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19 avril 2025
Développement
ASSAD DÉCHU
En à peine dix jours, l'un des régimes les plus implacables du Moyen-Orient s'est effondré comme un château de cartes. Le président Bachar el-Assad, qui semblait encore intouchable il y a quelques semaines, a fui Damas dans la précipitation
(SenePlus) - D'après l'Associated Press (AP), le régime syrien de Bachar el-Assad s'est effondré ce dimanche dans des circonstances spectaculaires, mettant fin à un demi-siècle de règne de la famille Assad après une offensive éclair des rebelles qui ont atteint la capitale en seulement dix jours.
Selon Rami Abdurrahman, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), le président Bachar el-Assad aurait quitté Damas pour une destination inconnue. La télévision d'État iranienne, citant la chaîne Al Jazeera, a également confirmé le départ du président syrien de la capitale, sans fournir plus de détails.
Dans une tentative apparente de maintenir l'ordre, le Premier ministre Mohammed Ghazi Jalali a déclaré dans un message vidéo : "Je suis dans ma maison et je ne suis pas parti, et cela en raison de mon appartenance à ce pays." Il a annoncé que le gouvernement était prêt à "tendre la main" à l'opposition et à transférer ses fonctions à un gouvernement de transition.
Les rues de Damas ont été le théâtre de scènes de liesse populaire. "Mes sentiments sont indescriptibles", a confié à l'AP Omar Daher, un avocat de 29 ans, dont le père a été tué par les forces de sécurité et dont le frère est en détention. "Après la peur qu'il [Assad] et son père nous ont fait vivre pendant de nombreuses années, et la panique et l'état de terreur dans lequel je vivais, je n'arrive pas à y croire."
Les journalistes de l'AP sur place rapportent avoir vu des postes de contrôle militaires abandonnés et des uniformes jetés au sol. La radio pro-gouvernementale Sham FM a annoncé l'évacuation de l'aéroport de Damas et la suspension de tous les vols.
L'offensive rebelle, menée par le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a progressé à une vitesse fulgurante depuis le 27 novembre, prenant successivement le contrôle d'Alep, Hama, et Homs, avant d'atteindre la capitale. Les insurgés ont également annoncé avoir pris le contrôle de la tristement célèbre prison militaire de Saidnaya, au nord de Damas.
Face à cette situation, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a appelé à des pourparlers urgents à Genève pour assurer une "transition politique ordonnée". Une réunion des ministres des Affaires étrangères de huit pays clés, dont la Russie, l'Iran et la Turquie, s'est tenue en marge du sommet de Doha pour discuter de la situation.
Les États-Unis, par la voix du président élu Donald Trump, ont indiqué vouloir éviter toute intervention militaire en Syrie, tandis que l'administration Biden a également exclu toute implication directe dans le conflit.
Cette chute brutale du régime Assad intervient alors que ses principaux alliés sont affaiblis : la Russie est engagée en Ukraine, le Hezbollah libanais est enlisé dans un conflit avec Israël, et l'Iran voit ses forces proxy régulièrement ciblées par des frappes israéliennes.
DIOMAYE-WADE, LA POIGNÉE DE MAIN DE DOHA
En visite officielle au Qatar, le président de la République a accordé une audience à Karim Wade. Au menu des discussions selon la présidence : la situation politique, économique et sociale du Sénégal
En déplacement officiel au Qatar, le président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a accordé une audience à M. Karim Wade, ancien ministre de la République.
Les deux hommes ont eu des échanges constructifs sur la situation politique, économique et sociale du Sénégal, abordant divers enjeux importants pour l’avenir du pays.
Le chef de l’Etat s’est également entretenu avec M. Fahad Al-Sulaiti, Directeur fénéral du Qatar Fund for Development.
Selon une source officielle, les discussions ont porté sur la qualité exceptionnelle de la coopération entre le Sénégal et le Qatar, qui sera renforcée par un accroissement significatif des investissements qataris dans les secteurs prioritaires de la Vision Sénégal 2050. Une collaboration accrue entre les secteurs privés des deux nations a également été évoquée.
Outre le DG du Qatar Fund for Development, le président Faye a accordé une audience à M. Jared Cohen, président du Goldman Sachs Institute. Les sujets abordés concernaient les opportunités d’investissement au Sénégal, en mettant l’accent sur des projets structurants dans les secteurs clés de la Vision Sénégal 2050.
Ces rencontres traduisent la volonté ferme du chef de l’État de mobiliser des partenaires autour d’investissements stratégiques pour réaliser les ambitions du Sénégal en matière de développement durable et inclusif.
LE GRAND MALENTENDU CASAMANÇAIS
Le dialogue entre Elgas et Séverine Awenengo Dalberto dessine l'histoire d'une fiction administrative coloniale devenue revendication armée. L'échange éclaire les mécanismes complexes qui ont transformé une construction intellectuelle en conflit meurtrier
(SenePlus) - Dans un entretien accordé ce samedi 7 décembre 2024 à l'émission "Mémoire d'un continent" de RFI, l'historienne Séverine Awenengo Dalberto, chercheuse au CNRS et à l'IMAF, révèle la genèse et l'évolution complexe d'une idée qui a façonné l'histoire d'une région : l'autonomie de la Casamance. Son ouvrage "L'idée de Casamance autonome, possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal" (éditions Karthala) retrace minutieusement cette construction historique aux conséquences dramatiques.
L'histoire de la Casamance commence véritablement au XVe siècle, lorsque le voyageur vénitien d'Ammosto découvre un fleuve majestueux qu'il nomme "Casamansa", d'après le titre du souverain local du Cassa. Cette première trace écrite marque le début d'une longue histoire de singularisation territoriale. À cette époque, la région est morcelée entre différentes entités politiques, dont l'Empire du Gabou qui connaît son apogée aux XVIIe et XVIIIe siècles.
La construction administrative coloniale, qui s'opère à la fin du XIXe siècle, va profondément transformer cette configuration territoriale. Suite à des négociations complexes avec les Britanniques et les Portugais dans les années 1880, la France crée le "district des territoires de Casamance". Cette création administrative résulte d'un échec : l'impossibilité pour la France d'échanger avec la Grande-Bretagne ses comptoirs de Gambie, compromettant ainsi le rêve d'une Sénégambie unifiée.
L'invention d'une différence
L'administration coloniale développe rapidement un discours particulier sur cette région. La Casamance est décrite comme une terre "indomptable", dont les populations, particulièrement les Diolas, sont présentées comme "sauvages" et "anarchiques". Cette vision s'inscrit dans une ethnologie raciste de l'époque, portée notamment par Louis Faidherbe, qui établit une hiérarchie entre les différentes "races" du Sénégal.
L'Église catholique joue également un rôle crucial dans la construction de cette différence. Elle voit dans la Casamance une terre d'évangélisation unique au Sénégal, les populations animistes étant perçues comme plus "convertissables" que les populations musulmanes du nord. Cette perception religieuse contribue à forger l'image d'une Casamance distincte du reste du Sénégal, bien que la réalité démographique et religieuse soit plus complexe.
Un tournant majeur s'opère en 1914, lors de la visite du gouverneur général William Ponty. La chambre de commerce de Ziguinchor formule explicitement une demande d'autonomie, portée par une alliance inhabituelle entre colons français, métis portugais et créoles. Cette revendication, initialement administrative et économique, traduit déjà un imaginaire particulariste de la région.
La création du Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) en 1949 marque une nouvelle étape. Fondé par des intellectuels comme Émile Badiane et Ibou Diallo, formés à l'école William Ponty, ce parti ne réclame pas l'indépendance mais cherche à faire entendre la voix de la Casamance dans le jeu politique sénégalais. Une pièce de théâtre, "Bugolo", écrite par ces élites, participe à la construction d'un récit héroïque de résistance casamançaise.
Le pacte brisé et ses conséquences
L'alliance entre le MFDC et le Bloc Démocratique Sénégalais de Léopold Sédar Senghor en 1951 crée un sentiment de "dette morale". Les excellents résultats électoraux obtenus en Casamance par le BDS alimentent cette perception. Le référendum de 1958 sur la Communauté française constitue un moment critique : l'administration coloniale tente d'instrumentaliser les élus casamançais en leur promettant une possible autonomie en cas de vote favorable, une promesse qui restera lettre morte.
La transformation tragique de cette idée d'autonomie survient en décembre 1982, lorsqu'un nouveau MFDC, sous la direction de l'Abbé Augustin Diamacoune Senghor, entre en conflit armé avec l'État sénégalais. Diamacoune réinterprète l'histoire coloniale, affirmant détenir des "preuves formelles" d'une autonomie ancienne de la Casamance. Cette relecture de l'histoire, basée sur des "fragments d'archives" et de mémoire, sert à légitimer une revendication indépendantiste.
Le conflit qui s'ensuit a fait plus de 4000 morts en 40 ans, marqué par des combats acharnés, l'utilisation de mines antipersonnel et des déchirements familiaux. Cette guerre de basse intensité, selon les termes d'Elgas, trouve ses racines dans la construction historique complexe de l'idée d'autonomie casamançaise, née dans le contexte colonial et transformée au fil du temps par différents acteurs et circonstances politiques.
Comme le souligne Séverine Awenengo Dalberto, comprendre cette histoire permet de mieux saisir pourquoi, même parmi les Casamançais non indépendantistes, persiste l'impression d'une "histoire cachée". Son travail d'historienne, fruit de plus de vingt ans de recherches, met en lumière cette "histoire souterraine", celle des "possibles non-advenus" et des interprétations morales du passé, indispensable pour comprendre les tensions actuelles et, peut-être, contribuer à une paix durable dans la région, estime Egas.
Aujourd'hui, alors qu'un espoir de paix définitive se dessine, cette histoire complexe rappelle l'importance de comprendre les racines historiques des conflits pour mieux en appréhender les solutions. La Casamance, avec son potentiel de développement considérable, attend désormais que cette page douloureuse de son histoire puisse enfin se tourner.
LA JEUNESSE S'EMPARE DE LA BIENNALE
Une nouvelle génération, smartphone en main, envahit l'ancien Palais de Justice colonial, transformé en temple de l'art contemporain. Entre selfies et découvertes artistiques, ces jeunes sénégalais réinventent la façon de consommer l'art
(SenePlus) - La Biennale de Dakar, rendez-vous prestigieux habituellement réservé aux collectionneurs fortunés et aux connaisseurs, connaît cette année une métamorphose inattendue sous l'impulsion d'un nouveau public : la jeunesse sénégalaise. Le New York Times (NYT) décrit ce phénomène qui bouleverse les codes traditionnels de l'événement.
Au cœur de cette transformation, l'ancien Palais de Justice de Dakar, témoin majestueux de l'époque coloniale française, joue un rôle central. Ce bâtiment emblématique, fermé en 1992 par crainte d'effondrement, connaît une seconde vie en tant que principal centre d'exposition de la Biennale. Un symbole fort pour une manifestation qui entend redéfinir les rapports entre l'art contemporain et la société africaine.
La présence massive des jeunes visiteurs marque un tournant décisif. "C'est amusant, c'est gratuit, c'est beau et c'est tellement instagrammable", confie au journal américain Sokna Mbene Thiam, une lycéenne de 17 ans venue avec ses camarades de classe. Cette nouvelle génération, qui découvre souvent l'art contemporain pour la première fois, s'approprie l'espace avec une spontanéité rafraîchissante, transformant chaque visite en expérience partagée sur les réseaux sociaux.
Cette démocratisation de l'art trouve un écho politique fort avec le soutien explicite du président Bassirou Diomaye Faye, le plus jeune dirigeant élu d'Afrique. Lors de la cérémonie d'ouverture, il a prononcé des mots qui résonnent particulièrement auprès d'une population dont près des trois quarts ont moins de 35 ans : "L'art distrait, fait rêver et réfléchir ; il enseigne et éduque." Une vision qui rompt avec l'élitisme traditionnel des manifestations artistiques.
Sous la direction de Salimata Diop, commissaire franco-sénégalaise de 37 ans, la Biennale prend une dimension nouvelle. "L'ancien Palais de Justice a été construit pour représenter la justice écrasante de l'empire colonial français", explique-t-elle au quotidien américain. "Nous voulons que chacun se sente légitime pour entrer et habiter cet espace." Une mission qui semble accomplie au vu de l'affluence des jeunes visiteurs, qui arrivent équipés de perches à selfies et de stabilisateurs pour smartphones.
L'exposition, qui s'étend sur 4 000 mètres carrés, aborde les grandes questions qui traversent les sociétés africaines contemporaines. Le changement climatique, le chômage des jeunes et les défis de la migration sont au cœur des œuvres présentées. Des installations comme "Cotton Blues" de l'artiste franco-béninoise Laeila Adjovi explorent l'héritage de la colonisation et de la traite des esclaves, tout en faisant écho aux difficultés actuelles des cultivateurs de coton face aux bouleversements climatiques.
L'exposition a su créer des espaces d'intimité particulièrement appréciés des jeunes visiteurs. La "Bibliothèque haptique" du collectif Archive Ensemble transforme une ancienne salle d'audience en bibliothèque anticoloniale où les visiteurs peuvent étudier ou feuilleter des livres. L'installation "Vines" de l'artiste marocaine Ghizlane Sahli, avec ses fleurs et lianes tricotées, est devenue un lieu de prédilection pour les photos Instagram.
Cette popularité nouvelle n'est pas sans défis. Les médiateurs, parfois débordés, doivent rappeler les règles de base : ne pas toucher les œuvres, ne pas s'asseoir sur les installations, ne pas bloquer les entrées pour les photos. Mais pour Salimata Diop, ces difficultés sont le prix à payer pour une démocratisation réussie de l'art contemporain. "Pourquoi prenons-nous des selfies ? Pour s'approprier l'art", défend-elle, soulignant que "certains sont très touchés par les œuvres."
Le bâtiment lui-même participe à cette transformation. Autrefois symbole du délabrement du centre-ville de Dakar, l'ancien Palais de Justice est devenu un espace accueillant, avec ses carreaux vert et blanc rappelant les tissus traditionnels et ses rideaux évoquant les draps qui flottent dans les cours familiales de la ville. Il est prévu qu'il devienne un Palais des Arts permanent d'ici 2027, incarnant l'ambition de Dakar de s'imposer comme le cœur culturel de l'Afrique de l'Ouest.
La visite surprise du président Faye le mois dernier souligne l'importance politique de ce succès populaire. Comme le rapporte le New York Times, ce geste est perçu comme une reconnaissance de l'influence grandissante des jeunes électeurs dans la vie culturelle du pays. Cependant, rien n'est acquis pour l'avenir, ni le financement gouvernemental de la Biennale, ni même la pérennité de l'ancien Palais de Justice comme lieu d'exposition.
Cette incertitude n'entame pas la détermination des organisateurs. Comme le déclare Salimata Diop au quotidien new-yorkais : "Nous devons continuer à nous battre pour offrir une voix de l'Afrique qu'on n'entend pas assez dans le monde de l'art." Une bataille qui, à en juger par l'enthousiasme de la jeunesse sénégalaise, est en passe d'être gagnée.
COMMENT DAKAR A CONGÉDIÉ L'ARMÉE FRANÇAISE
Diomaye n'aurait prévenu ni ses ministres de la Défense et des Armées, ni son chef d'état-major. La fuite du rapport Bockel, un des éléments de crispation ? Les EFS se préparent déjà à partir de deux bases
(SenePlus) - D'après une enquête approfondie de Jeune Afrique, l'annonce du départ des forces françaises du Sénégal par le président Bassirou Diomaye Faye le 28 novembre dernier s'inscrit dans une dynamique complexe, mêlant considérations stratégiques et enjeux politiques.
Cette décision, bien que spectaculaire, n'est pas totalement inattendue. Comme le révèle Jeune Afrique, dès novembre 2022, des signes avant-coureurs étaient perceptibles. Un haut gradé français confiait alors au magazine ses interrogations sur l'avenir de la présence militaire française dans le pays, illustrant cette incertitude par la fermeture programmée du centre équestre de la base Frédéric-Geille de Ouakam.
L'évolution de cette présence militaire s'était déjà amorcée sous la présidence d'Abdoulaye Wade. Les Forces françaises du Cap-Vert, comptant initialement 1 200 militaires, avaient été restructurées en 2011 pour devenir les Éléments français du Sénégal (EFS), avec des effectifs réduits à 350 hommes.
La chronologie des événements révélée par Jeune Afrique met en lumière un processus graduel. En février 2023, Paris proposait à l'ancien président Macky Sall, par l'intermédiaire de Sébastien Lecornu, ministre des Armées, une réduction de moitié des effectifs. Une proposition qui se heurtait alors aux préoccupations sécuritaires du Sénégal face à la menace jihadiste.
Le timing de l'annonce de Diomaye Faye semble avoir été influencé par plusieurs facteurs. Selon le magazine, le président sénégalais n'avait pas prévenu ses ministres de la Défense et des Armées, ni son chef d'état-major général. Une source citée par Jeune Afrique suggère que cette décision était liée à la commémoration du massacre de Thiaroye : "Il est possible qu'il ait préféré prendre les devants avant la commémoration du massacre de Thiaroye [...] Il ne voulait pas prendre le risque qu'Ousmane Sonko, qui a une position ferme sur la question, ne s'empare du sujet."
Le rapport Bockel, commandé par Emmanuel Macron, semble avoir joué un rôle décisif dans la précipitation de l'annonce. Comme le rapporte Jeune Afrique, ses recommandations, qui préconisaient le maintien d'une centaine de militaires français, ont fuité avant même d'être discutées avec Dakar, provoquant l'exaspération des autorités sénégalaises. Le président Faye a d'ailleurs réagi vivement : "Pourquoi ce doit être à M. Bockel ou à toute autre personne française de décider que, dans tel pays souverain et indépendant, il faudrait maintenir 100 soldats ?"
Selon le général Babacar Gaye, ancien chef d'état-major général des armées sénégalaises, cité par Jeune Afrique : "Ce ne sont pas les capacités déjà réduites des EFS, ni des accords fondamentaux qui sont remis en cause, mais une présence qui relève du symbole qu'il faut faire évoluer."
La mise en œuvre de ce retrait reste à définir. Les EFS se préparent déjà à quitter deux bases à Dakar, Protée et Saint-Exupéry, tandis que l'avenir de la base de Ouakam demeure en discussion. Le président Faye a promis un départ "dans le respect" et "sans précipitation", même si, comme le précise un proche conseiller cité par Jeune Afrique : "Nous souhaitons de notre côté un départ définitif. Une coopération militaire peut bien se faire sans implantation physique."
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
LE MAUVAIS PROCÈS FAIT AU MINISTÈRE DE LA COMMUNICATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Certains acteurs du secteur de la presse poussent à la confrontation. Pour les uns, il s’agit de reprendre le combat de l’ancien régime en arrière garde. Rien ne doit plus être comme avant
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 06/12/2024
Mamadou Ibra Kane, le président du Conseil des Diffuseurs et Editeurs de la Presse (CDEPS) est, pour qui le connait, un homme d’habitude pondéré et courtois.
Il ajoute même : « ce 2 décembre 2024 est une date macabre pour la liberté de la presse au Sénégal. Toutes les appréhensions que nous avions depuis plus de huit mois du nouveau régime de Bassirou Diomaye se justifient aujourd’hui. Nous sommes scandalisés, abasourdis… »
Maimouna Ndour Faye de surenchérir : « Ce projet est sournois. Blocage de comptes bancaires, annulation des contrats avec l’Etat, gel des paiements et maintenant ça. Mais qu’ils sachent que nous ne céderons pas ».
Mandiambal Diagne lui, sonne carrément la mobilisation contre le gouvernement : « Nous refusons d’accepter une telle décision illégale. Ma sympathie et mon soutien à tous les acteurs des médias qui font les frais de l’arbitraire du gouvernement de Ousmane Sonko ».
La fronde des patrons
Notons d’abord qu’il s’agit d’une fronde des seuls patrons de presse, aucune organisation professionnelle ne s’y est associée.
Ni le Syndicat des Professionnels de l’Information et la Communication du Sénégal (SYNPICS), ni la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS), ni l’Association des Femmes des Médias du Sénégal (AFMS) ni le Conseil pour l'Observation des Règles d'Éthique et de Déontologie (CORED) ! En outre, ces patrons font au « gouvernement Sonko » un mauvais procès : celui de vouloir les liquider.
Il est vrai que ce dernier pourrait pour sa part soupçonner certains patrons, du fait de leur proximité, de leur « amitié » déclarée même avec l’ancien président, de vouloir prendre à leur compte le combat de l’ancien régime en alimentant la sédition. Quant au fond, convenons de ceci :
1-Dans un contexte de pluralisme médiatique, la régulation de la presse écrite tout comme de l’audiovisuel est bien évidemment une responsabilité du gouvernement. Le Code de la presse porte précisément sur les modalités de cette régulation notamment par les articles 80 à 93 concernant la presse écrite et les articles 94 à 117, la communication audiovisuelle.
Cette régulation est d’autant plus nécessaire que les acteurs de la presse ont, eux même, naguère appelé à des mesures d’assainissement consistant à « la nécessaire régulation du secteur par les autorités publiques, l’évaluation et la réforme du Code de la presse, le financement adéquat des entreprises de presse, l’adoption d’un Code de conduite pour les médias, la prise en charge de la formation dans les métiers des médias… ».
2-Les 112 entreprises de presse retenues par le ministère de tutelle sont celles qui sont déjà en règle au regard des articles précités du Code de la presse et de ce fait sont éligibles au Fonds d’Appui à la presse. Il ne s’agit nullement comme les patrons de presse font semblant de croire, « d’une liste d’entreprises de presse qui auraient le droit d’exercer sur le territoire sénégalais ».
3-La réglementation relative à la création des organes de presse écrite n’est pas remise en cause, on le sait bien : c’est toujours le principe déclaratif qui prévaut : il suffit d’une déclaration de parution adressée au ministère accompagnée d’un extrait du casier judiciaire du directeur de publication, les nom et adresses du directeur de publication et des propriétaires.
4- Quant à la liberté de la presse qui serait menacée par la régulation, on n’oublie que liberté de presse et responsabilité sociale de la presse vont de pair.
Ceci a été codifié en doctrine dès les années 1947, aux Etats Unis face à l’explosion de la presse, à cette époque. Voici ce qu’établissait dès lors la commission dite Commission Hutchins établie pour étudier comment sauvegarder la liberté de la presse tout en l’astreignant au contrôle : « Il y a contradiction entre l’idée traditionnelle de la liberté de la presse et sa nécessaire contrepartie de responsabilité…La responsabilité comme le respect des lois, n’est pas en soi une entrave à la liberté ; bien au contraire, elle peut être l’authentique expression d’une liberté positive. …Il est trop fréquent aujourd’hui que la prétendue liberté de la presse soit une forme d’irresponsabilité sociale. La presse doit savoir que ses erreurs et ses passions ont cessé d’appartenir au domaine privé pour devenir des dangers publics. Si elle se trompe, c’est l’opinion qu’elle trompe... »
Visiblement certains acteurs du secteur de la presse, au sein de la profession comme au sein de l’administration publique poussent à la confrontation. Pour les uns, il s’agit de reprendre le combat de l’ancien régime en arrière garde, pour les autres, il faut liquider définitivement ces gens qu’on assimile à des ennemis irréductibles.
Une presse indépendante et forte pour une démocratie forte
Ne les suivons pas dans l’escalade. Le Sénégal a besoin d’une démocratie forte pour faire face aux défis du développement tels que formulés par l’Agenda 2050. Une telle démocratie ne saurait bien entendu prospérer sans une presse indépendante et forte.
Convenons-en pourtant : rien ne doit plus être comme avant : le secteur de la presse doit être assaini, l’équité et la transparence doivent prévaloir aussi bien dans l’enregistrement des médias, que dans l’attribution et le contrôle de l’exploitation des fréquences, que dans l’attribution du Fonds d’Appui à la presse.
Les entreprises de presse doivent évidemment se conformer rigoureusement désormais aux prescriptions du Code de la presse notamment en ce qui concerne le profil et les qualifications de leurs responsables et la nécessité d’embaucher le nombre minimum de journalistes professionnels requis.
Elles doivent s’astreindre à reverser désormais les cotisations sociales de leurs employés et à régler leurs impôts. Toutes les prescriptions maintenant exigées des entreprises de presse ne mettent elles pas en cause leur viabilité économique ? Certainement !
Pour le renouveau de la presse
Peut-être doit on courageusement remettre en cause le modèle économique traditionnel ? Peut-être doit on plaider auprès des autorités publiques pour la mise à jour de l’organisation du secteur de la publicité dont la loi de référence date de plus de 40 ans (loi n° 81-58 du 9 novembre 1981) !
La presse a encore de beaux jours devant elle dans notre pays : le nouveau régime pour lequel les Sénégalais ont voté dès le premier tour de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 et auquel ils ont donné la majorité des deux tiers aux législatives récentes, s’inscrit dans la continuité républicaine et démocratique.
Il entend renforcer le pluralisme médiatique : tout journal, radio, télévision et média en ligne est bien évidement libre de traiter et de présenter l’information selon sa ligne éditoriale pour peu qu’il le fasse dans le respect des lois et règlements de la République.
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BARTH ÉVINCÉ DE L'HÉMICYCLE
Malgré les appels d'Alioune Tine dénonçant "un coup dur pour la démocratie sénégalaise" et ceux de Seydi Gassama plaidant pour "la voix forte et discordante" du maire de Dakar, ce dernier est déchu de son mandat de député
(SenePlus) - L'Assemblée nationale a officiellement prononcé ce vendredi 6 décembre 2024, la radiation de Barthélémy Dias de son mandat de député. Cette décision est intervenue lors de la séance plénière consacrée à l'installation des 14 commissions parlementaires.
Le président de l'Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, a formellement annoncé la nouvelle devant l'hémicycle : "Sur demande du ministre de la Justice, garde des Sceaux et en application des dispositions de l'Article 61 de la Constitution, dernier alinéa et de l'Article 51 de notre Règlement intérieur, le bureau de l'Assemblée nationale, réuni le jeudi 5 décembre 2024, a procédé à la radiation de Barthélémy Dias."
Cette radiation trouve son origine dans l'affaire Ndiaga Diouf, un dossier judiciaire qui poursuit le maire de Dakar depuis plus d'une décennie. En effet, la Cour suprême du Sénégal, par son arrêt n°76 du 22 décembre 2023, avait définitivement confirmé la condamnation de Barthélémy Dias à deux ans d'emprisonnement, dont six mois ferme, pour "coups mortels" sur Ndiaga Diouf, ainsi qu'au paiement de 25 millions de francs CFA de dommages et intérêts.
Cette situation juridique complexe soulève d'importantes questions sur l'éligibilité de l'ancien député. Comme l'explique Mamadou Salif Sané, enseignant-chercheur en droit public cité par Le Soleil, Barthélémy Dias "ne fait plus partie du corps électoral, c'est-à-dire des personnes qui bénéficient juridiquement du droit de vote, même s'il n'est pas radié de la liste."
Avant cette radiation, plusieurs voix s'étaient élevées pour défendre le mandat de Dias. Alioune Tine, figure respectée de la société civile, avait notamment déclaré : "Ce serait un coup dur pour la démocratie sénégalaise que de chercher à liquider politiquement Barthélémy Dias." Dans le même sens, Seydi Gassama, directeur d'Amnesty International Sénégal, avait souligné que "l'Assemblée nationale a besoin, pour la qualité des débats, de la voix forte et discordante de Barthélémy Dias."
Il est à noter que le désormais ex-député n'avait pas assisté à la cérémonie d'installation des députés le 2 décembre, étant présent à Saint-Louis pour soutenir ses gardes du corps impliqués dans une affaire de violences électorales.
Cette radiation constitue un nouveau chapitre dans la vie politique mouvementée de Barthélémy Dias, figure majeure de l'opposition et tête de liste de la coalition Samm Sa Kaddu, qui conserve néanmoins son poste stratégique de maire de Dakar.
AYIB DAFFÉ VS AÏSSATA TALL SALL, LE JEUNE LOUP ET LA VIEILLE GARDE
La présence simultanée des deux personnalités à la tête des principaux groupes parlementaires promet des débats d'une rare intensité. De quoi révolutionner la pratique parlementaire sénégalaise ?
Sous la 15e législature, deux figures politiques marquantes se dessinent au sein de l'Assemblée nationale : Mohamed Ayib Salim Daffé, à la tête du groupe parlementaire Pastef les Patriotes, et Aïssata Tall Sall, présidente du groupe Takku Wallu.
Mohamed Ayib Salim Daffé, à la tête du groupe parlementaire Pastef les Patriotes, incarne un leadership forgé par une riche expérience politique. Élu député pour la première fois en juillet 2022, il s’est rapidement imposé comme une figure incontournable du mouvement, surtout après avoir succédé à Birame Souleye Diop à la présidence du groupe Yewwi Askan Wi en avril 2024. Aujourd'hui, sous la 15e législature, son parcours symbolise la montée en puissance d’une génération qui prône la rupture avec les anciennes pratiques politiques. Juriste spécialisé en droit de l’environnement, formé à l’Université Bordeaux-IV, M. Daffé a d'abord fait ses armes au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS), où il gravit les échelons, notamment au sein du Mouvement des élèves et étudiants libéraux (Meel) et de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (UJTL). Après la défaite de 2012, il quitte le PDS pour rejoindre Bokk Gis Gis avant de créer, en 2017, son propre mouvement citoyen, Idéal Sénégal. Son parcours éclectique témoigne d’une capacité à s’adapter et à construire des alliances stratégiques.
À l'Assemblée nationale, Ayib Daffé s’impose comme un débatteur redoutable, notamment en wolof, maîtrisant les subtilités juridiques et politiques. Il devra affronter une opposition aguerrie, représentée par des figures telles qu’Amadou Bâ ou Barthélémy Dias, mais il pourra compter sur une majorité solide pour faire avancer les projets du Pastef. Son premier grand défi sera de défendre le projet de loi sur l’amnistie, une question cruciale qui pourrait façonner la législature.
Il sera assisté dans ses tâches par Mme Marie Angélique Diouf, élue vice-présidente du groupe parlementaire du Pastef. Elle incarne une nouvelle génération de leaders engagés, prête à accompagner Ayib Daffé dans ses responsabilités stratégiques au sein de l'Assemblée nationale. Résidant à Keur Massar, le bastion politique du Pastef, Mme Diouf est l'une des premières femmes à rejoindre ce mouvement politique, marquant ainsi une étape importante dans l'intégration de la femme dans la sphère politique sénégalaise, notamment dans des positions de leadership. Sa présence aux côtés d’Ayib Daffé dans la direction du groupe parlementaire Pastef renforcera, sans aucun doute, la représentation de la voix féminine dans les débats parlementaires et permettra à son groupe d’avoir un leadership dynamique, inclusif et tourné vers l’avenir.
Aïssata Tall Sall, l’expérience et la fermeté
À la tête du groupe parlementaire Takku Wallu, Aïssata Tall Sall incarne l’expérience et la fermeté. Avocate chevronnée, ancienne ministre de la Justice et des Affaires étrangères, elle dispose d’une maîtrise parfaite des rouages politiques et juridiques sénégalais. Députée et maire de Podor de 2009 à 2022, elle est reconnue pour sa combativité et son éloquence. Son parcours au sein du gouvernement, notamment dans la défense de la loi d’amnistie, lui confère une légitimité indéniable dans les débats parlementaires.
Elle devra mobiliser ses compétences pour guider une opposition diverse, mais déterminée à contrer les initiatives du Pastef. Aux côtés de son vice-président, Djimo Souaré, elle constitue une force capable de challenger la majorité, en particulier sur des dossiers sensibles comme l’amnistie. Sa déclaration incisive sur ce sujet témoigne de sa volonté de défendre les acquis de l’ancien régime face à ce qu'elle perçoit comme des menaces potentielles pour la stabilité juridique.
La 15e législature s’annonce comme un terrain d’affrontements intenses entre ces deux personnalités marquantes. Ayib Daffé, porteur des idéaux de rupture et de changement, devra s’imposer habilement pour maintenir la cohésion de la majorité Pastef, tandis qu’Aïssata Tall Sall, forte de son expérience et de sa rigueur juridique, représente une opposition solide et stratège. Leurs échanges, en particulier sur des questions brûlantes comme l’amnistie, promettent de marquer profondément l’histoire parlementaire du Sénégal.
LE BUREAU DE L'ASSEMBLÉE FAIT MÂLE
Pastef et Takku Wallu s'opposent sur la présence de deux hommes aux plus hauts postes du bureau. La loi sénégalaise sur la parité, adoptée en 2010, continue de susciter des interprétations divergentes
L'application de la loi sur la parité a fait l'objet de vives controverses, à l'Assemblée nationale entre les groupes Pastef et Takku Wallu. Décryptage.
Le respect de la loi sur la parité a encore été au centre des débats lors de l'installation de la 15e législature, le 2 décembre 2024. Les deux groupes parlementaires se rejettent la balle, chacun accusant l'autre d'avoir violé les dispositions de la loi – du 28 mai 2010 sur la parité. Face au refus du groupe Pastef de leur laisser mettre un homme au poste de 8e vice-président qui leur revenait, la présidente du groupe Me Aissata Tall Sall s'indigne après avoir boudé la session avec certains de ses collègues. “Ce que j'ai vu est inédit. Je n'aurais jamais imaginé que cela pourrait se passer dans cette assemblée nationale du Sénégal. Le président Malick Ndiaye a décidé que le poste qui nous revenait de droit, il va le prendre et l'attribuer au Pastef. C'est tout simplement inédit et en violation de toutes les règles”, accuse-t-elle très en colère. L'ancienne ministre de la Justice estime que Pastef a violé la parité en choisissant comme premier vice président un homme alors que le président est aussi un homme. Elle a promis que son groupe va saisir les juridictions pour être rétabli dans ses droits.
Mais d'où vient la polémique ? Il ressort en effet de l'article 13 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale citée en référence par Me Sall, que le bureau de l'Assemblée nationale est composée, outre le président, de 8 vice-présidents qui se suivent dans l'ordre protocolaire, du premier au huitième, de six secrétaires et d'un premier et deuxième questeur. A la suite de cette disposition, l'article 14 a précisé les modalités de désignation des préposés à ces différents postes. En ce qui concerne le président, il n'y a aucun problème majeur. Le texte précise qu'il “est élu au scrutin uninominal à la majorité des suffrages exprimés. Si cette majorité n'est pas atteinte au premier tour, il est procédé à un second tour, pour lequel l'élection est acquise à la majorité relative”. Le problème qui revient souvent à l'Assemblée nationale, c'est celui des autres membres du Bureau. Il ressort de la même disposition que : “Les vice-présidents, les secrétaires élus et les questeurs sont élus au scrutin de liste pour chaque fonction respectant la parité homme-femme, conformément aux dispositions de la loi 2010-11 du 28 mai 2010.”
Le règlement intérieur, toujours à son article 14, indique que : ''Tous les scrutins sont secrets et ont lieu à la représentation proportionnelle selon la méthode du quotient électoral, calculé sur la base du nombre de députés inscrits dans chaque groupe, avec répartition des restes selon le système de la plus forte moyenne. Les postes de vice-présidents et de questeurs dans l'ordre fixé à l'article 13 en donnant la priorité au groupe ayant obtenu le plus de voix.” Il en a résulté, selon les deux blocs, que Pastef devait prendre les sept premiers postes de vice-président. Le 8e devait ainsi revenir à Takku Wallu. Ayant le privilège de choisir en premier, Pastef a proposé un homme comme vice-président, puis une femme, puis un homme jusqu'au septième vice-président qui est donc un homme.
Pour Takku Wallu, le 8e leur revenant, il leur était loisible d'y mettre qui ils veulent. Cependant tout en veillant que le candidat soit une femme, pour respecter la parité. Mais, dira la présidente du groupe, Pastef ne s'est pas conformé à la parité en mettant un homme comme premier vice-président. Finalement, Pastef a désigné un autre de ses membres comme 8e vice-présidente. S'accaparant ainsi de tous les postes de vice-président.
Il faut noter que ce débat sur la parité revient très régulièrement à l'Assemblée nationale. Les majorités ayant tendance à soutenir que le président de l'Assemblée ne doit pas être pris en compte pour ce qui est de la parité. Selon les arguments souvent avancés, c'est qu'il est lui élu pour toute la législature, alors que les autres ne sont pas élus pour la durée de la législature. Entre autres arguments.
Pour sa part, Me Mamadou Diouf, Doctorant en droit public, estime que “c’est une erreur de penser que la parité ne s’applique qu’à partir l’élection des vice-présidents.” Le président de l’Assemblée nationale, étant membre du bureau, doit avoir une première vice-présidente à la place du sieur Ismaila Diallo, a-t-il tenu à éclairer dans une tribune publiée dans les médias. A en croire le juriste, cette mauvaise interprétation qui voudrait écarter le chef de l’institution de l’application de la parité est balayée constamment par la jurisprudence sénégalaise. Il justifie : ”A la lecture de l’article 1er de la loi de 2010, le bureau de l’Assemblée nationale y compris le Président (voir l’article 13 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale), doit être intégralement et alternativement composé d’un homme et d’une femme. Mieux, le décret n°2011-819 du 16 juin 2011 portant application de la loi sur la parité, en son article 02, énumère l’Assemblée nationale, son bureau et ses commissions parmi les institutions dans lesquelles la parité doit être respectée.”
Revenant sur la posture du juge sénégalais par rapport à cette lancinante et récurrente question, il a rappelé qu'une jurisprudence constante tant à comptabiliser le président. Mais cette jurisprudence a souvent porté sur les élections des bureaux municipaux au niveau des collectivités territoriales. C'était le cas notamment en 2022 avec beaucoup de décisions rendues par les cours d'appel. “La question de l’application de la loi sur la parité a fait couler beaucoup d’encre lors des élections territoriales de janvier 2022. La cour d’appel de Dakar a annulé toutes les élections dans lesquelles un Maire ''Homme” n’avait pas une première adjointe (voir les arrêts n°29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37 du 19 avril 2022).”
A ceux qui sont tentés de relever la durée des mandats, il rappelle cette jurisprudence de la cour suprême, qui précisait : “ La cour d’appel de Kaolack, qui avait fait une mauvaise interprétation de cette loi en arguant que le Maire, étant élu au suffrage universel n’était pas concerné par l’application de la parité, a vu son arrêt cassé et annulé par la cour suprême du Sénégal. En effet, dans l’arrêt n°47 du 27 octobre 2022, Cheikh Biteye et autres contre le Maire de Fatick, la chambre administrative de la Cour suprême a déclaré que le Maire, étant le premier membre du bureau municipal (comme le Président de l’Assemblée nationale), est soumis à l’exigence de la parité absolue et que même son élection au suffrage universel, ne saurait constituer un obstacle à l’application de la loi sur la parité.”
En ce qui le concerne, Ngouda Mboup, dans une télé de la place, a souligné que, depuis 2012, le président de l’hémicycle n’est pas comptabilisé dans le décompte, lorsqu’il s’agit de mettre en pratique la loi sur la parité. Il reconnait, cependant, que cette ‘’pratique parlementaire’’ est sujette à interprétation. Mais, précise que le Conseil constitutionnel a déjà été saisi sur cette question. La réponse de la haute juridiction a été, dit-il : ‘’s’agissant de l’Assemblée nationale, tout ce qui concerne le fonctionnement de son bureau, je ne m’en mêle pas, parce que, ce sont des mesures d’ordre intérieur’’. ‘’Le Conseil, poursuit-il, considère que c’est une cuisine interne et a déclaré la requête irrecevable.’’
Quel sort sera donc réservé au recours des députés de Takku-Wallu, annoncé par Me Aissata Tall Sall ?
PAR Amadou Lamine Sall
THIAROYE 44, LES MISÈRES DE LA FRANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il y a beaucoup de Français au Sénégal, mais il n'y aura plus la France ? Que non. Souffler sans répit sur les flammes ne sert pas à venger des mémoires. L'impératif au sommet de l'État sénégalais indiquent, désormais, la voie
Notre cher frère, le bien nommé Malick Rokhaya Ba, nous a envoyé un message par WhatsApp, pour s'interroger ainsi qu'il suit : « …on attendait de toi un texte sur Thiaroye 44 pour avoir plus d'éclairages sur les écrivains et le massacre, le contexte de sortie du film de Sembene Ousmane, les perspectives culturelles ouvertes par la nouvelle attitude de la France, les biens culturels spoliés… »
Ma réponse et ce que j'en rajoute ici, est la suivante : « Vous lirez mon cher Malick Rokhy Ba, sous envoi séparé, par WhatsApp, suite à votre message, mon poème en hommage aux tirailleurs tombés à Thiaroye. Vous me faites sourire… Si vous aviez suivi de près ce que nous avons écrit et chanté sur les tirailleurs tombés à Thiaroye, vous m'auriez décerné ne serait-ce qu'un tout petit prix ! Les poètes, dont Senghor, ont écrit et chanté ces héros ! Mais c'est comme si rien n'avait jamais existé ! Peut-être que je ne suis pas bien informé, mais les poètes, les écrivains, les artistes ont été comme écartés et oubliés de cette touchante et si émouvante commémoration du massacre de Thiaroye ! Cette commémoration, depuis Senghor, a été toujours célébrée. Il faut se féliciter qu'elle ait pris une telle ampleur sous le président Diomaye ! On ne pouvait pas rêver mieux !
Quant à la pauvre France, il y a bien longtemps qu'elle a reconnu son forfait ! J'ai lu et appris qu'elle avait mis à la disposition du Sénégal ses archives ! Tout, tout se saura alors si ce n'est déjà fait ! Que nous reste-t-il encore à demander ou à exiger d'une France fatiguée, assiégée, humiliée ? Sur la tragédie de Thiaroye, elle a capitulé ! Elle a rendu les armes ! Faut-il encore et encore continuer et sans répit à l'acculer, la punir ? N'avons-nous pas d'autres combats plus pressants à mener ? Je crois que si ! Alors, sans tourner la page, mais en y laissant un signet, allons vers des combats plus urgents !
Rien, rien que nous ne sachions où ne devinons, ne sera une surprise ! Nos historiens, poètes, cinéastes, ont fait un solide travail il y a déjà bien longtemps Il faut rester avec l'histoire, dans l'histoire et la vérité de l'histoire ! Halte aux révisionnistes qui tentent de réinventer l'histoire pour mieux empoisonner et faire ferrailler les civilisations entre elles. L'heure est à la paix et non à la guerre. L'heure est à l'apaisement et à la sérénité, sans rien céder, et pas un seul pouce, de notre souveraineté, notre identité. Souffler, souffler sans répit sur les flammes, ne sert pas à venger des mémoires ! Personne, même les bêtes de la forêt, n'ignorent cette tragédie innommable ! Le Sénégal, c'est acté, défendra de mieux en mieux ses acquis, ses conquêtes, sa dignité, l'avenir de ses enfants !
Quelque chose s'est levée dans ce pays et cette chose bâtira, vaincra ou décevra et périra ! Mais nous gagnerons, car ce pays a toujours gagné et il a encore mieux gagné quand tout est devenu glauque, injuste et tragique ! C'est ainsi la marche des nations et des peuples. Il n'existe pas de génération spontanée. Il n'existe que des femmes et des hommes qui, au bout de toutes les épreuves, nourris par le vécu et la marche de l'histoire de leur peuple, s'engagent à grandir davantage leur pays, non en effaçant tout, mais en additionnant la volonté de construire de tous, pour gagner ensemble ! Il fallait bien que la cabane ait existé pour que la maison se fasse. Viendra le gratte-ciel au bout de l'effort, de l'exigence, du patriotisme, du civisme ! Le Sénégal est déjà grand, très grand ! Il faut continuer à le grandir dans l'ouverture et l'alliance des civilisations ! Chaque régime politique ajoute une page à l'histoire. Reste toujours à souhaiter que cette page soit noble, forte, inoubliable !
Ne perdons pas trop de temps à compter et à recompter caillou après caillou, les forfaits du colonisateur. Ce qui est fait est fait ! Nous ne ressusciterons pas les morts, mais nous pouvons les habiller d'un manteau royal dans toutes les mémoires. La jeune génération des Français de 2024 n'est en rien coupable de ce que leur pays a commis comme tragédie par le monde, à l'époque des conquêtes coloniales. La jeunesse sénégalaise n'a pas non plus pour mission de se venger à la hauteur des crimes et forfaits. Mais elle doit tout savoir, tout apprendre. Elle doit toujours se souvenir, rien oublier, mais avancer ! Commençons au plus vite par l'école pour protéger notre histoire et la mettre à l'abri de la seule version coloniale. Les « vaincus » doivent répondre aux « vainqueurs » pour que la vérité triomphe ! Ce n'est pas le combat de la jeunesse de rester scotchée au rétroviseur. D'ailleurs Diomaye comme Sonko, doivent également regarder devant, mais en sachant tout de l'histoire du rétroviseur !
Nous ne changerons pas tout en un jour ! Nous ne réinventerons pas un autre Sénégal dans la rage et la passion ! Mais ce pays doit changer, évoluer et il y faudra beaucoup d'autorité, de fermeté, d'échange sans compromission. Continuerons-nous à avoir le français comme langue officielle inscrite dans notre Constitution ou allons-nous vers une ou d'autres langues nationales ? Notons que près de 20% de notre population parlent et écrivent le français ! Si tous les Sénégalais parlent le Wolof, combien la lisent et l'écrivent ? Certains font de ce combat un combat d'avant-garde, mais la précipitation et le populisme viral conduiraient à l'irréparable ! Rien ne presse ! Pensons-y et travaillons-y ! Par contre, notre système éducatif doit déjà amorcer le combat des langues nationales à l'école ! Nous y arriverons mais pas en une génération ! L'Afrique est condamnée à vivre en partenariat avec le monde !
Notre identité culturelle et nos valeurs culturelles ne sont pas négociables mais nous continuerons longtemps encore, longtemps, à prendre des avions construits par Airbus, Boeing, le temps de construire nos propres avions, nos propres trains, nos propres voitures ! Que ceux qui disent et réclament de tout changer tout de suite et maintenant, de jeter la France à la mer et tous les autres compris, doivent commencer par eux-mêmes : ne plus parler, ni écrire le français. Ne plus prendre l'avion. Ne plus prendre le train. Ne plus conduire de voitures françaises, japonaises, américaines, allemandes, italiennes, et attendre les avions, les trains, les voitures africaines !
Thomas Sankara était charmant ! Il avait le génie de la répartie et de la moquerie : « Si nous ne payons pas, les bailleurs ne mourront pas. Mais si nous payons, nous allons mourir ! »
Pour revenir à Thiaroye 44, il s'est toujours agi, depuis Senghor, de réhabiliter nos morts et qu'au tribunal de l'histoire, les génocidaires soient reconnus et que ces derniers acceptent et assument leur imposture. Son poème sur Thiaroye est entré dans l'histoire ! C'est le 06 septembre 1988, que Thierno Faty Sow et Ousmane Sembene réalisèrent leur film « Camp de Thiaroye ». Le film obtiendra le « Grand Prix du jury de la Mostra de Venise, Silver Lion » ! Les deux fabuleux réalisateurs sénégalais auraient pu refuser ce Prix décerné par les « Grands Blancs », comme les appelait Senghor. Qui connait Sembene Ousmane, sait de quoi il était capable comme homme de refus et intraitable ! Mais, ils acceptèrent de recevoir ce Prix !
Réinventons une nouvelle alliance avec la France et qui commence par le respect mutuel. À elle, surtout, d'y travailler, d'y veiller dans de nouvelles approches dictées par l'humilité, l'écoute, l'échange, l'ouverture, la fraternité et non l'arrogance. La France est restée toujours belle et grande à chaque fois qu'elle a regagné la lumière. Il s'agit pour elle de restaurer une nouvelle grandeur dans un monde qui semble cruellement lui échapper ! Les journalistes qui allument des incendies sur les chaînes de télévisions françaises en fusillant ces jours derniers le Sénégal et le peuple sénégalais face à la rectification du pouvoir politique sénégalais sur la tragédie de Thiaroye et courageusement validé par le mea-culpa de la France, sont ceux-là mêmes, français d'adoption de surcroît, qui demandent à ce que la France ferme ses frontières aux Sénégalais et à ceux qui viennent pour s'y soigner !
Ces Français d'adoption qui constituent désormais la majorité en France, ou presque, - les Français de souche, de génération en génération, se font rares- et dont la France est devenue, tout naturellement, avec générosité, leur pays avec leurs pleins droits, sont ceux-là, qui, dans la presse de droite et d'extrême droite, dans le milieu faisandé de la politique et des partis fiévreux, ajoutent le feu au feu partout où la France est chassée, mise dehors !
L'impératif, la fermeté, l'inflexibilité au sommet de l'État sénégalais indiquent, désormais, la voie à suivre. Et personne n'y pourra rien.
De Senghor à Bassirou Diomaye Faye, ce n'est pas le peuple qui a changé, c'est la jeunesse Sénégalaise qui a changé, évolué et qui dicte sa feuille de route ! Gare à ceux qui s'en écarteront ! Cette jeunesse, osons le dire, ne s'est jamais véritablement adressée à Macron, Biden, Poutine, Xi Jinping, mais plutôt à Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall. On ne l'a pas vu venir dans sa masse, son nombre, ses armes, ses cris, sa témérité. Un certain Ousmane Sonko, lui, l'a vue, pesée, soupesée et s'est préparé en chamane et gourou, à l'hypnotiser, la conquérir. Rester à la dompter et elle ne se dompte pas. Attention à la dissipation de l'hypnose, au réveil !
C'est cette admirable et exigente jeunesse qui a ouvert les portes de tous les pouvoirs à Pastef ! À Pastef de gagner le combat ou rendre les armes ! Mais le combat sera gagné, car tous nous voulons qu'il soit gagné pour continuer à bâtir un pays et un grand pays. Rien n'est impossible au peuple sénégalais. Mais il demande le respect et ce respect à un nom et une demeure : bienien vivre et chez soi ! ! La jeunesse, c'est le destin du Sénégal et de l'Afrique ! Tout ce qui est en face d'elle, n'est que de la politique et des «combinaisons» !
Aujourd'hui, l'Afrique face à la France et la France face à l'Afrique, nous apparaissent comme le théâtre douloureux d'une concurrence de souffrances ! L'Afrique a décrété que l'injustice, l'humiliation, l'exploitation, l'inacceptable déséquilibre des « termes de l'échange », sont terminés ! Elle en a trop, trop longtemps souffert et ce depuis les indépendances africaines. La France, humiliée, « déshéritée », souffre également, au regard de son rejet et de son expulsion brutale de l'Afrique. Le Sénégal, fidèle à sa délicatesse sans faiblesse, a trouvé les mots et pris les décisions qu'il lui fallait prendre. Sans violence. « Rester soi-même, coûte moins cher », disait étrangement d'ailleurs le plus grand des Français et des colonisateurs : Charles de Gaulle !
Une histoire se termine. Une autre commence.
« Le petit Nègre avec le coeur bleu, blanc, rouge » a tourné les pages de tout le livre maudit ! Cela n'a jamais été facile d'être longtemps à la fois bête, soumis et muet !
Il y a beaucoup de français au Sénégal, mais il n'y aura plus la France ? Que non ! Il y en aura encore et encore des Français au Sénégal, dans plus de 50 ans et toujours. Ils sont des nôtres. Nous avons fondé des familles avec eux. La France sans la « France », n'est qu'une formule ! La France ne disparaitra pas. Elle ne disparaitra jamais, mais elle aura beaucoup, beaucoup appris de son histoire et de ses « conquêtes » en payant le prix !
Amadou Lamine Sall est poète, lauréat des Grands Prix de l’Académie française, lauréat du Prix international de poésie 1573 Golden Antilope Tibétain 2025, Chine.