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22 avril 2025
Diaspora
A L’UCAD, LA RÉVOLTE DES SANS-BOURSE
Treize mois sans bourse ont poussé 5 000 étudiants de master à manifester jeudi, malgré la répression. Face à un pouvoir qui évoque des caisses vides, les étudiants rappellent que leur survie n'attend pas
(SenePlus) - L'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Ucad), plus grande université francophone d'Afrique de l'Ouest, est à nouveau en ébullition. Le jeudi 7 novembre, environ 5 000 étudiants de master ont manifesté pour réclamer leurs bourses impayées depuis treize mois, rapporte La Croix Afrique.
"C'est la première mobilisation d'envergure depuis l'avènement des nouvelles autorités. Elles ont réagi avec force", confie au journal Babacar Diallo, étudiant en anglais et coordonnateur du collectif des boursiers. Les manifestants, asphyxiés par les gaz lacrymogènes, ont dû se replier à l'intérieur de l'université.
L'Ucad, qui compte 100 000 étudiants, est coutumière des mouvements de contestation. Selon La Croix, l'occupation de la route principale est devenue un levier de pression classique. "S'ils parviennent à occuper le croisement, ils bloquent un axe majeur de circulation de la capitale et sont donc certains que le pouvoir entendra leurs revendications", explique Abdoulaye Cissé, un ancien étudiant, cité par le quotidien français.
"Faute d'argent, certains étudiants ne peuvent même pas regagner Dakar pour suivre les cours", déplore Babacar Diallo dans les colonnes du quotidien. "D'autres n'ont pas de quoi manger, ni même d'ordinateur pour écrire leur mémoire. C'est mon cas, j'appréhende le jour où le professeur annoncera une date de rendu."
Le nouveau pouvoir, élu sur des promesses de changement, n'a toujours pas résolu la situation. "Ils disent qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses. Pourtant, ils ont décaissé 102 millions de francs CFA (150 000 €) après les récentes inondations", dénonce le militant Babacar Diallo, qui ajoute : "Le rôle des ministres est de trouver des solutions. S'ils n'en trouvent pas, c'est bien que les étudiants ne sont pas leur priorité."
La situation est d'autant plus critique que l'université sort d'une fermeture de neuf mois, consécutive aux émeutes de juin 2023. "La plupart des étudiants, même les meilleurs, ont redoublé à cause de la fermeture", déplore Mohamed Ba, redoublant en deuxième année de droit, cité par La Croix Afrique.
Les étudiants promettent de poursuivre leur mobilisation. "Nous, on ne manifeste pas pour des idées mais bien pour des droits ! Ces bourses sont cruciales pour notre avenir. On va continuer le combat et se faire entendre", affirme Babacar Diallo.
UNE PARTICIPATION ÉLECTORALE SOUS LA LOUPE
Les présidentielles ont toujours su drainer davantage de monde que les législatives, creusant un écart parfois spectaculaire. Ce dimanche, un nouveau chapitre s'écrit avec des législatives anticipées qui interrogent sur la capacité à mobiliser l'électorat
(SenePlus) - Les Sénégalais retournent aux urnes ce dimanche 17 novembre 2024 pour des élections législatives anticipées, dans un contexte où les chiffres de participation des vingt dernières années révèlent une démocratie aux rythmes contrastés. Entre mobilisation et abstention, les chiffres de la Direction Générale des Élections (DGE), publiés par la plateforme Vie-Publique, racontent une histoire électorale riche d'enseignements.
Les scrutins présidentiels maintiennent historiquement une capacité de mobilisation supérieure. De 2000 à 2024, ils n'ont jamais enregistré moins de 55% de participation. Le record a été atteint en 2007 avec 70,6% de votants, suivi par la présidentielle de 2019 qui a mobilisé 66,3% des électeurs. La dernière élection présidentielle de mars 2024 s'inscrit dans cette tendance avec 61,3% de participation.
Le parcours des élections législatives dessine une courbe plus accidentée. Le début des années 2000 marque l'âge d'or de la participation avec un taux impressionnant de 67,4% en 2001. Mais cette performance n'a jamais été égalée depuis. Les législatives de 2007 ont connu le plus bas niveau historique avec 34,7% de participation, avant une remontée progressive : 36,8% en 2012, puis 53,6% en 2017. Le dernier scrutin de 2022 a enregistré une nouvelle baisse avec 46,6% de votants.
L'analyse comparative révèle un écart systématique entre présidentielles et législatives. L'année 2007 illustre particulièrement ce fossé avec près de 36 points d'écart : 70,6% pour la présidentielle contre 34,7% pour les législatives. Cette différence, bien que moins marquée ces dernières années, persiste et interroge sur la perception différenciée des enjeux par l'électorat.
Le scrutin de ce dimanche s'inscrit dans cette histoire complexe de la participation électorale au Sénégal. Ces législatives anticipées constituent un nouveau test pour la démocratie du pays, alors que la dernière décennie a vu les taux de participation se stabiliser autour de 50% pour les législatives, loin des sommets du début des années 2000.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LE SILENCE DU TOTEM OU LA RESTITUTION DE L’ESTHÉTIQUE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers le personnage de Sitoé Iman Diouf, anthropologue confrontée à son héritage sérère dans les sous-sols d'un musée parisien, Fatoumata Sissi Ngom explore les multiples facettes de la spoliation culturelle
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
« Le roman, [...] est la seule forme d'art qui cherche à nous faire croire qu'elle donne un rapport complet et véridique de la vie d'une personne réelle » - Virginia Woolf.
La reconstruction minutieuse d’un récit, à travers l’écriture et l’imaginaire, est un élément fondateur de l’architecture du roman. Le genre du roman est cette représentation du réel qui oscille entre données objectives et données subjectives. Mais par sa structure narrative et esthétique, le roman peut parfois transcender la réalité à tel point qu’une autre matérialité est possible. Au seul moyen de la fiction, le récit romanesque peut prendre l’allure d’une vraisemblance troublante. Le roman est une convention littéraire ancrée dans l’existant et dans ce qui n’a pas encore été révélé.
Le roman Le silence du totem de Fatoumata Sissi Ngom est un récit qui pose la question de l’histoire revisitée par l’imaginaire, tout en remodelant l’édifice du patrimoine africain. Car le cœur du récit tient un équilibre juste entre un schéma romanesque qui sert de tableau et celui de raconter la véritable histoire du pillage des œuvres d’art en Afrique, au moment de la colonisation et des missionnaires européens, toujours en quête de puissance. Par le prisme du roman, Fatoumata Sissi Ngom pose la problématique de la restitution des œuvres d’art qui est un enjeu majeur du XXIe siècle pour la reconnaissance du patrimoine africain.
Sitoé Iman Diouf, dont les parents sont d’origine sérère, communauté du Sénégal, est une brillante anthropologue qui travaille au Musée du Quai Branly à Paris. Elle se voit confier une troublante mission, celle d’exposer des œuvres africaines, restées cachées aux yeux du grand public dans les sous-sols du musée, pour permettre à un oligarque russe d'acheter une pièce à prix d’or. Dans les profondeurs de ce trésor secret, Sitoé découvre rapidement une statue Pangool, originaire du Khalambass, région de sa propre famille et dont le symbole protecteur appartient au peuple sérère. Cette statue de bois somptueuse représente un guerrier avec un corps d’homme et une tête de serpent avec d’immenses yeux jaunes, l’animal totem du peuple sérère. Ainsi Sitoé, dont le prénom est emblématique de la culture sénégalaise, clin d’oeil à Aline Site Diatta qui fut une héroïne de la résistance à la colonisation, est chargée d’une double mission, celle de mettre en lumière les œuvres dormantes et surtout de faire en sorte de les restituer à la terre des origines.
Car au-delà du tissu narratif du roman qui navigue entre le récit d’enquête, le conte, le roman d’exploration et le surnaturel, créant ainsi une tension littéraire remarquable, l’auteure met en scène tous les enjeux qui existent pour la restitution de l’art africain et de l’éthique qui doit l’accompagner. Révéler l’existence du patrimoine africain en lui donnant un sens anthropologique est une manière fondatrice de rendre le récit africain tangible et légitime. Car l’art, sous toutes ses formes, et la symbolique de son esthétique sont au cœur de la narration africaine qui peut permettre sa réhabilitation.
Poser la problématique de l’histoire africaine, dévoyée par la colonisation, s’inscrit dans un ensemble plus vaste qui est celui de parler de l’importance de matérialiser les arts africains pour rendre visible l’esthétique africaine dans une démarche historique, patrimoniale et artistique.
Fatoumata Sissi Ngom écrit ici un livre incontournable pour comprendre ce que signifie, dans toute sa symbolique, la restitution des arts en Afrique. Il ne s’agit ni de folklore, ni de marchandisation, mais vraiment de faire parler les arts africains pour constituer un patrimoine enrichi de la vérité et qui sert à ressouder le puzzle de la culture africaine.
De plus, ce roman écrit en 2018, procède par anticipation car le programme de restitution des œuvres d’art africaines proposé par Emmanuel Macron a été annoncé en France en 2020. Avec le ministère de la Culture, le président français a même fait une proposition de loi seulement en février 2023, une nouvelle législation en faveur des pays propriétaires mais non encore promulguée. Ainsi, Fatoumata Sissi Ngom fait œuvre visionnaire en proposant ce récit car la problématique du patrimoine africain est centrale dans la reconstruction identitaire et dans l’émergence de la renaissance bâtie sur l’idée que la culture africaine est multiple et que l’art y a inscrit ses symboles ancestraux.
Le vrai roman, c'est celui dont la signification dépasse l'anecdote, la transcende, fonde une vérité humaine profonde, une morale ou une métaphysique.
C’est pourquoi je pense qu’il est plus que nécessaire de lire Le Silence du totem car celui-ci nous offre, à travers le genre romanesque, de nous approprier de notre patrimoine africain. Tout Africain, tout humaniste devrait lire ce livre car la vérité se cache dans les interstices de l’histoire, un mythe qui a été élaboré par d’autres et des légendes qu’il convient toujours de remettre en cause toujours dans la reconstruction de notre mémoire culturelle et de notre patrimoine historique.
Amadou Elimane Kane est écrivain poète.
Le silence du totem, Fatoumata Sissi Ngom, éditions L’Harmattan, collection Écrire l’Afrique, Paris 2018.
À Buenos Aires, ils sont devenus invisibles. Ces descendants d'esclaves africains que l'Argentine a effacés de son récit national. Mais ces derniers jours au Sénégal, leur voix résonne enfin à l'occasion de la Biennale
À la Biennale de Dakar, Emmanuel Ntaka brise le silence. L'artiste afro-argentin, fils d'un militant anti-apartheid, fait résonner pour la première fois ses chants dans la capitale sénégalaise. Sa mission : reconnecter une communauté invisible à ses racines africaines.
Dans les rues de Buenos Aires au XIXe siècle, un habitant sur deux était noir ou métis. Aujourd'hui, le recensement n'en compte plus que 0,7%. Que sont-ils devenus ? L'exposition "Cartographie utopique", présentée dans les Parcelles Assainies de Dakar, dévoile une histoire occultée.
Des artistes brésiliens et argentins retracent l'héritage africain d'une Argentine qui s'est longtemps rêvée européenne. Une mémoire qui ressurgit, portée par Boubacar Traoré, commissaire sénégalais installé depuis 30 ans à Buenos Aires.
Un nouveau pont se construit entre les deux continents, ravivant les traces d'une diaspora qui refusent désormais l'oubli.
Par Mansour Gueye
LE VOTE DE RAISON ET UTILE, C'EST LE VOTE PASTEF
Les enjeux dépassent largement le simple renouvellement de l'Assemblée nationale : c'est tout un modèle de gouvernance qui est en jeu
Demain, jour d'élections législatives anticipées au Sénégal, les sénégalais sont appelés à élire les 165 députés de la 15 ème législature.
C'est un tournant décisif de la vie politique de Sénégal, depuis les indépendances.
Les 3 semaines de campagne électorale ont été rudes avec beaucoup d'invectives et de menaces qui nous ont éloignés de l'essentiel :
Quel programme politique, économique et social faut-il mettre en oeuvre au Sénégal durant les 5 prochaines années, pour mettre définitivement le pays sur la voie du développement ?
Au delà des meetings et des caravanes classiques, les spots télévisuels ont permis aux sénégalais d'avoir un aperçu sur les programmes proposés par les différents leaders et leurs colistiers.
Aujourd’hui nous sommes à l'heure du choix.
Le vote de demain dimanche 17 novembre 2024, sera crucial et determinant pour le Sénégal.
Les douze années passées avec Macky Sall ont finit par éclairer les sénégalais, des effets négatifs de l'hyper-presidentialisme.
En signant le Pacte de gouvernance démocratique proposé par Sursaut Citoyen et d'autres organisations de la société civile, le président Bassirou Diomaye Faye comme treize autres candidats sur les dix neuf qui étaient en compétition lors des dernières présidentielles, s'est engagé à appliquer les conclusions des Assises nationales du Sénégal (ANS) et celles de la Commission Nationale de Réforme des institutions (CNRI) présidées par feu Amadou Mahtar Mbow.
Demain, j'appelle les sénégalais et les sénégalaises à voter massivement pour les listes Pastef, afin de rester cohérent par rapport aux résultats des dernières élections présidentielles du 24 mars 2024.
En donnant au président Diomaye Faye, une majorité claire qui lui permetta d'appliquer sa politique et d'honorer, les engagements pris devant le peuple sénégalais.
Le Sénégal est à la croisée des chemins.
Aucun des différents régimes politiques qui se sont succédés depuis les indépendances, n'a réussi à éliminer le système de prédation des deniers publics par les tenants du pouvoir et des hauts fonctionnaires véreux.
Le président Diomaye, avec son slogan politique Jub Jubal Jubanti, nous propose de mettre de l'ordre dans tout ça.
Demain, en votant pour les listes Pastef, ayons un apriori favorable pour le président Diomaye et faisons lui confiance, pour les cinq prochaines années,
Néanmoins la prochaine législature, toutes tendances confondues, devra être vigilante et exiger du gouvernement, la prise en compte des priorités du pays qui sont :
- des réformes institutionnelles courageuses basées sur les conclusions des ANS et de la CNRI.
- une politique de développement économique ambitieuse basée sur la réappropriation de nos leviers de souveraineté ressources naturelles.
- la réforme du système éducatif en introduisant nos langues nationales et en donnant en exemple nos grands hommes et femmes qui représentent la conscience historique du Sénégal.
- la formation professionnelle et l'apprentissage pour donner à la jeunesse un métier.
- des investissements massifs dans l’agriculture, l’élevage, la pêche.
- l’amélioration du cadre de vie.
- la communication pour les changements positifs de comportement.
- la culture pour redonner confiance à notre jeunesse fascinée par l'Occident et prête à mourir dans les océans pour un eldorado incertain.
Donc pour espèrer la mise en œuvre d'un tel programme volontariste,
Votons utile, votons avec raison, votons en faveur des listes Pastef.
NON, LE SÉNÉGAL NE COMPTE PAS 50% D'ÉTRANGERS
À en croire Tahirou Sarr, la moitié de la population du pays serait étrangère. Un chiffre démenti par les données officielles qui établissent la présence étrangère à seulement 1,1%. Les experts dénoncent une 'intox' dangereuse en période électorale
(SenePlus) - D'après une enquête d'Africa Check, une récente déclaration de l'homme politique Tahirou Sarr, diffusée sur la télévision nationale RTS1 le 3 novembre 2024, s'avère totalement infondée. Le leader de la coalition "Les nationalistes, Jël liñu moom" a affirmé que "les étrangers représentent presque la moitié de la population sénégalaise".
Africa Check a vérifié cette information auprès de l'Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD). Selon le cinquième Recensement général de la Population et de l'Habitat (RGPH-5) réalisé en 2023, les étrangers ne représentent que 1,1% de la population résidente du Sénégal, soit 207 791 personnes sur une population totale de 18 126 390 habitants.
Interrogé par Africa Check, Abou Ba, ingénieur statisticien démographe et chef de la division population au ministère de l'Économie, qualifie cette affirmation de "pure intox dont il faudrait particulièrement se méfier". Il confirme à la plateforme de fact-checking la fiabilité du recensement, qui a couvert "plus de 96% de la population".
Les investigations d'Africa Check révèlent, à travers le rapport du RGPH-5, la composition détaillée de cette population étrangère : les Guinéens constituent 40,3%, suivis des Maliens (14,9%), des Bissau-guinéens (4,4%), des Gambiens (3%) et des Mauritaniens (2,1%). Les ressortissants européens représentent 4%, ceux d'Asie 2,3%, d'Amérique 1% et d'Océanie 0,1%.
Dans son enquête, Africa Check a également recueilli l'avis du Professeur Mohamadou Sall, directeur de l'Institut de Formation et de Recherche en Population à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, qui qualifie l'affirmation de Tahirou Sarr de "grossière erreur".
L'investigation d'Africa Check s'est aussi intéressée aux limites potentielles du recensement. Ndatar Sène, ingénieur statisticien démographe, a expliqué à la plateforme les difficultés rencontrées pour recenser certaines catégories d'étrangers, notamment ceux sans domicile fixe ou vivant en ménages collectifs. Toutefois, il maintient que "le chiffre de l'ANSD faisant état de 207 791 étrangers est une donnée scientifique fiable".
Africa Check replace cette déclaration dans son contexte électoral, à l'approche des législatives du 17 novembre 2024, et rappelle que Tahirou Sarr a déjà fait l'objet de rappels à l'ordre du Conseil pour l'Observation des Règles d'Ethique et de Déontologie dans les médias (CORED) pour des propos jugés xénophobes.
La plateforme de fact-checking note également avoir tenté d'obtenir des précisions auprès de Tahirou Sarr sur la source de ses affirmations, mais que ses appels et messages sont restés sans réponse.
PASTEF FACE À L'HISTOIRE DES VAINQUEURS
Depuis un quart de siècle, chaque présidentielle victorieuse a été suivie d'un raz-de-marée aux législatives pour le camp des vainqueurs. De Wade à Macky, la règle n'a jamais failli, laissant présager un scrutin favorable pour les Patriotes ce 17 novembre
(SenePlus) - La victoire appelle la victoire au Sénégal, du moins quand il s'agit des législatives post-présidentielles. Une analyse de Jeune Afrique (JA) dévoile pourquoi le parti d'Ousmane Sonko peut aborder sereinement le scrutin du 17 novembre.
L'histoire électorale sénégalaise des 25 dernières années est sans appel. Comme le rappelle JA, "jamais un parti porté au pouvoir lors d'une présidentielle n'a vu son étoile pâlir à l'occasion des législatives qui ont suivi."
Les chiffres sont édifiants. En 2012, Macky Sall et sa coalition Benno Bokk Yakaar ont raflé 119 sièges sur 150 à l'Assemblée nationale. Plus tôt, en 2001, Abdoulaye Wade et sa Coalition Sopi s'étaient adjugé 89 sièges sur 120, soit près de 75% de l'hémicycle.
Une opposition en lambeaux
Le contexte actuel semble encore plus favorable pour Pastef. Selon Jeune Afrique, l'opposition se présente dans un état de grande fragilité : "reconfigurée", "morcelée" et "littéralement asphyxiée". Les chiffres de la présidentielle sont parlants : 17 candidats sur 19 n'ont totalisé que 9,93% des suffrages.
L'ancien camp présidentiel lui-même est en pleine recomposition. Le média panafricain note que "le parti de Macky Sall a troqué in extremis, à deux mois et demi du scrutin, son alliance durable avec les partis de la gauche sénégalaise contre une nouvelle avec ses anciens 'frères' libéraux."
Les défis de l'après-victoire
Malgré ces conditions favorables, des nuages pointent à l'horizon. Le magazine souligne que les électeurs de Pastef sont "frustrés de n'avoir pas encore vu le mythique 'Projet' brandi par le tandem patriote – aujourd'hui décliné sous forme de 'Vision 2050' – traduit en actes."
Plus inquiétant encore, le style de gouvernance d'Ousmane Sonko, "volontiers provocateur voire belliqueux" selon l'analyse, pourrait éroder sa popularité d'ancien opposant.
L'horizon 2027
Le véritable test pour Pastef pourrait survenir début 2027, avec les élections locales qui "marqueront la première véritable sanction de la gouvernance patriote", selon Jeune Afrique. D'ici là, une victoire aux législatives, qui pourrait aller jusqu'à "la majorité qualifiée des 3/5e" permettant de modifier la Constitution sans référendum, semble à portée de main.
Seul précédent qui pourrait tempérer cet optimisme : en juillet 2022, Macky Sall avait failli expérimenter une cohabitation inédite, passant à "deux sièges" d'une situation politique jamais vue dans l'histoire du pays.
LA CASAMANCE, CETTE HISTOIRE QUE LE SÉNÉGAL PEINE À REGARDER EN FACE
Dans un pays où 85% des citoyens ignorent la date du début du conflit, la publication d'une étude historique soulève des vagues. Entre tabou politique et amnésie collective, le plus vieux conflit d'Afrique peine à trouver sa place dans les mémoires
(SenePlus) - L'annonce par le Premier ministre Ousmane Sonko de l'interdiction d'un ouvrage historique sur la Casamance ravive un malaise profond au Sénégal. Selon une enquête de Jeune Afrique (JA), cette décision révèle la difficulté persistante du pays à aborder sereinement l'histoire de cette région.
"Nous sommes un État unitaire, du nord au sud, de l'est à l'ouest. Nous ne voulons pas d'autonomie", a martelé Ousmane Sonko lors d'un meeting électoral à Ziguinchor le 1er novembre. Dans sa ligne de mire : l'ouvrage "L'Idée de la Casamance autonome" de l'historienne française Séverine Awenengo Dalberto.
La polémique autour de ce livre, que le Premier ministre accuse de participer à un "projet de déstabilisation", met en lumière un paradoxe saisissant : ce sont d'abord les opposants au pouvoir qui ont soulevé la controverse, l'APR de Macky Sall dénonçant le "mutisme" des autorités face à sa présentation prévue à Dakar.
Le grand vide historiographique
Une étude révélatrice du laboratoire Laspad de l'université Gaston-Berger, citée par Jeune Afrique, expose l'ampleur du problème : seuls 25,6% de la production scientifique sur la Casamance est sénégalaise. Plus troublant encore, 85% des Sénégalais ignorent la date exacte du début du conflit, et 65% ne savent pas ce que signifie le sigle MFDC.
"L'histoire de ce conflit n'est enseignée ni au primaire ni au secondaire, et à l'université encore moins, ce qui est non seulement surprenant mais troublant", soulignent les chercheurs Mame Penda Ba et Rachid Id Yassine dans leur étude.
La tension est palpable lorsqu'il s'agit d'évoquer le sujet. "Si l'initiative venait d'un Sénégalais, cela pourrait aller. Mais ce n'est pas aux Français de venir nous parler de la Casamance", confie à Jeune Afrique un proche du Premier ministre, seul membre du parti au pouvoir ayant accepté de s'exprimer sur la question.
Pour l'historien Nouha Cissé, cité par le magazine, le "déficit de production" sur l'histoire de la région n'est "pas forcément imputable à l'État". Il pointe la responsabilité des Casamançais eux-mêmes : "On se plaint d'une situation dont on est responsable, parce qu'on ne s'est pas intéressé à notre propre histoire."
Les enjeux politiques actuels
À la veille des législatives anticipées du 17 novembre, la position d'Ousmane Sonko prend une dimension particulière. "Je comprends Ousmane Sonko. Après des années à se faire taxer de rebelle, à être accusé d'avoir des accointances avec le MFDC, ce livre était du pain béni pour se démarquer de la rébellion", analyse un acteur politique de Ziguinchor cité par Jeune Afrique.
La question qui se pose désormais est celle de la réconciliation avec l'histoire. Comme le souligne JA, le défi pour le Premier ministre sera de réussir à apaiser la Casamance, cette "plus belle perle du collier Sénégal" selon l'expression d'Abdou Diouf, tout en permettant un débat serein sur son histoire.
LE COMMERCE "ÉQUITABLE" QUI ABANDONNE SES BRODEUSES SÉNÉGALAISES
Derrière la façade glamour de la Compagnie du Sénégal et de l'Afrique de l'Ouest, une réalité sombre se dessine : des dizaines de femmes ont travaillé pendant des années sans contrat, payées une misère pour des produits revendus à prix d'or à Paris
(SenePlus) - Des coussins brodés d'amour vendus dans le Marais parisien aux partenariats prestigieux avec les plus grandes marques de luxe, la Compagnie du Sénégal et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO) semblait incarner le rêve d'un commerce équitable réussi entre la France et le Sénégal. Mais une rcente enquête de Mediapart vient briser cette belle image.
La CSAO, créée en 1995 par Valérie Schlumberger, s'est forgé une réputation d'entreprise éthique exemplaire. En 2020, comme le rappelle Mediapart, le magazine M du Monde vantait sa "fibre solidaire" et la qualifiait de "pionnière française en matière de commerce éthique et équitable". L'entreprise a su cultiver cette image, notamment grâce à la participation de l'actrice Léa Seydoux - fille de la fondatrice - dans ses campagnes publicitaires, et à des coups d'éclat comme les coussins brodés "Emmanuel" et "Brigitte" offerts au couple présidentiel en 2018.
Pourtant, la réalité vécue par les brodeuses sénégalaises était bien différente. "Cela faisait plus de dix ans que je travaillais à l'atelier de Gorée, j'ai même été cheffe, mais je n'ai jamais eu de contrat", confie Sokhna à Mediapart. Cette absence de contrat de travail concernait l'ensemble des dizaines de brodeuses employées au fil des années.
Des conditions de travail éprouvantes
Les témoignages recueillis par le site français d'investigation dépeignent un tableau peu reluisant des conditions de travail. "On avait mal au dos, aux jambes, on passait la journée assises sur une chaise en bois, mais on ne pouvait rien dire, car on voulait gagner notre petit quelque chose", explique Aya, une ancienne brodeuse.
La situation s'aggravait lors des visites d'Ondine Saglio, directrice artistique et fille de la fondatrice. "Elle nous faisait parfois travailler beaucoup plus, elle nous suppliait même de venir le week-end pour qu'elle puisse repartir avec un maximum de produits", révèle Sokhna. Sans congés payés ni protection sociale, les travailleuses ne bénéficiaient d'aucun des droits prévus par le Code du travail sénégalais, y compris le congé maternité.
Le système de rémunération révèle un déséquilibre flagrant. Les brodeuses recevaient environ 5 euros par coussin, alors que ces mêmes pièces étaient vendues jusqu'à 90 euros dans la boutique parisienne de la CSAO. Comme le calcule amèrement Sokhna : "Il suffisait qu'ils vendent deux ou trois coussins pour obtenir mon salaire par mois, alors que je pouvais produire jusqu'à quatre cents coussins par mois."
Face à ces accusations, Valérie Schlumberger, interrogée par Mediapart, se retranche derrière un argument juridique : "La CSAO ne compte aucun salarié au Sénégal, car elle collabore avec des artisans et des structures locales indépendantes." Elle justifie les prix de vente par les coûts des matières premières, du transport et des taxes.
Une fermeture brutale aux conséquences dramatiques
En mars 2024, l'atelier de Gorée ferme brutalement ses portes. Initialement annoncée comme temporaire, cette fermeture s'avère définitive. Les conséquences sont catastrophiques pour les brodeuses. "Depuis la fermeture, je n'arrive qu'à payer mon loyer, mais je ne peux plus donner à manger à mon enfant ni payer le transport pour qu'il se rende à l'école", témoigne Sokhna.
La colère des anciennes travailleuses est palpable : "Valérie n'oserait pas faire ça en France, faire travailler des gens pendant dix ans sans contrat, et tout arrêter du jour au lendemain sans les dédommager." Sur des dizaines de brodeuses, une seule a obtenu un dédommagement, après des mois de négociations acharnées.
Cette affaire soulève des questions fondamentales sur la réalité du commerce équitable. Comment une entreprise peut-elle se revendiquer éthique tout en privant ses travailleuses des protections sociales les plus élémentaires ? Le cas de la CSAO illustre les limites d'un système qui, sous couvert de bonnes intentions, peut perpétuer des pratiques d'exploitation.
L'enquête de Mediapart met ainsi en lumière le fossé entre l'image vertueuse d'une entreprise "éthique" et la réalité vécue par les travailleuses qui ont contribué à son succès, rappelant l'importance d'une vigilance constante sur les pratiques réelles des entreprises se réclamant du commerce équitable.
par Babacar Mbow
LE SÉNÉGAL ET LA RESTITUTION
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand Bachir Diagne cite Amadou Makhtar Mbow pour suggérer une acceptation de l'exil des œuvres africaines, il fait un tour de passe-passe intellectuel troublant. Car la position de Mbow sur la question n'a jamais été équivoque
Il y a des esprits parmi les esprits ! Des esprits tellement sophistiqués qu'ils peuvent reconfigurer la pensée radicale en une pensée conformiste.
Ces esprits, dans leur rayonnement, leur éclat, peuvent nous amener à adopter l’ivrai pour le vrai, et le fallacieux pour le substantiel. Cependant, nul ne collera cette épithèque au Professeur Bachir Diagne, Hasbounallah ! Cependant !
Les récentes déclarations du Professeur Diagne citant Amadou Makhtar Mbow : « Ces peuples [les peuples africains] savent bien que la destination de l’art est universelle […] Ils sont conscients que cet art qui parle de leur histoire, de leur vérité, ne s’adresse pas seulement à eux […], qu’ils se réjouissent que d’autres hommes et d’autres femmes ailleurs aient pu étudier et admirer l’œuvre de leurs ancêtres… », dans « Objets africains « mutants »et la question de la restitution », Musée d’Ethnographie de Genève, 3 mai 2024 (https://www.meg.ch/en/expositions/remembering). Hic ! Et, « … à la fin des années 1970, [Mbow] a lancé un fervent plaidoyer en faveur de la restitution du patrimoine des anciennes colonies, tout en reconnaissant que ce patrimoine avait pris racine dans sa terre d’emprunt. » Restitutions d’œuvres : « Les objets d’Afrique sont chez eux au Louvre », 13/10/2024 (http ://www.la-croix.com/culture/restitutions-d-œuvres-les-objets-venus-d’Afrique-sont-chez-eux-au-Louvre-20241013). Ces déclarations appellent une clarification pour restituer Mbow dans le discours de la restitution.
Dans les déclarations ci-dessus, « l'esprit non sophistiqué » peut percevoir Mbow comme un accommodant aux positions suprématistes occidentales sur la restitution. Il y a donc lieu de clarifier les choses, surtout après la conférence inaugurale de Mbow au département des Études de l’Afrique du Nouveau Monde de l’Université internationale de la Floride de Miami en 2015, qui est peut-être sa dernière déclaration publique sur le sujet. Mbow est venu à Miami accompagné de sa fille, la Dr. Marie Amie Mbow. Par ces moyens, nous nous éloignons de toute controverse ou querelle pour restituer Mbow dans les débats.
La Dr. Joan Cartwright de l’Université Southeastern de Nova, lors des questions et réponses qui ont suivi la conférence de Mbow, demanda : « Il y a eu des cas où vous avez semblé atténuer votre demande de restitution des objets africains volés. Pouvez-vous clarifier votre position pour la Diaspora africaine » ?
La réponse de Mbow, qui reflétait exactement sa déclaration de 1989 à la résidence du Professeur John Henry Clark à Harlem, New York, visite organisée par Seydina Senghor, est claire et précise : « Le retour des objets africains est fondamental pour que l’Afrique se reconnecte à son passé dans la construction de son avenir. » Mbow a réitéré ce message de reconnexion pendant la semaine de son séjour à Miami aux flux de visiteurs haïtiens et afro-américains dans mon arrière-cour.
Là encore, l’esprit sophistiqué a des manières de sublimer les faits pour servir les intérêts d’un agenda. Loin de moi l’idée de coller cette caractéristique au Professseur Diagne. Mais comment les jeunes intellectuels doivent-ils comprendre ses prédilections à brouiller la clarté de ces intellectuels noirs ? Prédilections qui semblent émerger de « l’antre des alchimistes », à travers lequel nous sommes désormais appelés à faire abstraction des pensées et des pratiques intellectuelles radicales noires ?
L’émergence de discours qui semblent reterritorialiser l’Afrique dans les entrailles de la suprématie occidentale devient un fardeau très lourd à porter. Ainsi, dans un article sur SenePlus paru le 7 mai 2024, Amadou Lamine Sall appelle à la privatisation de la Biennale de Dakar à travers une « Fondation Art Mécénat International ».
Sall cite Jean Loup Pivin : « … La survie de la Biennale ne viendra que dans son externalisation vers une structure tierce […] avec un État qui [doit] cesser de faire semblant de savoir le faire… » Le Sénégal ne capitalise pas sur cet engouement formidable, mais, au contraire, le détruit. Sa gestion étatique remet en cause sa crédibilité et interdit toute autre forme de financement. » Mon Dieu ! Jean Loup Pivin est désormais le bwana en matière de souveraineté culturelle africaine que la biennale de Dakar est appelée à incarner. On en a la nausée !
J’ai entendu exactement les mêmes arguments de la part d’autres Sénégalais à la Foire 154 de Marrakech, au Maroc, l’année dernière. Que des Sénégalais puissent s'asseoir autour d'une table avec des Français engagés dans la démolition de la République, et que tout ce qu'ils puissent dire, soit « Ça fait mal, mais c'est la vérité », était si méprisable que nous avons décidé de ne plus rejoindre leur soi-disant « groupe multiculturel » à Marrakech.
Le paradoxe est que lorsque le gouvernement néocolonial de Macky Sall tuait et mutilait la jeunesse sénégalaise, lorsque la dissidence était réprimée par l'emprisonnement, et que la corruption rampante gangrenait à la fois l'État et les organismes sociaux, ces « voix de leur maître » étaient silencieuses, incapables de comprendre la possibilité d'une « Afrotopia ».
Replaçons Mbow dans son contexte discursif afin que l’on ne méprenne pas la carte pour le territoire. Les formations raciales sont un phénomène esthétique et les pratiques esthétiques sont des structures racialisées. « Les Africains se réjouissent que d’autres hommes et femmes étudient et admirent l’œuvre de leur ancêtre ?» Ainsi, tenter de séparer l’esthétique de la politique revient à méconnaître les conditions mutuelles qui soutiennent les pratiques de représentation. La vivacité et l’esthétique de l’être est l’esthétique comme forme de vie, l’esthétique comme schéma pour considérer la vivacité du phénomène et le phénomène de vivacité, la qualité de la lumière par laquelle nous scrutons nos vies. En alliant l’esthétique à la vivacité, comme dans « culture et développement » le thème de la lecture inaugurale de 2015, Mbow nous invitait à nous tourner vers les capacités d’animation évidentes dans l’objet d’art pour un appel à une politique antiraciste qui va au-delà de la dialectique réactive et des stratégies de représentation des tenants d’une universalité occidentale vers autre chose, expérimentant la durée, la sensation, la résonance et l’affect – un engagement envers la sensibilité africaine. Aucun peuple ne peut se réjouir qu’un autre lui dérobe ses potentialités.
Que la jeunesse sénégalaise sache que l’efficacité d’un peuple oppressé dans le combat intellectuel, soit en tant que diffuseur ou en tant que récepteur dans les systèmes influencés par cette hiérarchie épistémologique, dépend de sa compréhension de l’obsolescence de toute contestation de la nature de la vérité au profit de la contestation du contrôle de la vérité. Parce qu’en fin de compte, « nul autre que nous-mêmes ne pourra libérer notre esprit ». Laissons Mbow transiter vers les ancêtres ! Les morts sont muets.
Babacar Mbow est Directeur exécutif du Consortium des Études Africana de la Floride, Miami.