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25 avril 2025
Culture
LES INFIDÉLITÉS DU CNRA À LA CONSTITUTION
Si l’on se fie à la cadence des fatwas de Mactar Guèye, les auteurs de séries devront bientôt coopter les oulémas dans leur comité de rédaction pour s’épargner la déconvenue de leurs œuvres jetées à la corbeille par des censeurs à l’indignation sélective
Le CNRA, depuis quelques années, s’évertue à nous persuader que Mame Mactar Guèye et ses amis les « gardiens de nos valeurs » ont la science infuse de même que le monopole de la vertu, en plus de détenir la vérité absolue… Des attouchements commis sur les articles 8 et 10 de la Constitution. Explication de sexe et bientôt délit de presque…
C’est ce 12 août 2020 que le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel publie une « décision portant conditions de poursuite de la diffusion de la série ‘‘Infidèles’’ par la SEN TV ». Il est donc ordonné à la Sen TV « de ne plus diffuser des propos, comportements et images jugés indécents ainsi que des séquences et propos susceptibles de nuire à la préservation des valeurs, sensibilités culturelles et religieuses ; de ne plus diffuser ou rediffuser la série ‘‘Infidèles’’ avant 22 heures 30 minutes ; d’extirper des bandes-annonces de cette série, les scènes susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public ; d’insérer de manière visible et pendant toute la durée de la série, un pictogramme rond, de couleur blanche, avec l’incrustation de -16 en noir ».
Même pour le pictogramme d’avertissement, le choix n’est pas large : c’est la prison, direct, le carré rouge avec des écritures jaunes, ou une bande passante où il y a écrit en toutes lettres : « avertissement au public, ce film est interdit aux moins de seize ans » ?
Une fatwa qui fait suite à la plainte déposée le 06 août 2020 par un collectif censé défendre notre société pécheresse contre « les dérives de l’audiovisuel ». Au final, le Régulateur suprême en conclut avec une touchante célérité que « l’instruction du dossier par les services du monitoring du CNRA apporte la preuve que dans la série sont régulièrement notés des propos, comportements et images jugés choquants, indécents, obscènes ou injurieux ; des séquences et propos qui portent gravement atteinte à la dignité, l’image, l’honneur et la réputation de la personne humaine, notamment de la femme ; des séquences et des propos susceptibles de nuire à la préservation des valeurs, sensibilités et identités culturelles et religieuses »…
A noter, crime abominable, « les manquements à la réglementation, notamment celle relative à la signalétique ». Vous savez bien, -16 inscrit en noir, dans un rond blanc…
Dans le peloton des plaignants, quelques convenables citoyens aux patronymes à consonance religieusement aristocratique, des barbus ébouriffés et l’inévitable …Mame Mactar Guèye. Lequel se remet gaillardement de ses émotions fortes de la Saint-Valentin passée. Le patibulaire activiste envahit les plateaux pour y promener sa bouille d’avis de décès, multiplie les déclarations et met tant de zèle à la tâche, qu’il commet un bel impair à propos des prénoms : certains, d’origine islamique, seraient dignes des femmes de vertus, les sokhnas et les dôm’ou sokhnas, on suppose ; et d’autres, d’origine chrétienne, seraient la peau d’âne des, euh, filles publiques. Une saillie qui ébouriffe la communauté chrétienne et bien d’autres Sénégalais de confessions diverses et aux regards peu obtus sur notre époque. Le porte-étendard des « défenseurs de nos vertus et valeurs traditionnelles » devra s’excuser publiquement, confessant par là même les tares qu’il porte si fièrement en bandoulière.
Sans chercher trop loin, le brave homme devrait quand même savoir depuis la Saint-Valentin que se prénommer Fatou Binetou ne fait pas forcément d’une jeune femme la réplique fidèle d’une irréprochable fille de prophète.
Ceci dit, Mame Mactar Guèye et ses ouailles sont dans leur bon droit : nous sommes en république et la liberté d’opinion y est théoriquement protégée par la Constitution. Ils s’indignent du spectacle qu’offre cette république « laïque » qui tolère des mœurs jugées scabreuses, et le disent ? Grand bien leur fasse… En ont-ils la légitimité ? Apparemment. Le CNRA, qui la leur reconnaît, reçoit leurs plaintes, les étudie et rend des décisions à ce propos et même en leur faveur.
Ce n’est que re-belote… Il y a deux ans de cela, déjà, le Régulateur national accueille avec déférence la fatwa de la même engeance qui condamne « Maîtresse d’un homme marié », l’étudie avec dévotion. La décision arrêtée par le CNRA pousse la connivence jusqu’à imposer Mame Mactar Guèye et sa troupe dans le visionnage des scènes avant diffusion… Pourquoi ne pas leur octroyer un statut de co-auteur de toutes les séries à diffuser pendant qu’ils y sont ?
Une manière de ménager la chèvre et le chou bien de chez nous. Vous savez bien, nous autres, Sénégalais, avons cette capacité inouïe des arrangements entre nos pulsions inavouables et notre bonne conscience apparente.
Dans toute cette affaire surréaliste d’indignation surfaite, la seule véritable infidélité qui se perpètre sous nos yeux, est celle du CNRA qui cocufie allègrement notre Constitution. Un enfant fait dans le dos de l’article 8 qui protège les inaliénables libertés d’opinion, d’expression, de presse, d’association, de réunion, de déplacement, de manifestation, d’entreprendre, culturelles, religieuses, philosophiques, syndicales… Plus manifeste, le viol de l’article 10 de la Constitution, quant à lui, si formel : « chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public ».
Dans un pays aussi désordonné et insalubre, où les chants et les danses sont les modes d’expressions les plus populaires, cette clause de style prête presque à sourire… N’ayons pas peur des comparaisons : il y a bien plus d’indécence dans une seule des félonies politiques qui font notre histoire que dans toutes les scènes érotiques des séries sénégalaises…
Disons-le tout net : une œuvre de fiction ne saurait être un attentat à l’honneur et à la considération de qui que ce soit, puisque le fruit de l’imagination fertile d’un auteur. Et quel désordre public peut-il y avoir à regarder la télé seul, en famille ou en bandes de copains ? Devons-nous truquer un combat de lutte pour éviter qu’un colosse de banlieue prenne une déculottée pour qu’il n’y ait pas de troubles dans son quartier ? Faut-il interdire le football parce que des pneus brûlent après les matchs de l’équipe nationale qui se terminent par une défaite cuisante ou l’élimination d’une passionnante compétition ?
Une œuvre artistique est un bouquet de libertés : de penser, de croire, de s’exprimer, d’entreprendre. Ce que le CNRA viole également, c’est le droit de chacun à décider de ce qu’il veut regarder à domicile. Quand un programme ne convient pas, on change de chaîne, ou on éteint la télé. Les familles n’ont pas les mêmes valeurs, les mêmes priorités, ni les mêmes pédagogies de l’éducation. Etre païen, athée, animiste, bouddhiste, épicurien, hédoniste, libertin quelle que soit sa race, sa confession n’empêche pas la dignité de Sénégalais.
Il est tout de même curieux que nos gardiens du Temple soient allergiques aux infidélités conjugales dans un pays qui vante les vertus de la polygamie. Il faudrait quand même se demander par quelle alchimie l’esprit d’un conjoint, indiscutablement fidèle, divague au point de s’égarer dans les charmes d’une femme autre que la légitime, au point de la …désirer jusqu’à l’épouser. Que dire des délires d’Oustaz Alioune Sall qui se réjouit par avance des félicités que lui doivent les « 700 femmes » à l’attente dans ses appartements privés du septième ciel, après le verdict du Jugement dernier ? Une image insultante pour l’intelligence des libres-penseurs et pour toutes les femmes vertueuses qui ne sont plus de ce monde : elles seraient donc destinées à égayer le séjour éternel de ces ubuesques hérauts de l’islam tropical. Il serait cependant si malvenu de s’en offusquer !
Si ce n’était que ça… Si l’on se fie à la cadence des fatwas de Mame Mactar Guèye et sa suite, les auteurs de séries, dans quelques années, devront coopter les oulémas dans leur comité de rédaction pour s’épargner la déconvenue de leurs œuvres pilonnées et jetées à la corbeille par des censeurs sourcilleux à l’indignation graduellement sélective.
Bientôt, la musique profane et les danses païennes, déjà maudites seront bannies, avant la fermeture des boutiques qui vendent du tabac, ainsi que des bars et restaurants qui vendent de l’alcool et du porc… Ensuite, ce sera au tour des pharmacies qui distribuent des préservatifs et pilules de baisser les rideaux, avant que les boutiques de mode qui exposent des strings, des jupes courtes et des jeans slim ne ferment…
Ça finira par fermer les établissements scolaires et universitaires qui n’enseignent pas l’islam, avant d’enterrer les sciences humaines qui inoculent le doute raisonnable au sujet de la condition humaine… Bien entendu, l’histoire du Monde ne sera enseignée qu’à compter de l’hégire et la géographie effacera de la surface du globe les continents peuplés d’infidèles.
Sous peu, Youssou Ndour devra détruire tous ses albums, sauf « Allah », signe des cieux, qui lui a rapporté le Grammy… Adieu donc, Waly Seck, Pape Diouf, Mbathio Ndiaye et Ndèye Guèye qui pourraient devenir gambiens ; Mod’ Lô et Eumeu Sène organiseront alors leur revanche à New-York ; Sadio Mané devra lâcher la balle pour le chapelet sans que la coupe d’Afrique ne séjourne sous nos cieux ; les maîtresses des hommes mariés comme les célibataires libertins seront contraints à l’exil dans des pays où les barbus sont bien moins ébouriffés ; sur Facebook, Tik-Tok, Instagram et Whatsapp, seuls les consensus autour des valeurs islamiques y seront tolérés sous haute surveillance…
Et puis, un jour, quelqu’un frappera à ma porte pour m’apprendre qu’éditer les « Sénégalaiseries » et « Le P’tit Railleur » est passible de la peine capitale. La santé mentale des jeunes pousses sénégalaises étant à ce prix…
Que deviendraient donc vos âmes pécheresses sans le CNRA ?
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
MULTIPLE PHOTOS
HOMMAGE À UN OUBLIÉ DE L’HISTOIRE, IBRAHIMA SEYDOU NDAW
EXCLUSIF SENEPLUS - Par une altération de l’histoire, celui que les paysans du Sine-Saloum désignaient par le titre de « Jaaraf » reste méconnu de la plupart des Sénégalais pour lesquels il s’est sacrifié pendant 43 ans
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 13/08/2020
13 août 1969-13 août 2020, voilà 51 ans que Ibrahima Seydou Ndaw a tiré sa révérence. Nous lui rendons un hommage mérité parce que cette étoile méconnue de l’histoire politique du Sénégal, pour reprendre les propos de l’historien Elikia Mbokolo, s’est sacrifiée pendant 43 ans pour son pays. Toutes les informations de cet article sont tirées du livre du défunt Professeur Abdoul Sow Essai d'histoire politique du Sénégal : Ibrahima Seydou Ndaw 1890-1969 que nous trouvons être le seul ouvrage de référence qui parle de l’histoire politique réelle d’Ibrahima Seydou Ndaw.
Ce jeudi 13 août 2020 marque le 51e anniversaire de la disparition d’Ibrahima Seydou Ndaw, figure marquante de la vie politique sénégalaise. Aujourd’hui, par une occultation et une altération de l’histoire, celui que les paysans du Sine-Saloum désignaient par le titre de « Jaaraf » reste méconnu de la plupart des Sénégalais pour lesquels il s’est sacrifié pendant 43 ans. A l’instar de ceux du président du Conseil gouvernemental Mamadou Dia et du Secrétaire général du Parti du Regroupement africain-Sénégal, Abdoulaye Ly, les hauts faits et les bonnes actions d’Ibrahima Seydou Ndaw sont oblitérés aujourd’hui par les imposteurs de l’histoire politique du Sénégal.
Encoléré par cette imposture ou cette tentative d’exclusion de l’histoire, Amadou Lamine Sakho dit Kéba a toujours dénoncé les falsificateurs qui ont toujours cherché à ensevelir cette figure de proue dans les décombres de l’histoire politique du Sénégal. « Patriarche de la grande famille des pionniers de notre indépendance, Ibrahima Seydou Ndaw, de par son génie créateur, son courage légendaire, son dévouement et sa sollicitude, a pendant les 43 ans qu’il a consacré au service de son pays, accompli une gigantesque œuvre nationale qu’il serait inadmissible et condamnable de chercher à voiler… Du reste, aucun homme politique sénégalais n’a aussi efficacement que lui combattu le colonialisme par la plume et par l’action. Sa contribution à l’éveil de la conscience nationale a été des plus méritoires », peste celui qui fut son fils adoptif et secrétaire particulier de 1957 jusqu’à sa mort.
Aucun édifice public digne ne porte les noms de ces illustres inconnus comme les appelle Kéba. Aujourd’hui, la seule avenue et l’école primaire baptisée Ibrahima Seydou Ndaw se situent respectivement à la périphérie et près du stade de foot de Kaolack. Le building administratif qui servait de locaux au Conseil gouvernemental porte le nom de celui qui le dirigeait avant d’être accusée arbitrairement de coup d’Etat et embastillé pendant 12 ans dans des conditions qui lui ont fait presque perdre la vue.
Jaaraf Seydou Ndaw, le justicier
Né le 13 juillet 1889 à Sokone, Ibrahima Seydou Ndaw, surnommé Jaaraf, est entré en politique à la suite de quelques démêlées avec l'administration coloniale de l'époque. Il est décédé le 13 août 1969, à l'âge de 80 ans. Considéré comme le père fondateur du Bloc démocratique sénégalais (BDS), ancêtre du Parti socialiste (PS) sénégalais actuel, Ibrahima Seydou Ndaw a présidé aux destinées de l'Assemblée territoriale sénégalaise avant de devenir, en 1963, président honoraire de l'Assemblée nationale du Sénégal indépendant.
Parmi les hommes politiques du XXe siècle, Ibrahima Seydou Ndaw se distingue par sa longévité politique de son engagement, la constance de son combat contre l’injustice ainsi que par son courage dans la défense des faibles et dans le combat pour ses idées. Il a été de toutes les luttes contre l'autoritarisme et l'arbitraire pendant la période coloniale. Ainsi, dans son livre intitulé Essai d'histoire politique du Sénégal : Ibrahima Seydou Ndaw 1890-1969, Abdoul Sow souligne le caractère justicier de Ibrahima Seydou, défenseur des masses paysannes et ouvrières qui lui a valu le titre de « Jaaraf » : « Jaaraf Seydou Ndaw est une légende voire un mythe. C’est un grand notable, sinon le plus grand de Kaolack, le leader plus puissant de la région chez qui il fallait passer pour avoir les suffrages du cercle, respecté mais craint, l’homme qui prend la défense de la veuve et de l’orphelin en d’autres termes le protecteur des populations rurales et de tous les faibles, victimes des abus de l’autorité coloniale et de ses affidés au moment où il fallait beaucoup de courage pour oser s’opposer aux institutions coloniales ».
Mamadou Dia embouche la même trompette : « Ibrahima Seydou Ndaw s'était déjà forgé une audience personnelle par son attitude de résistant sous l'Occupation... Et avant l'Occupation par son dévouement à la cause des victimes des exactions de l'Administration coloniale... C'est la Nation tout entière qui a une dette de reconnaissance à sa mémoire... »
Le défunt professeur d’université Mbaye Guèye n’est pas en reste pour magnifier l’œuvre du justicier que fut l’ancien Président de l’Assemblée territoriale : « Ibrahima Seydou Ndaw était un homme partout présent où l'avenir de ses compatriotes était en jeu. Toute sa vie se réalisa dans la tension et le combat contre toutes les formes d'injustice. C'était une âme que sa soif ardente de justice avait armée pour les luttes. »
Dans la préface de l’ouvrage du Professeur Sow, Amadou Mahtar Mbow montre, contrairement à l’histoire mensongère la plus répandue, qu’Ibrahima Seydou Ndaw a indiqué au jeune agrégé de grammaire, Léopold Sédar Senghor, la voie politique à suivre. Pour l’ancien Directeur général de l’Unesco, c'est le président Ibrahima Seydou Ndaw qui, politiquement, a mis à Senghor les pieds à l'étrier, au moment où, accablé par l'entourage immédiat du président Lamine Guèye, il s'apprêtait à renoncer définitivement à la politique pour retourner en France. L’enfant de Joal, né hors des quatre communes de Saint-Louis, Rufisque, Dakar et Gorée, et quoique n’étant plus sujet français ayant accédé à la nationalité française par naturalisation au moment de passer l’agrégation de grammaire en France au milieu des années 30, fut choisi par Lamine Guèye pour être candidat au siège réservé aux citoyens français (Français et originaires des quatre communes). Senghor, alors peu connu, et ne résidant pas au Sénégal, car il était resté en France pour y enseigner après son agrégation, c’est Jaaraf Seydou Ndaw qui lui offrit le Sine-Saloum comme circonscription électorale. C’est donc du Sine-Saloum, alors circonscription la plus peuplée du pays avec la Casamance, et avec le soutien constant d’Ibrahima Seydou Ndaw que commença l’ascension politique de Senghor.
Mbow rapporte que des contradictions se révélèrent bientôt au sein de la SFIO tant au niveau de Kaolack qu’à celui du Sénégal et même dans les rapports avec la direction du parti en France, alors peu sensible aux aspirations qui s’exprimaient dans les colonies à la suite de la seconde guerre mondiale. La crise interne qui couvait depuis plusieurs mois aboutit à une rupture qui eut lieu en 1948 alors qu’Ibrahima Seydou Ndaw, victime d’un grave accident, est hospitalisé à Dakar plusieurs mois durant. Quoique paralysé des quatre membres et privé de se mouvoir tout seul, il garda toute son énergie et toute la vigueur de sa pensée. Il semble que même son immobilisation rendait sa détermination plus grande et sa détermination d’agir plus vive. C’est ainsi que de son lit d’hôpital et avec Léon Boissier-Palun avocat et futur président du Conseil de l’AOF, il convainquit Senghor de rompre avec la SFIO et Lamine Guèye et de créer un nouveau parti.
La rupture accomplie, il fut, avec Mamadou Dia qui parcourut tout le Sénégal pour mettre en place le nouveau parti, le principal organisateur du Bloc démocratique sénégalais (BDS) qui bientôt domina la vie politique sénégalaise.
Senghor dans une lettre adressé à Ibrahima lui témoigne toute son affection : « Je t'aime et te resterai fidèle jusqu'à la mort... Tu peux douter de tout sauf de mon affection pour toi... Entre les deux amis et les deux hommes de bonne volonté que nous sommes, il n'y aura jamais aucun malentendu qui puisse résister à une franche explication... » Mais le comportement ingrat de Senghor à l’endroit de son mentor politique après que ce dernier a quitté l’UPS (l'Union progressiste sénégalaise) en 1959 avant d’y revenir détonne avec cette déclaration affectueuse.
Une fin de vie difficile
Et Abdoul Sow dans son ouvrage, Essai d'histoire politique du Sénégal : Ibrahima Seydou Ndaw 1890-1969, souligne la traitrise et l’injustice dont Ndaw a été victime de la part de ses camarades de parti et principalement Léopold Sédar Senghor qui l’a presque mis en résidence surveillée : «Ibrahima Seydou Ndaw connut de la part de ceux qu’il avait contribué à hisser au pouvoir une disgrâce aggravée par des mesures vexatoires qui furent d’un effet dévastateur sur sa santé. Il mourut en 1969 dans le quasi-dénuement, et, comme généralement, exclu d’une mémoire collective où ne prennent place très souvent, en dehors de certains religieux, que des personnes dont les mérites ne sont pas toujours évidents au regard de leurs actes placés dans le cadre de l’ensemble des aspirations de la collectivité nationale ».
C’est ce que confirme Amadou Mahtar Mbow dans la préface du livre d’Abdoul Sow. « Infirme et âgé, il fut destitué de l’Assemblée nationale dont il était le président honoraire, il connut une fin de vie difficile sans aucune commisération de la part de ceux qu’il avait contribué à hisser au pouvoir. A sa mort en 80 ans, des éloges hypocrites ne manquèrent pas de la part de certains qui l’avaient renié pour ensuite faire tout pour le faire oublier », déclare l’ancien compagnon d’Abdoulaye Ly.
A sa mort, des personnalités sincères n’ont pas manqué de saluer la mémoire de l’homme de pensée et d’action que fut Ibrahima Seydou Ndaw. Ainsi, l’écrivain Abdou Anta Ka, le 20 août 1969, écrit, dans le journal Dakar-Matin, ce témoignage qui dévoile la personnalité de l’enfant du Sine-Saloum : « Un homme devant qui s’inclinaient des hommes plus instruits : des gouverneurs de l’époque, des universitaires, des industriels… Le self made man qui dictait aux rapports de force sa volonté ».
L’écrivain El Hadj Moustapha Wade, dans un témoignage post-mortem en 1999, déclare : « Si j’ai grand intérêt à son école et à tout ce qu’elle recelait d’intelligence et d’intuition politique, c’est parce que j’ai en ce grand maitre, homme de pensée et d’action, de générosité sans borne et de don de soi, un incomparable passeur de frontière, un nationaliste intransigeant et ouvert à la fois, un guide riche de tout ce que les idéologies pouvaient lui apporter. »
L’ancien Directeur général de l’Unesco, Amadou Mahtar Mbow, le 12 août 1999, dans un témoignage manuscrit depuis Rabat, soutient avec force : « J’admire sa force de caractère, sa ténacité et son amour pour notre pays et pour son peuple. Le combat politique a été pour lui un combat pour la liberté, pour la dignité et pour le bien-être des Sénégalais. Il plaçait ce qu’il considérait comme l’intérêt du peuple au-dessus de toute autre considération, refusant en toute circonstance d’agir autrement que selon sa conscience. Homme d’honneur, homme d’autorité, il était aussi un démocrate convaincu. »
Janet G. Vaillant, Docteur en études politiques, Université de Harvard et ancienne directrice adjointe du Centre national de ressources sur la Russie, l'Europe orientale et l'Asie centrale de l'Université de Harvard, dans son ouvrage Vie de Léopold Sédar Senghor paru en 2006, qualifie Ibrahima Seydou Ndaw d’« un homme d’une intelligence extraordinaire d’une forte personnalité. Juriste autodidacte et homme proche du peuple, il défendait avec brio les populations de Kaolack et du Sine-Saloum ».
Mbaye Jacques Diop, le 16 février 2011 à Rufisque, dans un entretien avec le Professeur Abdoul Sow, témoigne : « Un homme d’une grande valeur bien que handicapé, qui avait le sens de l’écoute, un leader d’une forte impression assis sur sa chaise roulante, une voix forte qui portait et qui impressionnait. »
« Ibrahima Seydou Ndaw restera dans la mémoire des générations actuelles ou à venir, comme un des plus grands Sénégalais, un patriote à la fois intransigeant et bienveillant » dixit André Guillabert. « Jaaraf n'a jamais triché ni avec les hommes ni avec les événements, parce que la sincérité a été son phare. Idéaliste sans être utopiste, il s'était ancré au réel pour faire œuvre utile. Il était juste et droit. Mais sa vertu cardinale a été le courage », déclara l’avocat Omar Diop.
51 ans après sa mort, Ibrahima Seydou Ndaw donne toujours une leçon de vie politique aux différents dirigeants qui ont dirigé ou qui dirigent le Sénégal et ce, à travers ces propos exprimés dans des contextes différents mais qui sonnent comme une profession de foi : « Durant toute ma vie, je n’ai jamais su tenir ma tête qu’autrement haute… Je ne connais ni les pirouettes politiques, ni l’humiliation de la honte…»« L’homme politique utile à son pays ne se mesure pas grâce à son âge, à ses diplômes ou à sa constitution physique, mais à sa valeur morale et intellectuelle, à ses capacités pratiques et à son humanisme ; et à sa popularité qui découle d’une confiance émanant de la base à laquelle il est lié par des rapports indiscutables. »
Source : Essai d'histoire politique du Sénégal d’Abdoul Sow : Ibrahima Seydou Ndaw 1890-1969.
Aujourd’hui, cette crise invite à prendre la mesure des spécificités du secteur artistique et à mettre en place des mécanismes adéquats pour soutenir ses professionnels
Après cinq mois d’inactivité, 11 816 musiciens se sont retrouvés avec 127 148 francs chacun dans le cadre du soutien aux artistes impactés par le Covid19. Les autorités qui viennent de prolonger de trois mois supplémentaires la fermeture des lieux de spectacle, plongent de ce fait les professionnels du secteur dans l’incertitude. Ce qui pousse l’Association des métiers de la musique (Ams) à appeler à une réflexion pour une véritable relance des activités dans ce secteur du spectacle vivant
Depuis le mois de mars 2020 et l’apparition des premiers cas de Covid-19 au Sénégal, le secteur du spectacle est au point mort. L’interdiction des rassemblements et la fermeture des lieux de spectacle ont plongé des milliers de travailleurs dans l’incertitude et la précarité. La somme d’1,5 milliard allouée au secteur de la musique dans le cadre du Fonds Covid-19, après avoir soulevé moult discussions et provoqué de nombreuses altercations, ne règlera pas la situation de ces travailleurs. Et la dernière mesure prise par le gouverneur de Dakar de prolonger de trois mois, la fermeture des lieux de spectacle, a fini de plonger ces acteurs des arts dans le désarroi.
En témoigne la réaction du président de l’Association des métiers de la musique (Ams), Daniel Gomes. «Bien. Nous sommes fixés. Nous ne sommes pas des travailleurs, encore moins des chefs de famille. On nous regardera mourir des effets collatéraux du corona. Nous passons du stade de victimes à celui de pestiférés. Encore 3 mois ? Qu’à cela ne tienne. On nous donnera peut-être encore 3 milliards pour nous consoler à raison de 1059 francs par jour et par acteur culturel. Et nous nous regarderons mourir des effets collatéraux du corona en attendant qu’on prenne conscience que nous existons. Allons rek. Continuons à nous tirer dessus pendant qu’on nous achève !», écrit Daniel Gomes sur les réseaux sociaux.
Le partage de la somme d’1,5 milliard du Covid-19 n’aura au final pas servi à grand-chose puisque chacun des bénéficiaires n’aura empoché qu’une modique somme. Tout ça pour ça ! C’est ce que semble dire l’Association des métiers de la musique (Ams). «50 % de cette manne a fait penser à beaucoup que la musique se taillait la part du lion. Et l’on se tirailla à qui mieux-mieux pour réaliser que la fortune destinée à 11 816 artistes et auxiliaires de notre sous-secteur représente un appui moyen de 127 mille 148 francs Cfa par personne après 4 mois d’inactivité qui dure et perdure». Au total, chacun des 11 816 musiciens aura reçu une somme équivalente à 1059 francs par jour comme le relève l’Ams.
Dans un secteur déjà fragilisé par près de 5 mois d’inactivité, il n’est pas besoin de dire les drames sociaux que vivent les familles. Cette crise du Covid aura au moins eu le mérite de faire prendre conscience à certains de la grande précarité qui existe dans le milieu artistique. Aujourd’hui, cette crise invite à prendre la mesure des spécificités du secteur artistique et à mettre en place des mécanismes adéquats pour soutenir ses professionnels.
C’est ce que souhaite l’Ams qui, dans son communiqué, invite les autorités à prendre de véritables mesures pour relancer les activités. «Maintenant, plus que toujours, l’association des métiers de la musique en appelle à la responsabilité de l’Etat et des acteurs culturels pour travailler sur un véritable plan de relance des activités culturelles. Cela devrait commencer par un appui conséquent aux employeurs du spectacle vivant», plaide l’Ams
IL EST CRUCIAL DE REUSSIR LE VIRAGE POST-COVID-19 EN METTANT EN AVANT NOS PME
Le professeur Souleymane Astou Diagne a présenté dans les locaux du groupe de presse Sept Afrique, son ouvrage intitulé «Sénégal, les défis économiques post-covid-19»
Le professeur Souleymane Astou Diagne a présenté ce matin dans les locaux du groupe de presse Sept Afrique, son ouvrage intitulé «Sénégal, les défis économiques post-covid-19». Le maître de conférences à l’université Alioune Diop de Bambey dans la région de Diourbel, soutient dans son œuvre de trois chapitres avec 246 pages au profit de l’économie sénégalaise que pour renouer avec la croissance, il faut prendre en compte, dans le programme de relance, la place de choix que doit occuper le secteur informel. De son avis, réussir ce qu’il appelle « virage post-covid-19 », doit amener les autorités à « insister sur les bases d’une économie locale, mettant en avant nos Pme et la création d’emplois locaux»
Après le Plan de résilience économique et sociale (Pres), quel plan de relance pour l’économie sénégalaise s’est interrogé, ce matin, le professeur Souleymane Astou Diagne qui présentait son nouvel livre consacré aux défis économiques postcovid-19. Pour le docteur en sciences économiques, le déconfinement a induit une nouvelle approche de la transformation économique entamée sur la période antécovid-19. Il indique, en ce sens, que « pour renouer avec la croissance, nous avons montré la place de choix que doit occuper le secteur informel».
Pour cet ancien directeur académique du groupe Supdeco Dakar , ledit secteur nécessite l’accompagnement de l’Etat en raison de son poids économique important et du nombre d’emplois qu’il polarise « 9 emplois sur 10 ». Mieux, il avance que par le biais d’une stratégie opérationnelle et intégrée, l’Etat du Sénégal devrait impliquer tous les acteurs pour aboutir à une formalisation du secteur. «Cela prendra peut-être des décennies au regard des biais culturels et socio-économiques qui subsistent, mais la formalisation impactera positivement sur les différents secteurs de l’économie, améliorera la qualité des biens et des services produits et dopera la valeur ajoutée du capital et du travail», argue le maître de conférences.
METTRE EN AVANT LES PME ET LA CREATION D’EMPLOIS LOCAUX
Dans le même ordre d’idées, M. Diagne indique que le tourisme, l’artisanat et l’agriculture pourront permettre une nouvelle croissance économique axée sur nos potentialités et avantages comparatifs. «Il est crucial de réussir ce virage post-covid19 en insistant sur les bases d’une économie locale, mettant en avant nos Petites et moyennes entreprises (Pme) et la création d’emplois locaux», insiste le professeur dans la foulée. Pour lui, asseoir une souveraineté économique est une option majeure dans la période post-covid-19. Car, explique-til, la mondialisation de l’économie a accru les inégalités sociales et accentué la vulnérabilité économique des ménages par le biais des politiques néolibérales. Ainsi, l’en croire, la réponse structurelle à ce contexte va se mesurer par la formulation de politiques économiques autocentrées, c’est-à-dire, axées sur les priorités et besoins de l’économie nationale. L’enjeu de cette transition économique, selon lui, va se situer sur la capacité de l’économie sénégalaise à créer des emplois durables tout en limitant les importations par effets de substitution. Et de marteler : «il faudrait», à cet effet, «une bonne maîtrise des technologies pour embrayer sur des politiques d’industrialisation prometteuses, une meilleure participation du secteur privé national et un environnement commercial créatif de valeurs ajoutées».
REVOIR NOTRE VISION DE L’INTEGRATION ET DE LA COOPERATION ECONOMIQUE INTERNATIONALE
Pour Souleymane Astou Diagne, la souveraineté économique devrait pousser l’Etat du Sénégal à «revoir notre vision de l’intégration et de la coopération économique internationale. En effet, il s’agira, d’après lui, de redéfinir les traits de démarcation nouveaux, limitant l’action des organisations internationales de sorte qu’elles ne puissent pas galvauder la nature de nos politiques nationales. A vrai dire, M. Diagne est d’avis que l’Afrique et le Sénégal devraient réduire la contrainte extérieure, appelée conditionnalité, pour assurer les impératifs d’un renouveau économique. Par exemple, soutient-il, la politique de promotion des Partenariats public-privé (Ppp), pourrait connaître des changements essentiels de sorte que les intérêts nationaux soient préservés dans le temps et dans l’espace. Il relève dans le même sillage que les insuffisances notées, liées au manque de formation du capital humain et de l’instabilité des contrats, devraient trouver des solutions durables dans des approches politiques, administratives, techniques et financières remodelées. Tous ces défis relevés, conclut M. Diagne, ouvrent des perspectives inédites pour l’économie du Sénégal, dont la transformation numérique, l’exploitation des ressources pétrolières et gazières en 2023, la prise en compte des groupes vulnérables dans la répartition de la croissance (justice et équité sociales), la transparence dans la conduite des affaires publiques entre autres.
LE PROJET DE LOI PORTANT STATUT DE L’ARTISTE ET DES PROFESSIONNELS DE LA CULTURE ADOPTÉ
Selon le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, ce projet de loi traduit ‘’la sollicitude et la considération du chef de l’Etat à l’endroit de la communauté artistique’’.
Dakar, 13 août (APS) – Le gouvernement sénégalais, réuni mercredi en conseil des ministres, a examiné et adopté le projet de loi relatif au statut de l’artiste et des professionnels de la culture, a appris l’APS de source officielle.
Selon le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, ce projet de loi traduit ‘’la sollicitude et la considération du chef de l’Etat à l’endroit de la communauté artistique’’.
‘’En ordonnant la finalisation [du texte], le président de la République a rendu possible le parachèvement d’un processus attendu depuis plus d’une décennie par la communauté artistique’’, a souligné M. Diop dans un communiqué reçu à l’APS.
Le Sénégal va introduire dans sa législation des mesures phares pour la réglementation de l’emploi, les conditions de travail et de vie des artistes, pour marquer une rupture définitive avec l’informel qui, selon le ministre, ‘’plombe si lourdement le développement du secteur et l’épanouissement du monde culturel’’.
Pour Abdoulaye Diop, cette loi est le fruit d’un travail ‘’inclusif et participatif’’, auquel ont contribué ‘’toutes les parties prenantes, fortement engagées’’. Elle ‘’vient ainsi remédier à la faible structuration d’un secteur qui a jusqu’ici souffert de l’absence de statut permettant aux artistes et autres professionnels de la culture de jouir des bénéfices et avantages que le code du travail octroie à la quasi-totalité́ des autres catégories de métiers en matière de prestations sociales, de protection contre les risques ou de droit à la santé, entre autres’’.
‘’Il s’agit surtout de reconnaître à l’artiste la qualité de travailleur culturel, au sens de l’Organisation internationale du travail, d’encourager sa promotion en assurant sa protection, sa dignité et son intégrité, sans porter atteinte à sa liberté de création, d’expression et de communication’’, avait expliqué Alioune Badiane, l’un des experts qui ont pris part à l’élaboration du projet de loi.
La loi portant statut de l’artiste et des professionnels de la culture doit apporter des réponses significatives aux préoccupations des artistes et des acteurs institutionnels et non -étatiques agissant dans le secteur culturel.
Le statut de l’artiste et des professionnels de la culture concerne, entre autres, la formation, l’information professionnelle, la production, l’emploi, la promotion, la protection sociale et l’accès aux ressources financières.
Selon les artistes et professionnels de la culture, ce projet de loi vient combler un vide avec l’absence d’un dispositif législatif et réglementaire s’appliquant aux artistes.
‘’Ce sont des travailleurs. Même s’ils (les artistes) évoluent dans un secteur particulier, qui est celui de l’esprit, [ce] sont des travailleurs. Ils n’étaient soumis à aucune réglementation spécifique’’, avait dit l’ancien secrétaire général du ministère de la Culture et de la Communication, Birane Niang, lors d’une réunion sur le statut de l’artiste.
Ainsi, après le vote de la loi 2002-18 du 15 avril 2002 portant organisation des activités de production, d’exploitation et de promotion cinématographiques et audiovisuelles et de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le droit d’auteur et les droits voisins au Sénégal, l’Etat affiche sa volonté de franchir une étape nouvelle dans la prise en charge de l’exercice des professions artistiques.
LA DIFFUSION DE LA SÉRIE INFIDÈLES STRICTEMENT ENCADRÉE
Il est ordonné entre autres à la Sen TV : de ne plus diffuser ou rediffuser la série avant 22h 30mn, d’extirper des bandes annonces les scènes susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public - COMMUNIQUÉ DU CNRA
SenePlus publie ci-dessous, la décision du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), datée du 12 août 2020, fixant les conditions de poursuite de la diffusion de la série « Infidèles » par la SEN TV.
"Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel,
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse ;
Vu la loi n°2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du CNRA ;
Vu le Cahier des charges applicable aux titulaires d’une autorisation de diffusion de programmes de télévision privée de droit sénégalais, notamment en ses articles 20, 21, 24, 25 et 26 ;
Vu la plainte du Collectif des plaignants contre les dérives audiovisuelles, le 6 août 2020 ;
Vu les nombreuses autres plaintes/protestations reçues de sénégalaises et de sénégalais contre la série « Infidèles » ;
Après avoir entendu les représentants du Collectif des plaignants contre les dérives audiovisuelles, l’éditeur et le producteur de la série « Infidèles » ;
Considérant que l’instruction du dossier par les services du monitoring du CNRA apporte la preuve que dans la série sont régulièrement notés :
des propos, comportements et images jugés choquants, indécents, obscènes ou injurieux ;
des séquences et propos qui portent gravement atteinte à la dignité, l’image, l’honneur et la réputation de la personne humaine, notamment de la femme ;
des séquences et propos susceptibles de nuire à la préservation des valeurs, sensibilités et identités culturelles et religieuses ;
Considérant les manquements à la règlementation, notamment celle relative à la signalétique ;
Conformément à sa mi0ssion de veiller au respect des dispositions de la loi n°2006-04 du 04 janvier 2006 et de celles du cahier des charges applicables aux télévisions privées, et après en avoir délibéré, en sa séance du 12 août 2020 ;
ORDONNE A LA SEN TV :
de ne plus diffuser des propos, comportements et images jugés indécents, obscènes ainsi que des séquences et propos susceptibles de nuire à la préservation des valeurs, sensibilités et identités culturelles et religieuses ;
de ne plus diffuser ou rediffuser la série « Infidèles » avant 22h 30mn ;
d’extirper des bandes annonces de cette série les scènes susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public ;
d’insérer de manière visible et pendant toute la durée de la série, un pictogramme rond de couleur blanche avec l’incrustation de -16 en noir.
Le non-respect de la présente décision, outre l’interdiction définitive de toute diffusion ou rediffusion de la série, expose la SEN TV aux sanctions prévues par la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du CNRA et par la loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse.
La présente décision prend effet à compter de sa notification. Elle sera enregistrée, notifiée et publiée partout où besoin sera."
GUY MARIUS SAGNA TIRE SUR LE MINISTRE ABDOULAYE DIOP
Le coordonnateur du mouvement Frapp France Dégage accuse le ministre de la Culture Abdoulaye Diop de faire dans le népotisme, en laissant en rade des animateurs culturels diplômés.
C’est à croire qu’il ne se fatigue jamais. Guy Marius qui a passé la journée d’avant-hier (lundi 10 août) dans les locaux du Commissariat Central tire à nouveau sur le régime. Cette fois-ci, le coordonnateur du mouvement Frapp France Dégage accuse le ministre de la Culture Abdoulaye Diop de faire dans le népotisme, en laissant en rade des animateurs culturels diplômés.
«Mettre en quarantaine la culture du népotisme». Tel est l’intitulé du communiqué publié par l’activiste Guy Marius Sagna qui critique la gestion du ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop. Le leader de Frapp France Dégage qui a maille à partir avec la justice à cause de son militantisme se désole du fait qu’il y ait 29 animateurs culturels diplômés d'État (après 03 ans de formation) qui chôment depuis des années. «Au même moment, le ministre de la Culture a donné 19 contrats à des jeunes non diplômés de sa clientèle politique. Autrement dit, si le ministre de la Culture Abdoulaye Diop avait donné ces 19 contrats aux diplômés de l'Ecole nationale des arts, il n'y aurait que 10 animateurs culturels chômeurs», souligne Guy Marius Sagna qui a passé la journée de lundi dernier dans les locaux du Commissariat Central.
Toujours aussi sévère avec le régime, il ajoute : « Monsieur le ministre Abdoulaye Diop, ces 19 contrats donnés à votre clientèle politique sont payés de votre poche ou de la poche du peuple sénégalais ?» Citant des noms, l’activiste révèle qu’il y a au moins 11 retraités au ministère de la Culture. Autrement dit, il indique que si le ministre Abdoulaye Diop avait laissé nos chers séniors partir à la retraite, aucun des 29 diplômés d'État de l'Ecole nationale des arts ne serait au chômage aujourd’hui.
Ainsi, il recommande au ministre Abdoulaye Diop de mettre un terme à la culture du népotisme dans son ministère. Se prononçant brièvement sur son arrestation du lundi, il affirme : «C'est à 18h hier que le Commissariat central m'a dit : nous vous laissons retourner chez vous, car nous n'avons aucune infraction contre vous.»
par Khadim Ndiaye
AU-DELÀ DES INTERROGATIONS DE MBOUGAR SARR
EXCLUSIF SENEPLUS - Le processus de mémoire est sélectif et évolutif. Le fait même de s’appesantir sur le choix de noms qui devront remplacer la statue de Faidherbe est un piège dans lequel il ne faut pas tomber
D’emblée, je peux dire qu’il y a un point sur lequel nous sommes d’accord : la statue de Faidherbe doit être retirée. Il le dit sans ambages : « Je suis pour qu’on la descende de son socle et qu’on la déplace en un lieu où il sera possible d’évoquer cette mémoire douloureuse, et de la penser en toute lucidité. »
L’auteur pose par ailleurs beaucoup de questions. On sent une volonté de savoir, de « creuser », d’aller au-delà du présent. Indécis, il se demande même si ses propres questionnements sont appropriés («…peut-être d’ailleurs mes questionnements n’ont-ils aucune pertinence »). C’est une démarche positive, empreinte d’humilité. Des réponses ont toutefois été données à certaines de ses interpellations. Par exemple, quand il se demande pourquoi durant « toutes ces décennies, cette statue a-t-elle tenu sans qu’on ne soit jamais vraiment intéressé à son sens ? » La réponse est simple : durant la période coloniale, la propagande faidherbienne a été mise en branle. En 1949, le manuel d'histoire de Jaunet et Barry destiné aux écoliers de l'Afrique-Occidentale française, présentait Faidherbe en bienfaiteur. On y lit que « Faidherbe était un homme honnête et droit. Il aimait protéger les faibles et les pauvres, châtier les oppresseurs…Il voulait hâter l'évolution des peuples noirs ». Après l’indépendance, les autorités du Sénégal par la voix du président de la République, nous ont dit que Faidherbe est notre ami : « Si je parle de Faidherbe, écrivait le président Senghor, c’est avec la plus haute estime, jusqu’à l’amitié, parce qu’il a appris à nous connaître... ». En clair : circulez il n’y a rien à voir ! Faidherbe était gentil.
Il y avait pourtant tout à voir. Contrairement à l’attitude du Sénégal, les autorités algériennes, dès l’accession à l’indépendance, avaient décidé de mettre de l’avant la mémoire de la résistance et de déboulonner la statue de Bugeaud, maréchal sanguinaire, parangon de Faidherbe, et de la remplacer par celle d’un de ses adversaires locaux : l’émir Abdel Kader. La statue de Bugeaud à Alger est pourtant plus ancienne (1852) que celle de Faidherbe à Saint-Louis du Sénégal, inaugurée en 1887.
Cela nous amène donc à poser avec l’auteur la question de la transmission des faits d’histoire. Les historiens professionnels sont conscients que des efforts doivent être menés pour disséminer plus largement le savoir historique. En 2008, répondant aux propos de Nicolas Sarkozy tenus à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’historien Élikia M’Bokolo relevait une « double urgence » chez les historiens africains : « Une urgence à réagir, à multiplier les lieux et les formes de réactions, et, surtout, une urgence à prendre l’initiative », car la jeunesse africaine, pensait-il, était avide de savoir. Il est bien vrai que si la production scientifique relative à l’Afrique est appréciable par sa quantité et sa qualité, il n’en demeure pas moins qu’il reste des efforts à faire pour la diffusion auprès du grand public de ces travaux dont M’Bokolo trouvait qu’un trop grand nombre reste dans les rayonnages des centres de recherche spécialisés. Conséquence : la jeunesse africaine ne sait presque rien d’un passé qui a pourtant un impact énorme sur son présent.
Mbougar Sarr veut surtout, par-delà Faidherbe, qu’on pose « tout de suite » (le « tout de suite » est important pour lui), « le sens et la connaissance de tout symbole dans notre espace public et dans notre histoire. » Malheureusement pour lui, les choses ne fonctionnent pas de cette manière. Le « tout de suite » est problématique. Quand on est une ex-colonie ayant vécu un traumatisme important qui a tout bouleversé, on se doit de procéder avec stratégie quand arrive le moment de panser les blessures et de relater les faits relatifs à la mémoire. N’oublions pas : par la politique du « diviser pour mieux régner », le colonisateur a monté les uns contre les autres et a suscité et amplifié des fractures au sein de la société. L’historien Joel Glassman a par exemple montré comment Faidherbe a initié des manipulations raciologiques et a joué un rôle fondamental dans l’apparition de catégories ethniques figées. Ces cloisons ethniques ont servi plus tard de terreau à des guerres fratricides.
C’est d’ailleurs là que la fonction sociale de l’historien devient cruciale, à fortiori dans un pays colonisé. L’historienne malienne Adam Ba Konaré a bien perçu cet aspect des choses lorsque qu’elle dit, parlant de l’historien, que cet « observateur du temps doit éviter à la fois l’amnésie et le trop-plein de mémoire, dans la mesure où ces pathologies menacent la cohésion sociale ». Toute chose doit être faite en son temps et toute parole a un moment pour être dite. L’historien doit toujours avoir en vue les clivages qui traversent la société : « Dans la restitution des faits révolus, reprend-elle, le dépositaire du savoir – l’historien – doit prendre en compte les débats et les conflits qui agitent la société. L’intelligence du moment idoine pour fournir une information est donc une responsabilité dont il est investi. »
« L’intelligence du moment idoine » : le mot est lâché. C’est pour cette raison d’ailleurs que le processus de mémoire est sélectif et évolutif. Il est fait d’une série de choix et d’exclusions. Il est constitué d’éléments que nous considérons à un moment donné comme cruciaux et que nous choisissons de mettre en exergue, et d'autres que nous considérons comme secondaires. Chaque pays décide quels personnages historiques il va mettre de l’avant et autour de quels objets et lieux historiques il doit rassembler ses populations. Les statues des soldats et responsables confédérés esclavagistes étaient célébrées dans le Capitole aux États-Unis avant de devenir insupportables pour de nombreux Américains. Ce qui a d’ailleurs poussé la Chambre des représentants à voter pour leur retrait. La mémoire française ne veut pas de portraits du maréchal Pétain sur la place publique. Pourtant ce dernier a été un des grands artisans de la victoire de Verdun en 1918. Dans la même veine, les meilleurs spécialistes de la période de l’Occupation en France, pendant longtemps, ont été des étrangers, parce que la mémoire de Vichy est sensible. On se souvient des travaux marquants de l’Américain Robert Paxton, qui a relevé cette fameuse « équivoque » que Vichy a créée selon lui dans l’opinion publique française et dont toutes les conséquences ne sont pas encore apaisées. Aucun Français n’est à l’aise quand il s’agit d’évoquer ces milliers de lettres anonymes envoyées par des Français aux Allemands pour dénoncer leurs compatriotes.
Donc, si les pays colonisateurs eux-mêmes sont exposés à de lourds enjeux de mémoire, imaginons la lourdeur de la tâche pour des ex-colonisés dont l’histoire a été reniée, la morale bafouée, les structures sociales bouleversées et l’être psychologique tourmenté ! Si les ex-colonisés n’ont pas une claire conscience de cette notion d’« intelligence du moment idoine », ils feront le jeu de l’ex-colonisateur, qui se satisfera d’une déflagration sociale, conséquence d’une guerre des colonisés entre eux. Où sera le mal, disait l’administrateur colonial français Paul Marty en 1917, « quand dans un demi-siècle les islamisés du Sénégal seront partagés en cinq ou six sectes différentes, très divisées entre elles, d’autant plus divisées que chaque secte sera un produit national, et que ces rivalités religieuses viendront se greffer sur des animosités de race ? »
La guerre des colonisés est à éviter pour une ex-colonie qui vit encore les stigmates de la colonisation et qui s’attèle péniblement à construire une véritable nation. Frantz Fanon avait d’ailleurs bien perçu cette possible guerre des colonisés lorsqu’il écrivait que « les blancs s’en vont mais leurs complices sont parmi nous, armés par eux ; la dernière bataille du colonisé contre le colon ce sera souvent celle des colonisés entre eux. » On ne peut pas en effet mettre l’emphase sur des contradictions que nous considérons comme secondaires sans avoir une stratégie claire pour se faire entendre et amorcer le changement voulu. C’est là une approche méthodique et une exigence d’une pensée qui se veut utile et productive. C’est aussi conforme à la sagesse africaine : « Wax fañ ko war a waxe », « Xam lépp wax lépp baaxul », « Su jàmm yendoo cib dëkk, am na ku fa xam dara te waxu ko », « Remuer les paroles anciennes est mauvaise chose », « Toute parole a un moment pour être dite ; toute parole n’est même pas faite pour être dite ».
La pensée ne s’incruste pas simultanément dans tous les méandres qui s’offrent à elle. Il est important, à certaines étapes, de se focaliser sur une contradiction jugée principale et de reléguer au second plan les contradictions porteuses de divisions. C’est pourquoi, le fait même de s’appesantir sur le choix de noms qui devront remplacer la statue de Faidherbe est un piège dans lequel il ne faut pas tomber. En se querellant sur des noms, on fait le jeu du « dominant ». Un monument célébrant la mémoire des résistants à la colonisation suffira amplement à la place de la statue de Faidherbe.
Pour finir, j’invite Mbougar Sarr à aller véritablement au-delà de son « au-delà ». Aller au-delà de Faidherbe, ce n’est pas donc susciter une bataille entre colonisés ; c’est pour nous, questionner son héritage véritable dont les conséquences affectent encore négativement la marche de nos nations balbutiantes. Aller au-delà de Faidherbe, c’est poser un regard lucide sur cette Afrique qui traîne comme un boulet les statues et structures coloniales. C’est voir que dans ce Sénégal où il a imposé l’assimilation culturelle, le français, langue officielle, est seulement compris par 20 % à 30 % de la population. Aller au-delà de Faidherbe, c’est aussi s’interroger sur les écueils actuels du Franc CFA-Eco, sur la fièvre du troisième mandat en cours dans le « pré-carré » et sur les réseaux mafieux de la Françafrique dont il a été le grand précurseur.
par Mohamed Mbougar Sarr
PAR-DELÀ FAIDHERBE
EXCLUSIF SENEPLUS - Non seulement nous méconnaissons notre histoire, mais on ne se soucie pas vraiment de la connaître - Cette statue pose les mêmes questions que poserait, à sa place, une représentation de Lat-Dior, ou de Ndaté Yalla
Pour intéressante et nécessaire qu’elle soit, l’actuelle critique de la présence des symboles coloniaux dans notre espace public me semble elle-même, et dès maintenant, devoir être mise en crise.
Je souligne ce « dès maintenant ». C’est que je sais d’emblée que certains estiment ou estimeront que l’heure n’est pas encore à la critique interne d’un processus qui n’est pas encore achevé, et qui même, en un sens, commence à peine. Ne faudrait-il pas, comme on dit, faire chaque chose en son temps ? Hiérarchiser les actions, prioriser les gestes ? Déboulonner toutes les statues problématiques d’abord, débaptiser certains espaces dans un premier temps et, ensuite seulement, une fois retrouvé le sentiment (ou son illusion) d’une liberté souveraine de se nommer hors toute humiliation, penser à d’éventuels écueils nouveaux ?
Cet argument s’entend. Mais je lui oppose celui-ci : le problème des symboles coloniaux dans l’espace public n’est que la partie émergée d’une crise plus profonde et plus vaste : la crise du rapport qu’un peuple - le peuple sénégalais en l’occurrence - entretient avec ses symboles prétendus. Plus essentiellement, cette crise est celle de la connaissance véritable que ce peuple a des symboles qu’on lui propose. Il n’est pas dit que remplacer les symboles coloniaux actuels par des figures jugées plus authentiques signifie que la majorité de la population locale s’intéressera davantage, s’identifiera mieux, s’attachera plus à ces dernières.
Le moment que nous traversons actuellement ne me paraît donc pas être un simple préalable à un temps qui serait moins problématique quant à notre rapport aux figures historiques. Tragiquement, ce moment interroge déjà (ou encore) notre connaissance réelle de notre histoire. Et le constat est accablant : non seulement la méconnaît-on, mais encore est-il permis de penser qu’on ne soucie pas vraiment de la connaître.
Mais d’une perspective épistémique, c’est-à-dire sur le seul plan de la connaissance qu’une époque produit ou possède sur un fait, un événement ou une personne, cette statue pose les mêmes questions que poserait, à sa place, une représentation de Lat-Dior, ou de Ndaté Yalla, ou de la sœur de celle-ci, Ndjëmbëtt Mbodj, ou d’Aline Sitoé Diatta, ou de Koli Tenguela.
Est-ce que je connais vraiment cette personne qui est sur le piédestal ou qui donne son nom à cette rue ? M’a-t-on réellement appris son histoire ? Pourquoi est-elle là ? Quelles valeurs et vertus avait-elle, dont on voudrait que je m’inspire pour ma vie ?
Il y a une question que je pense ne pas être le seul à me poser depuis que les débats sur la statue de Faidherbe font rage : comment, toutes ces décennies, cette statue a-t-elle tenu sans qu’on ne soit jamais vraiment intéressé à son sens ? Est-ce parce que la priorité des luttes était ailleurs ? Parce qu’on ne jugeait pas ce symbole aussi important que ça ? Parce que les urgences du quotidien empêchaient les populations de trouver le temps de se demander à quel titre ce monument se dressait là ? Parce qu’on ne peut pas s’engager de front, avec la même intensité, pour toutes les causes de son temps ? Chacune de ces hypothèses porte sa vérité. Mais il y en a une, je crois, qu’il faudrait considérer plus que les autres, dans la mesure où elle les subsume sous son implacable évidence : si on ne se préoccupait pas tant de la statue de Faidherbe, c’est parce qu’on ne connaissait pas vraiment Faidherbe. Ou plutôt : c’est parce que ce qu’on savait de lui, ce qui nous était appris de lui, ne recoupait-il que très partiellement sa geste sinistre et sa vie.
Je ne dis pas que nul ne connaissait les horreurs commises par Faidherbe, non plus que je n’accuse les historiens d’avoir failli à documenter la part la plus funeste de son œuvre. Je veux dire que ceux qui connaissaient cette histoire représentaient une infime minorité (ils le demeurent, globalement). Je veux dire que les travaux d’un Pr Iba Der Thiam ou d’un Pr Abdoulaye Bathily, pour ne parler que des plus connus, n’ont hélas pas pris. Il n’est rien de leur faute exclusive. Est engagée, en la matière, la responsabilité d’un tout qui n’a pas permis que ces travaux infusent, pénètrent le tissu social jusque dans ses profondeurs, et l’imprègnent durablement. Ce processus, pour de multiples raisons, a raté. Le savoir qu’il convoyait, hors des cercles initiés, n’a pas réussi à se transmettre, de relais en relais, jusqu’au stade où l’on sème les premiers germes – cruciaux - de la connaissance : l’enfance.
Les souvenirs que j’ai de Faidherbe à l’école primaire - et Dieu sait que j’ai eu d’excellents enseignants, d’une culture et d’une pédagogie admirables - parlent vaguement d’un homme qui aurait « pacifié » telle partie du territoire et « repoussé les attaques » de je ne sais quels conquérants qui projetaient de soumettre ou démembrer le pays. Il l’a peut-être bel et bien fait ; mais il a aussi fait autre chose. Cette autre chose, cette terrible autre chose, il m’a fallu des années avant de la découvrir. Entre les deux, alors que j’ai passé plusieurs années à Saint-Louis, je suis passé des centaines de fois devant la statue de Faidherbe sans vraiment lui accorder d’importance.
Voici où je veux en venir : pour ce qui est des symboles - mais cela pourrait valoir pour toute chose - c’est la connaissance la plus précise possible qui fonde la réflexion et le sentiment les plus justes, lesquels définissent ensuite à leur tour le rapport qu’on a, individuellement et collectivement, avec la figure en question. Et tant que cette connaissance continuera, comme c’est l’habitude, d’être amputée, embellie, dénaturée, mal transmise (je dis : intransmise), apocryphe voire légendaire, on pourra placer sur un piédestal n’importe quelle figure qu’on voudra : elle suscitera toujours plus ou moins d’indifférence chez une grande partie de la population. Ce qui se passe en ce moment est une occasion bienvenue d’ouvrir un débat de fond sur :
1) le savoir qu’on possède sur les figures fortes de notre histoire (Faidherbe en est)
2) la manière dont ce savoir, adapté, vulgarisé, digéré, reformulé, se transmet jusqu’à la base.
3) la relation que les masses (j’utilise ce terme sans mépris), celles qui n’ont pas toujours la chance d’aller à l’école, celles qui, géographiquement et mentalement, vivent loin des espaces où se tiennent en français les grands débats intellectuels sur la mémoire, ont avec l’idée même de symboles représentés dans l’espace public.
Qu’on ne se méprenne pas : je ne place pas sur le même plan Faidherbe et, mettons, Aline Sitoé Diatta. Je voudrais éviter à la seconde, si jamais elle se retrouvait un jour sur un piédestal, d’être réduite qu’à quelques vagues repères, et de se voir peu à peu condamnée à une indifférence dont la sortira, de loin en loin, quelque lumière nouvelle jetée sur son action, quelque querelle de spécialistes sur tel épisode de sa biographie, quelque hommage appuyé.
Je voudrais ensuite éviter que dans le débat actuel, les problèmes ne soient posés que par rapport à la colonisation - avec les charges polémique, émotionnelle, idéologique qu’elle charrie souvent. Il serait contradictoire de prétendre, d’une part, reprendre la main sur toutel’histoire de notre pays, et de l’autre, d’arrimer systématiquement tous les débats qui concernent cette histoire au vaisseau colonial, comme si elle n’existait pas hors d’elle.
Je voudrais, enfin, éviter que les élans de déboulonnage actuels n’aient pour horizon qu’une symbolisation aussi bruyante que creuse. Surcharger les symboles d’idéologie ou d’affects sans se préoccuper de leur impact sur la réalité collective n’aurait pas de sens. L’orgueil idéologique de renommer une université d’après le nom d’un éminent savant « de chez nous » demeure vain ou superficiel si, au sein de cette université, on s’y préoccupe de tout sauf du goût du savoir et de la recherche de la vérité. Donner à une rue le nom d’une femme valeureuse de notre histoire est un acte vide si, dans cette même rue et dans bien d’autres, la dignité des femmes peut être bafouée par des hommes à tout moment et de toutes les manières, y compris les plus viles.
Je terminerai par une réflexion générale et ouverte sur les grandes figures, qu’elles soient coloniales ou bien nationales. Peut-être qu’au fond, c’est l’acte même de statufier un être humain qui pose aujourd’hui un problème. Un certain nombre de grands hommes de notre histoire, on le sait, furent aussi des conquérants impitoyables ayant massacré d’autres peuples, des esclavagistes notoires, ou des tacticiens qui trahirent certaines alliances avec les « leurs », n’hésitant pas à s’allier avec les colons pour des raisons stratégiques. Si l’on part du principe que la plupart des grandes figures n’étaient pas absolument exemplaires ou pures, si on admet que certaines parmi elles, qu’on tient pour des héros ici, ont été des bourreaux ou des « traîtres » ailleurs, non loin, comment justifierait-on d’ériger des bustes à leur gloire ou de donner leur nom à des lieux ? Quel serait le critère pour élire certaines figures historiques bien sénégalaises au rang de symboles nationaux quand on sait le prix de leur grandeur ?
Je n’ai pas la réponse ; et peut-être d’ailleurs mes questionnements n’ont-ils aucune pertinence. Je reste cependant convaincu que la séquence qui s’est ouverte ces dernières semaines sortira bientôt du faisceau colonial, dont la lumière éclaire le débat autant qu’il le simplifie parfois dans une binarité agaçante. Il ne s’agira alors plus seulement d’être pour ou contre la présence de la statue de Faidherbe dans la rue - cette opposition est trop courte et improductive - ; il s’agira de chercher, par-delà Faidherbe, le sens et la connaissance de tout symbole dans notre espace public et dans notre histoire.
par Yoro DIA
LES INQUISITEURS
Le cancer de l’inquisition se propage dans le pays à cause de la faiblesse de l’Etat et du populisme d’une certaine élite. Ce qui est inacceptable, c’est de ne pas aimer une série, un film ou un livre et demander qu’on l’interdise
La religion n’a jamais été aussi accessible à tous que pendant la renaissance en Europe grâce à Gutenberg et à l’imprimerie qui ont permis de casser le monopole sur les textes sacrés et leur interprétation qui étaient la chasse gardée de l’Eglise. Le texte sacré étant à la portée de tout le monde grâce à l’imprimerie, chacun pouvait lire, interpréter et se faire sa propre religion.
Cette perte du monopole sur les textes sacrés, dont l’Eglise était la gardienne, a permis de démocratiser l’accès à la religion. Ce qui fait que, contrairement à ce que l’on pense souvent, le Moyen-âge n’a pas été plus religieux que la Renaissance. Il n’y a qu’à voir les grands peintres et artistes de la Renaissance (Leonard de Vinci, Donatello, Michel Ange, Philipo Brunelleschi…). Alors que l’Europe sortait des ténèbres du Moyen-âge pour s’éveiller à l’art, à la culture, à une pratique éclairée de la religion, un rentier de la foi comme Savonarole voulait arrêter la mer avec ses bras en replongeant Florence dans les ténèbres de l’ignorance et de l’intolérance. Les deux vont d’ailleurs presque toujours ensemble.
Aujourd’hui au Sénégal, à l’ère de Google, Facebook, Twitter, Tik Tok et à l’heure où le pays a une vingtaine de télés et de radios, les rentiers de tension et de la foi de Jamra veulent nous replonger dans les ténèbres du Moyen-âge en nous disant quelle série il faut voir, quel livre il faut lire et bientôt ils vont dire comment il faut penser et ce qu’il faut penser. Le cancer de l’inquisition se propage dans le pays à cause de la faiblesse de l’Etat et du populisme d’une certaine élite. Le gouvernement fait trop de concessions aux inquisiteurs. Dès que les rentiers de la tension et de la foi bougent, le gouvernement recule. Ainsi, le gouvernement a réussi à trouver le moyen d’interdire une réunion privée dans un hôtel pour faire plaisir aux inquisiteurs, alors qu’en Inde le gouvernement avait pris ses responsabilités pour permettre la diffusion d’un film que des extrémistes hindous jugeaient blasphématoire. Ceux qui avaient trouvé le film blasphématoire l’ont vu avant de se faire une opinion.
Par cette décision courageuse, le gouvernement indien permettait à tout un chacun de se faire une opinion. «Sur les questions de style, nage avec le courant, sur les questions de principe, sois aussi solide que le Roc», nous dit Thomas Jefferson. Notre gouvernement sacrifie trop les principes comme la liberté de conscience, la liberté d’expression, à l’autel des rentiers de la tension qui en demandant chaque jour un peu trop. Il faut que le gouvernement arrête d’infantiliser les citoyens, comme le veulent les rentiers de la tension et de la foi. S’ils n’aiment pas les séries, ils n’ont qu’à zapper et aller regarder les chaînes thématiques religieuses.
L’offre n’a jamais été aussi diversifiée. Il y en a pour tous les goûts et toutes les couleurs. Ce qui est inacceptable, c’est de ne pas aimer une série, un film ou un livre et demander qu’on l’interdise. Chaque personne étant douée de raison, chacun a le droit de se faire sa propre opinion et la mission du gouvernement, qui n’a pas de compétence religieuse ni théologique, est d’y veiller comme en Inde, où le gouvernement envoie la police sécuriser les salles de cinéma pour permettre à ceux qui le souhaitent d’exercer leur droit de regarder un film que des extrémistes jugent blasphématoire. C’est leur opinion, c’est leur droit, leur liberté d’opinion qu’ils n’ont pas le droit d’imposer. Avec cette inquisition ambiante qui se développe, avec souvent la complicité coupable de l’Etat, comment s’étonner que le pays de Senghor soit devenu un désert culturel et artistique, parce que la créativité intellectuelle et artistique est consubstantielle à la tolérance et à la liberté.
Comme Savonarole, nos inquisiteurs finiront au bûcher… de l’opinion qui, rien que par défi ou par curiosité, va se jeter sur l’interdit qui, on le sait, attire toujours. Ce qui fait de nos inquisiteurs locaux les alliés objectifs de producteurs des séries qu’ils veulent jeter au bûcher.