VIDEOLE MAL DES UNIVERSITÉS AFRICAINES À L'INDEX
Y-a-t-il un conflit intergénérationnel dans les universités ? Les jeunes doivent-il faire profil bas dans le débat intellectuel du simple fait de leur âge ? Est-ce que vieillesse rime systématiquement avec sagesse ? L’enseignante Odome Angone tranche
Le débat serait menacé dans des universités africaines. Et pour cause ! Certains devanciers, certes compétents, se considéreraient comme étant la projection orthogonale de Dieu le Père sur terre au point ou encore se croient être tirés de la cuisse de Jupiter au point de ne pas supporter la contradiction. C’est le constat relevé par l’enseignante Odome Angone lors d’un colloque tenu récemment à l’UCAD. Nous l’avions interrogée pour comprendre davantage de quoi il est question.
Par essence, l’université devrait être l’espace de contradiction par excellence. Paradoxalement, en Afrique, ces espaces seraient de plus en plus infectés par un fantôme qu’il serait urgent de l’enrayer. Il s’agit de la tendance de certains ainés à dogmatiser leur science et de percevoir toute contradiction venant surtout des jeunes, comme un affront ou une agression. Ce phénomène se fait visible dans un contexte où la population africaine est incontestablement constituée en majorité de jeunes que les autres continents convoitent. C’est le constat que fait Odome ANGONE, enseignante chercheure au département de langue romane de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Elle a été interrogée lors du colloque. ( Voir la vidéo ci-dessus)
Intervenant dans un atelier lors du colloque international sur le devenir de l’Afrique organisé par la Faculté des Lettres et Sciences humaines, cette spécialiste de la gouvernance scientifique regrette la tendance des devanciers à vouloir écarter les jeunes alors qu’ils ont aussi droit au chapitre en dépit de leur jeunesse et que les savoirs ne sont pas figés.
En marge du colloque, elle a accepté de répondre à nos questions où elle expose davantage le constat qu’elle fait sur cette propension des ainés à vouloir à étouffer tout débat dans les espaces universitaires africains. Mais pour cette universitaire, il n’en est pas question parce que les savoirs ne sont pas « caporalisables» et il n’y a pas de raison de sacraliser certaines figures universitaires tout simplement du fait de leur ancienneté. Il faut que le débat ait toute sa place et cela n’a rien des attaques personnelles.
D’ailleurs, elle rappelle fort à propos qu’en 2050 sur les dix milliards d’âmes que comptera la planète terre, une personne sur deux sera africaine ou d’origine africaine, et ce sera une population jeune comme c’est le cas aujourd’hui. Sous ce rapport, il est insensé de déconsidérer la parole des jeunes. A contrario, il urge de commencer à compter sur et avec eux pour développement du continent.
In fine , la chercheure met de l’eau dans le vin de ceux qui, en Afrique, pensent que vieillesse rime toujours et en tout temps avec sagesse. Utopie ! Même le grand intellectuel, l’historien et ethnologue malien Amadou Hampaté Ba a la même position que Mme Angone.
Dans une interview diffusée en 1969 parlant de la tradition orale et de la transmission du savoir Hampathé Ba disait : « Le vieillard ce n’est pas celui qui a le grand âge. C’est celui qui connaît. Alors vous avez des vieillards de 20 ans et vous avez des enfants de 72 ans. C’est une question de savoir. Le vieillard est un homme qui connaît. Il ne faut pas croire que ça veut dire absolument le vieillard en âge. Mais comme ce sont les vieillards en âge qui généralement ont le plus vécu, ont le mieux vu, ils sont considérés comme les grands initiateurs ».
Voilà qui devait calmer ceux qui sont tentés de caporaliser les savoirs du simple fait de leur âge.