SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
25 novembre 2024
International
VOIX ÉTOUFFÉES AU MALI, LE PREMIER TEST POUR LA DIPLOMATIE SÉNÉGALAISE
Alors que le gouvernement malien serre la vis sur la liberté d'expression, les yeux se tournent vers ses voisins pour un soutien potentiel. Parmi eux, le Sénégal, reconnu pour son histoire démocratique robuste, peut-il jouer un rôle décisif ?
Face à l'escalade des restrictions imposées aux manifestations et activités politiques au Mali, l'inquiétude monte tant au niveau local qu'international. Alors que le gouvernement malien serre la vis sur la liberté d'expression, les yeux se tournent vers ses voisins pour un soutien potentiel. Parmi eux, le Sénégal, reconnu pour son histoire démocratique robuste, peut-il jouer un rôle décisif ?
Le jeudi 11 avril 2024, la Haute autorité de la communication (HAC) a ‘’invité tous les médias (radios, télés, journaux écrits et en ligne) à arrêter toute diffusion et publication des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations’’, sans préciser les risques auxquels les médias peuvent encourir.
Pour ce directeur de publication d’un journal à Bamako, ‘’cette mesure est impopulaire et ce n’est que le prolongement d’une série de décisions prises sans la moindre concertation avec les autres parties prenantes. On nous a ramenés trente ans en arrière, avec cette nouvelle interdiction. On peut empêcher les gens de parler, mais on ne peut pas leur faire croire en un seul discours. Il faut libérer la parole des autres, même s’ils ne sont pas d’accord avec eux (la junte)’’.
Pour le journaliste et directeur de la chaîne de télévision Joliba TV News, Mohamed Attaher Halidou, qui avait subi les sanctions de cette autorité de régulation en octobre 2022, cette nouvelle décision est "contraire à sa mission de promotion et de défense des libertés et de toutes les libertés. Cette HAC s'aligne toujours derrière les décisions des autorités et cela au mépris des valeurs de démocratie et de la liberté de la presse, des valeurs qui fondent d'ailleurs et justifient son existence''.
Il renchérit sur sa page Facebook : ‘’J'ai comme l'impression que ce sont des préfets qui siègent à la HAC, pour exécuter des décisions arbitraires et fantaisistes… Nous disons non à la caporalisation de la presse, aujourd'hui plus qu'hier. Mais tout cela montre que nous manquons de faitières fortes au Mali pour défendre les valeurs de la profession...’’
Colonel Maïga : ‘’La lutte contre les groupes armés djihadistes et indépendantistes touareg ne s’accommode pas de débats politiques stériles.’’
En effet, 24 heures avant le communiqué de la HAC, le régime militaire avait exigé la suspension de toutes les activités politiques. Ce dernier a publié, le mercredi 10 avril 2024, un décret interdisant les activités des partis politiques, alors que des appels sont lancés à la junte militaire au pouvoir pour qu'elle organise des élections.
L'annonce a été faite par le porte-parole du gouvernement à la télévision publique, mercredi soir. Le colonel Abdoulaye Maïga a déclaré que l'interdiction des activités politiques avait été prise dans l'intérêt du maintien de l'ordre public. Pour motiver ces mesures jugées ‘’impopulaires’’ par les partis politiques, il rappelle : ‘’Quand le chef de la junte a lancé, le 31 décembre, un dialogue national pour la paix ou quand le jalon du 26 mars a été franchi sans que les militaires ne partent, les partis se sont livrés à des discussions stériles. Par ailleurs, la poursuite de la lutte contre les groupes armés djihadistes et indépendantistes touareg ne s’accommode pas de débats politiques stériles.’’
Une interpellation qui a fait réagir l'ancien Premier ministre Moussa Mara (2014-2015). Il a demandé aux autorités de revenir sur leur décision. Il parle d’un ‘’recul majeur’’ qui ‘’n’augure pas de lendemains apaisés’’.
Quant au président de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), Housseini Amion Guindo, il a appelé à la ‘’désobéissance civile jusqu’à la chute du régime illégal et illégitime (…), en raison notamment de son incapacité à satisfaire les besoins essentiels des Maliens’’.
Toujours dans cette optique de défendre les principes de la démocratie qu’il pense être fortement menacés par Assimi Goïta et Cie, ce dirpub dans l’anonymat relève que le risque majeur est de passer à côté de l’objectif des militaires, c’est-à-dire dérouler une transition avec une grande inclusivité des Maliens. ‘’Le dialogue intermalien, qui a été comme étant la raison politique de cette suspension, risque gravement et contradictoirement de prendre un coup. Les partis politiques et associations à caractère politique sont composés aussi de Maliens qui devront avoir leur mot à dire lors de ce dialogue’’, fait-il remarquer.
Ibrahima Harane Diallo : ‘’Ces nouvelles mesures vont multiplier les fronts de contestations.’’
Il poursuit : ‘’Un autre risque de cette mesure est la tenue d'un dialogue intermalien de sourds. Les discussions indispensables ou encore les débats éventuellement houleux qui pourraient caractériser ce dialogue risquent d'être étouffés.’’
Pour le journaliste et chercheur en sciences politiques basé aux États-Unis, Ibrahima Harane Diallo, ‘’cette décision va affaiblir le poids de ce gouvernement de transition en termes de soutien. La junte va avoir plus de problèmes. Ces nouvelles mesures vont multiplier les fronts de contestations et porter un coup dur au dialogue entre Maliens’’.
Une analyse qu’il (Harane Diallo) partage avec les partis, regroupements de partis et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024.
‘’Au moment où le chef de l'État en appelle à tous les Maliens pour participer à un dialogue dit intermalien, on suspend les activités des partis et activités à caractère politique des associations, qui constituent un pan indispensable dans l’animation de la vie politique et publique, conformément aux textes de loi pertinents en la matière’’, regrettent-ils à travers un communiqué diffusé le jeudi 11 avril 2024.
En outre, ils attirent l’attention de l'opinion publique nationale et internationale, sur le fait que ‘’ces atteintes graves aux libertés démocratiques sont sans précédent dans l'histoire du Mali, depuis la chute de la dictature militaire du général Moussa Traoré’’.
Médiation des nouvelles autorités diplomatiques sénégalaises ?
Quant aux nouvelles autorités diplomatiques sénégalaises, elles préfèrent ne pas s’exprimer pour le moment, car elles sont en train de travailler d’arrache-pied sur le dossier malien pour proposer une solution de médiation entre les acteurs politiques et les autorités militaires.
Pour rappel, le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a manifesté son souhait de voir les pays voisins, Mali et les autres (Niger et Burkina Faso) réintégrer la CEDEAO. Une tâche qui s’avère difficile, au regard des tensions entre ces pays et cette communauté sous-régionale qui a perdu beaucoup de crédit.
Pour Ibrahima Harane Diallo, le Sénégal est dans une dynamique proactive, dans le cadre des relations bilatérales et multilatérales avec le Mali. ‘’Dakar, dit-il, doit pouvoir faire quelque chose. Bien avant l’arrivée du nouveau président et du Premier ministre, à travers les interventions publiques, on savait qu’il y avait une certaine proximité en matière de vision politique entre ces différents acteurs. On voit que les relations deviennent de plus en plus importantes. Lors de la cérémonie d’investiture de Diomaye Faye, il y avait une forte délégation malienne. Toutefois, sur le plan interne, c’est plus difficile, parce qu’il y a un discours de souveraineté mis en avant par les colonels. Dakar pourrait être gêné et sa marge de manœuvre réduite, car les affaires internes sont de la compétence exclusive des pays’’.
Oumar Ndiaye : ‘’Toute démarche diplomatique des nouvelles autorités sénégalaises sur le Mali doit se faire dans le cadre de la CEDEAO.’’
Pour le journaliste spécialiste des questions géopolitiques au quotidien national ‘’Le Soleil’’ Oumar Ndiaye, ‘’il sera difficile aux nouvelles autorités d’avoir une marge de manœuvre dans le dossier malien, même si elles bénéficient d’un préjugé favorable au niveau des juntes au pouvoir en Afrique de l’Ouest, dont le Mali, qui les voient d’un bon œil, surtout concernant la redéfinition des rapports avec les autres partenaires comme la France’’.
Il ajoute : ‘’Les nouvelles autorités sénégalaises ont fait de l’option panafricaniste une pierre angulaire de notre politique étrangère. D’où le changement de dénomination du ministère chargé de notre diplomatie qui devient ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères. Même dans leur programme de campagne, leur vision de la politique extérieure est calquée sur cette vision qu’elles appellent ‘’Pour une véritable intégration sous-régionale et africaine’’’.
Alors que beaucoup d'observateurs pensent qu'en tant que puissance régionale influente, Dakar pourrait aider à façonner l'avenir politique de son voisin, en équilibrant pression diplomatique et soutien stratégique, le chef de desk de la rubrique Internationale du ‘’Soleil’’ prévient qu’il faut éviter les cavaliers seuls et adopter une posture collégiale. ‘’Toute démarche diplomatique des nouvelles autorités sénégalaises sur le Mali doit se faire dans le cadre de la CEDEAO qui, depuis le coup d’État de 2020, a mené des actions pour que la transition militaire puisse se terminer avec le retour d’un pouvoir démocratique. Les nouvelles autorités sénégalaises ne peuvent accéder au pouvoir par la voie des urnes de manière très démocratique, saluée par le monde entier et s’accommodaient de putschistes qui trainent avec une transition militaire de quatre ans, presque la durée d’un mandat d’un président élu. La CEDEAO a déjà un médiateur au Mali, en la personne de l’ancien président du Nigéria Goodluck E. Jonathan’’, insiste-t-il.
Il y a aussi le Togo qui est l’un des rares pays qui maintient des canaux de discussion avec les militaires. Le ministre des Affaires étrangères du Togo, Robert Dussey, a joué un rôle important dans la libération des soldats ivoiriens, en janvier 2023.
Yacine Fall et son équipe auront-ils les épaules solides pour ce premier test intra-africain ? L’approche à adopter sera déterminante pour l’issue de cette crise.
Alors que les rues de Bamako et d'autres villes maliennes se vident de leurs manifestants, la résonance des voix étouffées ne fait qu'amplifier l'écho international de la situation. Les Maliens, privés de leurs tribunes publiques, cherchent désormais de nouveaux moyens pour exprimer leur résilience et leur désir de démocratie. Si le gouvernement maintient ses interdictions, il pourrait non seulement isoler davantage le pays sur la scène mondiale, mais aussi alimenter une volonté populaire de changement qui finira par trouver son chemin, quelles que soient les barrières imposées.
ADMISSION DE NOUVEAUX MEMBRES À L’ONU, LA PALESTINE ENCORE BLOQUÉE
Le Comité des Nations unies pour l’admission de nouveaux membres n’est pas parvenu à un consensus sur l’adhésion à part entière de la Palestine à l’organisation internationale.
Le Comité des Nations unies pour l’admission de nouveaux membres n’est pas parvenu à un consensus sur l’adhésion à part entière de la Palestine à l’organisation internationale.
Une source à la Représentation permanente de Malte, qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité de l’ONU, a déclaré jeudi à Anadolu que le comité chargé d’accepter de nouveaux membres n’était pas parvenu à un consensus pour une recommandation concernant l’adhésion de la Palestine.
La source a expliqué que Malte préparerait un rapport à ce propos qui sera distribué aux membres du Conseil de sécurité.
De son côté, la représentante permanente de Malte auprès des Nations unies, Vanessa Frazier, a déclaré à la presse qu’il n’y avait aucun problème par rapport aux conditions d’adhésion et que les deux tiers des membres du comité soutenaient l’adhésion à part entière de la Palestine.
Robert Wood, représentant permanent adjoint des États-Unis auprès des Nations unies, a déclaré que l’adhésion de la Palestine à l’organisation internationale “est une question qui devrait être négociée entre Israël et les Palestiniens”, et a souligné que la position de son pays sur cette question n’a pas changé.
La Palestine a obtenu le statut d’État observateur non membre auprès des Nations unies suite à une résolution adoptée par l’Assemblée générale à une large majorité le 29 novembre 2012.
La Palestine a demandé à devenir un État membre à part entière des Nations unies en 2011, mais cette candidature n’a pas reçu le soutien nécessaire au Conseil de sécurité de l’ONU.
Le 2 avril dernier, le représentant permanent de la Palestine auprès des Nations unies, Riyad Mansour, a envoyé une lettre au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, demandant un réexamen de la demande d’adhésion.
Guterres a écrit une lettre au Conseil de sécurité de l’ONU le 3 avril, dans laquelle il a appelé à ce que la demande de la Palestine soit inscrite à l’ordre du jour.
Le processus d’inclusion de nouveaux États membres aux Nations unies commence d’abord par le Conseil de sécurité, et après discussions, le Conseil renvoie la question au Comité d’admission de nouveaux membres.
Si le comité émet un avis favorable, le Conseil de sécurité de l’ONU procédera à un vote et exigera que ses membres permanents n’utilisent pas le veto. Il est aussi nécessaire que 9 membres sur 15 votent en faveur de la décision du comité onusien.
Si le Conseil de sécurité décide d’accepter la demande, la question est alors renvoyée devant l’Assemblée générale des Nations unies, où l’adhésion nécessitera les deux tiers des voix des 193 Etats membres pour approuver l’adhésion.
L'ONU DEMANDE AU MALI D'ABROGER IMMÉDIATEMENT LA SUSPENSION DES ACTIVITÉS DES PARTIS POLITIQUES
"Nous sommes profondément préoccupés par le décret suspendant les activités des partis politiques et autres associations civiques. Il doit être immédiatement abrogé", a indiqué le Haut-Commissariat sur le réseau social X.
iGFM - (Dakar) Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a demandé jeudi au Mali d'"abroger immédiatement" la suspension des activités des partis politiques.
"Nous sommes profondément préoccupés par le décret suspendant les activités des partis politiques et autres associations civiques. Il doit être immédiatement abrogé", a indiqué le Haut-Commissariat sur le réseau social X.
Le régime malien a annoncé mercredi suspendre "jusqu'à nouvel ordre" les activités des partis et des associations à caractère politique, coupables selon lui de "discussions stériles" et de "subversion".
"Sont suspendues jusqu'à nouvel ordre, pour raisons d'ordre public, les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des associations sur toute l'étendue du territoire national", dit un décret pris en conseil des ministres par le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, et lu devant des journalistes par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement.
Il s'agit d'une nouvelle restriction à toute expression d'opposition ou de dissidence de la part des colonels qui ont pris le pouvoir par la force en août 2020 en renversant le président civil Ibrahim Boubacar Keïta. "Les actions de subversion des partis politiques et de leurs alliés ne font que se multiplier", dit le communiqué du conseil des ministres.
Ce nouveau tour de vis survient alors que les militaires se sont maintenus à la tête du pays au-delà du 26 mars 2024, date à laquelle ils s'étaient engagés, sous la pression de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), à céder la place à des civils élus. Ils n'ont pas non plus organisé de présidentielle en février 2024 comme ils en avaient pris l'engagement.
Le colonel Maïga a justifié la suspension des partis en invoquant un "dialogue" national initié le 31 décembre par le colonel Goïta. Le lancement de ce "dialogue" ainsi que le non-respect de l'échéance du 26 mars ont donné lieu à des "discussions stériles", a dit le colonel Maïga. "On ne peut pas mener un dialogue aussi crucial que l'est le dialogue direct intermalien dans la cacophonie et la confusion", a-t-il dit. "On ne peut pas accepter que des forces politiques, pour une raison ou une pour autre, prennent en otage une initiative aussi salvatrice", a-t-il insisté.
LA FRANCE FREINE LES RESTITUTIONS D'ŒUVRES AFRICAINES, DÉPLORE LE MONDE
Seules 26 pièces ont été rendues au Bénin. Et le projet de loi-cadre qui devait faciliter ces transferts est sans cesse repoussé, bloqué par l'argument de l'inaliénabilité des collections publiques. La condescendance et le paternalisme reviennent au galop
(SenePlus) - Après avoir été longtemps en pointe sur les restitutions du patrimoine africain pillé à l'époque coloniale, la France semble aujourd'hui marquer le pas, constate le journaliste Michel Guerrin dans sa chronique au Monde ce vendredi 12 avril 2024. Pourtant, dès 2017, Emmanuel Macron avait promis de faciliter ces restitutions lors d'un discours à Ouagadougou qui avait fait bouger les lignes en Europe.
En 2018, le rapport Savoy/Sarr préconisait des "restitutions massives" d'œuvres aux pays africains. La première restitution significative intervenait en 2021, avec 26 pièces du trésor d'Abomey rendues au Bénin. Mais depuis, le processus patine en France.
La raison ? La règle d'inaliénabilité des collections publiques, qui verrouille toute restitution. Deux lois votées en 2023 sur les spoliations aux Juifs et les restes humains ont permis de contourner ce verrou au nom d'un "intérêt supérieur". Mais pas la loi sur les restitutions à l'Afrique, jugée trop légère par le Conseil d'Etat et repoussée sine die.
"Il était pourtant facile de trouver ce principe d'intérêt supérieur : la colonisation", tance Michel Guerrin. Car les deux tiers des 90 000 objets africains en France ont été acquis à cette époque, souvent par la contrainte. Reconnaître cette "histoire douloureuse" permettrait de faciliter leur restitution.
Mais le projet de loi l'occulte, préférant se concentrer sur des critères restrictifs de propriété, à l'image du rapport très prudent de l'ex-président du Louvre Jean-Luc Martinez. Une approche au cas par cas qui fait crisser les dents des défenseurs des restitutions massives comme Bénédicte Savoy.
Pendant ce blocage français, d'autres pays européens avancent : l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni mais aussi désormais la Belgique qui a remis un inventaire d'œuvres à la RDC.
Pour Michel Guerrin, "le plus pathétique est que la France freine ce mouvement inéluctable qu'elle a lancé". Une révolution patrimoniale synonyme de "justice culturelle" selon Bénédicte Savoy, qui permettrait de restituer son histoire à la "jeunesse africaine".
La chroniqueur conclut avec les mots de Marie-Cécile Zinsou, qui appelle à penser "l'avenir" plutôt que la "repentance". Un message qui devrait inspirer la loi française sur les restitutions, jugée indispensable.
par Mamadou Diallo
CI-GÎT LA RÉPUBLIQUE DES ÉVOLUÉS DU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour la première fois depuis les indépendances, un mouvement susceptible de prendre le pouvoir a assumé la poursuite des efforts de la décolonisation. On minimise un peu trop le rôle joué par la proposition politique du Pastef
La victoire de Bassirou Diomaye Faye à la dernière élection présidentielle marque le retour de la politique au sommet de l’État sénégalais et donne le coup de grâce à la République des évolués du Sénégal. Ce retour de la politique est à double tranchant. Il est une excellente chose d’un point de vue démocratique, car jamais président sénégalais ne fut mieux élu et ne disposa d’un mandat aussi clairement défini. On peut espérer que les questions à l’étude du Conseil des ministres seront celles posées par le sort des Sénégalais les plus nécessiteux, et leurs réponses trouvées ailleurs que dans le dernier concept à la mode dans les cercles de global governance. Mais c’est aussi, il ne faudrait pas se le cacher, le début probable d’ennuis nouveaux : vivre en sujets politiques, revendiquer leur autonomie c’est, pour les élites dirigeantes locales, renoncer au confort, si médiocre soit-il, de la tutelle notamment française et s’exposer à des épreuves de force, au-dedans comme au-dehors. C’est en partie ce qui a perdu la Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo qui, malheureusement affaiblie de l’intérieur par l’instrumentalisation politicienne de l’ethnie, fut d’autant plus aisément punie que son gouvernement central s’était aliéné une part considérable de ses concitoyens. Heureusement pour le projet de rupture porté par le Pastef, la société sénégalaise a résisté à l’ethnicisation de la politique tentée par certains cadres de l’APR.
On peut, en forçant un peu le trait, distinguer la lecture qui est faite du dénouement de l’élection sénégalaise à l’étranger de celle qui domine aujourd’hui au Sénégal, où les soucis légitimes sont le retour au calme et la réconciliation nationale. À l’étranger, en particulier chez nos partenaires occidentaux, si plein comme on le sait de sollicitude à notre égard, les commentateurs ne s’y trompent pas. Ils butent, en même temps qu’ils s’inclinent devant l’incontestable légitimité démocratique du tournant pris par le Sénégal, sur des tournures dans les discours et des aspects dans les profils de ceux qui l’ont impulsé. Ces gens-là, disent-ils un peu surpris et anxieux, ne sont pas tout à fait comme nous et n’aspirent pas non plus à l’être. Ils sont musulmans, mais pas de ceux « modérés,» nimbés de nos lumières, que nous aimons tant et que le Sénégal a longtemps produits. Au Sénégal, une lecture courante est celle du référendum anti-Macky Sall et de la réaffirmation renouvelée par les électeurs sénégalais de leur attachement à la démocratie.
En insistant soit sur des acquis constitutionnels produits d’une histoire que d’aucuns font remonter aux quatre communes, soit sur la dimension négative du dernier vote des Sénégalais, l’on minimise un peu trop le rôle joué par la proposition politique du Pastef. C’est une tendance qui était déjà à l’œuvre au lendemain des évènements de mars 2021, où l’on mettait en avant la Covid et le renchérissement du coût de la vie afin de ne pas admettre la popularité d’Ousmane Sonko. Il y a aussi, qui vient brouiller les pistes, cette tendance à l’attribution de la résistance décisive face aux méthodes dictatoriales du régime finissant au peuple – cette abstraction ou ce récit –, aux organisations de la société civile qui tiennent des réunions, ou encore à une jeunesse qui mêlerait les jeunes du Point E à ceux de Grand-Yoff. On amalgame à une masse dépourvue de déterminations sociales ceux qui ont lutté de manière effective et en ont payé le prix, de même qu’on substitue les raisons pour lesquelles elles et ils l’ont fait par des passions libérales qui leur sont au mieux secondaires. Finalement, on rend indistinct ce qu’il y a de fondamentalement nouveau dans la situation présente, de même qu’on range sous le tapis du Senegaal benn bopp la kenn du ko xar ñaar les contradictions, qui ne sont pas seulement générationnelles, dont la société sénégalaise, comme toutes les sociétés, n’est heureusement pas exempte. J’aimerais quant à moi dire pourquoi ce qui me semble avoir été déterminant, c’est précisément la proposition politique du Pastef. Proposition notable parce qu’elle a mis un terme à l’idée jusque-là dominante dans le paysage politique sénégalais selon laquelle n’est envisageable qu’une seule orientation pour la bonne gouvernance des affaires publiques.
Gouvernance néolibérale et démocratie neutralisée
L’ironie du multipartisme en Afrique francophone c’est que son heure coïncide avec celle de la neutralisation néolibérale de la démocratie.[1] Au sortir des difficiles années 90, les “années de braise” selon l’expression du Premier ministre Habib Thiam, le discours politique consistait exclusivement en des énoncés consensuels et vagues : sur le développement que l’on poursuit ; la bonne gouvernance que l’on promet et éventuellement le fameux “nos valeurs” que l’on défend. Momar Coumba Diop notait en 2006, au sujet de “la classe dirigeante issue de l’alternance”, qu’elle s’était “éloignée des confrontations idéologiques qui avaient marqué l’ère de Senghor et, dans une moindre mesure, le régime de Diouf”. Il n’y a pas que la classe politique sénégalaise qui s’était convertie à cette idée de la politique comme mise en œuvre du consensus libéral. Le monde entier, avec le recul de l’hypothèse communiste, s’était converti à cette économie politique qui nie l’idée même d’alternatives. Dans cette conception nouvelle du politique comme lieu vide d’alternative, les gauches de gouvernement renoncèrent à agir sur les dynamiques de marché et ne jurèrent plus, en guise de fourniture de services et d’équipements en infrastructures publics, que par les fameux PPP. Alors que le marché s’élargissait, que le Capital se mettait à son aise, l’État – la puissance collective instituée pour servir la volonté générale– revoyait à la baisse ses ambitions de transformation économique et sociale. La démocratie ne fut plus le processus où se dégageaient les fins tout autant que les moyens d’actualisation de la volonté générale. Il ne s’est plus agi que de savoir lequel des hommes en costume cravate fût le plus à même de mettre en œuvre l’universel programme que voici : abattre pour les marchandises des pays du Nord et le grand capital les frontières ; assurer, sans trop demander de contribution aux profits, les tâches régaliennes désormais amputées de la politique monétaire ; enfin rendre son territoire national attractif à des capitaux financiers toujours plus importants, issus de l’épargne d’une population vieillissante des pays du nord rétive au risque. Pour apporter un supplément d’âme à ce programme qui n’enthousiasme que le 1% et ceux qui le servent, on y assortit des orientations sociétales en faveur des minorités. La poursuite du programme néolibéral par nos États, qui ne s’étaient pas mis en situation de s’y opposer, s’est donc avérée désastreuse pour les services publics et vaine en ce qui concerne le développement. L’économiste Ndongo Samba Sylla a souvent eu l’occasion d’illustrer la stagnation des économies de la zone CFA par le rappel du fait que depuis les indépendances, leurs PIB réels par habitant n’ont pas progressé.[2] En 2015, on ne saurait produire de statistique plus accablante, le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat du Sénégal était équivalent à son niveau de 1960.[3]
Les détenteurs de capitaux qu’il s’agit dans cette économie politique nouvelle de séduire – intéressés au profit plutôt qu’à l’investissement productif dont les rendements ne sont en général ni faramineux ni immédiats – se tournent en priorité vers le système financier central et font assez largement la sourde oreille aux appels qui leur sont lancés à partir des zones à risque du système capitaliste mondial.[4] C’est ainsi que si l’on a pu voir les IDE augmenter de manière constante au Sénégal ces dernières années, avec une accélération notable entre 2019 et 2021, ils se sont principalement dirigés vers des secteurs d’activité rentiers et à faible mobilisation de facteur travail, dont celui des hydrocarbures.[5] Ils n’apportent par conséquent pas de solution au problème de la transformation structurelle de notre économie ainsi qu’à celui vital du chômage. Vital au sens littéral du terme, car il est parmi les causes de ce que des milliers de Sénégalais n’ont de sépulture que les tréfonds de la Méditerranée.
À l’absence d’investissements productifs, au démantèlement des industries et au bradage du patrimoine public auquel on a pu assister ces dernières décennies s’ajoute le problème d’une fiscalisation insuffisante et injuste de l’économie. Il est intéressant, pour se figurer la faiblesse de notre État dans la mobilisation des ressources internes – aspect par ailleurs central du discours porté par les cadres du Pastef – de procéder à une comparaison. Entre 1984 et 2004, la moyenne du ratio entre l’impôt et la production nationale ne s’élevait au Sénégal, dont le gouvernement s’est longtemps réclamé du socialisme, qu’à 15,83%[6]. En Grande-Bretagne et sous Margaret Thatcher, dirigeante fort intéressée à la réduction de l’État à sa portion la plus congrue, ce ratio n’a jamais baissé sous le seuil de 30%.[7] L’économiste Thomas Piketty, dans sa somme sur le Capital au XXe siècle, montre bien que de si faibles ratios sont caractéristiques des économies aux revenus par habitant les plus faibles, principalement concentrés en Afrique subsaharienne.[8] Alors que la question de l’élargissement de l’assiette fiscale constitue l’un des principaux défis auxquels doivent faire face nos États, la question de l’impôt n’occupe traditionnellement dans le débat politique national qu’une place négligeable. Je tiens pour l’un des signes de l’inconscience de cet enjeu la popularité, dans les milieux corporate, sous l’appellation attrape nigaud de responsabilité sociale d’entreprise, d’une manière pseudo-éthique d’évasion fiscale. Espérons que la nouvelle équipe dirigeante, issue de l’administration fiscale, s’en tiendra à cette ancienne et très raisonnable définition de la responsabilité sociale des entreprises, qui est qu’elles doivent s’acquitter de l’impôt défini par la loi.
Le mouvement altermondialiste constitua l’une des premières réactions à ce moment où la politique s’effaça pour ne plus laisser place qu’à la gestion, la fameuse bonne gouvernance. Il n’eut sous nos latitudes, malgré un sommet en 2011 à Dakar, qu’une visibilité et une représentativité populaire réduites, pour ne pas dire nulle, malgré la présence parmi nous d’économistes comme Samir Amin et Demba Moussa Dembélé. Pour l’essentiel, dans le Sénégal des années 2000 et à l’exception des Assises nationales, les discours routiniers et consensuels du développement et de la bonne gouvernance ne furent interrompu que çà et là, à intervalles malheureusement réguliers, par des disputes sur la Constitution. On constatait alors qu’avec de la mauvaise foi et le ralliement d’universitaires qui transigent, on peut conclure des énoncés les plus fondamentaux le contraire de ce qu’ils disent. J’ai personnellement, dans mes jeunes années, prêté attention au débat sur la constitutionnalité de la troisième candidature d’Abdoulaye Wade et j’ai bien peur d’y avoir abimé quelques neurones.
Seuls cette conception rabougrie de l’activité politique, et le faible crédit accordé au niveau de consciences des électeurs, expliquent que Karim Wade ait pu être sérieusement envisagé comme candidat à l’élection présidentielle.
Des autorités qui ne font plus autorité
Alors que les élites dirigeantes se familiarisaient et se convertissaient, dans les cercles de la gouvernance globale et autres internationales socialistes et libérales, à cette nouvelle conception de l’État neutralisé, les structures profondes de la société sénégalaise elles se transformaient. La structure sociale sur laquelle avait été assis l’État se dérobait progressivement et toujours plus vite sous leurs pieds.
L’historien et journaliste Moriba Magassouba, à la suite de plusieurs auteurs, faisait remarquer que l’État sénégalais n’a pu garantir “ses capacités d’intervention dans la société civile” qu’“en passant par les intermédiaires obligés que sont les chefs de confrérie[...] qu’il utilise comme courroies de transmission, pour pénétrer le pays “réel.”[9] La première alternance marqua le dépérissement de cette configuration de l’État qui reposait aussi sur des pratiques clientélistes que l’ajustement structurel et la dévaluation du CFA avait fini par mettre hors de sa portée. Cette première alternance fut aussi le signe que l’électorat s’émancipait des consignes de vote en faveur du pouvoir, qui d’ailleurs se raréfiaient[10], émises par les notabilités religieuses.
La population s’est urbanisée et par conséquent s’est graduellement abstraite des structures d’autorités et de solidarités rurales. Dakar s’est transformé et ses habitants de longue date ont dû, sans gaieté de cœur, s’habituer à “l’économie de bazar,” aux usages de ruraux fraichement urbanisés et aux nouvelles manières d’habiter l’espace public qu’ils apportaient. La marchandisation de l’éducation est allée croissante. Ceux qui en avaient les moyens prémunirent leurs enfants des effets d’une massification mal négociée de l’éducation publique mise en œuvre par le régime de Wade. Il me semble qu’à l’exception de certaines facultés prestigieuses et sélectives, l’Université de Dakar, de même que les écoles publiques autrefois fréquentées par les enfants de notables mais aussi ceux des milieux populaires qui étaient les plus doués, furent assez largement désertés par les premiers. Ceux qui en ont les moyens tendent, le baccalauréat obtenu, à s’en aller à l’étranger[11]. L’absence croissante de mixité sociale dans l’éducation nationale qui en résulte n’est peut-être pas sans rapport avec l’émergence d’une élite administrative localement formée et très peu soucieuse de perpétuer les exemples d’assimilations donnés par leurs prédécesseurs passés par William Ponty et Van Vollenhoven. Parmi les critères de cette assimilation compte la monogamie, dont l’absence chez les nouveaux locataires du Palais de la République et de la Primature n’en finit pas d’être commentée.
Au-delà de la mince et admirable élite scolaire issue de l’enseignement public, un contingent de plus en plus large de jeunes gens ayant fréquenté l’école s’est constitué qui ne trouva pas à s’insérer professionnellement. Alphabétisée, capable de s’informer sur l’internet, cette population ne pouvait manquer d’être sensible au discours du PasteF. Le rôle joué par la transformation du paysage de la presse et de l’audiovisuel dans la chute du PS a souvent été relevé et il me semble que l’alternance de 2024 ne se conçoit pas non plus sans le contexte informationnel produit par les réseaux sociaux. Il ne s’agit pas d’expliquer la prise de conscience politique de la jeunesse populaire par l’action “sournoise de trolls russes.“ On a parfois l’impression que certains observateurs français ne conçoivent pas qu’on puisse désirer se passer de leur tutelle, qu’ils en sont encore à penser, comme leur illustre ancêtre Chateaubriand, qu’«il y a dans la nature du Français quelque chose de supérieur et de délicat que les autres peuples reconnaissent[12]. » Me tenant quant à moi loin de cette attitude qui ne conçoit pas que l’on soit, quoiqu’Africain francophone, absolument rétif à la domination, j’aimerai simplement noter que les réseaux sociaux ont largement diffusé des prises de paroles qui ne pouvaient s’attendre des élites intellectuelles autorisées. Ces dernières en effet sont formées à la nuance, parfois à couper les cheveux en quatre, parlent dans un langage et un ton qui n’affectent qu’une mince couche de la population. La tribune qui leur est la plus naturelle est l’Institut Français. Il y a aussi, il faut bien le dire, qu’elles sont instruites du genre d’opinions politiques qui ne favorisent pas les belles carrières internationales, celles qui remettent en cause le consensus néolibéral notamment. Toutes sortes d’entraves dont ne s’encombrent pas des figures désormais fort audibles telles que Cheikh Bara Ndiaye.
Comment un certain panafricanisme a dé-neutralisé la démocratie sénégalaise
Ceux de ma génération, lycéens dans le privé à Dakar dans les années 2000, s’engageaient soit dans le kaana kaanalu, assez répandu, soit dans des mouvements religieux. La même dépolitisation, semble-t-il, avait gagné l’Université, où l’on ne se promenait plus beaucoup, comme c’était encore le cas dans les années 90, avec des textes subversifs sous les bras. La critique du Sénégal tel qu’il allait, ce qui n’est pas la même chose que la dénonciation du Président qui elle était toujours partout, ne se rencontrait plus que dans certains morceaux de rap produits par des jeunes de la banlieue et que les boys town n’écoutaient pas. Rien ne nous avait été transmis, pas la moindre mémoire d’un tâche collective entamée de longue date et portée à un seuil qu’il s’agissait pour certains de notre génération, éventuellement, d’avancer. Étions-nous d’ailleurs disposés à entendre, sidérés comme nous l’étions par les écrans saturés de scintillantes images américaines ? Ceux d’entre nous qui finirent par se découvrir de quelque part et d’une histoire n’allaient le faire qu’en situation d’exil. Je me souviens d’un déjeuner en ville, en 2012 ou 2013, durant lequel j’avais évoqué, devant deux jeunes gens bien introduits dans les cercles locaux de pouvoir, la présence tout de même considérable au Sénégal du capital, et donc de la décision économique française. Mes interlocuteurs, membres de l’intelligentsia francophile et se comprenant comme de gauche m’avaient alors regardé comme si je venais de confier avoir vu passer une soucoupe volante au-dessus de la Mosquée de la Divinité. Quiconque a travaillé à Dakar, du moins était-ce le cas dans les années 2010, sait que plus haut l’on monte dans les échelons des grandes entreprises du secteur formel, plus on rencontre des cadres et dirigeants français. La France au Sénégal, comme le faisait très justement remarquer Boubacar Boris Diop, ça ne saurait être la même chose que la Suède. Penser ainsi ça n’est pas, comme le disent les pseudos modernes et véritables héritiers politiques de Senghor, être enfermé dans des “complexes” et le “ressentiment”, mais avoir de la mémoire.
Dans ces années-là, lorsque le désormais honorable député Guy Marius Sagna organisait des contres sommets à la francophonie et s’opposait aux APE, il faisait encore figure d’anomalie dans un paysage public où ne s’évoquait aucune question qui fâche. Il y avait cependant les diatribes de Kemi Seba qui, relayées en prime time par la 2STV, eurent un écho considérable auprès de la jeunesse de nos universités. Dans la mesure où l’activiste est de nationalité française, il ne fut pas bien difficile pour le régime de l’éloigner de nos frontières dès lors qu’il se mit à agiter la rue autour de la question monétaire. En s’opposant ainsi à l’expression politique de Kemi Seba, le régime a finalement – ruse de l’histoire – rendu service aux jeunes gens qui le suivaient en leur permettant de se tourner vers un leadership qui allait s’avérer beaucoup plus porteur. Ces jeunes allaient, dans les années suivantes, jouer un rôle important, sur les réseaux sociaux notamment, dans la lutte contre le régime de Macky Sall et pour la défense du « projet.» Beaucoup d’entre eux ont fait partie des prisonniers politiques du régime sortant. L’émergence sur la scène publique il y a à peu près dix ans du Pastef – qui vite se verra flanqué à sa gauche de personnalités telles qu’Alla Kane, le Dr Dialo Diop, Guy Marius Sagna et à sa “droite”, de mouvements réformistes islamiques – a offert à cette jeunesse soucieuse de s’engager dans une cause révolutionnaire une plateforme de conquête du pouvoir à la fois crédible et radicale. Cet attelage, le FRAPP surtout dont la simple évocation donne des haut-le-cœur à nos compatriotes francophiles, est venu mettre un terme au règne de la langue de bois et à la rhétorique de l’antipolitique qu’est le consensus néolibéral. Ont été réactivés dans la discussion publique et comme horizon d’action politique, malgré les soupirs embarrassés qui çà et là se faisaient entendre, des sujets qui auparavant, hors quelques cénacles universitaires et réunions groupusculaires, étaient franchement tabous. Pour la première fois depuis les indépendances, une force politique susceptible de prendre le pouvoir a assumé le thème de la poursuite des efforts de la décolonisation. Thème qui, si l’on en croit le discours à la nation du 4 avril prononcé par le président Bassirou Diomaye Faye, continue d’être assumé.
La fin de la République des évolués du Sénégal
Le Pastef a réussi là où le PAI, le RND, le PIT, Ànd Jëf et d’autres formations politiques porteuses de ruptures radicales avaient échoué. Il a probablement bénéficié d’un contexte favorable. Ceux d’en haut, selon une formule classique, ne pouvant plus et ceux d’en bas ne voulant plus vivre comme avant, la proposition politique la plus audible s’est vue confier le pouvoir. Mais pourquoi la proposition du Pastef fut elle la plus audible et surtout comment se fait-il qu’elle suscitât un tel enthousiasme ? Il y a son contenu, évoqué plus haut, mais aussi son incarnation par Ousmane Sonko.
Ce qu’il y a de frappant chez Ousmane Sonko, et c’est peut-être cette dimension de sa personnalité qui est la plus disruptive dans le contexte théologico-politique sénégalais, c’est qu’il est non seulement perçu comme compétent sur le plan politique, mais aussi, auprès de ceux très nombreux parmi nos concitoyens que cela intéresse, sur le plan religieux. L’image d’Ousmane Sonko – et ce malgré l’épisode Adji Sarr qui par ailleurs devra être tiré au clair – demeure celle d’un homme qui prend l’Islam au sérieux et se trouve avoir quelques lumières en la matière. Il est frappant que dans ses prises de parole publiques, lorsqu’il s’agit pour lui d’éclairer la situation politique du présent, c’est plutôt dans les récits de la vie du messager, sur lesquels il peut s’étendre longuement, que dans ceux de la politique moderne qu’il va puiser. Ce n’est pas la première fois qu’un politicien sénégalais mobilise l’Islam ou fait publiquement parade de son aptitude à dire des versets du Coran et autres Hadiths dans le texte. La Convention des démocrates et des patriotes-Garab Gi qui avait pour candidat le Professeur Iba Der Thiam avait sans succès mobilisé les thèmes de l’Islam et de la tradition lors des élections de 2000. Idrissa Seck disait des versets dès que l’occasion se présentait, mais il faut croire que les Sénégalais savent distinguer la dévotion de la tartufferie. Cette tendance à mobiliser la culture islamique distingue assez radicalement Ousmane Sonko de la vieille gauche qui, faut-il le rappeler, n’est jamais parvenu au pouvoir qu’en s’alliant au socialisme assez spécieux du PS et au libéralisme après 2000. Le sobre et scrupuleux monothéisme qui semble être celui de certains cadres du Pastef diffère de l’Islam confrérique avec lequel l’État colonial, de même d’ailleurs que la République des Évolués du Sénégal, avait fini par s’accommoder, lui trouvant des vertus de tolérance et d’enracinement culturel.
Cette absence de référence à l’univers de la culture bourgeoise humaniste dans le discours d’Ousmane Sonko, conjugué à ses références à l’Islam qui ne passent pas par la médiation des confréries en font assurément une figure inquiétante pour la République des évolués du Sénégal. C’est pourquoi les rumeurs selon lesquelles nous avions à faire avec le Pastef à un dangereux mouvement salafiste commencèrent de circuler dans Dakar dès les débuts de la vie du parti. C’est aussi pourquoi Le Quotidien, arc-bouté sur la défense de la République des évolués du Sénégal, a régulièrement publié des tribunes sur le fascisme et le manque présumés de culture d’Ousmane Sonko. “Il n’a rien lu!” y dénonçait leur auteur, qui semblait ignorer qu’Ousmane Sonko n’était pas candidat à l’agrégation de Philosophie, et surtout qu’en démocratie et pour un homme politique la lecture qui importe aux citoyens est celle de leurs situations. Qu’en outre la culture bourgeoise humaniste qui dans le Dakar d’antan fit le prestige des évolués, qui s’étale à longueur de tribunes dans le Quotidien, n’impressionne, et surtout n’intéresse plus grand monde au Sénégal.
Le fait est que la République des évolués est morte, peut-être de ne s’être pas donné les moyens de ses ambitions de transformation sociale et culturelle ; il s’agit d’en faire, de manière apaisée, le deuil. Elle a fait son temps et l’on peut même lui faire crédit d’avoir joué son rôle historique, en construisant une démocratie et en intégrant tous les peuples du Sénégal à son nationalisme civique. Les indigènes, par la voie démocratique, ont fini par investir le pouvoir de leur sensibilité. La mission civilisatrice, relayée sans grand effort par la République des évolués du Sénégal est à bout de souffle. Sa source parisienne perd, chaque jour qui passe dans le massacre des Gazaouis qu’elle a cautionné, le peu de légitimité qu’elle avait à professer l’humanité. Ceux d’entre nous, membres de la société civile, conscrits de la modernité occidentale qui pensons qu’elle avait tout de même deux ou trois choses d’universelle valeur à nous apprendre, devront désormais en convaincre nos concitoyens, par la délibération et l’exemplarité, dans le cadre de la démocratie. Le lobbying dans les couloirs du pouvoir, si le nouveau régime tient ses promesses, n’y suffira plus.
Mamadou Diallo est doctorant à Columbia University, New York.
[1] Wolfgang Streeck et Frédéric Joly, Entre globalisme et démocratie: l’économie politique à l’âge du néolibéralisme finissant, NRF essais (Paris: Gallimard, 2023).
[2] Fanny Pigeaud and Ndongo Samba Sylla, L’arme invisible de la Françafrique: une histoire du franc CFA, Cahiers libres (Paris: la Découverte, 2018).p.162.
[3] OECD, Examen Multidimensionnel Du Sénégal: Volume 1. Évaluation Initiale (Paris: Organisation for Economic Co-operation and Development, 2017)
[4] Carl Christian von Weizsäcker and Hagen M. Krämer, Saving and Investment in the Twenty-First Century: The Great Divergence
[5] UNCTAD, ed., International Tax Reforms and Sustainable Investment, World Investment Report 2022 (Geneva New York: United Nations, 2022).
[6] Mkandawire, Thandika. “On Tax Efforts and Colonial Heritage in Africa.” Journal of Development Studies 46, no. 10 (November 2010): 1647–69.
[7] Albertson, Kevin, and Paul Stepney. “1979 and All That: A 40-Year Reassessment of Margaret Thatcher’s Legacy on Her Own Terms.” Cambridge Journal of Economics 44, no. 2 (March 19, 2020): 319–42.
[8] Thomas Piketty, Capital in the Twenty-First Century, trans. Arthur Goldhammer (Cambridge, Massachusetts London: The Belknap Press of Harvard University Press, 2017).
[9] Moriba Magassouba, L’islam Au Sénégal: Demain Les Mollahs?: La “Question” Musulmane et Les Partis Politiques Au Sénégal de 1946 à Nos Jours, Collection Les Afriques (Paris: Editions Karthala, 1985).
[10] Momar Coumba Diop, Mamadou Diouf, and Aminata Diaw, “Le baobab a été déraciné. L’alternance au Sénégal,” Politique africaine N° 78, no. 2 (2000): 157–79.
[11] Boubacar Niane, Elites par procuration: Handicaps et ruses des dirigeants politico-administratifs sénégalais (Paris: Editions L’Harmattan, 2012).
Je tiens à souligner l'importance cruciale de la transparence et de l'intégrité dans nos actions. Je vous invite à incarner pleinement les principes de « Jub, Jubal, Jubanti ». Que la droiture, la probité et l'exemplarité commandent chacun de vos actes
Dans ce message daté du 8 avril 2024 adressé à toutes les femmes et hommes de l'administration sénégalaise, le président Bassirou Diomaye Faye rappelle avec ferveur les valeurs cardinales qui doivent guider leur engagement quotidien au service du pays: intégrité, probité, transparence. Il insiste sur l'importance de placer le bien commun et le développement inclusif de la nation au-dessus de toute autre considération. Le chef de l'Etat exhorte ses collaborateurs à redoubler d'efforts pour concrétiser la vision d'un Sénégal uni et prospère.
Chères collaboratrices, chers collaborateurs,
En cette période charnière de notre histoire, où chaque pas vers l'avenir se dessine sous le signe de la promesse et de l'espoir, il m'est apparu essentiel de m'adresser directement à vous, femmes et hommes dévoués au service de notre nation. Vous constituez sans nul doute la colonne vertébrale de notre administration et le cœur battant de notre pays.
Le Sénégal, notre cher pays, se tient aujourd'hui à l'aube d'une ère nouvelle, porté par la vision d'un avenir dans lequel chaque citoyen, où qu'il se trouve, peut jouir des fruits de notre effort collectif. Un Sénégal réconcilié, transparent et équitable, où le développement durable et inclusif n'est pas un idéal lointain, mais une réalité tangible, à portée de mains.
Si notre pays bénéficie d'une solide réputation de démocratie, de stabilité et de paix, nous le devons en grande partie à votre engagement, votre professionnalisme et votre travail sans relâche. Vous êtes les gardiens de nos valeurs républicaines, les artisans de notre développement et les sentinelles de notre cohésion sociale.
Aujourd'hui, je vous invite, avec toute la considération et le respect que je vous porte, à incarner pleinement les principes de « Jub, Jubal, Jubanti ». Que la droiture, la probité et l'exemplarité commandent chacun de vos actes. Que votre travail quotidien soit imprégné de ce souci permanent du bien commun, ou le service à nos concitoyens et leur bien-être priment sur toute autre considération.
Dans le sillage de notre engagement collectif vers un Sénégal uni et prospère, je tiens à souligner l'importance cruciale de la transparence et de l'intégrité dans nos actions et décisions. Notre administration joue un rôle fondamental dans la concrétisation des aspirations de notre nation, et c'est dans cette optique que je souhaite rappeler les principes directeurs qui doivent guider notre conduite.
La loi 2012 - 22 du 27 décembre 2012, portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques, établit un cadre légal clair pour l'intégrité des acteurs impliqués dans la gestion des affaires publiques. Elle souligne l'exigence d'un comportement éthique et déontologique irréprochable pour tous les agents de l'État, en insistant sur le fait que la transparence n'est pas une option, mais une obligation. Cette loi, en ses points 7.2 et 7.3, rappelle que nous, agents publics, avons le devoir de veiller scrupuleusement à la bonne gestion des ressources qui nous sont confiées et de signaler toute infraction aux règles régissant les finances publiques. Cette démarche n'est pas seulement légale ; elle est morale, réaffirmant notre engagement envers les citoyens que nous servons.
C'est pour cette raison que nous accordons une importance particulière à la protection des lanceurs d'alerte. Il est essentiel que chacun se sente libre et soutenu de partager, en toute sécurité, des informations concernant des irrégularités ou des pratiques contraires à l'éthique et à la loi. Cet engagement reflète notre volonté collective de bâtir un gouvernement vertueux, fondé sur l'éthique de responsabilité et l'obligation de rendre compte.
Je vous exhorte à adopter ces principes dans votre travail quotidien, en vous rappelant que votre contribution est précieuse pour assurer l'intégrité et la transparence de notre gouvernance.
Ensemble, renforçons notre détermination à servir avec honneur et dignité, dans le respect des lois qui nous guident et pour le bien-être de tous les Sénégalais.
Notre mission, collective et individuelle, est d'œuvrer sans cesse à l'amélioration de la qualité de vie de chaque Senégalaise et de chaque Sénégalais. Notre engagement au service du pays transcende les obligations administratives. Il s'incarne dans notre vocation sincère de servir notre Patrie et dans notre foi en ses immenses potentialités.
Je suis conscient des défis qui nous attendent. Le chemin du développement, de la justice et de l'équité est semé d'embüches. Mais je suis également convaincu que notre détermination et notre unité nous permettront de franchir ces obstacles pour la réalisation de notre projet commun.
Je suis conscient des défis qui nous attendent. Le chemin du développement, de la justice et de l'équité est semé d'embûches. Mais je suis également convaincu que notre détermination et notre unité nous permettront de franchir ces obstacles pour la réalisation de notre projet commun.
En ma qualité de président de la République, je m'engage à être à vos côtés, à soutenir vos efforts et à veiller à ce que les conditions de votre engagement soient toujours les meilleures.
Ensemble, dans la solidarité, construisons le Sénégal de demain.
Faisons de notre pays une terre où chaque citoyen peut se réaliser et contribuer au bien-être collectif.
Je vous invite donc, avec ferveur et espérance, à redoubler d'efforts et à vous joindre à moi dans cette grande œuvre nationale.
Soyons les bâtisseurs infatigables d'un Sénégal prospère et rayonnant, à l'image des aspirations profondes de notre peuple.
Avec toute ma confiance et mon admiration pour votre engagement indéfectible au service de la République.
LE PASSÉ LIBYEN DE SARKOZY RESSURGIT
Alors que l'ancien président français nie toute implication, de nouvelles révélations le placent au cœur de l'opération secrète pour faire rétracter Ziad Takieddine sur le financement libyen supposé de sa campagne 2007
(SenePlus) - Dans l'affaire du financement présumé libyen de sa campagne de 2007, Nicolas Sarkozy est depuis longtemps confronté aux accusations de Ziad Takieddine, considéré comme son "principal accusateur". Mais fin 2020, une opération baptisée "Sauver Sarko" avait été montée pour obtenir la rétractation de l'affairiste, moyennant finances.
Un récent numéro de "Complément d'enquête" sur France 2 apporte de nouveaux éléments accablants sur l'implication présumée de l'ancien président dans cette manœuvre, comme l'a rapporté Le Monde.
Ziad Takieddine lui-même affirme sans détour que c'est Nicolas Sarkozy le "marionnettiste" de cette opération. "Ah oui, c'est lui qui... bien sûr", déclare-t-il en mimant le geste d'un marionnettiste.
Un autre protagoniste de l'équipe chargée de le convaincre, Noël Dubus, un escroc déjà condamné, va plus loin. Selon lui, c'est Nicolas Sarkozy qui a donné son aval à un riche entrepreneur pour verser 72 000 euros afin de financer la deuxième phase : les aveux de Takieddine devant notaire.
"Mimi [Michèle Marchand, une figure du monde people] me donne des questions validées par [l'avocat] Thierry Herzog qui sont posées à M. Takieddine pour ses aveux", assure encore Dubus. Une affirmation que dément l'avocat de Me Herzog.
Au-delà de ces témoignages entachés par les profils interlopes des protagonistes, Le Monde révèle qu'une note des services de renseignement de décembre 2020 pointe déjà le rôle de Sarkozy : "Michèle Marchand œuvre pour le compte de Nicolas Sarkozy."
Des SMS exhumés du dossier vont aussi dans ce sens. "Rassurez Zebulon [surnom de Sarkozy] que tout va bien (...) et que maintenant les fonds sont là, c'est plus facile", écrit l'assistante de Dubus à Marchand.
Bien que démenti par l'intéressé, il semble donc désormais établi que Nicolas Sarkozy avait bien la main sur les manettes de cette opération avortée de rétractation de Takieddine. Un nouvel élément à charge qui s'ajoute au dossier déjà épais du financement libyen présumé, pour lequel il sera jugé en 2025.
300 000 EUROS VOLÉS À UN MINISTRE AFRICAIN DANS UN HÔTEL DE FRANCE
Sous une fausse identité, ils piègent leur victime et s'emparent de son butin. Pourtant, leur coup de maître va être leur perte : grâce à la vidéosurveillance, la police remonte patiemment leur piste, jusqu'à identifier et interpeller deux cambrioleurs
(SenePlus) - D'après des informations exclusives obtenues par BFMTV, deux hommes ont été mis en examen le 29 mars dernier pour le cambriolage particulièrement sophistiqué dont a été victime un haut fonctionnaire africain en octobre dernier à Courbevoie (Hauts-de-Seine).
Les faits remontent au 3 octobre 2023. Ce jour-là, un individu se présente à l'accueil d'un hôtel quatre étoiles courbevoisien, se faisant passer pour un vice-ministre en visite dans un pays d'Afrique centrale. Prétextant avoir oublié sa carte magnétique, il obtient une nouvelle clé lui permettant d'accéder à la chambre. Deux complices font alors irruption dans la pièce et dérobent montres, vêtements de luxe et environ 300 000 euros en liquide, le tout dans une valise rapidement déposée dans un véhicule.
Pensant leur forfait parfait, les voleurs prennent la fuite à pied. Mais ils sont filmés par les caméras de vidéosurveillance, qui permettent aux enquêteurs de la police judiciaire de Nanterre de remonter leur trajet jusqu'à Limeil-Brévannes. "Un minutieux travail de recoupement a permis d'identifier ces deux suspects, déjà connus pour vols avec effraction", confie une source proche du dossier.
Il s'agit de deux hommes de 38 et 39 ans, mis en examen le 29 mars dernier pour "vol en bande organisée" et "association de malfaiteurs". Placés en détention provisoire, ils ont fait valoir leur droit au silence lors de leurs auditions. À ce jour, le butin n'a toujours pas été retrouvé.
L'enquête se poursuit désormais pour identifier d'éventuels complices et récupérer les 300 000 euros dérobés en octobre dernier au vice-ministre africain, victime d'un "coup" aux contours dignes d'un véritable thriller policier.
L'OPPOSITION MALIENNE UNIE CONTRE LE POUVOIR
Les principales forces vives du pays signent un texte de grande fermeté. Ensemble, elles dénoncent la suspension dictatoriale de leurs activités et affirment leur refus de participer au dialogue sans libertés
Dans une déclaration commune, les principaux partis politiques et organisations de la société civile malienne dénoncent avec véhémence la décision des autorités de suspendre leurs activités, en violation de la Constitution. Ils jugent cette atteinte aux libertés démocratiques inédite et liberticide, et affirment leur refus de participer au dialogue national dans ce contexte.
"Déclaration de partis, regroupement de partis et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024 relative à la suspension des activités des partis politiques et des activités à caratère politique des associations
Les partis, regroupements de partis et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024 ont appris avec stupéfaction, la décision des autorités en place, de suspendre les activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations, en violation de la Constitution de 1992 et 2023 et des lois encore en vigueur au Mali, notamment la charte des partis politiques et la loi modifiée relative aux associations.
Les parties signataires de la déclaration du 31 mars 2024, attirent l’attention de l'opinion publique nationale et internationale, sur le fait que ces atteintes graves aux libertés démocratiques sont sans précèdent dans l'histoire du Mali depuis la chute de la dictature militaire du Général Moussa Traoré.
Les parties signataires de la déclaration du 31 mars 2024 regrettent qu'au moment où le chef de l'État en appelle à tous les Maliens, pour participer à un dialogue dit inter-maliens, on puisse suspendre les activités des partis et activités à caractère politique des associations, qui constituent un pan indispensable dans l’animation de la vie politique et publique, conformément aux textes de loi pertinents en la matière.
Les parties signataires de la déclaration du 31 mars 2024 regrettent également, les allégations infondées qui ont servi de justification fallacieuse à cette décision liberticide et tyrannique par les autorités en place.
Les parties signataires de la déclaration du 31 mars 2024 rejettent par conséquent le décret N°2024-0230/ PT-RM du 10 avril, et affirment qu’à partir de cet instant, elles vont non seulement l’attaquer devant toutes les juridictions nationales et internationales indiquées, mais aussi qu’elles ne participeront, dans ces conditions, à aucune activité organisée par le gouvernement, y compris le soi-disant dialogue inter-Maliens.
Les parties signataires de la déclaration du 31 mars 2024 exhortent les autorités en place, à lever sans délai, la suspension des activités des partis politiques et celles des activités à caractère politique des associations, afin de permettre à toutes les composantes de la société malienne de participer à l’animation de la vie publique nationale, en vue de jeter les bases d’une véritable refondation de nos institutions.
Les parties signataires de la déclaration du 31 mars 2024 réaffirment qu'aucune manœuvre ne les fera reculer dans le combat pour la liberté, la démocratie et le bien-être des Maliens.
Les parties signataires de la déclaration du 31 mars 2024 résisteront et elles triompheront."
Ont signé :
YELEMA
ADEMA
M5RFP-MALI KURA
PS YELEN KURA
PARENA
NEMA
ESPERANCE NOUVELLE JIGUIYA KURA
APPEL DU 20 FEVRIER
ASMA-CFP FORCES ALTERNATIVES POUR LE CHANGEMENT
CADRE D’ECHANGE DES PARTIS ET REGOUPEMENT DE PARTIS POUR LE RETOUR A L’ORDRE CONSTITUTIONNEL
LE RAS-LE-BOL NATIONAL
Pêcheurs appauvris, étudiants sans avenir, victimes de la répression : ils racontent leur quotidien d'injustice et leur rejet d'un système libéral jugé élitiste. Analyse d'un vote sanction massif qui a propulsé au pouvoir Bassirou Diomaye Faye
Pêcheurs ou étudiants, de nombreux jeunes Sénégalais ont exprimé dans les urnes leur désenchantement face à la gouvernance de Macky Sall, estimant avoir été laissés de côté des fruits de la croissance, selon un reportage du journal Le Monde.
A Kayar, petite ville côtière au nord de Dakar, la situation des pêcheurs illustre ce sentiment d'injustice. "Pour rien ou presque, la pêche a encore été mauvaise. Depuis des années, on ne gagne rien, on travaille seulement pour se nourrir", peste Serigne Diouf, 30 ans, prêt comme beaucoup de ses camarades à tenter sa chance en Europe tellement "la vie est devenue trop dure". La raison de cette précarité? "Les gros bateaux de pêche étrangers ont volé notre travail", déplore Aliou Diop, 21 ans, en référence à l'accord de pêche de 2014 entre l'UE et le Sénégal, signé sous Macky Sall.
C'est ce sentiment d'inégalité face aux investisseurs étrangers qui a poussé les pêcheurs de Kayar, comme de nombreux Sénégalais, à voter le 24 mars pour l'opposant Bassirou Diomaye Faye, élu au premier tour sur la promesse de "rompre avec un système injuste". Pourtant, sous Macky Sall entre 2012 et 2024, le pays a connu une forte croissance moyenne de 5% et s'est doté d'infrastructures modernes. Mais "comme beaucoup de Sénégalais, nous n'avons pas touché les dividendes de cette politique libérale", déplore Serigne Diouf.
Au-delà du milieu de la pêche, le désenchantement était également de mise dans les universités. "Sous Macky Sall, on voyait des étudiants sans diplôme trouver du travail car proches du pouvoir, pendant que des docteurs pointaient au chômage. C'est cette injustice sociale qui nous a fait voter Bassirou Diomaye Faye", explique Modou Diagne, président de l'amicale des étudiants en droit de l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
Symbole de ce ras-le-bol, des manifestations étudiantes violentes avaient éclaté en juin 2023 après la condamnation d'Ousmane Sonko, principal opposant, que beaucoup jugeaient politique. L'amphithéâtre de droit a été incendié. Dans le pays, les affrontements entre police et manifestants entre 2021 et 2023 ont fait plus de 1.000 blessés et 66 morts selon Amnesty International, comme le frère d'Abdoulaye Wade, tué lors d'une manifestation. La classe politique est jugée "violente" et "impunie".
Ce sentiment d'injustice s'est également cristallisé autour des multiples "scandales de corruption épinglant des caciques du pouvoir", révélés par des lanceurs d'alerte comme Mouhamed Samba Djim. Arrêté en 2023 alors qu'il dénonçait des détournement dans la gestion de la crise Covid, il a passé 374 jours en détention dans des conditions atroces.
Ces affaires, comme le scandale de la mauvaise gestion du fonds Covid mis en lumière par la Cour des comptes, "ont profondément choqué les Sénégalais" face à l'enrichissement d'une classe politique alors que l'inflation grignotait le pouvoir d'achat, estime Mamadou Lamine Sarr, enseignant-chercheur. Les citoyens ont ainsi exprimé dans les urnes leur "rejet de ce système" au profit du candidat du changement Bassirou Diomaye Faye.