LA CITÉ DE WASSILAFAYE
On ne peut écrire sur l’histoire du Sine sans parler de Diakhao. Cette localité, à une vingtaine de kilomètres de Fatick, est la dernière capitale où le Bour Sine avait son palais, quelle que soit sa provenance

Un calme règne sur la place publique de Diakhao. Avec la forte canicule du jour, en cette période d’hivernage, les populations sont cloîtrées dans les maisons. Devant certaines demeures, on aperçoit quelques jeunes àl’ombre des arbres. Cette grande place publique appelée «NguelWassila», du nom dufondateur de la localité, est bien aménagée. Des bancs sont installés un peu partout. L’endroit est bien coloré,donnant à ce grand espace, témoin de toute l’histoire de Diakhao,toute sa beauté. Sur cette place, trône un arbre géant. Selon Ablaye Sène, communicateur traditionnel, cet arbre s’appelle «ngaane» en Sérère ou «boul» en Wolof. «Chaque nouvelle mariée, qui entre à Diakhao, fait obligatoirement le tour de cet arbre», explique M. Sène.
Avant d’entrer à Diakhao, un tableaudonne un petit aperçu sur l’histoire de ce village devenu une petite agglomération rurale. «Diakhao, dernière capitale du royaume du Sine», est la mention bien visible. En face de «NguelWassila»,une vaste demeure avec beaucoup de bâtiments à l’intérieur attire l’attention. «C’est ici Mbine no maad» ou la maison royale de Diakhao. En franchissant la première porte de la demeure, on fait face aux vestiges témoignant d’une grande partie de l’histoire du Sine. Dans la maison royale, les morts et les vivants se partagent l’espace. Gauche, droite, en face, on aperçoit partout des mausolées. Cependant, les habitants de la maison royale n’autorisent plus de visite inopinée sans aviser au préalable. Une équipe de télévision venuede Dakar en a fait les frais juste avant notre arrivée.C’est la nouvelle règle, dit, d’un ton ferme, Khady Diouf, fille du dernier roi du Sine Mahécor Diouf. Au début, la matriarche de la maison, le nez et la bouche sous un masque bleu, était intransigeante avec l’équipe du Soleil. Finalement, elle accepte, mais à condition de ne pas prendre d’images sur certaines parties de la mythique demeure.
Pour la visite guidée, elle désigne le griot de la famille, Ablaye Sène. A l’entrée de la maison royale, il y a le mausolée de Wassila Faye, 8èmeroi du Sine, de 1285 à 1302. Wassila Faye, informe le chercheur Mamadou Faye, a été intronisé à Bicole, dans l’arrondissement de Niakhar. C’est par la suite qu’il a fondé le village de Diakhao pour en faire la capitale du Sine. Avant Diakhao, Mbissel, Ndiongolor, Sanghaï ont tous été des capitales. «Depuis le règne de Wassila Faye, la capitale du Sine n’a plus quitté Diakhao», dit-il.Selon les versions recueillies, Wassila Faye, après son intronisation,voyait en rêve l’ombre de Meissa Waly qui lui conseillait d’aller s’installer à Diakhao.Après plusieurs tentatives, il a finipar traverser la forêtet trouver le site de Diakhao (qui vient de Diaham, j’ai traversé en Sérère).
Tambour royal
Dans la cour royale, chaque mausolée renferme un pan de l’histoire de l’ancien royaume sérère du Sine.Le dernier roi, Mahécor Diouf, est enterré dans la maison royale, en face de la cour principale et du baobab sacré. Son mausolée est un petit bâtiment peint en vert.Durant la royauté, indique AblayeSène, le roi était enterré dans sa chambre et sous son lit. Du fait de sa noblesse, il était enterré en gardant la même position sur son lit de mort. «Chaque sépulture était la chambre dans laquelle le roi a rendu son dernier souffle», précise-t-il. A l’intérieur du mausolée du dernier roi du Sine, deux «junjung» (tambours royaux) sont accrochés aux murs. Cestamboursdevenuscélèbres ne retentissaient quesur le champ de bataille ou tous les vendredis quand le roi sortait pour sa promenade à la place publique (« nguelwassila »). «Tous les vendredis, le roi sortait le matin. Toutes les populations venaient pour le saluer. C’est en ce moment qu’on entendait tonner les ‘’junjung’’ », informe le traditionnaliste, Ablaye Sène.
Plus on avance à l’intérieurde cette vaste demeure, plus on découvre d’autres mausolées. Lasépulture la plus frappante de par sa beauté architecturale est celle du Bour Sine CoumbaNdoffène Diouf Fa Ndeb(junior). Ce mausoléea été inauguré le 7 juin2008 par l’ancien Khalife général des mourides, Mouhamadou Lamine Bara Mbacké,en présence du ministre de la Culture, Mame Birame Diouf. Le roi du SineCoumbaNdoffène Diouf Fa Ndebestdevenu célèbre pour avoir témoigné en faveur du fondateur de la communauté mouride, Cheikh Ahmadou Bamba. Depuis cette date, la famille royale de Diakhao a tissé des liens très forts avec Touba. D’autres mausolées de roisont aussi dans la maison royale. Il s’agit,entre autres, de ceux de LatsouckFaniamDiouf, de Diogo Gnilane Diouf et d’AmaDiouf Gnilane Diouf. Les«guelwars», cette aristocratie qui a régné dans le Sine pendant plusieurs siècles,ont toujours occupé cette maison. Depuis le premier roi Meissa Waly Dione Mané, pour diriger le Sine, il fallait être issu de la lignée des «guelwars». La dévolution du pouvoir dans la société sérèrese faisant suivant lematriarcat, on devenait «guelwar» par sa mère.