LES RAISONS D’UN DESAMOUR
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a certaines mamans qui n’éprouvent pas un sentiment d’amour envers leur propre progéniture, leurs propres filles notamment. Les conflits mère-fille font légion. Bés bi a essayé de savoir les raisons...
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Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a certaines mamans qui n’éprouvent pas un sentiment d’amour envers leur propre progéniture, leurs propres filles notamment. Les conflits mère-fille font légion. Bés bi a essayé de savoir les raisons de ce phénomène.
Rokhaya Ndiaye a des enfants de pères différents. Mais elle ne voue pas le même amour maternel pour eux. La victime de cette ségrégation est sa fille aînée, Seynabou. Elle ne cesse de la frapper, de l’insulter, créant un sentiment de frustration certaine de la part de sa fille. A ses voisins qui lui reprochent d’être violente envers sa propre fille. Durant son adolescence, la jeune femme avait été violée par un parent proche. Elle en a beaucoup souffert. Ce viol semble avoir détruit sa vie car son traumatisme était tel que son ménage en avait pris un sacré coup. Seynabou, sa fille, lui rappelle toujours son bourreau, cet homme responsable de toutes ses souffrances.
«C’est un transfert négatif»
«Chaque fois qu’elle voit sa fille, cela lui rappelle le viol. Elle a une colère interne, un déchirement enfoui dans sa mémoire et qu’elle exprime. La présence de la fille lui rappelle une histoire traumatisante et elle fait un transfert négatif. C’est pourquoi il est important que ces personnes soient suivies par des psychologues», a dit le sociologue Djiby Diakhaté. «Les femmes violées ont besoin d’être accompagnées sur le plan psychologique car elles ont vécu une situation de déchirement qui l’ont profondément troublé», ajoute-t-il. Mais il n’y a pas que cette situation qui explique les rapports conflictuels entre mère et fille. Ce sont deux femmes qui n’ont pas les mêmes destins et dont les relations sont marquées par des accords et des désaccords, d’éloignement et de rapprochement. En fait, il est clair que les relations fille-père sont en général beaucoup moins conflictuelles que celles entre mère et fille. «Je ne peux pas vraiment comprendre l’attitude de ma mère. Elle est insensible à mon sort de jeune fille divorcée qui ne sait que faire avec des enfants dont le père a démissionné de ses obligations de les nourrir. Ma mère ne me soutient pas. Elle ne veut même pas que je vive dans la maison de mon père», confie Rama. «Au Sénégal, quand une femme non mariée loue une chambre, elle est mal vue. On la traite de prostituée à tort. C’est une situation très dure. Non seulement, nous n’arrivons pas à bien prendre en charge nos enfants mais nous sommes traitées de tous les noms d’oiseaux. Vraiment, si ma mère acceptait que je loge avec elle, je le ferais même si je sais que ce ne serait pas facile pour moi. Mais entre deux maux, il faut choisir le moindre», ajoute Rama qui tente de cacher son mal-être par un sourire.
Mères autoritaires et dictatrices
Certaines mères, dans leur rôle d’éducatrice, scrutent les moindres faits et gestes de leurs filles au point d’être considérées comme des dictatrices. «On peut considérer, dans une dynamique de prise en charge de sa progéniture, que la maman ait un dispositif d’éducation très strict surtout dans un contexte de crise des valeurs où l’enfant a une marge de liberté», analyse le sociologue Djiby Diakhaté. «Pour éviter que sa fille s’adonne à des actes déviants, la maman a une façon rigoureuse de s’occuper de son éducation. Elle a un regard sur son agenda scolaire, ses appels téléphoniques, fouille son sac. Le conflit s’installe. La fille entre dans une sorte de rébellion face au désir de sa maman de la surveiller», ajoute le sociologue. En fait, cet «amour-colle» auquel aspire la fille et qui l’aide à se construire finit par l’étouffer car elle tient en un moment donné à se libérer du joug de sa mère et voler de ses propres ailes. C’est pourquoi il est important que la mère veille à ce que son pouvoir ne se transforme pas en dictature. Les relations mère-fille ne sont donc pas simples. Les conflits sont inévitables car il s’agit de deux femmes qui cherchent à élaborer ensuite à séparer leurs destins féminins.