DIRE QUE LE COVID N'EXISTE PAS EST UN MANQUE DE RESPECT ENVERS LES PROCHES DES MORTS DE LA PANDÉMIE
Dans cet entretien, l'artiste Omar Pène évoque son nouvel album dont la direction artistique est confiée au guitariste Hervé Samb. Il parle de la crise sanitaire et de ses effets sur le secteur de la culture
Présent sur la scène musicale, depuis près de quarante ans, Omar Pène fait partie de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire de la musique sénégalaise. Après une absence de neuf ans du marché musical sénégalais, il revient avec un nouvel album de neuf titres. Il est intitulé “Climat’’ et traite de divers thèmes actuels. Cela va du réchauffement climatique au terrorisme. Dans cet entretien avec EnQuête, il parle de cette nouvelle production dont la direction artistique est confiée au guitariste Hervé Samb. Il parle de la crise sanitaire et de ses effets sur le secteur de la culture.
Parlez-nous du contenu de votre nouvel album intitulé Climat
C’est un album de neuf titres. J’ai décidé de le baptiser ‘’Climat’’, parce que le réchauffement climatique est une question d’actualité. J’évoque également dans cette production une autre question d’actualité qu’est le terrorisme. C’est un problème réel qui est là. Il y a une chanson titrée ‘’Emergence’’. Je trouve qu’elle est importante pour des pays comme le nôtre. J’ai profité aussi de cette production pour remercier ceux qui m’ont aidé, soutenu et prié pour moi pendant ma maladie. J’ai encore rendu hommage à tous ces jeunes qui supportent ma musique et réunis autour d’Afsud, ainsi tous ceux qui n’y sont pas, mais qui aiment ma musique et me surnomment ‘’Baye Pène’’. C’est un lien affectif inestimable.
La direction artistique de cet album est confiée à Hervé Samb. Au-delà du fait qu’il est un ancien du Super Diamono, qu’est ce qui a déterminé le choix porté sur lui ?
J’ai travaillé avec lui pendant mes tournées à l’international. C’est un projet que j’ai partagé avec lui et d’autres musiciens qui ont participé à cet album. Après mon dernier album acoustique ‘’Ndayaan’’, il nous fallait en sortir un autre. J’ai alors pensé à lui. On avait déjà travaillé ensemble et il me connait très bien artistiquement. Aussi, comme il est encore dans le circuit international, il connait très bien la world musique, je me suis dit pourquoi pas lui pour m’accompagner dans mon nouveau projet. Hervé joue encore avec de grands artistes et je savais qu’il pouvait apporter des choses importantes à cet album. Et il tenait également à faire cet album avec moi. Donc, je ne suis pas allé chercher loin. J’ai décidé de le faire avec lui. Mais à peine avait-on commencé à travailler, je suis tombé malade. On a dû arrêter le travail, en attendant que je me rétablisse. Donc, on a commencé à travailler sur ce projet, depuis longtemps. C’est dernièrement qu’on l’a repris, quand j’allais beaucoup mieux.
Comment fait Omar Pène pour que sa musique ait ce goût du passé et soit en même temps actuelle ?
C’est l’enracinement et l’ouverture. Ce qui est très important pour moi. On essaie de garder notre identité. Je suis Sénégalais et Africain. Il y a une part de ma musique que je puise ici. Quand on parle d’Omar Pène, on parle du Sénégalais. Omar Pène du Sénégal, dit-on. C’est mon identité. Il n’empêche qu’on soit ouvert à d’autres influences musicales venues d’ailleurs. Il y a des gens qui ont participé à la réalisation de l’album et qui ne sont pas des Sénégalais. Ce sont des rencontres qui sont créés, des liens tissés. Chacun peut y trouver son compte, qu’on soit Africain ou Européen. La musique n’a pas de frontières comme on dit. En écoutant l’album, on se rendra compte que je n’ai pas perdu mon identité, mais que j’ai une certaine ouverture permettant à un plus large public de consommer ma musique.
A peine l’album est sorti sur les plateformes digitales qu’il a été piraté ?
La piraterie est là, depuis longtemps. Ce n’est pas la première fois que je vis ce genre d’expériences. C’est triste. Malgré des efforts faits par l’Etat et ceux qui s’occupent du secteur de la musique, le problème persiste. Et les pirates ne ratent aucune occasion. Même après une émission à la télévision, on retrouve le contenu dans des CD vendus aux feux-rouges, dès le lendemain de la diffusion à la télé. On essaie de vivre avec finalement. On a beau dénoncer et essayer des choses pour contrer cela, en vain. Je pense qu’il ne nous reste plus qu’à dire à ceux qui nous écoutent, aux mélomanes, à ceux qui aiment la musique de nous aider. Eux seuls peuvent nous aider en refusant d’acheter ces CD contrefaits. Qu’ils essaient d’acheter les productions originales pour nous aider. Il n’est pas facile de réaliser un album. Cela requiert beaucoup de moyens financiers. Il est malhonnête que des gens qui n’ont pas investi un franc dans nos projets en récupèrent des bénéfices.
Avez-vous une idée de combien vous avez perdu ?
On ne peut quantifier nos pertes. On ne sait pas combien de CD le contrefacteur a sorti. Et ces gens dépensent des miettes pour ne pas rien dire pour gagner derrière de l’argent. Le plus désolant, c’est qu’il altère la qualité du produit. Cela annihile tous les efforts de l’artiste qui a tout fait pour présenter à son public un produit de qualité. Ils ne se soucient ni de la qualité ni de celle du produit. Il n’y a que le gain facile qui les intéresse.
On ressent actuellement ici les effets du réchauffement climatique, avec la raréfaction des pluies. Quelle doit être la position de l’Afrique pour faire face à ce problème ?
Ils doivent s’unir et parler d’une même voix. L’Afrique est le continent le plus pauvre, comme on dit. Ce qu’on voit se passer ailleurs, si ça se passe ici, il nous sera difficile de régler le problème et de limiter les dégâts. On manque de moyens. Il nous faut nous lever maintenant et essayer de tout faire pour ne pas que la situation s’exacerbe chez nous. La pollution est l’une des causes du réchauffement climatique. Or, les plus grands pollueurs ne se trouvent pas en Afrique. Il faut que les Africains parlent aux grands pollueurs et fassent entendre leurs voix, parce qu’on partagera tous les conséquences. Il nous faut nous préparer aussi pour que les impacts, devant certaines intempéries dues au réchauffement, soient réduits.
La pollution en Afrique est souvent l’effet de multinationales étrangères. Nos gouvernants ne devraient-ils pas commencer par régler cette question ici ?
Il y a certaines situations qui s’imposent à nous. On ne peut les refuser, parce qu’elles nous permettent de régler certains problèmes. Malgré tout, il faut y aller, le faire en toute intelligence. Parce qu’on ne peut pas prendre en charge certaines conséquences de ces problèmes. On n’en a ni les moyens ni la force. Maintenant, il y a des gens qui ne croient pas au réchauffement climatique et qu’on appelle les climato sceptiques. Cette frange n’est pas à minimiser. Il faut les prendre en compte. Il faut des organisations fortes pour sensibiliser les dirigeants et la population. Si je prends l’exemple du Sénégal, aujourd’hui, des villages entiers, jadis situés sur la langue de Barbarie, ont disparu. Ce sont les conséquences du réchauffement climatique.
Donc, au Sénégal, on vit ce problème. Il nous faut donc davantage nous organiser. Il faut que les gens sachent également que l’arbre est un élément important de notre environnement. Cela tout le monde le sait. Les spécialistes l’ont assez dit. On a même organisé ici de grandes campagnes de reboisement. Il ne faut pas que les spécialistes se découragent. Qu’ils poursuivent les plaidoyers. Ils sont importants. On ne règle pas les problèmes par la violence, mais par la sensibilisation. Les experts de quels que domaines qu’ils soient ne doivent pas se taire face à certains problèmes. Non !
Le titre ‘’Emergence’’ est-il un clin d’œil au pouvoir en place ?
On dit souvent de certains pays qu’ils sont émergents. C’est une vérité. Je suis allé dans des pays dits émergents. Ce que j’y ai vu et vécu, je veux bien que mon pays le connaisse, le vive. Emergence signifie progrès et avancements sur tous les plans. Les pays émergents ont de bonnes infrastructures permettant à leurs populations d’améliorer leurs conditions de vie. C’est très bien. Nul ne veut éternellement demeurer à une station statique. Tout le monde aspire à avancer. Quand on vit dans un pays et qu’on nous propose un bon programme, on ne peut que le soutenir, si on est patriote. Moi, je soutiens ce projet d’émergence. Je pense que s’il est concrétisé, la population y trouvera son compte. Mais, je le dit clairement dans la chanson, il faut travailler pour le concrétiser. Ce qui m’intéresse, c’est vraiment l’avancée du pays. Maintenant, si c’est le pouvoir en place qui a la bonne idée de mettre sur pied un programme pour l’émergence du pays, je ne vois pas pourquoi on ne dirait pas que c’est bien.
Vous avez parlé de terrorisme dans votre album. A votre avis, quel devrait être l’attitude des dirigeants africains pour faire face à ce problème ?
D’abord, ce qui m’a poussé à en parler dans mon album est que j’ai constaté qu’il ne cause que des dégâts. Il n’a causé que tristesse et peur dans les pays où il s’est manifesté. En tant que Sénégalais, en ayant constaté cela ailleurs, j’ai tenu à sensibiliser nos dirigeants pour qu’ils prennent leurs précautions. Il ne faut pas penser que cela n’arrive qu’aux autres. Nos voisins vivent cette problématique. On l’a vu. Il nous faut des mesures fortes pour faire face. C’est un phénomène dangereux qui nous retarde, nous fait perdre des gens qu’on aime et nous installe dans une certaine instabilité. Il faut prendre le problème à bras le corps, dès à présent, et ne pas attendre que çà explose pour chercher des solutions. Il vaut mieux prévenir que guérir. Ceux qui vivent cela sont dans problèmes inexplicables. Je sensibilise également les Sénégalais. Qu’ils sachent que c’est un problème qui existe.
Ici, les autorités ont l’air de l’avoir bien compris avec la révision du Code pénal. Mais certains trouvent, à travers la révision de la loi concernée, un acte politique qui viserait plus des adversaires politiques. Etes-vous du même avis ?
Il y a des gens qui vivent ce phénomène actuellement et on ne peut forcément dire que c’est à cause d’hommes politiques. Il nous faut dépasser certaines considérations et rester positif. Qu’on se dise que c’est pour le bien de tous et pour la préservation de nos acquis. Il faut qu’on se dise que : quand on est dans un pays où ne règne pas la paix, on ne peut rien y faire. Il n’y a pas que les hommes qui vivront les affres du terrorisme. Donc, si on propose une loi pour, au plan des sanctions, mieux prendre en charge la question du terrorisme, je n’y vois pas d’inconvénients. On veut continuer à vaquer tranquillement à nos occupations, sans peur de voir ce qui se passe ailleurs et appelé terrorisme se passer chez nous. S’il y a d’autres préoccupations différentes de celles-ci, je ne saurais le dire. Je suis un citoyen sénégalais, porteur de voix et je réfléchis sur des questions actuelles. J’essaie de protéger mon pays, en sensibilisant sur quelques maux. C’est ma seule préoccupation. Je prie pour qu’on ne connaisse jamais le terrorisme au Sénégal.
Ailleurs, certains associent le terrorisme à la religion musulmane.
Je ne le conçois pas ainsi. Je ne peux peut-être pas étayer mes propos, grâce à des versets, mais l’islam que je connais n’est que paix et amour. Cette violence que j’ai vue n’a rien à voir avec la religion musulmane. Je ne peux comprendre et je refuse de croire que des musulmans puissent en attaquer d’autres qui prient dans une mosquée. On y invoque Dieu et quelqu’un sort de je ne sais où avec un ‘’Allahou Akbar’’ et lance une bombe. Ce n’est pas l’islam cela.
Actuellement, le monde vit également un autre problème : la Covid-19. Au Sénégal, il est constaté un certain déni. D’aucuns ne croient plus vraiment en l’existence de la maladie. Quel est votre message à l’endroit de ceux-là ?
Ceux qui ont perdu des parents proches, des amis, des connaissances, ... ne diront jamais ne pas croire en l’existence de cette maladie. Personnellement, il y a certains membres de mon entourage qui sont actuellement touchés par le virus et alités. Il y en a d’autres qui ont été éprouvés, soignés et qui sont guéris. D’autres proches sont décédés. Je ne suis pas de ceux qui diront que cette maladie n’existe pas. Je pense également que les gens n’ont vraiment pas de temps à perdre pour créer de telles histoires, immobiliser le monde pour des affabulations. Ils pensent que les gens ont vraiment le temps, l’énergie et les ressources financières à gaspiller pour alimenter une telle tromperie. Qui y perdra ? Cela n’a aucun sens. Le virus est là et tue beaucoup de gens. Il faut qu’ils sachent qu’on est en pandémie. Le Sénégal n’est pas le seul pays concerné.
Ceux qui disent que la maladie n’existe pas, qui ne prennent aucune précaution ne mettent pas que leur vie en danger, ils compromettent celle de leurs proches. Il faut qu’on se ressaisisse. Nous qui sommes dans la culture vivons de plein fouet les affres de cette pandémie. Tous les lieux de spectacle sont fermés. On ne travaille plus, à cause de la crise sanitaire. Face à tout cela, si des gens continuent à soutenir que cette maladie n’existe pas, je ne saurai les comprendre. Cette maladie existe et tue. Rien que le nombre de morts ces temps-ci devraient convaincre les plus sceptiques. Il y a des familles éplorées, décimées. Je pense que c’est même un manque de respect envers ces familles qui ont perdu des proches que de dire la Covid n’existe pas.
La Covid va, à coup sûr, avoir un impact sur la promotion de votre nouvel album. Avez-vous une idée des répercussions financières ?
Les pertes ne sont pas quantifiables. On avait des contrats qu’on ne peut aujourd’hui honorer. Les reports s’enchainent. Le Fan club Omar Pène préparait, depuis bien longtemps, une soirée qui devait normalement se tenir ce 14 août. Mais, on est obligé aujourd’hui de reporter. Cette interview, on devait la faire en live, mais, on est obligé d’enregistrer une vidéo via un réseau social. Tout cela à cause de la Covid. Cette pandémie a un impact inimaginable sur notre travail. On n’est pas les seuls à vivre cela. Il y a des combats de lutte qui devaient se tenir, ce weekend, et qui ont été reportés. Je suis sûr qu’il y a d’autres secteurs qui sont aussi impactés que nous autres. Cette maladie cause beaucoup de dégâts, au-delà des nombreux décès qu’elle cause. C’est pour cela que je me demande sur quelle planète évoluent ceux qui ne croient pas en l’existence de cette maladie.
L’Etat a quand même essayé d’aider les artistes. Il les a soutenus financièrement, deux fois. Mais l’on ne peut dire que cela a eu un grand effet, avec des enveloppes de moins de 150 mille FCFA. Si, avec cette 3e vague, l’Etat se sent obligé d’aider encore les artistes, à votre avis ne serait-il pas mieux de revoir la forme ?
Il faut peut-être en discuter. Mais, je pense que ces 150 mille ont quand même pu aider certains aussi minimes soient-ils. Il est possible qu’en prenant les avis des uns et des autres, d’aucuns diront qu’ils préfèrent qu’on leur donne ces 150 pour faire bouillir leur marmite, au moins pendant quelques jours, ou payer leurs factures d’électricité ou d’eau. Il faut penser à tout le monde, en prenant certaines décisions. Aussi, les artistes ne sont pas les seuls à ressentir les conséquences de la pandémie. Tous les autres secteurs le vivent. Donc, l’Etat ne saurait également se concentrer sur un seul secteur. Il ne peut pas non plus aider, comme il se doit, tous les secteurs. Aujourd’hui, le défi à relever est l’élimination de la pandémie. C’est la seule solution. Toute autre chose n’est que pure diversion. Pour faire face, il faut des armes. Et on les connait. Il faut se faire vacciner et respecter les mesures barrières, comme édicté par les médecins. Tant qu’on ne le fait, les problèmes persisteront.
Quelle est la leçon que les artistes devraient tirer de cette situation ?
On ne peut plus travailler aujourd’hui. On n’a plus de revenus. On n’a aucune solution. Aujourd’hui, on n’utilise nos voix pour sensibiliser la population ; pousser les gens à respecter les mesures barrières.
Ne pensez-vous pas qu’il est temps de repenser votre manière de travailler en vous appuyant sur le digital qui offre beaucoup de possibilités ?
Il faut quand même des ressources financières pour faire cela. On en est à un point où c’est ce qui manque le plus. Aussi, on s’expose au piratage. Quand on fait un concert en ligne, on risque de le retrouver, le lendemain, en CD vendu dans les rues.
Vous êtes l’ambassadeur des étudiants à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Mais n’est-il pas temps de porter le plaidoyer pour que l’Ucad soit dépeuplé ?
Il y a presque plus de 80 mille étudiants à l’université. Il est plus que clair qu’il faut ouvrir d’autres universités. Il faut le reconnaître, l’Etat est en train de faire des efforts dans ce sens. Chaque année, le nombre sera en hausse. L’examen du baccalauréat se tient actuellement. Ceux qui réussiront vont être orientés dans les universités. Par conséquent, il faut penser aux capacités d’accueil des instituts existants et penser à en créer d’autres. L’université Cheikh Anta Diop a dépassé depuis longtemps sa capacité d’accueil. Ce n’est plus un secret et c’est un problème à résoudre.
Après les études, ces jeunes ont également des problèmes pour trouver un travail. Des programmes sont aujourd’hui montés par l’Etat, à votre avis quelle politique devrait être mise en place ?
Il faut créer des entités capables de les recevoir et de leur donner un emploi décent. Ceux qui n’ont pas eu la chance de faire des études poussées, il faut créer pour eux des centres de formation, afin qu’ils aient un métier. Il nous faut des ouvriers qualifiés. Il faut que chacun se choisisse une voie, un métier. Mais, si on veut tous travailler dans les bureaux ou être fonctionnaire, ce n’est pas possible. J’ai un morceau titré ‘’Métier’’ et je lance un message aux jeunes pour leur dire qu’il est impératif d’avoir un métier, savoir faire quelque chose. Et si certains pensent que l’Europe est la solution, ils se leurrent. Je connais des gens qui sont en Europe et ont des problèmes. Ils veulent rentrer et ne peuvent pas le faire, parce qu’ayant honte de revenir au pays les mains vides. Il n’est pas facile de trouver un travail en Europe. L’argent n’y pousse pas sur les arbres. Moi, pour rien au monde je ne prendrai pas les pirogues pour aller en Europe. Quand on a un métier, il vaut mieux s’organiser et y croire pour s’en sortir. Des gens travaillent ici et réussissent. Il y a des exemples à foison.
Vous avez une expérience de plusieurs années. Votre parcours pourrez peut-être inspirer tous ces jeunes. Voulez-vous bien y revenir ?
J’ai un long parcours. Il me serait très difficile de revenir sur tout. Je peux juste leur dire que c’est la voie que je me suis choisi. Personne ne me l’a imposée. Et je n’y suis pas entré à cause ou grâce à quelqu’un. Je l’ai choisi de manière lucide étant jeune. Chaque jeune a son vécu. Et les jeunes qui me suivent et avec qui je parle, selon les contextes, je puise dans ce vécu-là pour les conseiller. Beaucoup de jeunes me suivent aujourd’hui, aiment ma musique, parce que considérant que j’ai un parcours exemplaire. Et je reste convaincu que, quand on s’engage dans une voie avec une forte conviction, qu’on se donne les moyens de réussir, on réussit forcément. Je pense que l’essentiel du public connait mon parcours et, à mon âge, il me serait difficile de revenir sur certaines choses.
Tous ceux qui vous écoutent s’accordent à dire que vos textes sont profonds, les thématiques actuelles. Comment les choisissez-vous ?
Je n’ai pas eu la chance de faire des études poussées certes, mais, je me documentais beaucoup. C’est la rue qui m’a formé. Tout ce que je sais, c’est grâce à cette rue. Ainsi, c’est dans la rue, au cours d’échanges et de discussions avec diverses personnes qui m’ont permis de développer un certain esprit critique. J’allais assister à des débats pour pouvoir apprendre des choses. Je lisais, malgré mon niveau d’études, Cheikh Anta Diop et d’autres. Quand je ne comprenais pas certaines choses dans mes lectures, je posais des questions à mes amis intellectuels et ils me les expliquaient. J’étais un jeune curieux. J’ai toujours cru et tenu en mon africanité. Je suis panafricaniste convaincu.
Je me suis beaucoup documenté pour connaitre les problèmes de l’Afrique et voir éventuellement quelles solutions pourraient être proposées. J’ai dénoncé les guerres, les coups d’Etat. J’ai très tôt su ce que je voulais faire, sensibiliser ceux qui m’écoutent. Quand je ne parle pas de cela, je chante mes amis. Pour moi, l’amitié est sacrée. Certaines valeurs tendent à disparaitre. Les gens sont devenus opportunistes. L’amitié est importante dans ma vie, parce que mes plus grands moments je les ai vécus avec mes amis et non pas avec des parents. Je tiens à ces moments-là, à ceux avec qui je les ai vécus. J’ai choisi, en faisant de la musique, de proposer des choses utiles, qui peuvent servir.
Comment avez-vous fait pour résister, avoir cette identité particulière Super Diamono, et ne pas être emporté par toutes les influences musicales des années 1980 ?
Quand on a une conviction, on n’est pas influençable. Il faut croire en une chose pour la réussir. Dieu sait que, quand on commençait, beaucoup ne croyaient pas que cette musique pourrait être écoutée, encore moins être aimée. Ils ont essayé de nous décourager, en nous demandant d’essayer de faire autre chose. On restait pendant des mois sans contrat de prestation. On ne jouait pas, parce que les gens n’aimaient pas notre musique. Mais nous croyions en cette musique-là, même si, à l’époque, le salsa mbalax était très prisé. Les gens nous raillaient en nous disant : ‘’mais c’est quoi cette musique ; c’est du jazz ou quoi ; personne ne peut danser sur cette musique’’. Mais cela nous importait peu, tout comme l’argent. On aimait cette musique-là qu’on faisait et nous disions que cela marcherait. C’est pour cela que je me dis que quoiqu’on fasse, il faut y aller avec conviction. Aujourd’hui, nous avons eu raison de garder le genre qu’on s’est choisi.
Si la musique ne marchait pas pour vous, quel autre métier aviez-vous en ligne de mire ?
J’avais le choix entre être musicien ou être footballeur. Le football était mon premier choix étant enfant. J’avais des prédispositions qui me permettaient de devenir footballeur professionnel. Quand j’ai commencé à faire de la musique, ma passion pour cette dernière est devenue plus forte. Mais jusqu’aujourd’hui, le football reste mon sport préféré. D’ailleurs, ceux qui me connaissent bien savent que je ne prends pas d’appels, quand il y a un match.
Quel est votre club et votre joueur préférés ?
Au Sénégal, mon club de cœur est le Jaraf. Depuis que je suis jeune, je supporte ce club. Je leur ai dédié un titre et j’y compte beaucoup d’amis. Et mon joueur préféré c’est Cheikh Seck qui ne joue plus. A l’international, je supporte l’équipe de Marseille. C’est une équipe où sont passés beaucoup de Sénégalais. D’ailleurs, quand des gens veulent m’offrir des cadeaux, ils me donnent un maillot de Marseille. Pour mon joueur à l’international, je porte mon choix sur Lionel Messi. En plus d’être un footballeur, il est un artiste. En football, on parle de rythme, de mélodies, de symphonie comme en musique. Messi est un artiste du ballon. Il nous donne du plaisir nous qui le regardons. Il nous subjugue plus, quand on découvre son histoire et son parcours avant d’être au stade où il est aujourd’hui.