« LE JOUR OÙ J’AI DIT NON AU POUVOIR »
Quand la première femme sénégalaise procureure de la République, Dior Fall Sow, revisite sa carrière, l’affaire qu’elle retient est relative à un meurtre commis à Guet Ndar, à Saint-Louis, qu’elle a eue à instruire
Quand la première femme sénégalaise procureure de la République, Dior Fall Sow, revisite sa carrière, l’affaire qu’elle retient c’est celle relative à un meurtre commis à Guet Ndar, à Saint-Louis, qu’elle a eue à instruire. « Cela fait des années, narre-t-elle, on avait tué une personne à Guet Ndar et c’était quelqu’un du parti au pouvoir (régime socialiste) qui l’avait assassiné. A l’époque, j’étais procureure, c’est moi-même qui avais fait l’enquête, avec la police. On est allé dans les maisons. Et, à Guet Ndar, les deux (2) maisons étaient côte-à-côte. Et la famille de la victime avait dit que ’’la première personne qui sortait, elle allait la tuer’’. Je suis allée sur les lieux quand je faisais l’enquête et je leur ai dit ’’ne faites pas ça parce que si vous faîtes ça, vous allez commettre un meurtre et je vous arrête’’. Ils ont dit ’’non, non, parce qu’on ne croit pas en la justice. Il n’y aura pas de suite parce que c’est une personne qui est membre du parti au pouvoir’’. Je leur ai dit ’’de toute façon, je représente la justice, et l’affaire ira jusqu’au bout. C’est un engagement personnel que moi je prends en tant que magistrat’’. Et je suis allée jusqu’au bout. C’est la seule fois que j’ai reçu deux (2) appels du ministère de la Justice pour essayer de faire pression sur moi et j’ai refusé. »
Ce, pour l’invitée du Jury du dimanche (JDD) de Mamoudou Ibra Kane, ce 23 juin, de dire que « l’indépendance de la justice, c’est d’abord une question de personnalité » du magistrat. Par conséquent, « il appartient donc aux Cours et Tribunaux d’assurer cette indépendance. »
Dior Fall Sow de poursuivre : « C’est l’article 7 du statut qui dit que les magistrats du Parquet sont sous la direction et le contrôle de leur supérieur hiérarchique et sous l’autorité du ministère de la Justice. Personnellement, j’ai gardé le premier tronçon dans toute ma carrière à savoir que j’étais sous la direction de mon supérieur hiérarchique à savoir le Procureur général, et que peut-être lui était sous l’autorité du ministère de la Justice. C’est la raison pour laquelle justement dans cette affaire de Guet Ndar, j’ai été interpelée deux (2) fois par le ministère de la Justice. On m’a demandé, c’était à l’information que j’avais ouvert pour meurtre, de disqualifier en coups mortels. J’aurai pu ne pas répondre mais j’ai fait exprès de répondre que si l’information était bien faite j’allais requalifier en assassinat, ce qui est plus grave. »
Gênée que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) soit présidé par le chef de l’Etat, Dior Fall Sow est d’avis « qu’on doit couper ce cordon ombilical ».