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29 avril 2025
Diaspora
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L'EXÉCUTIF AJUSTE SES POSITIONS
L'ancien député Abass Fall est nommé ministre du Travail, tandis que Yankhoba Diémé hérite du portefeuille des Transports. Cette nouvelle configuration préserve la stabilité d'un gouvernement toujours sous la conduite du Premier ministre Ousmane Sonko
Le président de la République a procédé à un réaménagement du gouvernement consistant à nommer l’ancien député Abass Fall ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les institutions, en remplacement de Yankhoba Diémé, lequel va s’occuper désormais des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens.
M. Diémé remplace Malick Ndiaye, qui été élu président de l’Assemblée nationale, lundi.
Voici la liste des membres du nouveau gouvernement :
monsieur Ousmane Sonko, Premier ministre ;
monsieur Ahmadou Al Aminou Lo, ministre, secrétaire général du gouvernement ;
madame Yassine Fall, ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères ;
Général Birame Diop, ministre des Forces armées ;
monsieur Ousmane Diagne, ministre de la Justice, Garde des Sceaux ;
Général Jean Baptiste Tine, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique ;
monsieur Birame Souleye Diop, ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines ;
monsieur Abdourahmane Sarr, ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération ;
monsieur Cheikh Diba, ministre des Finances et du Budget ;
monsieur Yankhoba Diémé, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens ;
monsieur Daouda Ngom, ministre de l’Environnement et de la Transition écologique ;
monsieur Amadou Moustapha Njekk Sarré, ministre de la Formation professionnelle (Porte-parole du Gouvernement) ;
monsieur Cheikh Tidiane Dièye, ministre de l‘Hydraulique et de l’Assainissement ;
monsieur Alioune Sall, ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique ;
monsieur Elhadj Abdourahmane Diouf, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ;
monsieur Serigne Guèye Diop, ministre de l’Industrie et du Commerce ;
madame Fatou Diouf, ministre des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires ;
madame Maïmouna Dièye, ministre de la Famille et des Solidarités ;
monsieur Abass Fall, ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les institutions ;
monsieur Balla Moussa Fofana, ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des territoires ;
monsieur Moustapha Mamba Guirassy, ministre de l’Éducation nationale ;
monsieur Ibrahima Sy, ministre de la Santé et de l’Action sociale ;
monsieur Olivier Boucal, ministre de la Fonction publique et de la Réforme du Service public ;
madame Khady Diène Gaye, ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture ;
monsieur Mabouba Diagne, ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage ;
monsieur Alioune Dione, ministre de la Microfinance, de l’Économie sociale et solidaire ;
monsieur Mountaga Diao, ministre du Tourisme et de l’Artisanat ;
monsieur Amadou Chérif Diouf, secrétaire d’État aux Sénégalais de l’extérieur ;
monsieur Ibrahima Thiam, secrétaire d’État au Développement des PME/PMI ;
monsieur Momath Talla Ndao, secrétaire d’État à l’Urbanisme et au Logement ;
monsieur Alpha Ba, secrétaire d’État aux Coopératives et à l’Encadrement paysan ;
monsieur Bacary Sarr, secrétaire d’État à la Culture, aux Industries créatives et au Patrimoine historique.
LE MONDE DÉNONCE L'AVEUGLEMENT FRANÇAIS EN AFRIQUE
Dans un éditorial cinglant, le journal souligne l'inadéquation de la réponse française face aux évolutions du continent, critiquant notamment la nomination tardive d'un envoyé spécial dont le rapport vient d'être rendu caduc
(SenePlus) - La France vient d'essuyer un double revers diplomatique majeur en Afrique, révélateur des limites de sa stratégie sur le continent. Comme le rappelle l'éditorial du Monde du 2 décembre 2024, le Tchad et le Sénégal ont simultanément signifié leur volonté de mettre fin à la présence militaire française sur leur territoire, marquant ainsi un tournant historique dans les relations franco-africaines.
D'après le quotidien français, la coïncidence des annonces est particulièrement significative. Le Tchad a rompu son accord de défense avec la France le 28 novembre, tandis que le Sénégal exprimait sa volonté de voir partir les militaires français. Le Monde souligne que les deux pays invoquent des motivations similaires, citant notamment les autorités tchadiennes qui souhaitent "affirmer leur souveraineté pleine et entière", faisant écho aux propos du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui s'interroge : "Pourquoi faudrait-il des soldats français au Sénégal ? Cela ne correspond pas à notre conception de la souveraineté et de l'indépendance."
L'éditorial du Monde pointe particulièrement les défaillances de la stratégie française. Le journal met en cause "la politique de petits pas peu lisible d'Emmanuel Macron" et son incapacité à "tirer les enseignements de cette mondialisation du continent." Le quotidien du soir souligne que la France "s'est trop longtemps sentie 'chez elle'" dans ses anciennes colonies, négligeant l'émergence de nouvelles influences, qu'elles soient "américaine, russe, chinoise, turque, saoudienne ou israélienne."
La critique du Monde envers l'exécutif français est particulièrement sévère concernant sa gestion récente de la situation. Le journal relève que plutôt que d'opter pour "la perspective claire de retrait négocié qu'impose la situation", le président Macron a choisi de "gagner du temps" en nommant un envoyé personnel, Jean-Marie Bockel, dont le rapport, qualifié de confidentiel, vient d'être "largement balayé par les décisions de Dakar et de N'Djamena."
Le quotidien conclut son analyse en formulant un avertissement clair : l'exécutif français doit désormais "gagner en clairvoyance, en clarté et en cohérence", sous peine de continuer à avoir "un temps de retard sur les réalités africaines" et de voir son influence décliner au profit des nouveaux acteurs qualifiés de "prédateurs du continent."
Ce double revers diplomatique apparaît d'autant plus significatif qu'il concerne deux pays aux profils très différents : le Tchad, décrit par Le Monde comme "un régime militaire autoritaire", et le Sénégal, présenté comme "une démocratie dirigée par un duo panafricaniste 'antisystème'." Cette convergence, malgré des modes de gouvernement distincts, souligne l'ampleur du défi auquel la France doit désormais faire face dans sa politique africaine.
LE SOUDAN POUSSE LE TCHAD À LARGUER PARIS
La rupture des accords militaires entre le Tchad et la France masque des tensions autour de la guerre au Soudan. Les autorités françaises, qui pressaient N'Djamena d'adopter une position neutre dans ce conflit, se sont heurtées au refus de Déby
(SenePlus) - La rupture des accords de coopération militaire entre le Tchad et la France, annoncée le 28 novembre, révèle des tensions diplomatiques profondes, principalement cristallisées autour de la guerre au Soudan. Selon Jeune Afrique (JA), cette décision a pris Paris totalement de court, intervenant quelques heures seulement après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à N'Djamena.
D'après les informations rapportées par le média panafricain, cette rupture trouve son origine dans des désaccords concernant la position tchadienne vis-à-vis du conflit soudanais. Une première friction serait apparue lors d'une rencontre à Paris début octobre entre les présidents Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby Itno. Le chef d'État français aurait alors évoqué "le rôle des Émirats arabes unis dans ce conflit", ces derniers étant "accusés de soutenir Mahamat Hamdan Dagalo, dit Hemetti, notamment via des livraisons d'armes passant par le Tchad", précise JA.
La situation s'est particulièrement tendue lors de la visite de Jean-Noël Barrot au Tchad. Selon le journal, l'échange entre le ministre français et le président tchadien a été "houleux", notamment lorsque le premier a réitéré "l'appel d'Emmanuel Macron pour une neutralité tchadienne dans la guerre au Soudan". Le lendemain, lors de sa visite à Adré, à la frontière soudanaise, le ministre français dénonçait "la main invisible de certaines grandes puissances" dans le conflit soudanais, une référence à peine voilée à la Russie et aux Émirats arabes unis.
L'enjeu soudanais apparaît d'autant plus crucial que, comme le souligne Jeune Afrique, "plusieurs milliers de combattants tchadiens, entre autres menés par l'opposant à Mahamat Idriss Déby Itno, Ousmane Dillo Djerou, combattent aujourd'hui aux côtés de l'armée soudanaise d'Abdel Fattah al-Burhan contre les hommes du général Hemetti".
Cette rupture intervient dans un contexte de rapprochement entre N'Djamena et Abou Dhabi. Jeune Afrique révèle qu'après sa rencontre tendue avec Emmanuel Macron, le président tchadien s'est rendu aux Émirats arabes unis, où une aide de "300 milliards de francs CFA" lui a été octroyée par le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement.
Un ancien conseiller du président tchadien, cité par le journal, analyse cette décision comme "un message" double : "Il dit aux Français que le Tchad n'a pas à être sermonné en ce qui concerne le Soudan. Et il dit aux Tchadiens, à quelques semaines des législatives, qu'il est capable de taper du poing sur la table". Toutefois, cette même source précise que cette rupture pourrait davantage viser à renégocier les accords "pour qu'ils correspondent davantage aux intérêts tchadiens" plutôt qu'à expulser les forces françaises.
Face à cette situation, le Quai d'Orsay s'est pour l'instant contenté de "prendre acte de la décision tchadienne", conclut Jeune Afrique.
Par Mansour SECK
THIAROYE 44 : CE QUE J'EN SAIS
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En effet, à la fin de mon séjour dans un camp de vacances à Innsbruck, en Autriche, le propriétaire, d’un certain âge, n’a pas voulu que je paie la facture. Il m’a expliqué qu’il a été prisonnier des Allemands avec les Tirailleurs Sénégalais. IL a loué leur courage et leur gentillesse.
J’ai également visité, à cette période, les villes de Toulon et de Fréjus, où une mosquée et un Tata (Case Africaine, cimetière) témoignent de la participation importante des Tirailleurs Sénégalais à la libération de la Provence. D’ailleurs, un Sénégalais a été maire de Fréjus.
En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye, le 1er décembre 1944. J’ai aussi reçu l’information dramatique du massacre en juillet 40 par les Allemands, de près de 200 Tirailleurs Sénégalais, dont 58 à la mitrailleuse et au char, appartenant au 25ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais à Chasselay près de Lyon. En ce qui concerne Thiaroye, j’ai consulté une dizaine de livres parlant des Tirailleurs Sénégalais, en particulier, « l’Epopée des Tirailleurs Sénégalais » par Eugène Jean Duval, Contrôleur Général des Armées, «Thiaroye 1944» de Martin Mourre et «Crimes et Réparations» de Bouda Etemad.
Le Professeur Buuba DIOP et Monsieur Mamadou KONE, historiens, m’ont aidé dans mes recherches.
Ce qui me parait le plus important à savoir dans le massacre de Thiaroye, c’est le rapport du Colonel Carbillet, Commandant de l’opération du 1er décembre 1944.
Dans l’épopée des Tirailleurs, l’auteur signale qu’il n’y a pas eu de compte- rendu émanant des Tirailleurs, ce qui démontre que les informations sont unilatérales et sans contradiction.
Après l’opération, le service de santé militaire rapporte qu’il y a eu 24 morts sur place, 47 blessées et 48 survivants qui ont été condamnés par le tribunal militaire à des peines allant de 1 à 10 ans de prison pour mutinerie. Certaines sources parlent de 70 à 300 tués
Une autre information importante qui démontre que ces anciens militaires étaient désarmés, c’est la liste des armes trouvées sur place après la fouille : « de nombreux couteaux et baïonnettes, des grenades F1, un revolver 1892, des coupecoupes, etc. » Ce qui démontre que ces anciens prisonniers appelés «mutins»étaient désarmés car démobilisés. En effet, la dotation classique d’une unité militaire en armement se compose de fusils, de mitrailleuses, etc., et non de couteaux.
Une autre anomalie : Je n’ai pas trouvé les deux tableaux d’effectifs nominatifs avec numéros de matricules avant et après l’opération. Ces tableaux devaient figurer parmi les documents importants traitant de cet évènement.
La juriste Professeur Amsatou Sow Sidibé pose la question de « la qualification des faits de Thiaroye 44 ». Julien Fargettas, Armelle Mabon et Martin Mourre ont traité la sémantique entre tragédie, massacre et crime de masse. Ils ont choisi le terme « massacre ».
Pour parler de la cause de cet évènement, il faut remonter à quelques mois avant l’arrivée des Tirailleurs à Dakar. En effet, après 4 années d’emprisonnement dans les fronstalags allemands sans être payés, ils ont exprimé leur mécontentement à Morlaix, Hyères, Agen, Sète, Mont Marsan, Versailles, etc. D’ailleurs ils étaient nombreux à ne pas vouloir embarquer dans le bateau anglais Circassia pour rentrer en Afrique avant d’être payés.
En effet, la Circulaire 2080 du Ministère de la Guerre précisait « que la solde de captivité des anciens prisonniers de guerre devait être entièrement liquidée avant le départ de la métropole ». Ce qui n’a pas été le cas et qui explique leur mécontentement.
Donc dire que la propagande allemande sur les anciens prisonniers était la cause de leur révolte ne peut pas être retenue. Il faut aussi préciser que le comportement des Tirailleurs Sénégalais vis-à-vis de la « supériorité du blanc » avait changé. Au combat, ils ont vu que les balles allemandes ne faisaient pas la différence entre le blanc et le noir, que les blancs, comme eux, sont des êtres humains qui pouvaient avoir peur et pleurer dans la souffrance. Certains tirailleurs ont même pu marier des Françaises. D’ailleurs, le Professeur Iba Der THIAM a parlé de changement de mentalité des Tirailleurs Sénégalais après la guerre. Ils n’avaient plus le complexe du Blanc.
Dire que les « mutins » ont ouvert le feu les premiers ne peut être qu’une contre-vérité. En effet, entre 6 heures et 7 heures du matin au début de l’opération, ils sortaient tout juste du lit et certains ont même cru que les tirs étaient des cartouches à blanc, jusqu’au moment où ils ont vu leurs camarades tomber. Je n’ai trouvé aucun rapport officiel donnant des informations sur la sépulture des morts. Pourtant, l’Inspecteur Mérat soutient que ce drame de Thiaroye n’est « la faute de personne ». Cependant, en 2014, Le Président Hollande a parlé « de la répression sanglante de Thiaroye » et a reconnu « le non versement de leurs arriérés de solde et d’indemnités, faute fonds suffisants.»
Auparavant, le Président Mitterrand avait, lors d’une visite au Sénégal, parlé d’une « dette de sang » vis-à-vis des tirailleurs. Il faut aussi préciser que les soldes payées aux ex-prisonniers étaient très inférieures à celles payées aux métropolitains. C’est l’équivalent de 230 euros aux Tirailleurs et 690 euros aux métropolitains. En plus, le Président De Gaulle a «cristallisé » ces indemnités en 1959. C’est-à-dire qu’il les a bloquées à cette date, sans tenir compte de l’inflation. Un séjour en France leur était imposé.
A l’occasion de la tragédie de Thiaroye, le Président Senghor, ancien combattant de la 2eme Guerre Mondiale, ancien prisonnier du 3e régiment d’Infanterie Coloniale au frontstalag 230 de Poitiers, académicien français, dont l’attachement à la France est indiscutable, a dit qu’il ne reconnaissait pas la France, patrie des droits de l’homme dans cet évènement.
Pourtant les présidents De Gaulle et Mitterrand ont reconnu que sans la colonisation la France ne serait pas une grande nation. Bouda Etemad, dans « Crimes et Réparations », pose la question suivante : « Pourquoi choisit-on de préférence la Traite Négrière, l’Esclavage ou l’extermination des populations indigènes dans le cadre de la décolonisation à d’autres «crimes», lorsque l’on fait valoir que l’écoulement du temps n’efface pas les responsabilités de ceux qui, dans un passé souvent lointain, ont commis de tels actes ? »
Le réveil des consciences des Tirailleurs Sénégalais décomplexés sur le fait qu’ils étaient égaux des Blancs après leur douloureuse expérience partagée avec eux, peut-être la graine qu’ils ont semée pour que les Africains aspirent à l’indépendance obtenue dans les années 1960.
Il faut reconnaitre que l’impact de la participation des Tirailleurs Sénégalais aux deux Guerres mondiales n’est pas oublié partout en France. En effet, chaque année, les habitants de la ville de Lectoure, dans le Gers, honorent les 73 Tirailleurs appartenant au 84ème Bataillon des Tirailleurs Sénégalais enterrés sur place pendant la Grande Guerre. De même, à Chasselay, les habitants organisent régulièrement une cérémonie honorant la mémoire des Tirailleurs Sénégalais tués en juin 1940 par la Division SS Totenkopf et le régiment Grossdeutschland. Un cimetière Tata y a été également construit en leur mémoire.
Chaque année, le D-Day du 6 juin 1944, date du début de la libération de la Normandie par des troupes alliées commandées par les Américains, est célébré en grande pompe, en 2024, c’est en présence de 25 chefs d’Etat et de gouvernements, dont aucun Africain. C’est comme si on oublie que le Sud de la France a été libéré, en grande partie, par les soldats africains »
NB : J’ai commencé cette recherche bien avant d’apprendre qu’une commission de remémoration présidée par le Professeur Mamadou Diouf a est installée. Je suis sûr que leur travail sera plus complet que le mien.
*Le titre est de la rédaction **
Par Henriette NIANG KANDÉ
SOUS LE SIGNE DU BAOBAB ET DU LION
Une prière à ces députés : que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! ». Épargnons-nous ces spectacles d'acteurs s'affrontant sur un texte mal préparé
Aujourd’hui 2 décembre 2024, sous les armoiries de la République, le lion et le baobab, prendront place 165 femmes et hommes, portant l’écharpe tricolore, posée sur le haut de l’épaule droite et nouée sur la hanche gauche. Ce n’est pas trop de le dire. Y en a qui la mettront à l’envers, c’est certain. Ce qui ne présage rien de bon.
Le baobab, ce colosse si sûr de lui ! Cet arbre majestueux, emblème de l'Afrique et star incontestée des documentaires animaliers. Avec son tronc gonflé comme s'il s'était offert un abonnement illimité dans une dibiterie, le baobab en impose.
Mais derrière son allure de géant sage et immuable, il cache une sacrée personnalité. D’abord, parlons de sa silhouette. Le baobab donne l'impression qu'il a été planté à l'envers par un jardinier un peu distrait. Dénudées, ses branches ressemblent à des racines. Comme si la nature avait confondu le haut et le bas. Mais loin de s'en offusquer, il en a fait sa marque de fabrique. "Moi, je fais les choses différemment", semble-t-il clamer en se pavanant dans la savane. La modestie ? Pas son fort.
Mais ne vous laissez pas duper par son air placide. Sous ses airs d'arbre philosophe se cache une véritable diva. Le baobab vit en moyenne 1000 ans, et certains spécimens atteignent les 2000 ans. Il se vante donc volontiers d'avoir vu passer des générations entières, en semblant dire : "Moi, je prends mon temps, et regardez où ça m'a mené".
Et côté mode, il n'est pas en reste. En saison sèche, il se débarrasse de ses feuilles, affirmant que "le minimalisme, c'est chic". En saison des pluies, il revient en force avec une touffe verte luxuriante, comme s'il avait réservé le coiffeur le plus exclusif de la savane. Le baobab, c'est un peu l'arbre influenceur qui lance les tendances sans en avoir l’air.
Mais attention à ne pas le flatter trop vite : son fruit, le pain de singe, est un concentré de vitamines. Et bien sûr, il en est très fier. Il n'hésite pas à se moquer des autres arbres, détectés : "Moi, je nourris les humains et les animaux. Toi, le manguier, tu fais quoi à part attirer la mouche blanche ?"
Bref, le baobab, c'est l'arbre qui a tout vu, tout vécu et qui, à chaque rafale de vent, semble murmurer : "Je suis la star ici, ne l'oublie pas." Et franchement, avec un ego pareil, on comprend pourquoi il est encore debout après tout ce temps.
Quid du « lion rouge [qui] a rugi, le dompteur de la brousse ? », c'est-à-dire un désert géant avec trois buissons et un arbre solitaire. Pourquoi ? Parce qu'il aime se poser sur une colline en mode « surveillant général ». Pas de forêt touffue pour monsieur : il veut que son public le voit. Et que font les lionnes pendant ce temps ? Elles sont occupées à leur rôle : subvenir aux besoins de la troupe en chassant des proies pour les membres qui la composent.
Star des documentaires animaliers, le lion est un symbole universel de force, de noblesse et de virilité. Avec sa crinière imposante qui ferait trembler un hémicycle, il est considéré comme le roi incontesté de la savane, bien que ce sont les lionnes qui chassent, traquent, courent, bondissent, tuent et ramènent la pitance, élevant l’expression « gérer la logique familiale » à un tout autre niveau. Le lion a un talent unique : il sait très bien rugir. Un rugissement qui s'entend à huit kilomètres, parfait pour faire peur aux hyènes, impressionner ses potes et réveiller tout le quartier à 4h du matin. Ce son terrifiant équivalent d’un mégaphone branché sur un ampli à fond, dont le lion se sert pour éviter un rival ou rassurer ses troupes. Imaginez-le crier « c'est mon territoire » à pleins poumons. Dans la brousse, c’est tout à fait normal. Là-bas, on ne tweet pas. On rugit. Mais soyons honnêtes : en dehors de sa carrière de chanteur à la voix rauque, quand il chasse (rarement), c'est plutôt en mode « pas de stress ». Sauf quand il sent que l’harmattan, ce vent de la savane, très chaud le jour, plus frais la nuit et toujours chargé de poussière, souffle dans la broussaille et que le risque d’une remise en question existentielle est présent. Parce que, s’il est délogé, le rival ne se gênerait pas pour effacer toute trace de la lignée précédente, petits lionceaux compris. Être roi, ce n'est pas qu'une question de crinière, mais de muscles et de charisme. Faut savoir tenir son rang !
Mais voilà que le Pastef, majoritaire de cette 15ème législature, arrive à l’Assemblée nationale avec un léopard visible dans le creux du P du logo qui identifie ce parti. Dans le monde animal, il y a des duels légendaires : chat contre chien, poisson contre requin, hyène contre... charogne, et bien sûr, lion contre léopard. Plongeons dans ce débat. Le léopard, avec son allure incroyable, une agilité impressionnante (il se hisse pour protéger sa nourriture pour qu’elle soit inaccessible) et un pelage à faire pâlir un tapis iranien fait main, a refusé, de se faire passer pour un mannequin. Sa première tentative à des législatives a donné l’impression qu’il s’est infiltré dans une séance photo pour une marque de vêtement de luxe, se glissant sur le plateau parlementaire, se pavanant fièrement. Les premières images, ont attiré des followers. Finalement, il a trouvé sa vraie vocation : guide éclairé. Qui mieux qu’un guide peut emmener les touristes au plus près de la faune ? S’il y en a beaucoup qui l’adorent, certains paniquent quand il leur propose un "colléserré" et d’autres fuient en prenant leurs pattes à leur coup. Ce n’est pas une affaire de tâche. C’est une affaire de chasse.
Aujourd’hui donc, l’hémicycle, toujours aussi majestueux, avec ses dorures et son air de sérieux, accueillera les élus qui prendront place sur des sièges rouges. Le rouge, cette couleur flamboyante et insolente. Que ce soit pour symboliser la pas sion, le danger, ou une tomate trop mûre oubliée dans le fond du frigo, le rouge ne laisse personne indifférent. Pourtant, avez-vous déjà réfléchi à l’incroyable pression qu’endure cette couleur au quotidien ? N’est-il pas temps de lui rendre justice.
Prenons, par exemple, les feux de signalisation. Pourquoi est-ce au rouge qu’on a confié le rôle ingrat d’arrêter tout le monde ? Personne ne s’extasie devant un feu rouge. Non, au contraire, on soupire, on peste, on klaxonne (parce que klaxonner est une thérapie nationale). Pendant ce temps, le vert, tranquille, fait la fête : "Vas-y, c'est bon, fonce !" Et le jaune, lui, hésite, comme un ado qui ne sait pas s'il doit participer ou non à une soirée.
Le rouge est également la couleur des erreurs, des problèmes, des alertes. Un petit "X" rouge dans un document Word, et c’est la grande question : "Mais qu’est-ce que j’ai encore cassé ?" Mais il n’y a pas que dans le code de la route ou sur les écrans que le rouge se démarque. Parlons un peu de la mode. Une robe rouge, et hop, vous êtes la reine de la soirée. Mais attention, c’est un art de vivre, pas un hasard. La robe rouge incarne la confiance, l’assurance et un peu de désinvolture. Portée avec la posture d’une dinde enrhumée, le risque est de passer pour un panneau stop ambulant.
Et que dire du vin rouge ? Le seul qui peut à la fois être un élixir de convivialité et un grand criminel de chemises blanches. Un verre renversé et, tout d’un coup, vous avez une œuvre d’art abstrait sur votre poitrine.
Bref, le rouge, c’est tout un paradoxe. Une couleur qui crie "Attention !" tout en murmurant "Admire-moi". Alors, la prochaine fois que vous apercevrez un feu rouge, une tomate ou une chemise tachée, prenez une seconde pour apprécier cette teinte si mal-aimée mais si essentielle. Parce qu’après tout, sans le rouge, la vie manquerait sacrément de piquant… et de ketchup.
Une prière « quinquennale » adressée à ces députés. Merci de nous épargner ces spectacles où des acteurs chevronnés s’affrontent dans une pièce de théâtre dont le texte semble avoir été écrit à la dernière minute. Et où des députés, en pleine « joute verbale » (traduisez : chamailleries ou insanités de cour de récréation), rivalisent d'indignation feinte et de petites piques acides, houspillant un ministre perdu dans ses fiches ou un opposant qui lance des regards meurtriers, pendant que le public conquis donne de la voix ou couvre celle d’un autre du bord opposé.
Que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! », alors qu’un nouveau ou une nouvelle élu (e), dont personne ne convient au tempo, tente une intervention sérieuse, sous les ricanements de ceux qui étaient là avant, devant une majorité fanatique et une opposition qui hésite entre une position institutionnelle et une perspective fonctionnelle.
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THIAROYE : LA FIN D'UNE AMNÉSIE D'ÉTAT
Mamadou Diouf révèle l'ampleur d'une tragédie longtemps minimisée tant par Paris que par Dakar. L'historien appelle à "retourner l'événement à l'Afrique" en effaçant "la territorialisation coloniale" de cette mémoire
Le massacre de Thiaroye, longtemps relégué dans les limbes de l'histoire officielle sénégalaise, connaît un tournant décisif sous le nouveau régime. Lors du lancement des commémorations des 80 ans de la tragédie dimanche 1er décembre 2024, l'historien Mamadou Diouf, président du comité préparatoire, a relevé "le silence coupable et complice" des gouvernements précédents sur ce drame colonial.
Cette rupture, impulsée par le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousman Sonko, marque une volonté inédite de réappropriation de l'histoire nationale. Le choix du Professeur Diouf pour coordonner les cérémonies illustre cette détermination à porter un regard scientifique sur les événements du 1er décembre 1944.
À cette date, rappelle l'historien, entre 300 et 400 tirailleurs furent tués par l'armée française à Thiaroye. Ces anciens prisonniers de guerre, libérés des camps allemands, réclamaient simplement leurs droits : soldes impayées, indemnités et primes de démobilisation. La réponse coloniale fut brutale : 1200 soldats français encerclèrent le camp au petit matin, appuyés par des blindés.
Pendant que les régimes successifs du Sénégal indépendant se taisaient, la France tentait d'étouffer l'affaire. Les archives ont été manipulées, le bilan officiel minimisé à 35 morts, puis 70. Il a fallu attendre 2024 pour que François Hollande reconnaisse ce "massacre à la mitrailleuse", selon ses termes, suivi récemment par Emmanuel Macron dans une lettre au président sénégalais.
Le gouvernement actuel entend désormais faire de Thiaroye un symbole de la conscience panafricaine. Un vaste programme mémoriel a été lancé, mobilisant les institutions culturelles, les médias nationaux et les collectivités locales. Cette initiative, souligne le Professeur Diouf, vise à "retourner l'événement à l'Afrique" en effaçant "la territorialisation coloniale".
Cette commémoration marque ainsi un double mouvement : reconnaissance tardive par l'ancienne puissance coloniale et réappropriation assumée par le nouveau pouvoir sénégalais, rompant avec des décennies de silence institutionnel. Un tournant historique qui pourrait ouvrir la voie à d'autres relectures nécessaires de l'histoire nationale.
À DAKAR, UNE BIENNALE SOUS LE SIGNE DE L'ÉVEIL FÉMININ
De la doyenne de la peinture Anta Germaine Gaye à la lauréate du grand prix Agnès Brezephin, cinq artistes majeures incarnent ce renouveau créatif qui interroge l'héritage colonial et les défis contemporains
(SenePlus) - L'ancien palais de justice de Dakar accueille jusqu'au 7 décembre, la 15e édition de la Biennale d'art contemporain africain, placée sous le thème de "L'Éveil" et du "Xall wi" (le sillage, en wolof). Comme le rapporte Le Monde, cette manifestation d'envergure est, pour la première fois de son histoire, entièrement orchestrée par des femmes.
Le journal parisien détaille que cinquante-quatre artistes du continent, des diasporas et des espaces afrocaribéens investissent ce bâtiment brutaliste longtemps abandonné, transformé pour l'occasion en écrin de l'art contemporain. La salle des pas perdus, précise Le Monde, a été métamorphosée en jardin fantastique, symbolisant l'appel à un réveil collectif face aux défis écologiques et aux séquelles de la colonisation.
Parmi les figures marquantes de cette édition, Le Monde met en avant Anta Germaine Gaye, doyenne de la peinture moderne sénégalaise, qui présente ses œuvres de "suweer" (peinture sur et sous verre), une technique née de la résistance artistique à la colonisation. Le quotidien rapporte ses propos : "En 1911, le gouverneur général, William Ponty, avait interdit la chromolithographie venant du Maroc représentant des figures de saints", explique l'artiste au journal, "les peintres ont contourné l'interdit avec le verre et l'encre de Chine."
Dans son reportage, Le Monde s'attarde sur l'installation "Cotton Blues" de Laeila Iyabo Adjovi, lauréate du grand prix 2018, qui explore la mémoire du coton à travers des cyanotypes évoquant aussi bien "le blues des anciens esclaves des champs de coton américains que des cotonculteurs béninois aujourd'hui malmenés par une mondialisation ravageuse."
Le quotidien français présente également la Béninoise Moufouli Bello qui aborde avec humour la question des déchets électroniques dans sa vidéo "Window with a view", tandis qu'Agnès Brezephin remporte le grand prix de cette édition avec "Au fil de soi(e)", une œuvre poignante sur l'inceste. Le Monde cite l'artiste martiniquaise : "Je n'arrive pas à me dire qu'enfin on m'a entendue".
Le journal évoque par ailleurs l'artiste kényane Wangechi Mutu et son installation monumentale dans l'ancienne Cour suprême, questionnant l'héritage colonial et la justice à travers une déesse afrofuturiste entourée de symboles puissants.
THIERNO BIRAHIM GUÈYE, LE COMBATTANT POUR L’ÉCLATEMENT DE LA VÉRITÉ
Son engagement, nourri par son passé de parachutiste et son histoire familiale, révèle les dimensions politiques d'une tragédie trop souvent réduite à un conflit sur des arriérés de solde
Descendant de tirailleur, le président de la Fédération africaine des descendants des tirailleurs, n’économise ni son temps ni son argent pour que la vérité éclate sur le massacre de Thiaroye, en 1944. Après, dit-il, la France pour construire un avenir fondé sur la justice et la vérité.
Quand il évoque le massacre des tirailleurs sénégalais, le 1er décembre 1944, à Thiaroye, le visage s’illumine. Le sujet passionne Thierno Birahim Guèye, dit para. Il est le président de la fédération africaine des descendants des tirailleurs sénégalais ; une entité créée en 2020 en République de Guinée et fédérant les associations de dix-sept pays d’où sont originaires les tirailleurs sénégalais. « Nous devons faire la lumière sur ce drame et nous projeter dans un avenir basé sur la vérité », affirme-t-il. M Guèye est revenu de la France, le samedi 16 novembre, à la veille du scrutin des élections législatives. Il dit avoir reçu un bel accueil de maires français, notamment celui de Morlaix et de députés. Le président de la fédération africaine des descendants des tirailleurs sénégalais souligne, pour s’en réjouir, que l’édile de Morlaix a rendu, le vendredi 1er novembre, pour la première fois, un hommage aux tirailleurs sénégalais. « C’est une avancée dans notre combat pour la reconnaissance de cette tragédie », confie-t-il.
Thierno Birahim Guèye pense que la posture des autorités sénégalaises y est pour quelque chose. Les lignes sont en train de bouger aussi bien au Sénégal que dans l’hexagone. Dans les deux pays, plusieurs manifestations sont prévues dans la commémoration des 80 ans du massacre des tirailleurs sénégalais, en 1944, à Thiaroye.
Toutefois, il se veut clair, son association est apolitique. « Nous menons un combat pour la vérité sur cette histoire et une reconnaissance de cette tragédie par la France », insiste-t-il. Pour celui qui n’économise ni son temps ni son argent, il est important de conserver et de célébrer la mémoire des tirailleurs sénégalais dans les 17 États ayant participé à la libération de la France. « Leur histoire marquée par des actes de bravoure et de sacrifice doit être racontée et transmise aux jeunes générations pour honorer leur contribution inestimable », dit-il. Thierno Birahim Guèye sait les sacrifices de ces combattants. Il a servi sous les drapeaux durant des décennies jusqu’à sa retraite dans le bataillon des parachutistes logé au camp de Thiaroye où sont tombés et enterrés ces soldats. « Pour avoir été militaire et ayant servi dans des théâtres d’opérations, je mesure le calvaire que mon grand-père et ses camarades ont enduré », déclare-t-il.
La vérité sur ce drame tient à cœur cet ancien parachutiste. « Le massacre des tirailleurs sénégalais au camp de Thiaroye, le 1er décembre 1944 est un épisode tragique qui nécessite une reconnaissance et une compréhension approfondie. Nous appelons à la vérité pour honorer la mémoire de ceux qui ont perdu la vie », insiste-t-il, affirmant que ces tirailleurs ont été utilisés comme de la chair à canon. De plus, ils avaient vécu dans des conditions climatiques extrêmes, causant la perte de milliers d’entre eux.
Le président de la fédération africaine des descendants des tirailleurs sénégalais soutient, avec véhémence, que ce massacre n’est pas lié seulement à la réclamation par ces combattants du versement de leurs soldes de guerre. « La vérité est tout autre », soutient-il, ajoutant que la France les considérait comme des éléments subversifs qui, une fois rentrés dans leur pays respectif vont commencer à réclamer l’indépendance. « Les tirailleurs avaient acquis une nouvelle conscience et la France les soupçonnait qu’ils allaient être en première ligne dans les revendications pour l’indépendance de leurs États », dit M. Guèye. Pour illustrer son propos, il indique que les tirailleurs sénégalais étaient mieux traités par les Allemands que la France. « On ne garde pas ses amis », souffle-t-il, soulignant que les tensions étaient perceptibles déjà en France. « Quand les tirailleurs sénégalais devaient embarquer, certains avaient refusé », poursuit-il, pestant contre la décision prise en juin dernier par le Président français Emmanuel Macron de reconnaître que six tirailleurs sénégalais sont morts pour la France. « Cette décision a augmenté notre frustration parce que ces combattants ne représentent rien par rapport au nombre de morts », fulmine-t-il.
Une fois que la France aura reconnu sa responsabilité sur le massacre des tirailleurs sénégalais et les zones d’ombres levées, Thierno Birahim Guèye et ses pairs comptent demander réparation. Vaste chantier.
ANTA BABACAR NGOM, DÉPUTÉE NON-INSCRITE
La présidente d’Alternative pour la relève citoyenne refuse de rejoindre tout groupe constitué à l'Assemblée. Issue de la liste Sam Sa Kaddu, elle affirme vouloir exercer son mandat en toute indépendance, libre des contraintes partisanes
La députée Anta Babacar Ngom, élue de la liste de Sam Sa Kaddu (opposition), a fait part dimanche, de sa décision de ne pas intégrer un des groupes parlementaires en gestation dans la nouvelle Assemblée nationale, assurant vouloir siéger en tant que non-inscrite.
‘’Après mûre réflexion et la consultation attentive de vos avis au sein de nos panels, j’ai pris la décision de siéger à l’Assemblée nationale en tant que députée non inscrite’’, a indiqué la présidente d’Alternative pour la relève citoyenne (ARC) dans un message rendu public à la veille de l’installation de la nouvelle Assemblée nationale.
Anta Babacar Ngom élue sur la liste nationale de Sam Sa Kaddu aux élections législatives anticipées du 17 novembre dernier souligne que le choix de ne pas intégrer un groupe parlementaire reflète son ambition de ‘’porter une voix libérée des entraves partisanes.
‘’Malgré les sollicitations exprimées par les groupes parlementaires en gestation, ce choix, mû par la conscience de nos valeurs, reflète notre ambition de porter une voix libérée des entraves partisanes, une voix exclusivement dédiée au peuple’’, a-t-elle notamment assuré.
Elle fait savoir qu’une telle posture traduit une ambition de construire une politique renouvelée, dans laquelle l’intérêt des populations prime sur toute autre considération.
Les 165 députés de la quinzième législature, élus à l’issue des élections législatives anticipées du 17 novembre dernier, seront officiellement installés lundi, le jour d’ouverture de la première session de l’Assemblée nationale.
UNE TRAGÉDIE MÉCONNUE
De la vendeuse de fruits au jeune lycéen, rares sont les Sénégalais qui connaissent vraiment l'histoire du massacre de Thiaroye. Même les descendants des tirailleurs constatent avec amertume que leur sacrifice tombe progressivement dans l'oubli
Ils sont nombreux les Sénégalais qui ignorent ce pan de l'histoire coloniale commune au Sénégal et à l'Afrique francophone. Le 1er décembre 1944, au petit matin, plusieurs dizaines de tirailleurs sénégalais, ayant combattu pour la France pendant la Seconde Guerre, ont été tués par les forces coloniales françaises. Les rares personnes à connaître véritablement cet épisode douloureux de l'histoire coloniale sont les descendants des tirailleurs qui n'étaient pas que des Sénégalais. Ils venaient de 17 pays d'Afrique francophone : Sénégal, République de Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Comores, Congo Brazzaville, etc.
En ce début d'après-midi de lundi, le soleil darde ses rayons. Aissatou, vendeuse de fruits, met en sachet pommes, clémentines. Cette jeune dame, qui dit avoir fait des études jusqu'au CM2, avoue ne pas connaître l'histoire des tirailleurs sénégalais. « C'est quoi ? », s'exclame-t-elle. Sa réaction arrache un sourire au doyen Cheikh Ndiaye, professeur des sciences, de la vie et de la terre. « J'avoue que je connais bien l'histoire des tirailleurs sénégalais ; j'en entends d'ailleurs parler à la radio le 1er décembre de chaque année », confie le septuagénaire. Le massacre des tirailleurs sénégalais est une tragédie méconnue. Ils sont nombreux les Sénégalais qui ignorent ce pan de l'histoire coloniale commune au Sénégal et à l'Afrique francophone. Le 1er décembre 1944, au petit matin, le camp militaire de Thiaroye, près de Dakar, a été le théâtre d'un événement tragique.
Latyr Pouye en fait partie. « Mon grand-père était un tirailleur et il était un rescapé du massacre de Thiaroye en 1944 », dit-il fièrement. Vigile dans une société de la place, le jeune homme précise que son grand-père l'entretenait souvent de la vie des tirailleurs sénégalais dans les champs de guerre en Europe. « Quand mon grand-père me racontait la guerre, il était un homme. À travers son récit, il me tenait en haleine et me plongeait dans l'atmosphère du conflit », déclare Latyr Pouye. Le jeune homme ajoute que jusqu'à sa mort, son aïeul n'a pas compris le geste des forces coloniales françaises. « La France a été ingrate et injuste à l'égard de nos grands-parents qui ont combattu pour sa libération dans des conditions difficiles », témoigne le vigile, ajoutant que l'histoire des tirailleurs sénégalais mérite d'être connue. « Nos grands-pères ont fait preuve de bravoure dans les champs de bataille en Europe. Malheureusement, après avoir échappé à la mort en Europe, ils ont été lâchement tués à leur retour en Afrique. Leur histoire doit être vulgarisée », insiste Latyr.
Enseigner cette histoire
Dr Adama Baityr Diop, historien qui a enseigné l'histoire générale de l'Afrique à l'université Gaston Berger de Saint-Louis, salue l'initiative du gouvernement. « C'est une heureuse initiative. Les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall se sont intéressés à la question, mais la décision du Premier ministre Ousmane Sonko de commémorer et de mettre en place un comité scientifique est importante pour le présent et pour l'avenir du Sénégal, surtout dans le contexte africain. Pour la première fois, l'État sénégalais a décidé d'organiser une commémoration d'une grande ampleur », a-t-il déclaré.
Selon lui, cette commémoration est un évènement marquant de l'histoire du Sénégal et de l'Afrique francophone. « Il est important de se remémorer de cet évènement et d'écrire sur le parcours des tirailleurs », insiste l'enseignant à la retraite, aujourd'hui âgé de 80 ans. L'octogénaire milite même pour l'enseignement de ce pan de l'histoire pour contribuer à la construction d'une mémoire collective partagée et fondée sur la connaissance de notre histoire. « Il faut enseigner cette mémoire dans tous les ordres d'enseignement (de l'élémentaire au supérieur). Les jeunes d'aujourd'hui ont besoin de repères. La mémoire des tirailleurs est importante pour l'intégration africaine », affirme l'enseignant à la retraite.