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24 avril 2025
Développement
ANKARA ET DAKAR SIGNENT DES ACCORDS DE COOPÉRATION, CE MARDI
La Turquie et le Sénégal vont signer plusieurs accords de coopération, mardi, à Dakar, où le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est arrivé depuis la veille, selon un communiqué du Bureau d’information gouvernementale (BIG).
Dakar, 28 jan (APS) - La Turquie et le Sénégal vont signer plusieurs accords de coopération, mardi, à Dakar, où le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est arrivé depuis la veille, selon un communiqué du Bureau d’information gouvernementale (BIG).
Les accords seront signés lors d’une audience, au palais de la République, par le président Macky Sall et son homologue turc, précise la même source.
Elle ajoute qu’il s’agit d’un mémorandum d’entente relatif à l’établissement d’un centre culturel turc au Sénégal, d’un mémorandum sur ‘’la coopération en matière de politique de la diaspora’’ et d’un protocole d’accord de coopération entre la direction des archives d’État de la présidence de la Turquie et la direction nationale des archives du Sénégal.
‘’De belles perspectives de coopération sont (…) attendues dans les domaines de l’éducation, des sports et de la gestion des catastrophes’’, affirme le BIG, un organisme public du Sénégal.
Recep Tayyip Erdogan est arrivé ce lundi soir à Dakar, pour la dernière étape d’une tournée africaine.
Le président turc et son épouse ont été accueillis par le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Mahammed Dionne, et la Première Dame du Sénégal, Marème Faye Sall.
Recep Tayyip Erdogan est accompagné d’une délégation comprenant les ministres turcs des Affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu, de la Défense, Hulusi Akar, de l’Industrie et de la Technologie, Mustafa Varank.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Fatih Dönmez, le chef des services de renseignement, Hakan Fidan, et des opérateurs économiques accompagnent aussi le président turc, dont la visite est placée sous le signe des ‘’relations d’amitié et de coopération’’ de la Turquie avec le Sénégal.
Macky Sall et Recep Tayyip Erdogan auront un entretien bilatéral, mardi matin. Ils vont ensuite coprésider la cérémonie d’ouverture d’un forum économique auquel prendront part des représentants des secteurs privés sénégalais et turc.
Le président turc n’avait plus effectué une visite à Dakar depuis février 2018.
par Amadou Tidiane Wone
CORONA VIRUS, DE LA FICTION A LA RÉALITÉ ?
Est-ce un hasard si, depuis le début de la dissémination du coronavirus en Chine, les ventes du jeu mobile "Plague inc", qui simule l’extension de plusieurs types d’épidémies à l’échelle mondiale, ont littéralement explosé ?
Une application dénommée « Plague » permet d’accéder à un jeu qui consiste à exterminer l’Humanité par le moyen de la dissémination de virus, à l’échelle planétaire, à partir d’un seul patient. Ce jeu, comme des millions d’autres qui foisonnent sur internet, est d’une
violence inouïe dans son énoncé : « C’est un jeu de stratégie où votre but est d’infecter toute
l’Humanité avec un virus fatal.» Rien de moins ! Lorsque l’on sait que ce jeu existe depuis
huit ans et que, environ 100 millions de personnes s’y adonnent avec un très fort risque
d’addiction, on commence à mesurer l’ampleur du danger. Mais voyons comment
jouer : « vous devez, premièrement, déterminer comment vous voulez transmettre et
développer votre virus, choisir différents pathogènes et symptômes afin d’infecter la
population globale. Vous aurez donc une tonne de différentes maladies à votre disposition »
nous apprend une des plateformes de téléchargement de l’application « Plague. » Ensuite ?
« Vous devrez non seulement vous concentrer sur le développement de votre maladie, mais
aussi tenter de la faire répandre à travers les cinq continents de la façon la plus efficace
possible. Vous tenterez d’éliminer toute forme de vie humaine, pays par pays… »
C’est en discutant avec mon fils aîné de l’actualité, et notamment du défi de santé publique
que constitue la survenance du coronavirus et sa dissémination, qu’il m’a appris l’existence
de ce « jeu » et m’a initié afin que je puisse mener des investigations sur le sujet. Ce que j’ai
appris est suffisamment renversant. Mais ce qui me terrifie davantage, c’est tout ce que
j’ignore sur le sujet ! Car si l’on se dit que ce type de jeux est accessible à partir de trois
ans ( !), on peut penser que des enfants qui auront grandi avec ce type de conditionnement
mental deviendront des monstres en puissance. Ils auront banalisé la notion de sacralité de
la vie humaine. Ils auront détruit, en eux, la frontière entre les notions du Bien et du Mal. Ce
qu’il y’a de plus terrifiant encore, c’est que le jeu met à la disposition des participants des
outils et laisse libre cours à leur imagination. C’est à qui sera le plus inventif pour créer et
disséminer des virus, semer la mort et la désolation. Ainsi, le développeur du concept
enrichit son outil à la mesure de l’imagination fertile de millions de joueurs à travers le
monde. Et… gratuitement ! On peut alors se demander, dans le contexte d’un monde où la
notion de guerre bactériologique ne relève plus de la fiction, dans quelles mains pourraient
tomber les fruits de cette « expertise du mal » planétaire ?
Pour revenir à l’actualité, est-ce un hasard si, depuis le début de la dissémination du
coronavirus en Chine, « les ventes du jeu mobile «Plague inc, qui simule l’extension de
plusieurs types d’épidémies à l’échelle mondiale, ont littéralement explosé. En quelques jours
le jeu s’est notamment classé en tête des téléchargements sur le magasin d’applications
d’Apple en Chine ! » Selon les chaines de télévision, française LCI et britannique BBC. D’après
le site Steam Charts « les ventes mondiales du jeu ont augmenté de 102% au cours des
derniers jours. » Cette tendance est telle que le développeur de l’application, James
Vaughan, s’est senti obligé de communiquer en raison de la saturation de sa plateforme de
jeu envahie par des joueurs du monde entier et notamment de Chine. Cela pourrait
s’expliquer par le désir de comprendre ce qui se passe face à la nouveauté du coronavirus,
quoique le développeur précise que son application « n’est qu’un jeu vidéo, pas un modèle
scientifique.» Il aura du mal avec cette génération du numérique qui aura de plus en plus de difficultés à distinguer le virtuel du réel. Et cela constituera, aussi, un autre défi majeur de santé publique mentale pour les années à venir.
Tout cela doit nous pousser à nous interroger, plus sérieusement, sur les questions éthiques,
spirituelles et morales sans lesquelles la déshumanisation de notre espèce pourrait atteindre
un point de non-retour. Environ 100 millions de joueurs de « Plague » à travers le monde,
c’est un chiffre important. Si l’on imagine des enfants devenus adolescents qui s’y adonnent
depuis leur bas âge, on peut s’interroger sur la santé mentale des plus fragiles d’entre eux.
Le basculement de la fiction à la réalité peut s’opérer subrepticement… Imaginons que l’une
de ces personnes, devenue adulte mais immature, ait accès, dans la vraie vie, à des vrais
virus. Imaginons qu’il soit lui-même infecté par un virus extrémiste. Imaginons...
Dans le contexte d’un monde ou les extrémistes de tout poil sombrent dans la paranoïa
démographique, notamment en Occident, il est important que les enjeux éthiques pour la
survie de l’Humanité soient replacés au-dessus des préoccupations financières qui
conduisent le monde vers sa perte. La prégnance du complexe militaro-industriel et de
l’industrie pharmaceutique sur le système libéral et capitaliste mondial est de plus en plus
porteuse de danger pour l’espèce humaine. Malheureusement, la plupart des institutions de
régulation et d’équilibre qui donnaient aux relations internationales du sens, sont
subjuguées voire sous contrôle de l’un ou de l’autre de ces deux mastodontes. Or, pour que
des armes soient fabriquées et vendues, il faut des guerres. Quitte à en susciter ? Pour que
des médicaments soient produits et écoulés, il faut des maladies. Quitte à en créer ?
Qui pour nous sortir de ce guêpier ?
AU SENEGAL, IL SOUFFLE UN VENT ANTI-DOMINATION FRANCAISE
Le sentiment anti-français est-il une réalité ou une invention des médias internationaux ? Qu’en est-il du Sénégal qui est un partenaire traditionnel de la France et accueille une flopée d’entreprises françaises ?
Le sentiment anti-français est-il une réalité ou une invention des médias internationaux ? Ces derniers mois, on en parle en Afrique de l’Ouest. Les récents propos du président Macron, aux allures de sermon, lors du Sommet de l’Otan, n’ont fait que rajouter de l’huile sur le feu. Qu’en est-il du Sénégal qui est un partenaire traditionnel de la France et accueille une flopée d’entreprises françaises ?
‘’Elle sert à quoi, cette armée française !’’, lance le président du collectif Yèrè Wolo, moteur des manifestations contre la présence des forces françaises au Mali, en marge d’un rassemblement. ‘’Dehors, Barkhane dehors ! Les Forces armées maliennes peuvent sécuriser le Mali", "Le gouvernement français est un frein à notre développement" ou encore "À bas la France, Barkhane doit quitter", peut-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants maliens sur la place de l’Indépendance, à Bamako, vendredi 10 janvier. Une énième manifestation pour réclamer le départ des troupes françaises, en raison de la multiplication des attaques terroristes, malgré leur présence sur le territoire depuis 2014.
L’ardeur est la même au Burkina Faso où l’opinion publique pose le débat de la pertinence de l’accord intergouvernemental de défense de décembre 2018 avec l’ancienne puissance coloniale ; surtout que, depuis, l’offensive djihadiste s’accentue. Autant de faits que le président Macron a qualifié de ‘’sentiment anti-français’’.
Au Sénégal, on ne parle point d’attaques terroristes. Mais, de plus en plus de voix haussent le ton pour dénoncer la gourmandise économique de l’ex-colonisateur. Au banc des accusés, sont principalement cités les groupes Auchan, Orange et Total.
Bien loin d’un discours radical et virulent comme chez ses pays voisins, on assiste à un sursaut qui tend à se généraliser et se trouve être plus perceptible sur Internet. Derrière un écran ou au travers d’un smartphone, les citoyens, jeunes pour la plupart, ne se font pas prier pour déverser leur bile sur la République française. ‘’La jeunesse a soif d’un mieux-être. Il ne s’agit pas d’un sentiment de mépris à l’endroit des Français. Je pense que ceux à qui nous en voulons le plus, ce sont nos dirigeants qui courbent l’échine face à la République française. Que ce soit dans le domaine politique comme économique, l’ex-colon a toujours son mot à dire. Pis, ses multinationales poussent comme des champignons, au détriment du commerce local’’, martèle l’étudiant en troisième année de médecine Mansour Faye.
Il est évident que grogne il y a, et Internet aidant, les informations circulent à la minute près. Ces derniers mois, les mouvements Frapp (Front pour la révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine) France dégage et Aar Li Nu Bokk se sont le plus illustrés en matière de dénonciation et d’éveil de tout un peuple. A la mi-juillet 2019, le premier, dans un post Facebook, accusait la France de préparer un attentat terroriste contre le Sénégal ; une publication qui a fait l’effet d’une bombe et dont Guy Marius Sagna a fait les frais.
Pourtant, le 22 juillet 2019, le deuxième s’est chargé, lors d’une conférence de presse, d’étayer cette accusation. En proposant à l’opinion un enregistrement audio dans lequel on entend le député de Benno Bokk Yaakaar, Khoureichi Niasse, déclarer, lors d’un meeting en marge de la campagne électorale à Kasnack (Kaolack) : ‘’C’est la France qui nous a colonisés durant plus de deux siècles. Et la France n’a jamais pensé que le Sénégal aurait du pétrole, du gaz et bien d’autres ressources. Bien évidemment, il faut qu’elle vienne réclamer sa part. Quand elle est venue demander une zone pour exploitation, si le président Macky Sall avait refusé de lui concéder cela, la France allait ouvrir les portes du Sénégal aux djihadistes du Mali. Elle aurait aussi réarmé les rebelles casamançais et créé d’autres problèmes dans le pays.’’
Une déclaration visiblement passée sous silence par les autorités sénégalaises, à un moment où le débat sur la transparence dans l’attribution des blocs pétroliers était pourtant chaud brûlant dans les médias et grand-places.
Si, pour beaucoup de Sénégalais, le sentiment anti-français existe depuis belle lurette au Sénégal, certains pensent qu’il faut relativiser. De l’avis du jeune entrepreneur Amadou Wade, ‘’sur les réseaux sociaux, il y a de plus en plus de gens qui prennent tous les maux de notre pays, qui n’ont parfois rien à voir avec, pour dire que la source du problème c’est la France. Je pense qu’il y a un peu de fanatisme dans cette affaire. C’est le cas chez les partisans de ce nouveau parti dit antisystème. C’est comme s’ils sont passés de personnes antisystèmes à des fanatiques et rebelles qui ont modifié une idée politique en idéologie dogmatique telle une bible’’.
Une question détournée de son vrai sens
Quant à la montée en puissance d’un discours de rupture avec toute forme de domination, les avis divergent. Le professeur en géopolitique et relations internationales Lat Soucabé soutient, pour sa part, que le sentiment anti-français est loin d’être généralisé. Il est diffus, voire inexistant. ‘’Je ne le perçois pas. Il n’y a que quelques Sénégalais qui s’indignent sur Facebook ou Twitter. De plus, rien n’a changé dans la relation bilatérale entre la France et le Sénégal. Notre pays déroule sa politique économique et le président Macky Sall est en bonne intelligence avec Macron’’, dit-il. Et s’il ne s’agissait pas, en réalité, d’un sentiment dirigé contre la France ?
Ce contrepied est, en tout cas, le point de vue du leader de Pastef-Les patriotes. Selon le député Ousmane Sonko, il faut plutôt parler d’un sentiment pro-africain. Un désir ardent de la nouvelle génération et même d’anciens de voir un partenariat gagnant-gagnant entre la France et le Sénégal. Il est rejoint dans sa position par bon nombre d’hommes politiques. ‘’De manière globale, les Sénégalais n’éprouvent pas de sentiment anti-étranger, peu importe la nationalité. Cela ne répond pas à la culture sénégalaise qui prône la ‘Teranga’ (le sens de l’hospitalité). Toutefois, il n’y a pas de situation irréversible. Un peuple pacifique peut être amené à devenir violent. Tout dépend des circonstances. Ce fut le cas avec la Mauritanie, en 1989. Ce qu’il y a, c’est que l’impérialiste d’hier, qui a opprimé, est le même qui, aujourd’hui, implante ses tentacules chez nous, qui gagne les plus gros marchés. C’est encore le même qui vient imposer à nos gouvernements des politiques en matière étrangère et de défense’’, explique Madièye Mbodj, responsable du parti Yoonu Askan Wi. Il poursuit : ‘’La jeunesse ne réagit pas sur la base d’un sentiment anti-français, mais plutôt sur la base d’un sentiment anti-domination française, un sentiment anti-oppression de notre peuple. Un sentiment qui dit : nous sommes souverains chez nous. Nous voulons décider nous-mêmes, aux plans politique, militaire et économique ; la santé et l’éducation, un sentiment anti-impérialiste.’’
« IL EXISTE D’AUTRES MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT PLUS ADAPTÉS À L’AFRIQUE »
Pour l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou, l’aide publique au développement doit prendre en compte les spécificités culturelles en Afrique pour encourager l’émergence de modèles de développement proprement africains
La notion de « développement » vient selon vous du Nord. Que voulez-vous dire ?
C’est un fait : les critères de développement sont formulés par les puissances économiques dominantes. Celles-ci décrètent, en quelque sorte, qui peut s’asseoir à la table du G7 ou du G20. Or ces critères ne coïncident pas forcément avec les critères de développement vus d’Afrique. Notre continent a ses propres traditions, une autre manière de gérer les conflits, un autre rapport aux institutions. Nos institutions traditionnelles sont, d’ailleurs, souvent perçues à l’extérieur comme étant incompatibles avec le sens de l’évolution des sociétés.
Finalement, c’est un peu comme la définition des critères de beauté. Dans plusieurs régions d’Afrique, une femme forte est très convoitée. En Europe, il faut être mince, voire anorexique, pour mériter la couverture d’un magazine ! En ce sens, l’idée dominante de la beauté est européenne tout simplement parce que les Européens ont tous les moyens de diffuser leur définition à travers leurs journaux, leurs médias, leurs produits. L’Afrique n’a pas cette capacité à imposer aux autres ses propres critères. Et la présence de régimes autocratiques, de mon point de vue, n’arrange pas les choses. Les notions de développement et d’autocratie sont en effet antinomiques, même si la Chine est une grande puissance incontournable, et l’Inde une puissance émergente de plus en plus forte.
Face au dérèglement climatique et dans un modèle économique fondé sur la croissance de plus en plus critiqué, l’Afrique a-t-elle une carte à jouer ?
L’Afrique regarde et s’inspire des autres nations émergentes, en particulier en Amérique latine. Elle observe notamment sa capacité, à travers la valorisation des cultures et des produits locaux, à se doter d’une certaine autonomie économique et à réguler les élans faussement généreux de certains gouvernements occidentaux qui reprennent de la main droite ce qu’ils ont d’abord donné de la main gauche. Il existe indéniablement d’autres modèles de développement plus adaptés à notre continent, intégrant la manière africaine d’exister, de gérer les conflits, de partager les richesses et aussi de les fabriquer.
Quel rôle assignez-vous à la diaspora africaine ?
Elle a un grand rôle à jouer. Celui-ci consiste non seulement à donner de l’enthousiasme aux populations du continent, mais aussi à accompagner les économies locales, par ses actions et initiatives économiques. La diaspora donne déjà beaucoup, à travers ses transferts d’argent du Nord vers le Sud ou par la création d’entreprises. De même, en repensant et en réécrivant l’Afrique, la diaspora intellectuelle – comme nos aînés dans les années 1930-1940, les Aimé Césaire et autres Léopold Sédar Senghor – lui donne la possibilité de se sentir fière d’elle-même.
Dans les pays du Nord, de nombreuses voix politiques disent vouloir instaurer un « partenariat d’égal à égal ». Qu’en pensez-vous ?
On est là dans un monde idéal. Pour instaurer une relation d’égal à égal, un équilibre préalable est nécessaire. Si je veux forger un véritable partenariat avec la France, la seule richesse ne me suffit pas. Un souffle démocratique, l’esprit d’entreprise, l’existence d’un gouvernement qui ne s’apparente pas à un syndicat de responsables pillant les ressources de l’État : tout cela est indispensable. Par ailleurs, une question se pose : si les comptes publics d’un partenaire ne sont pas clairs, la France doit-elle traiter avec lui ? Il faut pouvoir être sûr que l’aide parviendra bien dans les mains de ceux à qui elle est destinée et qu’elle sera utilisée à bon escient. Certes, on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque euro dépensé. Mais il faudrait instaurer des mécanismes de contrôle adéquats. Les gouvernements des pays riches octroient souvent leur aide en faisant confiance au gouvernement pour la répartir au sein de son peuple. C’est une erreur et cela crée beaucoup de suspicion parmi la population.
Face à un gouvernement autoritaire, susceptible de détourner l’aide internationale, faut-il alors s’abstenir ?
Ce serait une erreur. Les aides font partie de la courtoisie internationale. Elles nous distinguent de la bestialité. On ne peut pas accepter l’idée de non-assistance à peuple en danger. Par ailleurs, l’aide ne vient pas de nulle part, c’est un processus qui résulte de relations historiques, économiques, culturelles communes. La population de l’État qui aide doit avoir conscience qu’il a contribué, d’une certaine manière, à la détérioration de l’espace de l’État qui reçoit cette aide. Mais il convient aussi, je le répète, de s’assurer que l’aide octroyée de bonne foi est répartie équitablement entre les partisans et les adversaires du régime en place. Il faudrait même faire en sorte que cette aide favorise une certaine démocratisation du pouvoir. Car l’aide ne se suffit pas en elle-même, il faut en examiner les conséquences sur le terrain.
Le bailleur ne s’expose-t-il pas, dans ce cas, au soupçon de « l’ingérence postcoloniale » ?
Ce soupçon ne sera sans doute jamais totalement écarté. Mais si l’on pouvait tracer le cheminement de l’aide, depuis son déblocage jusqu’à sa réception par les bénéficiaires, cette suspicion, ce soupçon de connivence, disparaîtrait en partie. Le problème, c’est qu’en Afrique, l’aide atterrit souvent dans les poches du dirigeant local…
Y a-t-il une forme d’injustice de la part des pays du Nord à demander aux pays en voie de développement de contribuer à l’Accord de Paris ?
C’est le résultat du déséquilibre entre les pays développés et les autres. Mais les gouvernements africains ne peuvent pas laisser la forêt du bassin du Congo partir en fumée. Il s’agit d’un bien commun, qu’il faut protéger tous ensemble, de la même manière que certains monuments font partie du patrimoine mondial de l’humanité. Si nous perdons cette forêt, c’est un bien de l’humanité qui disparaîtra.
BRUTALISME DE L'ANTHROPOCÈNE
Dans un nouvel essai dense et ambitieux, le penseur Achille Mbembe donne un nom aux expériences qui sont les nôtres, à cette convergence étroite entre la raison politique, les logiques technologiques neuves et de violence dont les corps sont la cible
Brutalisme. Le mot renvoie spontanément à un courant architectural rendu célèbre pour son usage efficace du béton brut. En choisissant de le prendre pour titre de son nouveau livre, Achille Mbembe en propose une autre acception, qui toutefois lui fait écho tant architecture, politique, verticalité et matérialité habitent sa pensée.
Brutalisme (La Découverte, 2020) est un essai original, ambitieux, un livre de l'urgence qui sait prendre le temps long en considération pour faire face à toutes les grandes questions du moment.
Achille Mbembe :
"Dans "Brutalisme", le rapport à l'architecture est évident pour moi : je voulais donner un nom aux expériences qui sont les nôtres, à cette convergence étroite entre la raison politique, les logiques technologiques neuves et la sorte de violence dont les corps, les nerfs et la nature sont la cible, sur cette planète en pleine combustion. C'est à ce moment inédit que le terme "brutalisme" répond.
"Où en sommes-nous ? Je veux dire tous ensemble, sur cette planète, qu'il faut qu'on partage. Qu'en est-il du projet de l'humanité comme humanité libre ? En Afrique, nous ne pouvons nous permettre le luxe du catastrophisme, parce que nous avons fait l'expérience de la catastrophe depuis très longtemps. Et néanmoins, nous sommes toujours là. Le fait que nous soyons toujours là devrait être l'objet, non pas d'un étonnement, mais d'une nouvelle pensée critique."
"En 2000, j'ai écrit un livre, La Postcolonie, qui s'efforçait de penser la persistance de la tyrannie. Mais j'ai pu réviser ma posture de départ : ce que je croyais être spécifique à l'Afrique, en fait est partagé de façon assez diverse ici ou là. Et j'ai fini par comprendre que l'Afrique était un laboratoire, parmi plusieurs autres, de ce qui se passait dans le monde aujourd'hui."
PARTIS POLITIQUES, ENTRE ABSOLUTISME ET DÉMOCRATIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dire que l’actuel président ne peut prétendre à un troisième mandat et déclarer que l’APR doit se structurer sont des péchés irrémissibles au sein du parti au pouvoir
« Le parti politique est une association organisée qui rassemble des citoyens unis par une philosophie ou une idéologie commune, qui inspire son action, avec comme objectif la conquête et l’exercice du pouvoir. Il possède une organisation juridique fondée sur des statuts qui indiquent ses orientations idéologiques, ses objectifs, les grands principes de son fonctionnement, l'organisation de sa direction et les règles de la désignation et de remplacement de ses dirigeants », voilà comment les encyclopédies et bréviaires politiques définissent usuellement et universellement le parti politique. Donc la formation politique par essence doit être une organisation durable et sa vie doit transcender celle de ses fondateurs. Mais pour matérialiser cette durabilité, elle doit être une organisation bien structurée et perfectionnée au niveau interne et sur l’ensemble du territoire national. Ce qui veut dire que l’implantation nationale du parti est une condition sine qua non de sa longévité et de sa chance de conquérir le pouvoir. Par conséquent, le parti, au sens originel du terme, doit être ou avoir une organisation structurée aussi bien qu’à l’interne qu’à l'échelon national pour avoir des chances d’accéder au pouvoir et d’exister dans la durée. Si depuis les années 50, le Parti socialiste (PS) fondé par Léopold Sédar Senghor, Lamine Guèye, Ibrahima Seydou Ndao demeure encore un parti et ce même après avoir perdu le pouvoir depuis deux décennies, c’est grâce à son implantation dans tous les coins et recoins du Sénégal et sa structuration séculaire. On pourrait dire la même chose pour le PDS. Mais aujourd’hui, le parti fondé par Abdoulaye Wade en 1974 est en train de subir les contrecoups de sa non-restructuration et de l’absolutisme cultivé autour de son chef paradoxalement institutionnalisé comme une constante qui décide à la place des véritables instances devant animer la démocratie au sein du PDS. Des partis qui au début de leur aventure politique ont fait des scores électoraux importants qui les rangeaient dans la taxonomie vrais des partis politiques se sont effondrés comme des châteaux de cartes car n’ayant pas une implantation nationale mais souffrant aussi de mécanismes de fonctionnement démocratique. A ce titre, on peut citer l’Union pour le Renouveau démocratique (URD) de Djibo Ka qui a obtenu 11 députés aux élections législatives de 1978 et aussi l’Alliance pour les forces de progrès (AFP) de Moustapha Niasse qui s’est classée 3e à la présidentielle de 2000 après sept mois d’existence dans le champ politique. Ces partis ne doivent aujourd’hui leur existence qu’à leur arrimage au parti au pouvoir.
Un parti politique est par conséquent un regroupement de personnes ayant des opinions communes sur la façon de vouloir diriger le pays. Et cette convergence de vue sur la façon de gérer la chose publique qui est l’expression de la volonté générale des militants doit découler de leurs visions contradictoires mais non totalisantes pour ne pas dire non totalitaires. Mais traditionnellement dans les formations politiques sénégalaises, ceux qui refusent la vérité́ du chef et se désalignent de sa trajectoire sont considérés comme des brebis galeuses égarées qu'il faut remettre dans le droit chemin ou sanctionner sans aménités. Souvent dans les formations politiques sénégalaises, on est dans un système totalitaire qui n’accepte pas des schèmes de pensées qui détonnent avec ceux du leader assimilable à un timonier. Or c’est la démocratie qui est le levain de tout parti politique. Par conséquent, la démocratie au sein des partis politiques implique le degré d’inclusion de ses membres dans les prises de décisions et les délibérations. L’Espagne a tellement compris l’importance de la vitalité démocratique au sein des partis politiques qu’elle l’a consacrée dans sa Constitution en son article 6 : « Les partis politiques expriment le pluralisme politique, ils contribuent à la formation et à la manifestation de la volonté populaire et sont un instrument fondamental de la participation politique. Leur structure interne et leur fonctionnement doivent être démocratiques. » Le Nigeria constitue un autre exemple de pays où la démocratie interne des formations politiques est réglementée dans la Loi fondamentale. Et selon le Réseau du savoir électoral ACE « en Inde, chaque parti qui souhaite s’enregistrer officiellement doit accepter de respecter les principes de la démocratie. Il incombe également à la Commission électorale de s’assurer que la réglementation des partis renferme les dispositions adéquates pour assurer la démocratie au sein des partis politiques. Ainsi, des partis ont également été radiés après ne pas avoir tenu d’élections démocratiques pour des postes de direction ». C’est dire combien la démocratie active au sein des partis politiques est gage d’un Etat démocratique donc d’un Etat de droit.
APR : le triomphe de la pensée unique
Dans un entretien accordé au quotidien La Tribune à la veille des législatives de 2012, Moustapha Diakhaté, futur président du groupe parlementaire de Bennoo Bokk Yaakaar, mettait en garde Macky Sall sur un ton comminatoire : « Si le président dévie de son objectif, il me trouvera sur son chemin ». Déjà le ton était donné pour ceux qui prenaient le président de l’Alliance pour la République (APR) comme un être omnipotent, omniscient à qui il est permis de tout faire sans prendre en compte la démocratie qui est la base de fonctionnement de tout parti politique. Aujourd’hui, pour avoir usé de ce qui constitue l’un des piliers de la démocratie, c’est-à-dire la liberté d’expression, Diakhaté a été limogé de son poste d’abord de ministre conseiller du président avant d’être exclu trois mois plus tard du parti dans lequel il militait depuis sa naissance. Il faut signaler que dans la mesure d’exclusion de l’ancien président du groupe parlementaire de Bennoo Bokk Yaakaar considéré comme le mouton noir de l’APR, aucune procédure légale n’a été respectée. La soi-disant commission de discipline ad hoc n’est pas habilitée à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des militants qui se désalignent de la voie du chef. En laissant trois militants décider arbitrairement du sort de Moustapha Diakhaté, le chef de l’APR a fait du ponce-pilatisme comme pour se laver les mains de l’exclusion de son ancien chef de cabinet.
Dire que la Constitution ne permet pas à l’actuel président de prétendre à un 3e mandat et déclarer que l’APR doit se structurer et s’inscrire dans la dynamique de préparer l’après-Macky sont des péchés irrémissibles au sein du parti au pouvoir. Au sein de l’APR, la démocratie étouffe de la dictature du chef sous forme de sauvegarde de la discipline du parti. Ainsi, on érige l’absolutisme, la pensée unique en méthode de gouvernance au sein de la formation politique présidentielle. Le 3e mandat et la structuration du parti sont des sujets tabous au sein de l’APR qui, pourtant en ses articles 1 et 2, déclare être « un parti de masse, ouvert, basé sur les principes de la démocratie » et « s’engage à respecter ces principes de la démocratie ». Et on voit là les méthodes extrémistes, qui ont conduit le PDS à sa désagrégation progressive, germer au sein de l’APR. Ses dirigeants violent les textes et les bourreaux appliquent la sanction suprême à toute tête gondole qui aurait l’outrecuidance de donner son opinion sur la bonne marche du parti.
Si aujourd’hui les grands partis politiques connaissent régulièrement des secousses telluriques qui finissent très souvent par les déstabiliser, c’est dû essentiellement à la substitution des textes du parti aux desiderata du leader. Que reste-t-il du PS, de l’AFP, du PDS et, dans une moindre mesure, de la LD ? Depuis 2000, les scores électoraux de ces partis vont decrescendo et leur management monocratique, pour ne pas dire l’absence de démocratie interne, n’est pas étranger à leur contre-performance. L’APR semble ne pas avoir retenu la leçon des partis qui l’ont précédée au pouvoir. Et à force de vouloir mettre les statuts et règlements du parti sous l’édredon du chef et imposer ses décisions comme des dogmes indiscutables, on finit par abréger son espérance de vie dans la scène politique.
EXCLUSIF SENEPLUS - Le président Macky Sall plaide la cause environnementale à Davos, pendant que les populations de Bargny et de Mbeubeuss n'en peuvent plus de suffoquer
La longue plaidoirie écologique de Macky Sall la semaine dernière au Forum de Davos, ne serait-il qu'un discours de façade ? C'est en tout cas, ce que laisse penser notre dessinateur Iboo Lo. Dans sa "Gribouille de la semaine", à retrouver désormais sur SenePlus toutes les semaines, le caricaturiste lève le voile sur un chef de l'État à deux visages : défenseur de l'environnement à l'extérieur et pourfendeur de cette même cause verte dans son pays.
‘‘Ce forum ne peut pas seulement se préoccuper de commerce, d’économie et de finance, et laisser de côté ce qui en constitue la sève nourricière", déclarait Macky Sall au lancement de ‘‘la Communauté des Champions de la nature’’, en marge du Forum économique mondial de Davos. Les habitants de Bargny, du nom de la centrale à charbon polémique et de Mbeubeuss ont dû tomber des nues en apprenant les propos du président.
Iboo Lo est ingénieur chargé d’affaires et libéro les lundis soirs. Il est également dessinateur - illustrateur à l'humour à la fois sucré, pimenté et surréaliste sur la vie sociale et politique du Sénégal et de sa diaspora. Ses dessins sont à retrouver sur SenePlus, chaque semaine à travers la "Griboouille de la semaine".
PAR Abdoulaye Cissé
AUDIO
CHRONIQUE D'UN SCANDALE FINANCIER À VENIR
Qu’est-ce qui peut justifier à ce jour que le Sénégal se paie le luxe de bâtir un stade, fut-il olympique, parmi les plus chers au monde ? A tout le moins, on ne nous dit pas tout et ce n’est pas normal
On en parlera certainement demain comme le prochain gouffre financier du régime actuel, la construction du futur stade olympique de Diamniadio.
Plus 155 milliards de francs CFA d'investissement, au rang des stades les plus chers au monde !
Assurément, on ne nous dit pas tout et cela n'arrange pas l'indice de perception de la corruption toujours dans le rouge au Sénégal.
Chronique d’un scandale financier à venir
Abdoulaye Cissé
Le Mercedes Benz stadium, qui est le joujou de l’Atlanta United soccer de l’État de Géorgie est réputé être le stade le plus cher au monde, 300 millions d’euros, en coût initial de construction.
Plus que la démolition reconstruction du White Hart Lane devenu le Tottenham Stadium pour une ardoise finale arrêtée à 400 millions d’euros. En coût initial, je dis bien pour le Mercedes Benz, car les infrastructures sportives trainent depuis quelques années un peu partout à travers le monde la mauvaise réputation de la non maitrise des couts et budgets.
Le parc olympique de Montréal était prévu pour engloutir 276 millions d’euros, on n’a toujours pas fini de faire les comptes.
Le Brésil ne se remet toujours pas de l’ardoise du Mondial 2014 et notamment de la construction de l’ARENA Corinthias de Sao Paulo qui abrita le match d’ouverture Brésil – Croatie le 12 juin 2014 : un caprice à 272 millions d’euros, réévaluée à 15% plus cher.
Qu’est-ce qui peut justifier à ce jour que le Sénégal se paie le luxe de bâtir un stade, fut-il olympique, parmi les plus chers au monde.
Et encore qu’on est sur un cout d’investissement initial de 238 millions d’euros soit plus de 155 milliards de francs CFA. Une convention de financement signée avec la Standard Chattered Bank, institution londonienne, en marge du récent sommet Royaume-Uni Afrique.
155 milliards de francs CFA, garanti en euro ou en dollars, c’est pareil et ça pique au portefeuille !
Déjà on n’a pas compris la subite irruption de la Standard chattered Bank dans ce dossier pour la première fois évoqué par le président Macky Sall en Août 2018, le 08 précisément à l’inauguration du Palais omnisports de Diamniadio ou Dakar Aréna qui a quand même coûté 66 milliards, soit dit en passant. Depuis lors, l’idée du stade olympique est passé en projet et surtout promesse de campagne pour la présidentielle du 24 février 2019. Et le président Macky s’est, au lendemain de son élection, très tôt attelé à la réalisation de sa promesse de campagne.
Un financement chinois avait été évoqué, puis la coopération avec la Turquie, puis la piste chinoise encore au point que la date de pose de la première pierre maintes fois programmé a été reporté. Le dernier engagement ferme du président Macky Sall était dans sa conférence de presse du 31 décembre où il fixait le démarrage des travaux au plus tard le 31 janvier.
Entretemps, il y’a le sommet Royaume Uni-Afrique, mais on ne peut pas croire que notre État ait signé cet engagement à la Hott, pardon à la hâte.
A tout le moins, on ne nous dit pas tout et ce n’est pas normal. Et voilà qui repose le problème de la redevabilité publique si chère aux acteurs citoyens et notamment le forum civil.
Le peuple a le droit de savoir dans quoi on l’engage.
On ne sera pas surpris de retrouver demain le projet de la construction du Stade Olympique comme le prochain scandale financier auquel s’accrochera la section sénégalaise de Transparency international pour enfoncer le Sénégal dans les méandres des pays très corrompus.
A parcourir le récent rapport de Transparency International sur l’indice de perception de la corruption, il y’a une constante : les dossiers qui valent à notre pays d’être mal perçu sont pour l’essentiel les affaires non élucidées. Et on ne pas continuer à faire comme si ces rapports n’existaient pas. Tout le monde a intérêt à ce que le regard change sur notre pays.
Alors, levons le coude sur les dossiers, libérons la justice pour faire correctement son travail, Dieu sait si elle en a les moyens.
Il n’y a rien de pire pour la parole de l’autorité du président de la république que, même quand il remobilise l’inspection générale d’État pour fouiller ses ministres, que personne n’y croit.
Il faut oser affronter les rapports de Transparency international, et ne pas donner l’impression que la souveraineté, c’est toiser les organismes internationaux et faire le contraire de ce qu’ils demandent. Le forum civil, transparency international ne sont pas les ennemis à abattre : ce sont plutôt les faits qu’ils pointent qu’ils faut combattre.
Par tous les moyens. Il est encore temps d’éviter le scandale du stade olympique de Diamniadio.
PAR Omar Arouna
UNE OPPORTUNITÉ POUR UN MOMENT D'ENSEIGNEMENT SUR LES VALEURS DÉMOCRATIQUES
EXCLUSIF BENINPLUS - Nous voudrions inviter l'administration américaine, le Congrès américain et certains hôtes du président Talon, à défier leur visiteur sur l'urgence de restaurer la démocratie au Bénin
Selon un reportage de Mediapart Bénin, le président Patrice Talon a entamé une visite de 4 jours à Washington, DC (dimanche 26 janvier au jeudi 30 janvier 2020), dans le cadre d'une "mission économique et stratégique".
Aux États-Unis, le chef de l'État béninois rencontrera les responsables de la Société financière internationale (SFI), dont le directeur général, M. Phillipe LEHOUEROU; le Vice-Président de la Banque mondiale, M. Hafez GHANEM; le président de la Banque mondiale, M. David MALPASS; la directrice générale du Fonds monétaire international, Mme Kristalina GEORGIEVA; le président-directeur général de Millennium Challenge Corporation, M. Sean CAIRNCROSS; le secrétaire d'État Américain, Mike POMPEO; et des Béninois travaillant au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale à Washington DC.
Ce serait négligent de ma part si je ne rappelais pas à mes sœurs, frères et amis américains, à la communauté africaniste de Washington DC, ainsi qu'aux hôtes officiels du président, que la République du Bénin, pays jadis surnommé le berceau de la démocratie en Afrique, est maintenant une autocratie sous la dictature de Patrice Talon. Le Bénin c'est maintenant:
• un pays où les droits humains fondamentaux n'existent plus et où la terreur subsiste;
un pays où les voix dissidentes sont systématiquement traquées, réprimées, emprisonnées et / ou exilées;
un pays où les dernières élections ont été non inclusives et réprimées dans le sang;
un pays où les 83 représentants du peuple au Parlement ont été nommés par le président;
un pays où l'armée a reçu l'ordre de tirer avec des balles réelles sur des manifestants pacifiques;
un pays où les journalistes sont réduits au silence et emprisonnés pour avoir exercé leur métier;
un pays où les médias privés ou indépendants, les stations de télévision et de radio, les journaux critiques pour le gouvernement sont interdits et systématiquement fermés;
un pays où Internet est systématiquement coupé pendant les élections ;
un pays où les utilisateurs des médias sociaux et les activistes du web sont systématiquement traqués et emprisonnés ;
un pays où la constitution a été modifiée le soir de Halloween sans procédure régulière ;
un pays où la séparation des pouvoirs n'existe plus et où les trois branches du gouvernement sont sous le contrôle exclusif du président ;
un pays qui n'investit plus dans son peuple, qui ne gouverne plus équitablement et qui manque de liberté économique et démocratique.
Pour citer simplement le tweet du 24 janvier 2020 de l'ambassadeur Herman «Hank» Cohen, ancien secrétaire d'État adjoint américain aux Affaires africaines au sein de l'administration du président George W. Bush, «ceci marque la fin officielle de la première démocratie multipartite en Afrique et le début du régime fasciste de Talon.»
Nous espérons et croyons fermement que la visite pourrait servir de moment pédagogique pour éduquer le président Patrice Talon sur les valeurs démocratiques fondamentales de la sainteté de la vie, la liberté d'expression, la vérité dans la gouvernance, la justice, la liberté, la diversité, la recherche du bonheur, le bien commun, populaire, la souveraineté et le patriotisme.
Nous voudrions inviter le Secrétaire d’État Mike Pompeo, l'administration américaine, le Congrès américain et certains hôtes du président, à défier leur visiteur sur l'urgence de restaurer la démocratie au Bénin en organisant des élections législatives inclusives avec la participation de tous les partis politiques et en traduisant rapidement en justice les sponsors et auteurs des meurtres post- électoraux d'avril, mai et juin 2019 par les forces armées du pays.
Omar Arouna est ancien ambassadeur du Bénin aux États-Unis
par Vieux Savane
« ÉLOGE DES IDENTITÉS. DE L’UNIVERSEL ET DU PARTICULIER »
« L'éloge des identités » qui traverse de part en part cet essai, « n’a d’autre motif et finalité que de penser l’humain dans sa plus grande complétude, c’est à dire sans aucune amputation de ce qui en assure l’unité et la diversité »
A travers cet essai édité par Abdoulaye Elimane Kane, (ancien ministre de la Culture), se détache une invite à sortir de la tyrannie et de l’autoritarisme des certitudes furieuses pour épouser une posture d’inquiétude, de quête, d’humilité, sans laquelle ne saurait s’édifier un savoir de dimension humaine. D’autant que ce dernier n’est pas neutre. A l’instar de la chèvre qui broute là où elle est attachée, le savoir se produit et s’édifie en effet à partir d ‘un « sol culturel » déterminé qui se nourrit de ses imaginaires, ses croyances, ses modes d’être et de faire.
Il en va ainsi de la laïcité que nombre de sociétés qui se réclament de la république et de la démocratie ont en partage. L’auteur met ainsi en exergue sa déclinaison sénégalaise pour, en magnifier les aspects éminemment positifs et singuliers. Il note que dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, dont la majorité de la population est de confession musulmane, un ancien chef d’Etat, Léopold Sédar Senghor, de confession catholique, a inauguré le 7 juin 1963, la grande mosquée mouride de Touba, une importante confrérie religieuse fondée par Cheikh Ahmadou Bamba. Et cela, quelques jours après avoir participé au Pèlerinage marial de Poponguine.
Deux interrogations majeures se détachent ainsi de la trame qui structure les méditations « kaniennes » : « Qui sommes-nous ? » « Que voulons-nous dire ? »
« Eloge des Identités. De l’universel et du particulier » s’intéresse en effet à un débat d’une brûlante actualité. Celui des identités et/ou de l’identité. Un singulier et un pluriel engoncés dans une intemporalité qui verrouille tout mouvement. Rien n’y coule, tout y est figé au risque de se putréfier. Posture bien aux antipodes de celle consistant à s’adosser à un socle local, tout en s’ouvrant aux pulsations fécondantes du monde.
Un des moments forts de ces méditations, c’est lorsque l’auteur quitte le champ du général pour investir celui personnel, s’appuyant sur des expériences vécues dans sa chair, au gré de ses réminiscences. On est envahi par une certaine émotion qui nous étreint, en empathie profonde, au fur et à mesure de l’exposition de la « chronique d’une affection ». La sienne propre. A l’âge de 28/29 ans (aujourd’hui septuagénaire), célibataire et en bonne santé, alors qu’il était professeur de philosophie au lycée Blaise Diagne de Dakar, l’auteur se trouve brutalement confronté à des crises d’asthme. La bataille pour ne prendre aucun médicament s’imposait à lui, avant que le côté spectaculaire de l’affection ne le fasse revenir à de meilleurs sentiments. Fort de son expérience douloureuse, il confie que « celui qui est sujet à des crises d’asthme en particulier, ne peut échapper à l’exercice fréquent d’une méditation sur la maladie, la santé, la guérison voire la mort ».
Il se trouve en effet qu’en temps normal dans « le silence des organes, on ne fait pas attention –sauf cas particulier- à sa respiration, comme on ne sent pas qu’on a un nez , un estomac, des reins, en situation normale ». Mais voilà qu’après une crise sévère, les gestes banals se révèlent capitaux. Et l’auteur de confier qu’« on découvre une qualité de la respiration et des gestes ordinaires que l’on ne peut assimiler à aucune autre expérience : le sentiment que tout renaît et que tout est beau et bien ».
«Une métaphore de la vie»
Abdoulaye Elimane Kane partage ainsi une méditation sublime sur « le normal et le pathologique ». Pas anodin tout cela. S’inspirant des thèses développées par Georges Canguilhem et Michel Foucault, cela lui permet d’apporter un éclairage sur la problématique centrale qui le taraude : « la question des identités conçues comme expressions de rapports concrets entre la particulier et l’universel ».
Toujours sur le registre de la maladie, il s’arrête sur le sens des notices de médicaments. Elles lui apparaissent comme une « véritable métaphore de la vie », leurs recommandations étant générales tout en tenant compte, pour leur application, de la situation spécifique de chaque cas. Ainsi notera l’auteur : « la vie a ceci de remarquable que, pour chaque individu, elle est toujours unique et pourtant semblable à tant d’autres ». En somme, « derrière la loi générale, l’individu concret ». Par sa portée générale, la notice s’adresse à tous les humains atteints par la même affection. En ce sens, elle s’ouvre à l’universel. Mais, parce qu’elle a affaire à une personnes concrète, en relation, elle laisse entrevoir que « c’est pour chaque individu et pour l’individu seul que chaque chaque état, santé ou maladie a un sens ». Une manière de nous rafraîchir la mémoire avec une formule qui résume l’esprit de cet essai : « la machine c’est de l’humain, mais l’homme n’est pas une machine ».
En nous invitant à travers ses méditations à « concevoir l’humain comme ensemble de relations constitutives de son identité », Abdoulaye Elimane Kane pose la nécessité de l’appréhender dans son entièreté, en l’occurrence comme un être de l’ici (le local) et un être delà-bas (le global). En concevant l’humain sous le prisme de « l’identité-relation », Abdoulaye Elimane Kane cherche à faire « entendre par là que homo sapiens possède une identité, mais il n’y a pas de « nature humaine ». Aussi, « l’éloge des identités » qui traverse de part en part cet essai, « n’a d’autre motif et finalité que de penser l’humain dans sa plus grande complétude, c’est à dire sans aucune amputation de ce qui en assure l’unité et la diversité ». Ainsi convoque-t-il Aimé Césaire, le puissant auteur du « Discours sur le colonialisme », pour nous rappeler fort opportunément qu’il y a : « deux manières de se perdre, par dilution de l’universel et par ségrégation murée dans le particulier »
Assurément cet essai nous rappelle avec bonheur, que réfléchir est encore possible dans ce monde marqué par les petites phrases et les polémiques paresseuses. Il apporte un « supplément d’âme » dans un monde fortement secoué par l’intolérance et l’exclusion.