L'AFRIQUE SOUS L'EMPRISE DES PARIS SPORTIFS
De PremierBet à BetSafe en passant par SportPesa, les sociétés de paris inondent le continent de leur publicité agressive. Plongée au cœur d'une industrie qui fait main basse sur l'Afrique grâce à une manne fiscale juteuse mais au prix de dégâts humains
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Accoudé contre un mur dans la grisaille matinale, Brave Luhanga est désespéré par un coup de chance. Pour le deuxième jour consécutif, ce jeune Malawite de 15 ans se rend dans un bureau de paris de Lilongwe, la capitale, pour miser les 65 centimes gagnés en vendant des snacks à ses camarades sur des matchs de football européens sans même connaître les équipes. "Parfois ils me jettent dehors car je suis trop jeune", témoigne-t-il dans une enquête du site Bloomberg publiée le 2 novembre 2023.
Pourtant, les affaires de paris sportifs explosent sur le continent africain où l'industrie du gambling, peu régulée, a quasiment triplé ses revenus en 10 ans pour atteindre 7,3 milliards de dollars selon l'étude du cabinet H2 Gambling Capital citée par Bloomberg. Si 90% des Malawites vivent avec moins de 4 dollars par jour, les mises légales représentent déjà 0,59% du PIB contre seulement 0,3% en Allemagne indique la même source.
Parmi les acteurs majeurs, PremierBet compte des centaines de points de vente au Malawi selon l'enquête. "Quand le gouvernement a cette manne, il sera tenté de l'exploiter", analyse Tunde Adebisi, chercheur à l'université d'Ulster, interrogé par Bloomberg. Le football européen passionne les Africains et alimente les paris d'après le média américain. À Lilongwe, Pious Chirambo, gérant d'une boutique PremierBet, reconnaît "identifier facilement les joueurs accros" dans l'article.
Au Kenya également, la dépendance aux jeux ruine des vies comme celle d'Ezekiel Kimani rapporte Bloomberg. "Mon existence est totalement désorganisée, j'ai déçu mes amis et ma famille", témoigne-t-il auprès du journal.
La régulation demeure insuffisante sur le continent face aux dérives selon le média. Joseph Kamau, directeur de la clinique Primrose à Nairobi et pionnier du traitement de l'addiction aux jeux, a déjà soigné plus de 380 personnes dont des enfants de 8 ans précise l'enquête. "Le gouvernement ne mesure pas la gravité du problème", déplore-t-il dans l'article.
Malgré ses impacts sociaux préoccupants, de nombreux États africains continuent de promouvoir les paris sportifs, séduits par les recettes fiscales générées comme le souligne Bloomberg. Pourtant, ce business lucratif détourne une partie des profits vers l'étranger et pourrait, à terme, engendrer des coûts bien plus lourds pour les sociétés africaines d'après le média américain.