire, elles ont une valeur essentiellement symbolique et rituelle’’.
Bien qu’elle soit esthète, bien qu’elle soit anthropologue, Sitoé sait que le totem-pangol n’est pas un objet d’art au sens premier du terme. Il n’a pas été façonné pour être contemplé, admiré devant une vitre... Pour elle, la problématique de la restitution des œuvres est d’une importance capitale. Elle espère, à ce titre, que le Sénégal saura profiter au maximum de cette opportunité. “Je suis confiante que la commission nationale qui va se charger de la liste des œuvres d’art et documents à réclamer à la France travaillera avec méthode et parcimonie, et une grande dignité. Le retour de certaines œuvres dans nos musées constitue une formidable opportunité pour éveiller les consciences sur l’importance de l’art, ancien ou contemporain, dans notre société, et surtout pour la garde de notre histoire’’.
AMADOU MAHTAR MBOW RACONTÉ PAR PENDA MBOW
Sa proximité avec l’ancien Directeur général de l’UNESCO lui a permis de bien le connaître. Dans cet entretien, elle revient sur le parcours de cet éminent homme de culture qui doit faire la fierté de tout le peuple sénégalais
Le doyen Amadou Mahtar Mbow aura 100 ans ce samedi 20 mars 2021. Né le 20 mars 1921, il fut parmi les artisans de notre indépendance. Homme politique, il a été plusieurs fois ministre et Directeur général de l’UNESCO pendant 13 ans. Pour célébrer cette grande figure, Le Témoin s’est rapproché de Mme Penda Mbow, maître-assistante d’histoire médiévale à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Sa proximité avec l’ancien Directeur général de l’UNESCO lui a permis de bien le connaître. Dans cet entretien, elle revient sur le parcours de cet éminent homme de culture qui doit faire la fierté de tout le peuple sénégalais.
M. Amadou Mahtar Mbow célèbre, ce 20 mars 2021, ses cent ans. Connaissez- vous le patriarche ?
Absolument ! Je le connais très bien. Je peux même affirmer que je suis un membre de sa famille. Je le fréquente depuis très longtemps. Je l’ai fréquenté, je l’ai apprécié, lui, sa femme ses enfants et toute la famille.
Vous l’avez alors côtoyé en famille. Quel père et grand-père il est ?
C’est un homme extraordinaire. J’ai l’habitude de le dire à Marie Amy qui m’est très proche dans la famille. Quand je les fréquentais à Paris dans leur appartement à l’UNESCO, je regardais M. Mbow et sa femme, un couple fusionnel. J’ai eu à demander à Marie Ami est ce qu’il arrive que son père et sa mère se chamaillent. Elle s’était mise à rire et me répondit : « Oui, absolument ! Comme tous les couples ». M. Mbow, depuis le temps que je le connais, que je le fréquente- et j’étais très jeune- je n’ai jamais entendu, en ce qui le concerne, quelque chose sur sa vie privée. Je n’ai jamais rien entendu concernant sa vie privée. Je l’ai toujours vu avec sa femme. Et quand on les voit ensemble, tous ceux qui ont eu à apprécier M. Mbow l’ont apprécié avec sa femme. Ils l’ont apprécié en tant que couple. C’est quelqu’un qui, à mon avis, ne fait rien sans sa femme. Ils échangent. Ils sont toujours ensemble. D’ailleurs, je me mets toujours à taquiner Mme Mbow en lui disant que si M. Mbow est malade, elle devient plus malade. Pas en tant que tel, mais parce que son mari est malade. Je n’ai jamais vu un couple pareil. C’est quelqu’un qui a éduqué ses enfants. Il n’a que deux filles et un garçon. Fara, l’ainé qui vit à Paris, Marie Ami Mbow qui est archéologue et Awa qui est médecin et dirige sa clinique médicale. Elle est diabétologue. Ils sont partis très tôt en France dans les années 70 alors que nous, nous étions au lycée. Ils sont partis en France alors que Awa était en cinquième, peut être que Marie Ami en sixième au Lycée Van Vollenhoven. Ils ont vécu très, très longtemps là-bas. Mais il a veillé à ce que ses enfants puissent avoir une éducation par rapport à leurs traditions, leurs valeurs et leur propre culture. Directeur Général de l’UNESCO, donc ayant tous les moyens, il envoyait Marie Amy de temps en temps vivre à Dakar. Elle prenait une chambre d’étudiante avec uniquement la bourse d’étudiant. Parce M. Mbow disait, on ne sait pas de quoi demain sera fait…Marie Amy est souvent dans les villages d’origine de son père comme Ndialakhar Louga. Sur les traces de son père. Elle est en interaction avec les femmes de Mékhé. Un moment elle a essayé de faire de l’artisanat traditionnel, de l’artisanat d’art parce qu’elle est muséologue. Ce qu’elle sait du Sénégal, moi-même, parfois, j’en suis étonnée. C’est également le cas pour ses petits-enfants. M. Mbow est un père aimant, un mari aimant, un vrai patriarche dans sa famille. Je ne le vois pas thésauriser sur le plan matériel. Je lui connais sa seule maison du Point E. J’en connais pas d’autres. Et pourtant, peut-être, il avait les moyens et les possibilités de construire des immeubles. Il ne l’a jamais fait. C’est quelqu’un qui vit bien, qui vit très bien même avec sa famille. Et tous les gens de sa génération. J’ai de l’admiration pour les gens de cette génération. Ce sont des gens en général monogames avec un nombre limité d’enfants. Donc la famille nucléaire. Et en plus, ils se sont évertués à donner la meilleure éducation possible à leurs enfants. Si vous voyez tous les gens de cette génération, je vous assure que c’est le même modèle que l’on retrouve presque chez eux. Donc ça, je trouve que c’est un modèle qui a tendance à disparaître... C’est une génération qui a pris résolument l’orientation de fonder leurs actions sur la rationalité, mais aussi sur la volonté d’une modernisation exceptionnelle de leur société.
Est-il attaché aux traditions et valeurs africaines ?
C’est quelqu’un qui est extrêmement ouvert sur le monde. Il est également très enraciné. Non seulement il parle un très bon wolof, mais il connaît très bien le Sénégal…C’est le premier à développer l’éducation de base. Il a été dans toutes les régions les plus reculées du Sénégal. Il a séjourné à Darou Mousty... Ce qu’il sait de la Casamance, je vous assure que très peu de gens le connaissent. Il m’a aidé dans nos discussions à comprendre certains aspects de la crise casamançaise. Ce qu’on ne trouve pas chez beaucoup. C’est quelqu’un qui a une grande connaissance du Sénégal…
Parlez- nous un peu de son engagement politique ? Quel homme politique il était ?
Les gens de cette génération étaient tous des militants. Je n’en connais pas en tous cas parce que ce sont des gens que j’ai eu la chance très jeune de côtoyer. Je n’en connais pas qui ne soient pas engagés politiquement. Il a commencé d’abord quand il était étudiant à la Sorbonne au lendemain de la deuxième Guerre mondiale à être parmi les membres fondateurs. Il a même présidé la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire. La FEANF où se retrouvaient à la fois des étudiants africains mais aussi de la diaspora. D’abord, en tant que président de la FEANF. C’est une étape décisive dans son engagement. Mais comme à l’époque les partis que l’on connaissait, le premier parti qui était créé par Lamine Guèye, la SFIO (Section française de l’Internationale Ouvrière). Donc il était membre de la SFIO et il a eu à transposer un peu la SFIO au Sénégal… Amadou Mahtar Mbow avait choisi d’être du PRA Sénégal. Le Parti du Regroupement Africain -Sénégal. Il était dans le PRA avec Assane Seck, Abdoulaye Ly, le premier Docteur d’État sénégalais. Ils étaient membres du PRA Sénégal... C’est quelqu’un qui a toujours milité. Mais pour comprendre le militantisme d’Amadou Mahtar Mbow et de ceux de sa génération, il faut se référer à l’époque. Pourquoi sont- ils devenus militants ? Ça me parait fondamental. Parce que simplement, ils étaient les premiers à prendre conscience véritablement de ce qu’était la colonisation.
Quelle a été son empreinte au département de l’Éducation. Autrement dit, qu’est-ce qu’il a apporté à ce secteur ?
Si je devais choisir un seul mot pour définir Amadou Mahtar Mbow, je dirais Education. C’est un missionnaire de l’Education. Il avait commencé d’abord dès qu’il était à la Sorbonne. C’est là où il a rencontré sa femme. Ils se sont retrouvés pour jouer un rôle extrêmement important dans l’éducation. Et les Français, pour des raisons vraiment qu’on peut facilement comprendre, l’avaient d’abord affecté à Rosso en Mauritanie. Parce qu’ils estimaient que c’était peut être quelqu’un qu’on ne maîtrisait pas et que ce n’était pas bien pour l’envoyer au Sénégal. Finalement, il s’est retrouvé au Sénégal en 1953. Essentiellement en 1954. Je ne dis pas qu’il était le père de l’éducation de base, mais il a joué un rôle déterminant dans cette éducation de base. Il y a deux exemples pour étayer cela. Il a été à Darou Mouhty mais aussi en pays diola, en Casamance. A partir de là, il a été un très grand pédagogue. Parce que les populations étaient réticentes à l’école française. Comme quand on avait créé l’Ecole des fils de chefs. Les chefs envoyaient plutôt les fils de leurs anciens esclaves ou leurs subalternes dans ces écoles plutôt que leurs propres enfants. Donc il a été pour l’éducation de base….Il faisait ses enquêtes et filmait les populations. Et le soir, quand il projetait ses films par l’image, il a convaincu les chefs. Il n’y avait pas beaucoup de films à l’époque. Il leur montrait des films de Charlie Chaplin par exemple. Et ça lui permettait de faire adhérer les populations et leurs chefs à ce projet d’éducation de base. C’est comme ça qu’il a pu implanter quelques écoles qui deviendront finalement des lycées. Ça, c’était l’étape qui a été décisive dans sa vie future concernant l’éducation. Il était en contact avec les programmes de l’UNESCO. Ministre de l’Education Nationale, cela lui a permis d’avoir une vision de l’Education… Il est passé de l’éducation de base au niveau de son pays dans les villages les plus reculés à une dimension internationale… Il a expérimenté l’éducation sous différentes facettes. Et dans l’éducation, n’oublions pas certains combats qu’il a eu à mener. Par exemple, le combat sur la Diversité Culturelle et l’Introduction des langues nationales…Il y a d’autres aspects. Quand il arrivait à l’éducation, il n’y avait pas de manuels, il n’y avait rien. Amadou Mahtar Mbow a commencé par fabriquer avec sa femme des polycopies pour enseigner. Il a commencé par les polycopiés et aussi par faire des manuels d’histoire et de géographie. Dans ses enquêtes, il s’intéressait beaucoup à la géographie. Il est historien, mais il s’intéressait beaucoup à la géographie. C’est un observateur extraordinaire. Il est d’un empirisme véritable et ça a beaucoup aidé…Quand on voit là où nous sommes, cela veut dire que ces gens ont eu à faire un travail extraordinaire, exceptionnel. Rien que pour ça, quand on voit là d’où nous sommes venus et d’où nous arrivons, cela mérite qu’on fête et qu’on pense véritablement à ce qu’Amadou Mahtar Mbow a fait... J’étais étudiante, je venais juste d’avoir ma maîtrise en 1979. Je suis allé à un cours à la Bourguiba School à Tunis et j’ai rencontré sa fille, Marie Ami. Quand j’ai rencontré Marie Amy, je devais rentrer. J’avais un billet qui m’amenait à Marseille. Je devais prendre, à partir de Marseille, un vol pour aller à Dakar. Nous étions au mois d’août et Marie Amy me dit : « Nous allons à Paris ». Elle a changé mon billet et nous avons pris le train. A l’époque, le train mettait des heures et des heures pour arriver à Paris. Nous sommes arrivés à Paris et je n’ai pas trouvé son père. J’ai juste trouvé Awa sa sœur parce que le papa et la maman étaient aux Îles Galapagos pour le lancement de la campagne de sauvegarde internationale des caïmans, des reptiles des Iles Galápagos. La première question que Marie Ami m’a posée quand nous sommes arrivées à l’appartement des rues de Sèvres est : Qu’est- ce que tu veux voir dans Paris? Évidemment comme j’avais lu Victor Hugo, le Monument qui m’intéressait c’était Notre Dame de Paris. Mais quand son Papa est rentré, chaque semaine, durant tout le temps que je suis restée là-bas et ce n’est pas la seule fois qu’il faisait cela. Chaque semaine, il remettait à Marie Ami Cinq cent Francs. A l’époque c’était beaucoup d’argent. Et chaque nuit, on me faisait un plan de ce que je devais visiter. Les théâtres que je devais voir, les pièces de théâtre que je devais voir, les opéras. Rien ne m’est étranger à la vie culturelle de Paris. Il y avait aussi tous les livres que je devais acheter. Je dois énormément à M. Mbow. Dans mon encadrement culturel, voilà ce que je dois à Amadou Mahtar Mbow. Pratiquement, chaque année, je passais mes vacances chez eux. Et à chaque fois, c’était la même chose jusqu’à ce que je quitte Paris pour rentrer au Sénégal. Sa femme qui est une personne que je considère comme un exemple du bon goût et du raffinement. Rien que comment tenir une maison. Comment se comporter dans la maison. Pour ça, je peux vous dire que j’ai beaucoup appris auprès de Raymonde Mbow. C’est vous dire à quel point ils étaient regardants sur l’éducation des enfants. J’y étais une fois à un mois du ramadan et Mme Mbow, à l’époque elle n’était même pas encore musulmane, elle était chrétienne, mais elle nous a dit : « vous n’allez pas manger parce que vous allez jeuner. Vous êtes au mois de ramadan et elle avait fermé à clef toute la nourriture de la maison. Et Dieu sait qu’il n’en manquait pas. Tout cela pour nous obliger à jeûner. A mon avis, ça c’est être respectueux des valeurs et de l’éducation de ses enfants. Honnêtement, Amadou Mahtar Mbow, je ne vois chez lui aucun excès. Il a une hygiène de vie assez exceptionnelle. Et c’est cette hygiène de vie qui explique quand même sa longévité Ma Challa Yala yala khèp Doly. Il a une hygiène et des convictions. Et là d‘ailleurs, il le dit dans sa vidéo. Il est resté lucide. Rien n’a changé dans sa façon d’analyser, d’approcher la vie et les choses. C’est un être exceptionnel il faut le reconnaître.
Il a participé au combat pour l’indépendance et a vu passer 4 présidents de la République. Pensez- vous que l’on s’est servi de l’expérience de l’homme ?
Entre les hommes d’une génération, et même ceux qui viennent après, et les hommes de pouvoir et ceux qui peuvent aspirer au pouvoir, il y a toujours une méfiance, une crainte etc. Et c’est vrai qu’il a travaillé avec Senghor en tant que ministre. Moi je me souviendrai de la cérémonie de lancement de la campagne internationale de Sauvegarde de Gorée. A l’époque, j’étais jeune conseillère au Ministère de la Culture. Et le Directeur du patrimoine étant en voyage, j’avais assuré son intérim et j’avais préparé pratiquement toute la campagne de lancement de Sauvegarde de Gorée. Et peut-être c’est le dernier acte qu’il a eu à faire avec Senghor. C’était un moment sublime et je me souviendrai toujours de la soirée de gala à Sorano avec la pièce l’Os de Mor Lam de Birago Diop. Il y a aussi le spectacle Sons et Lumières de Gorée où on a repris, retravaillé ou refait le tableau sur « Toussaint Louverture ». A l’époque, on avait de grands hommes comme Douta Seck au théâtre. Donc c’était des moments fabuleux. J’ai beaucoup travaillé avec Assane Seck sur beaucoup de choses. Ce sont des gens quand on a du recul, on voit que tous ils ne sont pas riches. Ces gens-là, c’étaient des gens qui ont vécu normalement, mais qui ne sont pas riches. Ils ont vécu avec un certain nombre de valeurs parce qu’ils avaient honte de renoncer à ces valeurs par rapport à leur engagement.
Connaissez- vous ses relations avec les différents présidents du Sénégal?
Avec Senghor, ils ont eu des rapports intellectuels très, très poussés. C’est vrai aussi sous Diouf. Ils sont tous les deux de Louga. Donc il y a une certaine relation de terroir qui les a liés, si vous voulez.
Quels étaient leurs rapports personnels et qu’est- ce qu’ils ont eu à entretenir ?
Je ne saurai vous le dire. Peut-être M. Mbow pourra vous le dire lui-même ou Abdou Diouf en personne. En revanche, Abdoulaye Wade, ils se sont connus depuis très longtemps. Parce que Abdoulaye Wade, ne l’oublions pas, il faisait partie de la même génération. La génération de Présence Africaine. Mais quelque chose qui a beaucoup dégradé leurs relations, à mon avis, ce sont les Assises nationales. Là, il a été voir Abdoulaye Wade pour l’informer de la tenue des Assises, mais Abdoulaye Wade n’a pas du tout digéré. Je crois qu’avec Macky cela ne peut être que des relations filiales de père de quelqu’un à qui il peut donner des conseils et qu’il peut aider. Sauf qu’il y a tout ce travail autour des Assises nationales et de la CNRI qui peut profiter au Sénégal et qui est aujourd’hui devenu plus que jamais actuel, au sortir de cette crise. Et je crois que là vraiment, peut être que Monsieur Mbow pourra aider Macky sur certains aspects en discutant avec lui. Parce que Macky ne peut être que son fils voire son petit-fils.
Qu’est-ce qu’il aurait pu donner à son pays qu’il n’a pu faire ?
Je pense qu’à chaque fois qu’il a été sollicité, il a répondu présent. Et malgré son âge avancé, quelqu’un me disait qu’il est admiratif de M. Mbow. Parce qu’une fois assis, il ne se levait pas. Il n’est jamais en retard à une réunion. Il est toujours ponctuel. Il dirige les réunions. Et c’est aussi quelqu’un qui a une capacité de travail, mais aussi de concentration. Savez-vous que jusqu’à présent il travaille sur son ordinateur ? Il répond à ses mails. Et jusqu’à présent, il continue à lire et à écrire comme avant. C’est quelqu’un d’une simplicité extraordinaire, qui aime la conversation, qui aime partager. Qu’est-ce qu’il n’a pas donné à son pays. Moi je pense qu’il a tout donné à son pays. Et je crois que si nous sommes arrivés en 2012 à avoir une sortie de la crise qui commençait sur le plan politique. C’est parce qu’on a eu les Assises nationales. Ne serait –ce que dans l’élaboration, la façon de mener ces Assises. Et une fois que Monsieur Mbow a donné son accord, car il a mis du temps à réfléchir avant de prendre la décision de diriger les Assises. Mais une fois qu’il a pris la décision, il n’a jamais reculé devant son engagement. Moi je me dis un homme comme ça, nous devons le donner en modèle. Et la vie n’a pas toujours été facile pour lui, ni simple pour lui. Il est parti de rien. Quand il me raconte par exemple comment il a fait pour ne pas être pris par les Nazis au moment de la Seconde Guerre Mondiale, je me suis dit celui- là, c’est Dieu qui l’a protégé. Et à chaque fois qu’il est devant une difficulté majeure, il y a quelque chose qui lui vient en aide. C’est ce que je vois chez des gens comme Mandela et autres .Quand on a une mission, on est protégé par Dieu lui-même jusqu’à ce que la mission soit accomplie. C’est comme ça que je vois véritablement le parcours de Amadou Mahtar Mbow.
Il n’a pas été déçu de voir les conclusions des Assises nationales ignorées par le pouvoir ?
Non, c’est un homme de convictions et je sais comme lui, il sait que tôt ou tard, on aura recours à ce travail -là. Parce que ce travail a été fait sur la base d’une générosité extraordinaire. Personne n’a financé les Assises nationales. Ce sont les membres, les Sénégalais qui se sont cotisés. Je n’ai jamais vu un élan de patriotisme identique. Ils ont passé des nuits blanches pour réfléchir, pour travailler, pour écrire et à assurer. Et là, c‘est le lieu de saluer ma collègue et amie Aminata Diaw qui a été rapporteur de ces Assises à côté du Général Keita. Tout le monde s’est engagé. Mais si tout le monde s’est engagé et donné de cette manière, c’est parce qu’il y avait le courage d’Amadou Mahtar Mbow qui a été un catalyseur pour tout le monde. Et mieux, à chaque fois qu’il y avait des moments de doute, quand on regardait Amadou Mahtar Mbow, on cessait de douter. Moi je trouve qu’on lui doit beaucoup. Il est un ciment et un fédérateur. On l’a vu au moment des crises. 68 était une crise extrêmement difficile. Il a eu à négocier et quand il a su que quitter le Ministère de l’Education Nationale est la meilleure façon de trouver une solution, il est parti. Et c’’est comme ça qu’il faut voir les charges.
Amadou Makhtar Mbow reste également un des pionniers du Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (Nomic). Quel bénéfice le continent en a tiré ?
Moi je me dis qu’Amadou Mahtar Mbow est exceptionnel. Venir en ce moment, non seulement de la guerre froide, où la toute-puissance des Etats Unis était incontestable ainsi que l’Union Soviétique qui lui faisait face. Déjà ouvrir ces débats importants. Parce qu’il a toujours ouvert des débats précurseurs. Il y a le Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication. Il y a la question des biens culturels. C’est quelqu’un qui a passé sa vie à suivre les traces que l’être humain a laissées pour en faire des monuments historiques, des trésors vivants, des éléments du patrimoine mondial. Ce qui fait que je n’ai jamais vu quelqu’un avoir autant de Doctorats Honoris Causa. Il en a plus d’une cinquantaine de diffé rentes universités et de différents continents. Ça prouve quelque chose quand même. Je peux témoigner qu’il y a des dirigeants du monde qui lui vouaient une admiration incroyable. C’est le cas du Roi du Maroc Hassan II. Quand il a quitté l’UNESCO, il est allé au Maroc et le Roi l’avait désigné comme membre de l’Académie Royale. C’était son grand ami. Quelqu’un comme Mme Indira Gandhi avait une admiration et aimait la femme d’Amadou Mahtar Mbow. Je peux aussi citer le Roi Fayçal. Parce que les Américains l’ont accusé de tiers- mondiste au sein de l’Unesco. Et il a eu à partir de là une sympathie extraordinaire de la part de tous les autres pays. Il fallait être courageux pour le faire. Surtout qu’il y avait en face Reagan qui était au summum de sa puissance. Jeane Kirkpatrick et aussi tous ces gens- là qui essayaient de lui mettre des bâtons dans les roues. Il a su faire face parce qu’il était un homme de conviction et qu’il savait qu’il avait la vérité, qu’il était visionnaire et qu’il anticipait sur ce qui allait se passer. Et c’est ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui. Et moi, en tant que Sénégalaise, je suis absolument fière qu’un Sénégalais ait pu jouer ce rôle dans le monde. Et c’était le moment où l’Unesco était au summum de son rayonnement. Depuis lors, c’est fini. Parce que les occidentaux se sont dit que si on laisse celui-là, nous occidentaux, nous n’aurons plus de pouvoir sur les idées et dans le monde. Notre culture et notre civilisation vont être renversées. C’est ça le vrai débat. Moi je me dis que il n y a pas plus grand contributeur à la civilisation de l’universel au nom de l’Afrique que Amadou Mahtar Mbow. Et mieux, il y a quelque chose que nous, Africains, lui devons énormément. Et ça, c’est l’aspect panafricaniste que nous devons continuer à mon avis à perpétuer. C’est lui qui a lancé, encadré et réuni tous les historiens du continent pour la réécriture de l’Histoire Africaine de l’Unesco. Et ça n’a pas de prix. Je voudrais aussi souligner un fait. Une fois, j’étais à une réunion de l’Unesco en Lituanie. Je vois un Monsieur, un philosophe iranien, qui avait l’air un peu malade. Quand j’ai dit à Doudou Diène qui est ce Monsieur il m’a dit que c’est un Iranien qui, au moment de la révolution iranienne, a fait la prison parce qu’en ce moment les intellectuels ont payé un très lourd tribut et il y en avait beaucoup dans les geôles. Amadou Mahtar Mbow est allé jusque là-bas pour négocier sa sortie de prison et il l’a amené à l’UNESCO. Il l’a fait pour des latinos américains et des intellectuels un peu partout à travers le monde. Et au moment où on n’avait même pas cette ouverture sur le plan des idées. C’est un précurseur dans le domaine de la protection des droits des intellectuels. Ce Monsieur- là les Sénégalais ont intérêt à le connaître. Moi, je suis très fière de cette génération. Que ce soit lui en premier, parce qu’au-delà de ce qu’il représente pour le Sénégal, j’ai une relation personnelle avec lui et sa famille. Mais il y a aussi Alioune Diop de Présence Africaine. Ah, ce monsieur aussi, je n’arrête pas de lui rendre hommage ! Le président Senghor, Cheikh Anta Diop. Cette génération est un trésor. C’est pourquoi au Sénégal aussi, il faut que les Sénégalais prennent conscience d’une chose. Ce pays a un legs qui ne nous permet pas et qui ne nous autorise pas de nous comporter de n’importe quelle manière. Nous devons à l’Afrique, nous devons au Tiers -Monde, nous devons au monde et le Sénégal est un pays que tout le monde regarde à cause de son parcours, de son intelligentsia et du rôle que nous avons toujours su jouer dans les affaires du monde. Je pense qu’avec cette célébration du centenaire, nous devons réaffirmer cela. Parce que simplement, c’est un pays qui, depuis la période coloniale, a eu à jouer un rôle essentiel depuis Blaise Diagne. Par exemple, Amadou Mahtar Mbow vous dira que c’est Blaise Diagne qui a incité son père à l’envoyer à l’école. Parce qu’avant, son père voulait l’envoyer faire des études de droit islamique ou de religion en Mauritanie. Il est entré à l’école, il avait treize ans ou quatorze ans. Il y a aussi Cheikh Hamidou Kane, Jacques Diouf de la FAO. Tous ce gens- là dont nous devions être très fiers et tirer le maximum de cette génération. Ce qui me fait mal, c’est que nous perdons aujourd’hui cette position sur le plan international. Mais quand on voit la crise qui s’est passée et les réactions qui nous sont venues d’ailleurs, nous devons encore prendre conscience de ce que nous sommes et de ce que nous avons fait jusque-là. En tous cas, si je devais choisir d’appartenir à une génération, j’aurais choisi celle- là. Je les connais, je suis proche d’eux. Je les aime beaucoup. Les Pathé Diagne et avec ces gens-là, j’ai beaucoup appris. Là, vous me voyez en train de lire le premier numéro de Présence Africaine avec des textes très anciens. Et là encore, je continue d’apprendre.