LE DEPARTEMENT DE MATAM OCCUPE LA PREMIERE PLACE
Violences faites aux femmes
Le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (Sit) et le comité national des femmes de l’union démocratique des travailleurs du Sénégal (cnf/uDtS) ont produit un rapport d’enquête sur les violences faites aux femmes dans cinq régions du Sénégal : Dakar, Kédougou, Kolda, Matam et Thiès. il ressort de ce rapport que le département de Matam, avec un taux de 91,58%, arrive en tête des zones où les femmes sont le plus victimes de violences. Matam est aussi en tête concernant les violences physiques, tandis que le département de Saraya occupe la première place en termes de violences sexuelles.
Un atelier de partage du rapport d’enquête sur les violences faites aux femmes a été organisé par le Comité national des femmes de l’Union démocratique des travailleurs du Sénégal (CNF-UDTS), en partenariat avec le syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT) de Genève. Cette rencontre fait suite à une enquête menée sur le terrain sur quatre formes de violences (physiques, psychologiques, sexuelles et verbales) faites aux femmes dans cinq départements du Sénégal. Il s’agit de Pikine (Dakar), Mbour (Thiès), Matam (Matam), Médina Yoro Foulah (Kolda) et Saraya (Kédougou). Ainsi, sur un échantillon de 597 personnes qui s’activent dans l’administration publique, dans le secteur informel et des apprenants (élèves et étudiants) âgés d’au moins 18 ans, 330 femmes rencontrées sont victimes de violences, soit une prévalence de 55,27% de cas de violence. Le département de Matam arrive en tête avec un taux de 91,58% de cas de violence, soit 87 cas sur 95 personnes enquêtées, loin devant le département de Médina Yoro Foulah (MIF) avec 64,28%, soit 63 cas sur 98 personnes interrogées. Le département de Mbour enregistre 58,70% de cas de violence, soit 81 cas sur 138 personnes contre un taux de prévalence de 39,13% à Saraya soit 36 cas sur 92 personnes et 36,20% à Pikine, soit 63 cas sur 174 personnes. Cependant, de manière spécifique, les violences verbales sont beaucoup plus répandues avec un taux de 73,03%. En effet, sur les 330 femmes victimes de violences, les 241 subissent des violences verbales. Celles-ci se manifestent par des insultes, des menaces verbales, des propos blessants entre autres. Les violences physiques (coups et blessures) arrivent en seconde position et affectent 39,03% des femmes, soit 129 cas sur 330 victimes. La violence psychologique, pour sa part, constitue la troisième forme de violence la plus fréquemment vécue par les femmes. Elle affecte une proportion de 35,15%, soit 85 cas sur 330 victimes, et se traduit par l’intimidation, le mépris, le rejet, le chantage, la stigmatisation entre autres. Les violences sexuelles, même si elles enregistrent les proportions les moins importantes, restent néanmoins inquiétantes, car elles affectent plus d’un quart des victimes de violences, 85 cas sur les 330 victimes, soit un taux de 25,27%.
LES ELEVES ET ETUDIANTES PLUS EXPOSEES
En tête du classement en termes de violences faites aux femmes, le département de Matam occupe également la première place concernant les violences physiques avec un taux de 59,77%, suivi du département de Médina Yoro Foula avec un taux 39,68%, alors que le département de Saraya, moins touché par ce phénomène, enregistre un taux de prévalence de 27,77% de taux de violences physiques. En ce qui concerne par contre les violences sexuelles, le département de Saraya occupe la tête du classement avec 33,33%, suivi de près par MYF avec un taux de 30,15% et du département de Matam avec 29,88%. Le département de Mbour est le moins touché avec 16,04 % et vient derrière Pikine 23,80%. Quant aux violences verbales, c’est le département de Mbour qui enregistre plus de cas avec un pourcentage de 90,12%, devant les départements de Pikine et de Saraya qui enregistrent respectivement 88,88% et 77,77%. Le département de Pikine est en tête, en ce qui concerne les violences psychologiques, avec 60,13% devant MYF 52,38%. Le département de Saraya est le moins touché avec 11,11%. L’enquête révèle également que les élèves et les étudiantes sont la catégorie sociale la plus exposée à ces formes de violences. Cette catégorie constitue 38,78% des cas, soit 128 cas sur 330 victimes recensées dans les divers espaces de vie. En plus de cette catégorie de victimes, les travailleuses de l’économie informelle et celles de l’administration publique sont confrontées à la recrudescence des violences. Le taux d’exposition à la violence s’élève respectivement à 29,09%, soit 96 cas sur 330 et 21,12% soit 67 cas sur 330. L’enquête révèle également que les femmes mariées sont plus exposées que les célibataires aux violences faites aux femmes avec un pourcentage de 44,84% des victimes, soit 148 cas sur 330. Ce taux dépasse de peu le taux de prévalence noté chez les célibataires dont le degré d’exposition à la violence s’élève à 41,81%, soit 138 cas sur 330. 2,12% de femmes victimes de violences sont des veuves et 1,81% d’entre elles sont en instance ce divorce.
VIOLENCE SUR DES FEMMES EN SITUATION DE VULNERABILITE
L’enquête révèle également que les bourreaux des femmes résident essentiellement dans le cercle familial. Les auteurs de ces violences sur les femmes sont les époux avec un pourcentage de 49,39%, soit 163 cas sur 330, et les parents proches 37,27%, soit 123 cas sur 330. En plus de ces catégories de bourreaux, les supérieurs hiérarchiques, majoritairement des hommes, sont à l’origine de ces violences avec un pourcentage de 26,66% soit 88 cas sur 330. En outre, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, 34% des victimes qui ont subi ces différentes formes de violences, soit 112 cas sur 330, étaient en situation de handicap, soit en état de grossesse ou malades. Ce qui montre, selon le rapport, que ces violences sont exercées sans égard à la situation de vulnérabilité des femmes. Un manque de sensibilité qui se justifie dans certains cas par la «consommation de substances psycho actives» telles que la drogue ou l’alcool. En effet, il ressort de l’enquête que 28,18% des victimes, soit 93 sur 330 victimes, estiment que leurs bourreaux sont des consommateurs réguliers ou occasionnels de produits déstabilisants. Cependant, en dépit de ces violences subies, 146 femmes sur les 330 soit 43,25% restent passives après avoir subi un acte de violence. Néanmoins, les 55,75% soit 184 victimes sur 330 intentent des réactions quelconques. A cet effet, les formes de réactions sont généralement d’informer les parents ou les supérieurs hiérarchiques, 66,30% des cas, seules 10,86% intentent des procédures judiciaires.
DR ISMAILA SENE SOCIOLOGUE : certaines femmes réagissent de façon extrême à la violence
Cet atelier sur les violences faites aux femmes organisé par le projet SIT/CNF-UDTS a servi de tribune aux organisateurs pour réfléchir sur les solutions préconisées face à la situation de vulnérabilité des femmes qui devient de plus en plus alarmante. Selon Ndèye Adja Diakhaté membre du projet, des comités de veille seront mis en place dans les cinq régions concernées par l’enquête. Ce qui permettra, dit-elle, de sensibiliser, d’accompagner et de prendre en charge sur le plan sanitaire et psychologique ces couches vulnérables. Le sociologue Ismaïla Sène, qui a dirigé cette enquête, préconise la même démarche. A l’en croire, il urge de penser à des mécanismes de prise en charge des victimes. Il préconise d’abord de prendre en charge l’hébergement de ces dernières. D’autant que, souligne-t-il, une femme violentée reste exposée à la situation de violence, si elle doit passer la nuit avec son bourreau. Si c’est son parent, elle reste exposée à la violence. «Il faut également mettre en place des stratégies d’écoute pour aider les victimes à se mettre dans une posture de résilience», indique le sociologue. S’agissant cependant du nouveau phénomène qui place la femme comme auteure de violence, le sociologue rappelle que nous sommes dans une société violente. «Certaines femmes vivent parfois des violences qui les poussent à réagir. Malheureusement, quand elles réagissent, elles le font à l’extrême», explique Dr Ismaëla Dieng.