VIDEOLAC ROSE SANS ÉCLATS
Pour l’ex-Lac Retba, l’avenir n’est plus rose. Il est fortement touché par le surplus d’eau causé par le canal mis en place l’année dernière pour soulager la banlieue des eaux de pluie. C’est un patrimoine en péril
Plus de douze mois de calvaire, et toujours pas de solution. Le Lac Rose n’est qu’un mélange d’eau salée, d’eaux de pluie et parfois de fosses septiques. C’est cet assemblage qui donne au lac cette nouvelle couleur, qui n’est pas la sienne. Pour l’ex-Lac Retba, l’avenir n’est plus rose. Il est fortement touché par le surplus d’eau causé par le canal mis en place l’année dernière pour soulager la banlieue des eaux de pluie. C’est un patrimoine en péril.
Les acteurs autour du Lac Rose, qui se disent laissés en rade par les autorités, ont trouvé le moyen pour ne pas revivre la mésaventure de l’année dernière, en entamant la construction d’un muret renforcé par des sacs de sable pour obstruer ledit canal. L’Etat va ériger 7 bassins, qui vont s’ajouter au muret. Le niveau de l’eau, qui était à 3 mètres, est monté jusqu’à 6 lors du dernier hivernage. Le Lac Retba, devenu Lac Rose, faisait 17 km2. Il était alimenté à 80% par les eaux de pluie, à travers des rivières qui partent des Niayes, de la zone de Kounoune et Ndiakhirate, et 20% par les eaux souterraines. Maintenant, il fait moins de moins de 3 km2 et sa disparition n’est plus une éventualité. Elle devient imminente.
Le Lac Rose n’est… plus rose. La première rencontre entre Pape et le Lac Rose a accouché d’une déception immense. Sous le charme de la zone à travers les nombreux clichés pris sur le site et reflétant un décor féérique, le jeune homme, d’origine sénégalaise et vivant en France, ne pouvait revenir à la terre de ses parents sans faire le détour au lac. Grosse déception pour lui, car il n’a pas retrouvé la beauté de ce jadis magnifique écrin tant chantée par le monde. C’était ici que les conducteurs du Dakar installaient leur bivouac pour se laisser éblouir par sa couleur unique, après plusieurs jours de traversée du désert.
«Regarde Aïda, regarde comment est devenu notre Lac Rose, je ne saurais te dire à quoi il ressemble. Je suis tellement déçu», a-t-il lancé alors qu’il discutait, par appel vidéo, avec une de ses amies qui voulait elle aussi venir visiter le célèbre Lac Rose. Tout autour de lui règne une ambiance terne. Aucune attraction en particulier. L’on se croirait dans un endroit interdit d’accès à la population. Pourtant, nous sommes bien au Lac Rose, de surcroît un samedi. Jadis réputé être un lieu de grande fréquentation, aujourd’hui, il n’en est rien. Les rares personnes qui arrivent en petits groupes de trois ou quatre, semblent tout autant surprises de l’ambiance sur le site.
A cause du surplus d’eau enregistré lors de l’hivernage passé, la vie n’est plus rose au lac. De la couleur rose du lac à certaines périodes de l’année aux activités économiques et touristiques, tout est au ralenti depuis lors. Le lac a en effet été le parfait exutoire des eaux pluviales en provenance de Keur Massar, Jaxaay, Kounoune et autres localités. Pour mener à bien le plan Orsec, qui a été déclenché le 5 août 2022 par le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome afin de «faire face à la situation des inondations constatées suite aux fortes pluies enregistrées», il fallait impérativement évacuer les eaux de pluie de ces zones, et le Lac Rose a été retenu pour être le réceptacle de ces importantes quantités. Des voies ont ainsi été balisées pour acheminer sur plusieurs kilomètres, ces eaux ayant fait souffrir ailleurs des populations.
Arrêt de l’exploitation du sel
La situation s’est nettement améliorée dans les zones sujettes aux inondations avec cette évacuation, mais en même temps, l’afflux d’eau a fortement impacté l’écosystème du lac. La profondeur du lac a atteint six mètres et sa largeur a augmenté de 200 mètres, et il ne cesse d’avancer en engloutissant quelques abris installés pour les moments de détente.
Le Lac Retba, appelé Lac Rose du fait de la couleur de son eau à certaines périodes de l’année, est situé dans la commune de Tivaouane Peulh Niagues et s’étend sur 3 km2. «Le malheur des uns fait le bonheur des autres», c’est le dicton adéquat pour traduire cette situation qui prévaut avec cette évacuation des eaux pluviales. L’objectif derrière ce plan Orsec, consistait aussi à limiter les dégâts des inondations. Chose faite, mais en retour, c’est tout un patrimoine et plusieurs commerces qui paient la facture salée de cette stratégie.
De 17 km2 à 3 km2
Toutes les eaux de pluie drainées vers le lac, mélangées à celles des fosses septiques, donnent un cocktail d’insalubrité qui s’est déversé sur le Lac Rose : ce qui a provoqué toute une montagne de difficultés impactant une partie de l’économie du Sénégal. De l’autre côté du lac, une autre scène. Des machines rouillées, des hangars vides, des tas de sel. Aux abords de ce décor, un groupe d’hommes discutent tranquillement : il s’agit des saliculteurs. Ces regroupements autour de discussions sur tout et rien font maintenant partie de leur quotidien, car cela fait exactement un an que le Lac Retba ne donne plus de sel. Les machines d’iode, n’ayant pas fonctionné durant plus de dix mois, ont fini par se dégrader. D’ailleurs, les saliculteurs ont perdu 7000 tonnes de sel lors des premiers dégâts enregistrés au lac. Maguette Ndiour, le président de la Coopérative des exploitants de sel du Lac Rose, y va de ses explications. «Cette situation catastrophique a mis à l’arrêt le travail de plus de 10 000 personnes, car la montée de l’eau rend très difficile la collecte du sel», a soutenu M. Ndiour. Malgré ces nombreuses difficultés auxquelles ils font face, les saliculteurs gardent espoir de pouvoir reprendre leur travail sous peu. Effectivement, il y a quelques semaines, ils ont pu avoir un petit échantillon de l’eau du lac, et la couleur rose est encore présente. Ceci est un grain d’espoir qu’ils veulent semer en ces périodes de vifs désagréments. De plus, les quelques dunes de sel entassées aux abords du lac sont le fruit d’une collecte récente. En attendant que la situation s’améliore, M. Ndiour propose l’intervention de l’Etat pour leur permettre de reprendre leur activité. «Ils doivent nous aider en pompant l’eau du lac afin de lui rendre sa profondeur d’antan, c’est seulement de cette façon qu’on pourra trouver du sel», a noté le président Ndiour. La voie cédée aux eaux des pluies traverse plusieurs champs d’agriculteurs avant de se déverser dans le lac. Au même titre que les saliculteurs, ces cultivateurs aussi ont perdu leurs récoltes, car les eaux ont tout emporté.
Face à tous ces désagréments, l’association «Aar Lac Rose», dirigée par Ibrahima Mbaye, et qui s’active dans l’environnement et l’écosystème du lac, a porté le combat de la protection dudit lieu. Ses membres ont fait plusieurs plaidoyers pour sauver le Lac Retba. Alors que les réactions tardaient à venir, ils ont entrepris de bloquer eux-mêmes les eaux en bouchant les tuyaux avec des sacs remplis de sable. Une méthode qui a fait effet pendant un temps avant que les eaux ne reprennent le dessus pour se rediriger vers le lac. En dépit de cela, Ibrahima et son groupe n’ont pas baissé les bras, et cela a débouché sur une bonne nouvelle. Le circuit qui faisait arriver les eaux de pluie avec force dans le lac n’est plus. Et, c’est avec une grande fierté que M. Mbaye parle de réussite. «C’est grâce à nos nombreuses complaintes auprès des autorités que finalement, ils ont construit un bassin pour y endiguer les eaux de pluie, laissant ainsi le lac se reposer», a-t-il assuré. Comme mesure d’urgence, l’Etat du Sénégal a décidé d’implanter cinq bassins pour capter les eaux pluviales qui terminaient leur course dans le lac. Deux parmi ceux-ci sont installés à la Base de la marine française au centre émetteur, deux autres à Niagues, en plus d’autres travaux connexes pour résoudre le problème.
Toutefois, le lac continue encore de recevoir les eaux des pluies, même si ce n’est pas en grande quantité. La brèche qui a été ouverte, n’a toujours pas été fermée, après la création du bassin de rétention. Aujourd’hui, l’espoir est à la régénération du lac pour qu’il retrouve les beaux atours qu’on lui connaissait. En tout cas, Pape ne demande que ça. «Le Lac Rose, sans la couleur rose, ne reflète pas la carte postale qu’on connaît», a-t-il ainsi relevé.
Le Lac Retba, devenu Lac Rose, faisait 17 km2. Il était alimenté à 80% par les eaux de pluie, à travers des rivières qui partent des Niayes, de la zone de Kounoune et Ndiakhirate, et 20% par les eaux souterraines. Maintenant, il fait moins de moins de 3 km2 et sa disparition n’est plus une éventualité. Elle devient imminente, à moins que les mesures annoncées par les autorités soient appliquées avec célérité ?